Épilogue

Il a repris des couleurs. Du poids, et de l'espoir. Il croit à nouveau en la justice. Il a espoir en la vie. Je vais le voir chaque fois que je le peux, pour l'aider, mais aussi et surtout pour me rattraper.

J'aurais dû suivre mon instinct. J'aurais dû l'écouter, et le soutenir. J'aurais dû hurler au monde son innocence lorsqu'il ne pouvait plus le faire.

Parce que, c'est ce qu'il est, au final.

Mon père est innocent.

Je lui fais à manger et nous passons l'après-midi à jouer aux dames. Il retrouve peu à peu le sourire et ça me rassure, quelque part, de me dire que tout ça ne l'a pas détruit et qu'il retrouve un peu de normalité dans cette vie difficile.

Il y a six mois qu'a eu lieu le verdict. Et évidemment, cela fait six mois qu'Arès cherche à me joindre. Je ne prends pas ses appels et il a au moins la bonté d'âme de ne pas intervenir dans mon quotidien sans mon accord. Il s'est excusé à plusieurs reprises. Il m'a supplié, même, de lui laisser la chance de le faire en personne.

Seulement... je ne suis pas prête, pour ça. L'entendre me prononcer ces mots, dont j'ai tant rêvé, alors même que je m'étais fait une raison, s'avère beaucoup plus dur que prévu.

En dépit de cela, il me manque. Terriblement et chaque jour un peu plus, surtout depuis que j'ai revu son visage. Ses yeux, sa bouche, son corps, qui, en dépit des années, appelle encore le mien.

On m'a privé de mes droits, il y a bien longtemps de cela. On m'a empêché de hurler ce que j'avais à dire, on m'a rejeté, on m'a menti, on m'a humilié, et si je sais quelle place j'ai été heureuse de quitter, je suis aussi certaine de celle que je ne veux pas prendre. Arès m'a blessé, mais je ne souhaite pas être celle qui lui interdit de s'exprimer.

Seulement, je dois bien admettre que j'ai peur. Je suis tétanisée, en fait, qu'on ne puisse pas affronter tout ça. J'ai peur qu'il me fasse à nouveau du mal et que, cette fois, ça me soit fatal.

Alors, je continue de l'ignorer, même si ça me devient de plus en plus difficile. Je l'ignore, sans pour autant ignorer mon cœur qui s'emballe à chacune de ses sollicitations. Je prends le temps nécessaire à la réflexion et j'essaye de survivre à tout ça sans me jeter à corps perdu dans cette relation aussi enflammée que destructrice.

Ce n'est que trois mois plus tard, qu'il perd patience.

Après avoir tenté de me joindre une nouvelle fois, en vain, il me laisse un message.

« J'arrive. »

Un tout petit texto, et mon corps entier s'embrase.

Nous sommes en décembre, la neige tombe à l'extérieur. Néanmoins, je décide de l'attendre devant la porte afin de préserver notre intimité. Ma mère et moi avons retrouvé notre maison d'antan, qui n'a jamais réussi à être vendue. Alors, grelotante de froid, le regard rivé vers les étoiles, je patiente en imaginant son discours. Je suis aussi angoissée qu'impatiente de pouvoir enfin le revoir, et je me maudis soudain de cette distance difficile bien que nécessaire que je nous aie imposé.

Le silence m'accompagne dans cette phase de paix et de réflexion.

Et puis, soudain, un moteur.

Une voiture.

Mon cœur, qui tachycarde.

Et lui, enfin.

Il descend et se plante devant moi.

Debout, dans sa veste noire épaisse, ses cheveux bruns dissimulés sous un bonnet oversize, il est à tomber. Ses yeux bleus me scrutent avec attention. La lune se reflète à travers eux, quand d'une main douce, il vient effleurer ma joue, pour ensuite m'octroyer tout l'espace dont j'ai besoin.

— Je suis désolé, chuchote-t-il alors.

Son regard passe de l'émerveillement à la torture. Il baisse le menton un instant, puis revient à moi.

— Ne me fuis plus, s'il te plaît.

Sa voix rauque et impatiente m'implore autant qu'elle m'ordonne. Je déglutis sous l'insistance de ses iris. Cette tension délicieuse que je n'ai pas ressentie depuis trop longtemps me grise.

Je me mords la lèvre et avec insolence, à l'image de nos débuts, je réponds :

— Ne me dit pas ce que je dois faire.

Un léger rictus soulève ses lèvres avant que je ne reprenne :

— Donc... tu voulais qu'on parle ?

Mais il me donne tort en secouant la tête à la négative.

— En réalité, je voulais surtout que tu écoutes.

Je hausse les sourcils, alors qu'il marque un pas qui le rapproche de moi, arrimant son regard au mien.

— Quand tu es partie, tu as laissé le garçon que j'étais sur le pas de la porte, noyé dans le deuil, le désespoir et la connerie.

— Arès...

— Non, attends, je t'en prie.

Il m'intime de me taire d'une voix emplie d'émotion et je l'écoute me dire :

— L'homme que je suis devenu a passé cinq années à essayer de trouver les mots justes pour te dire combien je suis désolé. J'ai compté les jours, j'ai pleuré chaque nuit, et puis... j'ai compris. Il n'y en a pas. Il n'y en aura jamais.

Je baisse les yeux, les larmes au bord des cils, mais il ne s'arrête pas.

— Je me suis fait violence, priant pour que la vie apaise ta peine au même titre qu'elle abreuvait la mienne.

Il incline le menton, souffle un coup. Puis plante ses yeux bleus directement dans mon âme.

— Cinq ans que ma bouche ne réclame que la tienne. Que mon corps n'a besoin que du tien. Sans toi, je suis perdu, vide et triste. Je ne peux plus ressentir ça, Noa. La gorge nouée, le manque, et cette douleur, constante et bien enracinée, juste-là...

Il pose une main sur son cœur et une larme roule sur sa joue, invitant celles qui me brûlent les paupières à la rejoindre en glissant sur les miennes.

— J'ai passé chaque jour loin de toi à me jurer que si j'avais la chance de me trouver à nouveau devant toi, je ne la laisserais pas passer. Ici et maintenant, je te donne tout ce que j'ai, en commençant par ma sincérité.

Ses sourcils haussés lui donnent un air suppliant en attendant son propre verdict. Il approche, encore un peu, ne laissant plus que quelques centimètres nous séparer.

— Laisse-moi la possibilité de faire mieux. Je veux réparer mes erreurs et tout recommencer à zéro. Je suis prêt à faire tout ce que tu voudras, tu dois me croire, et même à me contenter d'un rien, mais je t'en prie, ne m'oblige plus à rester loin de toi.

Il attrape mes mains, caresse mes doigts.

— Je veux te retrouver, t'aimer, et même t'épouser, Noa Parker. Mais par-dessus tout, là, je veux t'embrasser. Alors, arrête-moi maintenant. Ou bien... ne m'arrête plus jamais.

Je me mords la lèvre doucement. Je feins l'hésitation, mais au fond de moi, je sais que je ne suis plus capable de vivre loin de lui après ça. Reprendre une vie où il n'est pas m'est désormais impossible.

La seule chose qui nous séparait a fini par nous réunir, c'est ironique, mais aussi tellement vrai. C'est pourquoi j'acquiesce légèrement, ce qui ravive ses prunelles, puis je tends une main assurée vers lui pour, comme promis, tout recommencer :

— Noa Parker. Enchantée.

Un réel sourire traverse son visage avant qu'il ne s'en saisisse enfin.

— Arès Santos.

Et il me sert la main, ses yeux bleus ancrés profondément dans les miens, avant de m'attirer complètement à lui pour écraser ses lèvres sur les miennes, signant la première page d'une nouvelle histoire.

De notre nouvelle histoire.


FIN






Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top