4.
L'eau qui coule sur mes épaules suffit un peu à me détendre. J'ai pris mon temps et attendu que tout le monde soit parti pour me doucher après le cours de sport.
La chaleur qui se répand sur ma peau me fait du bien. Je passe un long moment comme ça, à me laisser aller et à profiter du peu de répit que l'on m'offre. Ça ne fait qu'une semaine que le lycée a repris, mais je ressens déjà la fatigue d'une année complète de débauche.
Tout est calme. Trop calme.
Tellement, que quand je sors de la douche, enveloppée dans une serviette éponge, je reste stoïque en ne voyant plus mes vêtements. Je cherche, dans mon sac, sur le porte-manteau, dans tout le vestiaire, en vain.
Je souffle un bon coup en comprenant alors ce qui se passe. Le peu de répit a pris fin bien plus vite que je ne l'avais prévu.
Les larmes au bord des yeux, je ravale la boule qui me monte à la gorge pour réfléchir à une solution qui n'impliquerait pas de me retrouver presque nue devant tout le lycée. L'ennui, c'est qu'à cette heure de la journée, les couloirs sont bondés et que sans mes vêtements, je n'ai pas beaucoup d'autres dénouements possibles.
Soudain prise d'une illumination, je sors mon téléphone pour appeler celle qui me sauvera à coups sûrs ; Maddy. Malheureusement pour moi, c'est sur son répondeur que je tombe et après avoir laissé un message de détresse, je raccroche, les mains tremblantes de colère.
C'est donc bien arrivé. Après que ma vie entière ait été détruite et mise à nue à cause de mon père, c'est mon corps et ma réputation qui vont être malmenés et montrés au monde.
Je m'assieds sur le banc un instant. Peut-être que si je ne bouge pas, quelqu'un finira par me trouver et m'apporter de l'aide ? Peut-être que ce sera un coach venu faire le tour des vestiaires pour s'assurer qu'il n'y a plus personne avant de fermer. Je suis prête à attendre le temps qu'il faut pour m'éviter ce genre de honte.
Ou peut-être pas. Peut-être que dans cinq minutes, la prochaine classe va arriver et me découvrir ainsi, à moitié nue et cogitant tellement que mon cerveau fumera.
Je souffle longuement, prends une grande inspiration et me relève brusquement. Ils ont le droit de m'en vouloir, c'est légitime et je savais ce qui m'attendait en revenant ici, bien que je n'en aie pas vraiment le choix.
Mais je refuse de me laisser abattre. S'ils veulent jouer, autant que la partie soit équitable et qu'ils ne tirent aucune satisfaction de tout ça.
S'ils veulent jouer... autant qu'ils aient un véritable adversaire avec qui le faire.
***
Après une éternité d'hésitation à me demander si c'est vraiment la bonne décision, je redresse la colonne et d'un pas décidé, rejoins la porte du vestiaire. Quand je l'ouvre, le brouhaha du couloir me foudroie sur place et je crois me dégonfler comme un ballon de baudruche.
Ce sont uniquement les regards satisfaits et les rires en écho qui me permettent de ne pas abandonner. Alors, doucement, les pieds nus et mouillés, je me concentre pour sembler sûre de moi et ne pas m'affaler sur le sol.
Je remonte le corridor en essayant d'ignorer le ton moqueur qu'emploient les gens en parlant de moi et me force même à leur sourire malgré ma gorge nouée. Ça paraît fonctionner, puisque les sourcils se froncent et les yeux se brident en regard ravageurs plutôt que railleurs.
Je me dirige vers mon casier désormais réparé pour récupérer ma blouse de chimie — seul vêtement qui pourrait couvrir ma nudité — quand je m'aperçois que ma tenue volée a été déposée sagement au pied de celui-ci.
Je la ramasse, mais, si mon jean est en bon état, mon chemisier blanc lui, regorge d'eau. Il dégouline le long de ma main et je me rends compte que je vais devoir passer le reste de la journée dans un habit trempé, quitte à attraper une pneumonie en sortant.
Bien sûr, je leur camoufle une fois de plus ce que je pense réellement et fais demi-tour pour me rendre aux vestiaires. Au moment où j'atteins la porte, je fais face à un mur de chair. Le nouveau me dévisage sans scrupule. De près, il est bien plus intimidant. Des yeux bleus aussi sombre que la mer en pleine tempête. Une mâchoire carrée, des cheveux brun foncé en bataille, une barbe naissante et des sourcils épais, il n'a rien d'un adolescent de tout juste dix-sept ou dix-huit ans.
Il a une carrure imposante par sa grandeur et ses épaules moulées dans un tee-shirt blanc lui font une silhouette athlétique juste ce qu'il faut.
Il ne cesse de me regarder, ses yeux faisant des allers-retours entre le haut de ma serviette et le bas, sa considération inexpressive, mais semblant tout de même en pleine réflexion.
Il me bloque le passage et n'a pas l'allure de vouloir déguerpir. Alors, je me racle la gorge.
— Tu pourrais... bouger ?
Sa mâchoire se contracte légèrement puis, sans répondre, il se contente de glisser sur le côté pour me laisser libre déplacement.
Je me jette à l'intérieur du vestiaire et relâche donc tout l'air contenu dans mes poumons. Je souffle, je respire, je recommence pendant un moment jusqu'à ce que mon cœur ralentisse et que ça m'apaise un peu.
Là, j'enfile enfin mes vêtements à l'abri des regards.
— Tu devrais mettre ça, propose soudain une voix anonyme qui tranche avec le silence.
Je sursaute et me retourne brusquement. L'inconnu me fait face à nouveau, son visage absolument neutre.
Il me jette quelque chose que je rattrape en plein vol.
En dépliant la boule dans mes mains, je me rends compte qu'il s'agit d'un simple tee-shirt noir à l'effigie des guns n'roses. Vu la taille, ce doit être le sien.
Je fronce les sourcils.
— Pourquoi devrais-je mettre ton tee-shirt ? lancé-je sur la défensive.
— Parce que tu es trempée.
Sa voix masculine au possible me reste au fond des entrailles, mais son ton sûr de lui me déplaît.
— Je n'ai pas besoin de toi. Ni de ta pitié, grogné-je presque.
Ses yeux bleus s'enfoncent dans les miens.
— Comme tu voudras.
En se retournant pour partir, il s'arrête devant la porte et me jette un dernier coup d'œil.
— Cependant, il y a des choses qu'il vaut mieux garder secrètes.
Son regard glisse sur ma poitrine et me fait baisser la tête. Mes pupilles s'élargissent quand je me rends compte que mon chemisier est si trempé que l'on voit à travers et que je viens de lui offrir une appréciation directe sur mon soutien-gorge en dentelle.
Mécaniquement, je sers le tee-shirt contre moi pour me cacher de ses yeux ravageurs, mais en relevant le visage, il a disparu.
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