32.

[SEXE]


Nos moments ensemble repassent en boucle dans ma tête.

Ses mains rugueuses aux infinies caresses, sa peau hâlée reflétant l'ardeur de nos ébats. Le bleu de ses yeux, si sombre lors des tempêtes mais si clair durant les accalmies.

Sa chaleur, son odeur, ne se mélangeant que trop bien à la mienne. Sa douceur, sa voix rauque, son souffle court.

Ses bras, fermes et attirant.

Je n'oublie rien. Mon corps ne le fait pas non plus.

Chaque parcelle de son être est gravée en moi, sur ma peau, dans mon cœur, dans mon esprit, tourmenté par le manque.

Non, je n'oublie rien.

Chaque étreinte est gravée dans mon âme, n'attendant qu'une seule chose : qu'elle se renouvelle.

— Chérie ? Tu m'entends ?

J'ouvre les yeux doucement. Allongée dans mon lit, le décor familier me rassure. Ma voix reste coincée dans ma gorge durant quelques secondes, où j'acquiesce simplement, dévisageant ma mère au teint fantomatique. Blafarde et agrémentée de cernes monstrueux juste sous les yeux, elle fait peur à voir.

Et bien sûr, c'est encore de ma faute.

— Comment tu te sens ? s'inquiète-t-elle en me caressant la main avec délicatesse.

— Bien, affirmé-je d'une voix enrouée.

— Tu te souviens de ce qu'il s'est passé ?

J'hoche la tête, non sans difficulté.

— Je suis tombée dans la piscine du lycée.

Elle opine du chef, les yeux vitreux.

— Heureusement que ce garçon était là. Alan, c'est ça ?

Son visage se tord en un abominable rictus, pendant que je réalise, les sourcils froncés. Le calme règne, dans ma chambre. Et pourtant, les rires ingrats des autres élèves ne cessent de me tourmenter, encore et toujours.

— Repose-toi, ordonne maman en se levant. On pourra discuter un peu plus tard.

Elle embrasse mon front et je peux sentir ses lèvres trembler en effleurant ma peau. Je serre la mâchoire pour empêcher les larmes de couler face à l'ampleur de la situation qui m'a encore poussée à un tel résultat, et interdit à mon esprit de vriller.

Mais être forte me demande beaucoup trop d'énergie.

Alors qu'elle referme la porte, je sanglote en remontant les draps sur mon visage. Je n'ai plus d'échappatoire. Je n'ai plus non plus de raison d'avoir envie d'en trouver une. J'ai beau creuser, je n'ai plus aucune chance de m'en remettre.

À part peut-être en changeant de continent. En disparaissant, pour tout reprendre à zéro. En devenant quelqu'un d'autre, dans un monde où ce qu'a fait mon père n'existe pas.

Alors, la rage au ventre, je me relève en vacillant un peu. Une fois stable, je descends les escaliers pour retrouver ma mère assise à la table du salon, une tasse de café fumante entre les mains.

Et avec la voix la plus assurée que je trouve, sous son regard quelque peu étonné, je lâche :

— Il faut qu'on parle, maman. Mais avant, il y a quelqu'un que je veux remercier.

***

Un, deux, trois. C'est le rythme de mon cœur qui bat à tout rompre. C'est aussi le numéro doré qui est gravé sur la porte blanche qui se dresse devant moi.

Trois. C'est le nombre de coups que mon poing cogne sur cette porte. C'est également le nombre de secondes interminables qui se passent avant qu'elle ne s'ouvre, sur un regard ensommeillé.

Sur un corps immobile et dominant.

Sur une bouche qui frémit.

Sur une mâchoire contractée.

Et sur un visage impassible, bien qu'un peu étonné.

— Arès.

Je suffoque, sur le pas de la porte. Devant ce refuge qui m'est presque inconnu. Devant ce garçon aux traits angéliques et sous ses yeux qui me scrutent.

— Noa ?

Il fronce les sourcils et son regard se perd derrière moi une seconde.

— Qu'est-ce que tu fais là ? s'inquiète-t-il.

— Je...

Le peu de souffle m'échappe et je baisse le regard. Mon muscle cardiaque ne prend pas de repos. Il s'acharne à l'intérieur de ma poitrine.

— Tu... ?

Je relève des yeux alors qu'il incline la tête, impatient.

— Je suis venue te remercier, Arès.

Il déglutit difficilement. Puis en se redressant, balance en haussant les épaules :

— Merci, pourquoi ?

— Parce que tu m'as sauvée, réponds-je en avançant d'un pas, un sourcil haussé.

Mais il se contracte à ce geste et me toise pour mettre un peu de distance entre nous.

— C'était Alan. C'est lui qui t'a ramené chez toi.

Je souris doucement.

— C'est peut-être lui qui m'a ramenée, mais c'est toi qui m'as sortie de l'eau.

— Et comment tu peux savoir ça ? crache-t-il, plein de hargne.

Son regard se perd à nouveau sur la rue et cette fois, je rive le mien vers celle-ci également. Rien à l'horizon, je me demande si ce geste se traduit par une simple nervosité ou s'il attend vraiment quelqu'un.

Peut-être Maddy ?

J'ignore cette supposition, et, à la place, je lui réponds :

— Je le sait, parce que je l'ai senti. J'ai reconnu tes bras. J'ai reconnu ton odeur. J'ai reconnu ton corps, parce que le mien s'en souvient et le réclame chaque jour.

Il baisse les yeux comme si mes mots le blessaient. Toute colère s'envole pour laisser place à la résignation.

— Très bien, admet-il. Mais... ça ne change rien.

— Ça change tout ! vociféré-je en rompant la distance qui nous sépare. Tu pensais que je ne le découvrirais pas ? Et le lycée alors ?

— Personne ne t'aurais rien dit, assure-t-il avec une franchise qui me déroute.

— Comment ça ?

Il se mord la lèvre et mon cœur loupe un battement.

— Pourquoi ? questionné-je, blessée.

— Parce que je leur ai demandé de ne pas le faire.

Là, c'est moi qui déglutis.

— Pour quelles raisons tu...

La réponse me parvient comme une illumination et m'empêche de finir ma phrase. Mon cœur, alors qu'il frôlait la frénésie, stoppe son acharnement.

— Tu ne voulais pas que Maddy le sache...

Il écarquille les yeux et fronce les sourcils l'instant d'après.

— Maddy ? s'exclame-t-il d'un timbre tranchant. Pourquoi penses-tu que ce qu'elle croit m'importe, putain ?

Il secoue la tête, nerveux, avant de reprendre.

— Non, c'est juste... que je ne voulais pas être la personne qui soit forcée de te dire la vérité.

Et je secoue la tête à mon tour.

— Qu'est-ce que tu veux dire par-là ?

Ma voix tremble.

— Ils t'ont droguée, soupire-t-il après quelques secondes. Ils t'ont regardé te noyer et s'en sont même amusé, Noa. Et même si ça me tue de l'admettre, je n'ai pas le droit d'être celui qui te prends dans ses bras après ça.

— Parce que tu n'en as pas envie ?

Il fronce les sourcils, avance et prend mon visage en coupe. Ses iris dans les miens, il contre d'une voix affublée :

— Parce que tu me l'as interdit.

Mon corps semble peser trois tonnes. Mes yeux brûlent et aucun son ne réussit à sortir de ma gorge.

Savoir que j'ai été droguée à mon insu me dérange. Savoir qu'ils en ont profité pour s'amuser de ma détresse m'embête. Mais par-dessus tout, ce qui me brise réellement le cœur, ce qui m'empêche vraiment de respirer, c'est d'entendre qu'Arès ne peux plus être là pour moi et ce, par ma propre faute.

Je reste donc là, impuissante, à le regarder m'avouer tout ça sans pouvoir le contredire. Ces quelques mots sonnent comme un violent coup de tonnerre en plein poumons. Ils m'envahissent, me combattent, et finissent par m'avoir à l'usure.

Je laisse échapper une larme, qui roule sur ma joue refroidie par l'extérieur. Ses yeux bleus ne quittent pas les miens, mais changent soudain d'expression. Une lueur de tristesse les animent désormais, je déteste ça.

— Pourquoi m'as-tu sortie de là, si c'est pour regretter ensuite ? demandé-je, anxieuse. Tu aurais pu me laisser couler, comme les autres l'ont fait.

Ma voix tressaute de peine alors qu'il me fusille du regard, relâchant mon visage.

— Tu penses que je regrette ? réplique-t-il.

— J'en suis sure.

— Alors, tu ne me connais pas.

— C'est vrai. Je ne sais plus qui tu es.

En rivant les yeux vers le sol, j'avoue tout de même :

— Et pourtant, je continue de t'aimer à m'en rendre folle.

Ses sourcils bruns se froncent davantage alors que je relève mon attention sur son visage tiraillé. Un regard de plus derrière moi et ses yeux s'obscurcissent. Le muscle de sa mâchoire se resserre.

— Viens avec moi, ordonne-t-il alors en attrapant ma main.

Rapidement, il me fait entrer, grimpe les marches des escaliers en me forçant à le suivre, et entre dans sa chambre. Elle n'a pas changé, depuis la première et dernière fois. Mais je n'ai pas le temps de la contempler en détail qu'il me plaque contre le mur avec une force maitrisée.

— Tu n'aurais pas dû venir, tonne-t-il en approchant dangereusement son visage du mien.

— Je sais.

— Et je n'aurais pas dû te laisser faire.

— Mais tu l'as fait.

— Tu dois arrêter ça, Noa.

Je ne sais pas s'il supplie ou exige. Son regard perçant me neutralise.

— Arrêter, quoi ? tenté-je d'une faible voix.

— Arrêter de me repousser pour revenir me chercher. Arrêter de me rendre fou, avec ces mots qui me hantent, chaque nuit.

Je t'aime... ? C'est de ces mots dont tu parles ?

Il rive son visage vers le sol et déglutit difficilement, comme si ça lui demandait une force qu'il n'a plus.

— Ces mêmes mots qui me tuent à chaque fois que tu les prononce, avoue-t-il alors.

— Arès...

Mon pouce vient frôler sa joue et il ferme les paupières.

— Je n'ai plus envie de lutter, chuchoté-je d'une voix brisée.

Son regard me réapparait pour laisser le bleu de ses yeux m'envahir. Il me sonde, silencieux, puis se lèche la lèvre inférieure dans un geste plus doux, moins en colère.

— Et moi, je n'ai jamais eu envie que tu le fasses... réponds-t-il alors, le ton grave.

Une seconde de tension et sa bouche avide vient soudain se nourrir de la mienne. Son corps se presse contre le mien et me piège contre le mur de cette chambre qui manque de luminosité.

Je passe mes bras autour de sa nuque et me rapproche de lui jusqu'à ce qu'il me soulève brusquement pour me déposer sur son lit. Là, il écarte mes jambes d'un geste décidé, appuyant son bassin contre le mien. Son érection puissante m'oblige à me cambrer.

J'en veux plus.

Plus de lui. Plus de nous.

Il ôte mon tee-shirt et vient déposer une ligne de baiser le long de mon épaule nue. Puis sa bouche descend le long de ma poitrine, de mon ventre, de ma peau qui frissonne, juste au-dessus de ma ceinture.

Un regard, une requête, et j'accepte de me donner à lui totalement. Il déboutonne mon jean avec impatience, descend ma culotte avec envie et sa bouche retrouve mon intimité trempée pour lui. Sa langue joue avec mes limites. Il entre, sort, s'active et me provoque supplice et frissons.

— Putain tu es tellement...

Il secoue la tête entre mes jambes et je me tente à lui demander, à bout de souffle :

— Tellement quoi ?

— Tellement toi... achève-t-il avant de replonger dans les tréfonds de mon plaisir.

Alors que je sens l'orgasme m'envahir, je le repousse en me redressant. Il lève un sourcil inquisiteur quand je l'attire à moi.

— Je te veux en entier, argumenté-je.

Il dépose un baiser humide sur mes lèvres.

— Mais je suis à toi, Noa. En entier et depuis toujours.

Habilement, il ôte son tee-shirt noir et son jean et vient se placer au-dessus de mon corps fébrile de désir. Sa queue pousse en moi et se fraie un chemin dans ma moiteur, avec tant de facilité que je jette ma tête en arrière.

C'est trop bon. Si bien que je manque de jouir sur le coup. J'arrive à me concentrer pour retarder le moment fatidique et il entame un rythme endiablé et délicieusement indocile. L'extase monte en flèche et me surprends en même temps que lui, dans un orgasme brutal et déchainé.

Le visage enfoui dans mon cou, il grogne mon prénom et se laisse aller en moi, encouragé par mes coups de bassin qui en redemande déjà.

Essoufflé, il se laisse ensuite tomber à mes côtés, ses doigts caressant une mèche de mes cheveux, son regard assombrit redevenu plus clair, ses lèvres audacieuses embrassant ma joue, puis ma bouche, pour venir se poser sur mon front.

Il se recule légèrement pour mieux me contempler, juste avant de lâcher, ses yeux douloureux ancrés dans les miens :

— Si tu m'aimes vraiment... ne m'oblige plus jamais à vivre sans toi.

Et je me mords la lèvre.

— C'est promis.



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