21.
Je passe bien une demi-heure à me contempler dans le miroir. Mes cuisses nues exhibées ainsi sous le tissu couleur menthe me donnent du fil à retordre dans l'acceptation de moi-même.
Suis-je vraiment sûre de vouloir faire ça ?
Non, probablement pas.
Suis-je certaine de vouloir le faire avec Arès ?
Là, la réponse est plus évidente.
Je réajuste sans cesse la robe qui tire sur le pastel et qui fait ressortir mes yeux. Pour la première fois, j'ai laissé le maquillage simplifié au placard et aie opté pour quelque chose de plus sophistiqué. Une touche de gris électrique au-dessus des yeux, un teint amélioré et qui met en valeur ma peau légèrement hâlée, un rouge à lèvres nude et qui repulpe ma bouche, juste ce qu'il faut.
Je ne crois pas m'être déjà vu aussi... sexy. J'ai fait l'effort du siècle ce soir, car sortir dans cette tenue me demande de lâcher prise et me coûte beaucoup plus que ce que je ne veux bien admettre.
Pourtant, cette robe que ma mère m'a donnée est tout à fait magnifique. Des manches bishop et une jupe évasée et légère qui tombe à mi-cuisses, je me sens vraiment femme. L'ennui, c'est que si j'adorerai cette tenue pour aller à un mariage ou à un gala de charité, je ne crois pas que l'enfiler pour se rendre à une soirée étudiante soit bien réfléchi.
Le klaxon qui retentit à l'extérieur de la maison m'empêche de toute façon de faire marche arrière. J'attrape ma veste en jean et mon petit sac à main et descends les escaliers en trombe. Ma mère s'arrête net à la vue de sa fille, transformée. Elle ouvre grand la bouche et après une seconde de bug intense, se rue dans mes bras, les larmes aux yeux et la voix tremblante.
— Tu es magnifique, ma chérie.
Je la serre contre moi un court instant et la remercie, avant de me retourner pour ouvrir la porte.
Dehors, l'air est doux. Nous sommes bientôt en mars et le temps commence à se réchauffer tout doucement. Je fourre mes clés dans mon sac et en relevant la tête, les yeux bleu sombre que j'escomptais rencontrer laissent place au regard lumineux d'Alan.
— Salut, Noa, m'accueille-t-il, appuyé avec nonchalance sur sa voiture.
— Salut... soufflé-je, un peu sur la défensive.
— Arès n'a pas pu venir, mais il m'a chargé d'être ton chauffeur. J'espère que ça ne te dérange pas.
Je secoue la tête à la négative, me demandant tout de même quel est l'empêchement qui l'a contraint à me remettre aux mains d'Alan.
Dans la voiture, celui-ci se montre très gentil. Il n'a rien en commun avec la bande remplie de cruauté qui se trémousse à ses côtés. Alan est de loin le plus mature et le moins désobligeant de tous. Toujours à l'écart de ce genre de futilités qui ne servent à rien d'autre que nous faire perdre notre temps à tous.
La route, à ma grande surprise, défile rapidement. Nous nous retrouvons devant le lieu de la fête sans contretemps et sans problème. Alan m'informe qu'Arès doit être à l'intérieur avant de m'inviter à descendre à ses côtés. Tel un gentleman, il vient même m'ouvrir la portière. Sa bienveillance m'interloque, mais elle ne m'est pas désagréable.
À ses flancs, je rejoins la bâtisse d'un pas lent et nonchalant. Je n'ai pas envie d'affronter ça toute seule et même la présence d'Alan qui marche à quelques centimètres de moi ne m'aide pas à dissiper mon trac.
Les quelques regards à l'extérieur se posent sur moi à peine ai-je gagné la porte d'entrée. C'est Alan qui l'ouvre, se rendant sans doute compte que je ne suis pas prête à le faire de mon côté. Il me fait un clin d'œil au moment où la maison bondée s'offre à nous, me coupant littéralement le souffle au passage.
Cette fête, c'est vraiment celle à ne pas louper.
J'avance d'une démarche lente, tous les regards pesant sur moi, toutes les craintes et les jugements reposant sur mes épaules frêles et affaissant mon courage.
Puis enfin, comme promis, au milieu du salon, Arès se retourne et son regard croise le mien. D'abord, son expression évoque la surprise, ses yeux s'ouvrent en grand et ses sourcils haussés me montrent à quel point il est stupéfait. Puis son regard glisse sur moi, de haut en bas puis de bas en haut, et rejoint à nouveau le mien en même temps qu'un énorme sourire prend place sur son visage redevenu serein. Ses yeux bleus brillent de malice quand il m'approche, sous le jugement des dizaines de personnes n'attendant que ma chute.
Alors, je me concentre pour ne pas la leur offrir et attrape la main qu'Arès me tend avec fierté et détermination. Les chuchotements reprennent, les regards accusateurs également, mais ici, mes doigts entrelacés aux siens ainsi que son corps si près du mien, je n'y prête plus attention.
Il m'attire à lui et traverse le salon sans se soucier de ce qu'il entend à mon sujet pour nous diriger vers la cuisine dans laquelle il nous sert un verre.
— Très jolie, affirme-t-il en désignant ma robe du menton.
Je lui souris, attrape le gobelet qu'il me tend et détourne le regard malgré moi sur tout ce qui nous entoure et qui empeste le négatif. La boule d'angoisse que j'étais pourtant certaine d'avoir oublié chez moi ce soir revient à la charge et menace d'imploser.
Arès boit une gorgée en me détaillant, puis ses doigts glissent sous mon menton pour me forcer à le regarder dans les yeux. Sa paume sur le bas de mon visage m'envahit d'une chaleur réconfortante. Je me laisse aller à fermer les yeux un instant pour m'en imprégner.
— Reste avec moi, souffle-t-il doucement. Ne t'occupe pas d'eux. Ce soir, c'est toi et moi contre le monde, Noa.
Je rouvre les paupières et son sourire diabolique me fait face. Là, tout de suite, il me donne envie de l'embrasser, mais je n'en fais rien et à la place, hoche la tête pour accepter.
Ce soir, c'est lui et moi.
Juste nous, contre le monde. Et pour la première fois, j'ai l'impression que je peux enfin gagner.
***
La soirée se passe relativement bien, si l'on omet l'arrivée fracassante de Jess qui ne prend pas de pincettes pour évoquer ce qu'elle pense à mon sujet.
Au milieu de la piste aménagée, je danse avec Arès, plus proches que jamais. Son corps moulé dans une simple chemise noire dont quelques boutons sont ouverts sur son torse suffit à me rendre folle.
Dos à lui, mon corps balançant contre le sien au rythme de la musique qui résonne, je me sens invincible. L'alcool fluidifiant mon sang m'embrume l'esprit juste assez pour que je me sente aussi bien que possible. Si bien, que les mains d'Arès m'obligent à mettre un peu d'écart entre mes fesses et lui en pressant mes hanches.
— Arrête, somme-t-il. Si tu continues comme ça, je vais devoir te baiser devant tout le monde. Et là, tout de suite, je n'ai pas vraiment envie de te partager.
Son souffle qui chatouille mon oreille m'électrise la nuque et le bas ventre. Il me retourne soudain et brusquement, pour me coller contre lui à nouveau, en me faisant face, cette fois. Son visage caresse presque le mien, son regard m'emprisonne dans un enfer infini et me donne des envies à son sujet que je ne peux plus réfréner.
Nos yeux échangent un dernier regard ardent, juste avant qu'il ne presse ses lèvres sur les miennes, dans un baiser sauvage et intense. Les chuchotements et protestations qui s'élèvent autour de nous ne nous séparent pas, au contraire. Ses mains séquestrent mon corps contre le sien et agrippent mes flancs avec force et entrain, pendant que les miennes se posent dans ses cheveux et attirent son visage encore plus près du mien.
Sa bouche dévore la mienne et sa langue joue à un jeu dangereux qui ne fait qu'accentuer les picotements qui escaladent mon échine.
Quand nous nous éloignons, nos respirations haletantes, un sourire possessif prend place sur ses lèvres pendant que je reprends mon souffle, étourdie.
— Il me semble que tu voulais l'exclusivité, non ?
Je souris comme une idiote en comprenant ce que tout cela veut dire. Arès est à moi. Il l'a toujours été, depuis le début. Mais ça, tout ça, ici et maintenant, ça en est enfin la preuve.
Je ne regarde plus que lui quand la voix criarde de Jessica nous montre son mécontentement et nous oblige à rompre ce moment. Je me tourne en soupirant, déjà prête à recevoir le prochain coup. Déjà prête à le rendre, aussi. Arès est devenu ma force. Mon envie de combattre et de résister tout en m'abandonnant.
Mais quand mon regard percute des yeux vert bouteille et un visage familier qui se trémousse aux côtés de celle qui me rend la vie impossible, je ne peux plus me concentrer sur autre chose que sur ça.
J'oublie la soirée, j'oublie Jess, j'oublie le baiser et ce que je viens de ressentir. J'oublie même Arès, qui ne devient plus qu'une partie du décor.
Je crois rêver.
Seulement, aussi intense et réel que fussent les sensations de sa langue sur la mienne, la chevelure rousse qui s'offre à moi me donne envie de vomir et me fait perdre toute notion du bien et du mal.
Je ne reconnais pas ma propre voix, emplie de dégout et de déception lorsque je prononce ce seul nom, qui résonne entre mes lèvres comme un aveu douloureux :
— Maddy ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top