18.
La main d'Arès qui se détache de la mienne laisse un vide immense sur ma peau et au fond de moi.
Alan, Amélia et Jess nous rejoignent en riant. Celle-ci ne prend pas de pincettes afin de me relooker au plus mal, juste pour me faire comprendre qu'elle n'est pas ravie de me voir ici. Oui, évidemment, le coup de la soirée, c'était elle. Mais l'ignorance est la meilleure des armes, surtout si je ne veux pas rattraper mon père en taule.
— Qu'est-ce que vous faites, tous les deux ? questionne la brunette en manque de caresse de la dernière fête.
Elle s'approche d'Arès et lui prend le bras comme pour me montrer qu'il lui appartient et que je n'ai rien à faire ici, avec lui.
Arès se redresse et fronce les sourcils. Il ne rejette pas Amélia, mais ne lui témoigne aucune attention non plus.
— On traîne, siffle-t-il, le regard sombre.
— Vraiment... insiste Jessica. Rien que tous les deux ?
Arès la fusille des yeux.
— On a juste été bouffer un burger.
Je pose mon regard sur lui. Son visage montre bien qu'il est énervé, mais avant tout, il a l'air gêné. Peut-être qu'il est mal à l'aise qu'on nous voie ici, tous les deux, ou peut-être qu'il l'est seulement d'avoir été pris en flagrant délit de rapprochement avec moi.
Peut-être même que c'est les deux à la fois. Dans tous les cas, la déception qui s'empare de moi est grande. Je ne sais pas trop ce que j'espérais. Possible que je voulais juste qu'il assume et qu'il leur demande où est le problème.
Alan prend Arès deux minutes à part. J'attends patiemment, l'estomac noué et le rêve de cette belle soirée complètement gâché.
— Je ne sais pas ce que tu espères, commence Amélia vicieusement comme si elle pouvait lire dans mes pensées, mais un conseil oublie.
— Tu es vraiment trop naïve, poursuit Jessica. Comment peux-tu croire qu'Arès s'intéresse réellement à toi ?
Je leur envoie un regard glacial.
— Ne me prenez pas pour une imbécile. Ce qui vous embête, concrètement, c'est que vous ne pouvez pas contrôler tout le monde, fulminé-je. Arès est un grand garçon et il est assez intelligent pour faire ses propres choix, sans vous.
Elles se fendent en même temps dans un rire majestueusement grotesque. À l'intérieur, je boue. Arès et Alan regardent vaguement ce qui se passe avant de repartir dans une discussion prenante.
— S'il est vraiment sincère, alors j'imagine qu'il t'a dit pour hier soir ? demande Amélia, un sourire diabolique gravé sur les lèvres.
Je déglutis. À la vue de ma tête, les deux filles prennent un air conquis.
— Évidemment qu'il ne lui a rien dit, regardes-là.
Jess secoue la face et lève les yeux au ciel.
— On a passé la soirée ensemble, Arès et moi, m'avoue la brune. Il faut croire que tu n'as pas l'exclusivité, ma belle.
Amélia continue de mâcher son chewing-gum en se nourrissant de ma réaction et de mon visage qui se vide de tout son sang.
Je pose les yeux sur les garçons qui reviennent en se séparant. Alan fait signe aux deux bimbos et elles le suivent sans broncher, me jetant un dernier regard dédaigneux au passage.
Moi, je reste muette. Aucun mot ne veut franchir la barrière de mes lèvres et apparemment, aucun son ne souhaite franchir celles d'Arès non plus.
Il se contente de me donner le signal d'avancer et repart, le visage marqué par la confusion.
Ce n'est que dans la voiture qu'il brise enfin le silence.
— Je te ramène... Il est bientôt onze heures et ta mère serait bien capable de venir nous chercher si l'on ne rentre pas tout de suite.
Je ne réponds rien et me borne à hocher la tête gravement en regardant vers l'extérieur.
La partie de l'histoire qui consiste à me faire croire qu'Arès était avec Amélia hier soir ne veut pas quitter mon esprit tourmenté. Et si c'était vrai ? Et s'il jouait réellement sur deux tableaux ?
On n'a jamais mis les choses au clair sur ça. Sur nous. Sur ce que notre relation représente, ou sur ce qu'elle ne représente pas.
— Il y a un problème ?
Arès ne quitte pas des yeux la route.
— Non, aucun.
Ma voix est plus sèche que le désert lui-même. Il se retourne, interpellé, et hausse un sourcil.
— Si, visiblement, il y en a un.
Il se gare quelques secondes plus tard dans ma rue, à quelques maisons de la mienne.
— Dis-moi, souffle-t-il.
Je soupire puis me mords l'intérieur de la joue.
— Laisses-tomber, je n'ai rien à dire.
— J'ai fait quelque chose de mal ?
Son regard sombre est empreint aux doutes.
— Non, vraiment, ça va. Je dois y aller.
Je me lève brusquement en claquant la portière derrière moi tout en ravalant mes larmes. Celles de fierté, mais aussi de déception.
— Noa, attends, m'ordonne-t-il en sortant de la voiture et en me rejoignant rapidement. Qu'est-ce qu'elles t'ont dit ?
Il me questionne en posant ses yeux dans les miens.
La nuit se reflète à travers eux. Sa mâchoire ne cesse de se contracter et ses sourcils sont plissés d'une façon qui lui donne un air étonnement fragile.
— Qu'est-ce qu'elles auraient bien pu me dire, d'après toi ?
Il secoue la tête doucement, pour me montrer qu'il n'en sait trop rien. Soit il est très bon acteur et complètement vicieux, soit ce qu'elles m'ont affirmé n'était rien de plus qu'un mensonge.
— Que tu étais avec Amélia hier, peut-être ? reprends-je d'un ton bourré de reproches.
Il baisse les yeux et c'est avec stupeur que je comprends que c'est la vérité. Mon cœur se brise silencieusement.
Vicieux, donc.
— Ok, ce n'est pas grave... affirmé-je d'une voix légèrement cassée.
Je n'en pense pas un mot, mais fais demi-tour quand même, la pluie commençant à tomber et glissant sur mon visage tristement malheureux. Le ciel est dans le même état que mon cœur, ce soir. Humide, sombre, avec un frugal gout d'amertume.
Alors que je m'éloigne, Arès ne compte pas s'arrêter là. Il attrape ma main et me retourne vivement. Ça en devient une mauvaise habitude.
— Attends.
— Tu as eu honte qu'ils nous voient ensemble ? lâché-je brusquement en l'affrontant.
— Quoi ? Non ! s'exclame-t-il en fronçant les sourcils.
Il se frotte le visage nerveusement de la main.
— Il n'y a rien entre elle et moi, se défend-il. J'étais avec elle hier soir, mais il ne s'est rien passé, je te jure.
— Laisses tombées, Arès. Tu n'es pas obligé de te justifier. On n'est pas ensemble, toi et moi.
Il fronce un peu plus les sourcils pour cracher :
— Ah ouais ?
Je baisse les yeux, intimidée par son regard obsessionnel.
— Je pensais pourtant que c'était clair pour nous deux... poursuit-il en relevant mon visage de sa main. Il se passe quelque chose entre nous et tu peux dire ce que tu veux, ça n'y changera plus rien. Alors si l'on n'est pas ensemble, éclaire-moi, dis-moi ce que tu attends de moi. Dis-moi ce que tu souhaites vraiment, Noa.
Ses yeux font des allers-retours dans les miens à la recherche de la moindre réponse. Je sais ce que je veux, le plus difficile, c'est de l'assumer devant lui.
Je prends une grande inspiration et réunis chaque chose qui me permet de tenir pour avouer la vérité.
— Toi... annoncé-je finalement dans un souffle.
Il se redresse, surpris, sa main ne quittant pas mon visage. Puis son expression s'adoucit dans un soulagement profond et viscéral, juste avant qu'il ne me réponde :
— Je suis déjà à toi...
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