Chapitre 6
Étendue sur le lit, ventre à plat, la tête posée sur les paumes de mes mains, je feuilletais sans en passer une page le livre de Bakugo, pour me réveiller. Les lueurs blafardes de la lampe me faisaient piquer du nez et vu la journée passée et l'énergie utilisée, les bras de Morphée me supplie de les rejoindre. Heureusement que le bouquin retient assez ma curiosité pour rester éveillé.
Le livre retrace la biographie d'un héros qui dévoile comment il est parvenu à rendre son alter superflu, utile à la justice. « Je me contraignais à faire évoluer mon alter sur ce que je savais déjà faire, plutôt que de l'étendre vers d'autres axes. » Je m'allonge sur le dos, frustrée. Ça rejoint ce que monsieur Aizawa a dit. Je place un marque-page à l'endroit où je me suis arrêtée, et dépose le livre sur la table de chevet avant de retourner à ma position. Les mains derrière la tête, les yeux fermés, je tombe dans un état de prostration, crispée.
J'ai bien pris conscience qu'il n'y a qu'avec de l'entraînement que je vais pouvoir évoluer. Les cours restent utiles pour la théorie, mais il n'y a rien de plus instructif que la pratique. Fâcheusement, ce ne sera pas demain la veille que je vais m'améliorer. Je soupire, contrariée par le nombre conséquent du temps perdu. Autrement, il me faut impérativement des entraînements en dehors des cours.
Je tourne machinalement la tête vers le livre. Il appartient à Katsuki, et vu son état, il a l'air de s'en être plutôt bien servie. Ça ne m'étonnerait pas, il maîtrise plus que bien son alter... Je secoue la tête, pouffant d'un rire nerveux, chassant immédiatement l'idée qui venait de traverser mon esprit. Mieux vaut ne pas compter sur son aide. Peut-être Izuku ? Il a le même objectif que le mien et vu son alter il sera un adversaire de taille... Ouais, non. Je n'ai pas envie qu'il se casse un membre par ma faute. Tant qu'il n'arrivera pas à utiliser son alter sans se délabrer quoi que ce soit je ne peux décidément pas lui demander ça.
Mon esprit se mit fatalement à penser à ce qu'a annoncé Midoriya cet après-midi. Est-ce qu'il est vraiment possible de donner son alter à quelqu'un d'autre ? Jamais je n'aurais pensé qu'une telle chose était envisageable. Tellement de questions se bousculent dans ma tête. Comment lui a-t-il été transmis ? A t-il eu recours à l'assistance d'un autre alter ? Est-ce que le propriétaire original perd son pouvoir une fois l'avoir donné ? Faut-il avoir des critères précis pour le recevoir ? Un âge défini ? Un groupe sanguin précis ? Est-ce que le receveur peut en hériter plusieurs ? Est-ce le seul alter apte à être réattribué ?...
À cette pensée, je me redresse brusquement, les yeux écarquillés, effarées, tandis qu'une peur nerveuse m'assaille le cœur. Je secoue la tête, tentant vainement de chasser la théorie absurde qui me traversait l'esprit, tandis que des sueurs froides commençaient à perler mon front. C'est à cet instant que la porte souvre brusquement, me faisant sursauter, comme si javais reçu une forte commotion électrique.
— Je te laisse deux minutes dans ma chambre et t'es déjà en train de fourrer ton nez partout ! s'énerve Katsuki en hurlant.
Je reprends mes esprits aussitôt. Il faut dire qu'avec Katsuki, c'est radical. De toute façon, à quoi bon ressasser tout ça ? Le passé appartient au passé, et je compte bien l'y laisser. Ça fait longtemps que je suis passée à autre chose.
Je lève les yeux vers Katsuki, qui attendait une réponse de pied ferme à l'embrasure de la porte, les bras croisés. Mitsuki nous avait demandé d'attendre à l'étage. J'ai dû suivre Katsuki jusqu'à sa chambre. Nos discussions se résumaient à des chamailleries enfantines à la seconde où j'ai posé les pieds chez eux. C'est lorsque nous nous disputions sur un sujet ridicule concernant All Might que Mistuki a appelé son fils pour mettre la table. Et le voilà de retour, toujours en plein forme.
— Pour qui tu me prends ? J'étais juste assise sur le lit à feuilleter ton bouquin, lui répondis-je en lui montrant ce dernier de la tête.
Il hausse un sourcil peu convaincu.
— Je te trouve bien à l'aise pour quelqu'un qui... commence-t-il à reprocher avant de m'interroger d'un regard fixe et perçant. Qu'est-ce que t'as foutu ? reprend-il en s'approchant.
Je fronce les sourcils, préoccupée. Je suis sûr de n'avoir touché à rien.
Il se dirige vers la table basse, avant de sortir un objet du tiroir.
— P*tain, tu saignes du nez ! s'agace-t-il en me balançant un paquet de mouchoirs.
Par automatisme, je pose un doigt à l'endroit indiqué. Effectivement. Ça commence à devenir insupportable le saignement de nez à chaque fois que mes émotions sont un peu trop fortes. Heureusement que madame Chiyo m'a mise en garde... Je lâche un soupir d'exaspération, il faudra que je pense à aller la voir, elle pourra sûrement y faire quelque chose.
— Merci, gratifiais-je en sortant un mouchoir de son paquet.
— Y a pas intérêt à ce que t'en foutes partout ! C'est l'heure de dîner, dépêche-toi de te ramener, on ne va pas t'attendre ! dit-il avant de repartir en claquant la porte.
J'ai pu entendre madame Bakugo injurier Katsuki sur son comportement. Tel mère , tel fils. Il devrait essayer les tisanes, ça lui ferait le plus grand bien.
•••
Nous étions tous réunis autour de la table, et contrairement à ce qu'a proféré Bakugo, ils m'ont évidemment attendu avant d'entamer le dîner. Mitsuki a préparé à notre attention un repas frugal composé de Katsu curry à base de poulet accompagné d'un bol de riz. Madame Bakugo s'est empressée de m'informer d'un sourire ironique que c'est le plat préféré de Katsuki. À cette absurdité, je n'ai pas pu dissimuler un rire sardonique.
( En décomposant le nom Katsuki, on obtient les mots « Katsu » et « Suki ». Le Katsu étant un plat à base de viande pané et frite ; et Suki voulant dire aimer en japonais. )
— Ah, j'ai failli oublier les gyozas ! remarque Mitsuki.
Cette dernière revient aussitôt avec un plateau rempli.
— C'est marrant, c'est le plat préféré d'Ina, déclare oncle Kai.
— Oui, je le sais bien. C'est Katsuki qui me l'a explicitement fait remarqué. C'est d'ailleurs lui qui a insisté à ce qu'il soit au menu.
Nous ne manquions pas tous les deux de nous étouffer.
— Raconte pas de connerie, intervient aussitôt Katsuki, le visage contracté par l'embarras. Tu ne savais pas quoi préparer à dîner, je t'ai juste soufflé l'idée, la vioque !
— Combien de fois dois-je te répéter de ne pas m'appeler comme ça, gamin, s'énerve sa mère en lui tapant la tête. Et encore moins devant des invités !
Ce dernier se masse le crâne tout en rouspétant avant de levé la tête vers moi.
— Te fais pas d'idée, crétine. Je n'aime pas avoir des dettes ? Je te dois plus rien !
J'ouvre les yeux ronds, stupéfaite qu'il s'en soit rappelé. Moi-même, j'avais oublié.
— Retire tout de suite ce sourire stupide que t'affiche avant que je ne le fasse ! rechigne Bakugo, les joues légèrement rougies. Non mais je rêve ! Qu'est-ce qui lui a pris de raconter des absurdités pareilles ! s'indigne-t-il presque en chuchotant.
C'est tellement invraisemblable que je ne peux m'empêcher un sourire triomphant.
Alors que jusqu'ici, je me tournais les pouces attendant avec agacement l'heure de rentrer, le dîner devenait beaucoup plus intéressant. D'autant plus que Mitsuki ne pouvait s'empêcher de nous raconter des anecdotes sur l'enfance de Bakugo. Enfin, tout ce que je retiens, c'est que Katsuki est un fan effroyablement absolu d'All Might. J'en ai eu des frissons d'horreur. Je ne savais même pas que c'était possible de l'être à ce point. Heureusement, que les conversations ne se résumaient pas qu'à ça.
— Et si tu nous racontais ton enfance Inari, s'intéresse Mitsuki.
Tandis que Katsuki lâchait un sourire moqueur enfin écarté du centre de l'attention, moi, je nai pu empêcher mon cœur de se serrer.
— Contrairement à Katsuki, Ina est loin d'être une fan d'All Might, haha. Non, c'est plutôt Hawks qu'elle admire, raconte oncle Kai, avant de relater toutes sortes d'événements insignifiants.
Je le remercie intérieurement d'avoir pris l'initiative de répondre. Finalement, il sait être sociable quand il veut. Je lève inconsciemment les yeux vers Katsuki, assis face à moi. Le regard un peu trop scrutateur puisqu'il finit par lever les siens, agacé.
— T'as l'air de bien aimer les muffins, remarquais-je à l'attention de Katsuki, un sourire significatif au coin des lèvres.
— Qu'est-ce que ça peut te... commence Bakugo, la bouche pleine, avant de se faire interrompre par sa mère qui lui inflige encore une fois une tape à la tête. Aïe ! Mais quoi encore ?!
— Arrête de t'empiffrer et pense aux autres bon sang, s'énerve Mitsuki.
Effectivement, il ne reste qu'un tantinet de muffins sur le plateau.
— Ne vous en faites pas pour nous, je le comprends, Ina a toujours été une très bonne pâtissière, dénote oncle Kai, le sourire fier.
À cette déclaration, Katsuki eut un mal démesuré à avaler la dernière boucher, manquant par la même occasion de s'étouffer. Chose pour laquelle j'aurais eu un malin plaisir d'y assister au vu de ce qu'il s'apprêtait à dire.
— C'est infect, m'assure-t-il, l'air faussement dégoûté.
— J'en suis convaincue. C'est pour ça que tu as englouti la moitié du plateau. Je t'ai même vu te lécher les doigts, le provoquais-je le sourire encore plus large.
— C'est faux ! s'égosille-t-il rouge de honte. J'avais faim, j'ai juste pris ce qu'il me passait sous la main.
— Mais oui, admettons. Dans ce cas, tu ne m'en voudras pas si je finis ce qu'il reste.
Il se contente de rechigner, le sourcil froncé et les joues gonflées. Personne n'eut l'air d'y faire attention. En même temps, les parents doivent avoir l'habitude. La fin de soirée n'a pas été des plus divertissants, mais au moins, ça s'est terminée sans d'autres mauvaises notes. Les adultes ont continué leur conversation sur le canapé, tandis que Katsuki et moi-même finissions de débarrasser la table.
— Tiens le torchon, me balance Katsuki.
— Et pourquoi ça serait à moi d'essuyer la table ? répondis-je en rattrapant maladroitement le chiffon.
— Parce que j'ai débarrassé plus que toi, dit-il simplement en déblayant les assiettes.
Je lève les yeux au ciel et me contente d'obtempérer. Je n'ai plus du tout la force de me battre avec lui, je suis beaucoup trop épuisée pour ça. Ma tâche terminée, je suis partie rejoindre mon oncle qui s'était levé pour entamer les au revoir, leur promettant de les inviter une prochaine fois.
Je n'ai pu empêcher une grimace ironique tordre ma bouche en écoutant ses paroles. Dire que ça m'étonne de sa part serait un euphémisme. Ça relève presque du miracle. Oncle Kai qui propose une invitation ! C'est une première. Je regrette de ne pas pouvoir utiliser mon alter pour m'assurer de sa sincérité dans ses propos. Malheureusement , mon alter n'a aucun effet sur lui. Ni avec quiconque d'ailleurs, tant qu'oncle Kai est dans les parages, et ça vaut aussi pour lui, fatalement.
— Ça ne m'enchante pas plus que toi, tiens, intervient Bakugo en me tendant le sac cabas que nous avions apporté.
Vu le poids, il y a l'air d'y avoir d'autres choses dans le sac. Est-ce qu'il aurait... Je relève la tête vers lui, stupéfaite de par sa gentillesse douteuse.
— Me regarde pas avec cet air stupide ! J'évite juste le gâchis, crétine, se justifie le blond.
Venant de lui, c'est plus qu'aimable.
Les parents de Bakugo nous ont raccompagnés jusqu'à la porte, avant de nous souhaiter une bonne route dans l'espoir de nous revoir.
— Inari, tu es la bienvenue ici. Tu reviens quand tu veux, déclare Mitsuki, enthousiaste.
— Et puis encore ! intervient Katsuki, presque offusqué comme s'il en ressortait d'une immense inconvenance.
— Toi, on ne t'a pas demandé ton avis, répond aussitôt sa mère. Ne l'écoute pas, je serais ravi de te revoir, on étouffe de masculinité ici.
— Je m'en réjouie d'avance, répondis-je, narguant Bakugo. Je penserai même à rapporter d'autres muffins.
Katsuki lève les yeux au ciel d'un air profondément accablé. Sa désespération m'amuse follement. C'est d'une satisfaction indicible.
Aussitôt rentrés à la maison, oncle Kai s'est empressé de prendre une douche avant de s'enfermer dans sa chambre, sûrement pour aller piquer un somme, au vu du bref « bonne nuit » qu'il ma lancée.
Et mon devoir d'Anglais alors ? Heureusement que ce n'était qu'une excuse. Oncle indigne !
Il commençait à se faire tard, et j'étais sérieusement fatiguée. Je me suis empressée de ranger dans un coin du frigo les restes de nourriture que les Bakugo nous ont laissés. Un sourire se dessina sur mes lèvres en ne voyant pas les muffins qui restaient, mais mon amusement s'éteint aussitôt en constatant le tupperware rempli de gyozas. Ça, ce n'est pas normal. Pas normale du tout ! J'ouvre ce dernier et me mis à le sentir comme pour y trouver une quelconque odeur de poison. Mais rien, ça semble correcte... Non, on parle de Katsuki, il y a forcément un piège...Oh ! Ne me dites pas qu'il m'a piqué l'idée de mettre du laxatif dans la nourriture ?! J'y jette un dernier coup d'œil, suspicieuse. Tant pis, je le ferais goûter à oncle Kai demain. Désolé tonton, mais tu vas devoir me servir de cobaye.
Une fois tout remis en place, un dernier poids pesait au fond du sac. J'en ressortis de ce dernier un livre. Le livre de Katsuki que j'avais entamé. Déjà que je trouvais le coup des gyozas inquiétant, alors là, c'est carrément flippant. Mes sourcils se froncent davantage en voyant une note dépasser de la première page, que je saisis aussitôt.
Rien qu'à son écriture, on devine aisément que ça vient de Katsuki. C'est indéchiffrable ! Impossible de réussir à lire quoi que ce soit. Cet idiot... C'était si enragent que ça ce qu'il a écrit ?! Au point de ne même pas réussir à faire une lettre correctement ? Il aurait mieux fait de me dire ce qu'il avait à brailler directement de vive voix.
Je souffle d'exacerbation. Peu importe ce qu'il a écrit, ou à qui il appartient, je me réjouis de pouvoir finir ce livre.
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