Chapitre 5
Il va bientôt être dix-sept heures et, depuis cinq minutes, j'attends dans les couloirs, derrière la porte laissée entrouverte qui donne dans la salle des professeurs. Mes convulsions ont pris du temps à cesser. Le dernier cours me laisse encore un goût amer au fond de la gorge.
Je lâche un énième soupir avant de frapper à la porte. Je me moquais de l'orgueil de Katsuki, mais je ne vaux pas mieux.
— Sugiyama, je t'attendais. Entre, m'invite Aizawa.
Je m'exécute. Il ferme la porte derrière nous avant de récupérer de la paperasse éparse sur un meuble.
— On dirait que tu as du mal avec la bienséance, remarque le professeur.
Je hausse un sourcil dubitatif.
— Comment ça ?
— Avant que tu n'arrives, All Might m'a fait un récap' de son premier cours, déclare-t-il, presque ennuyé.
— Il s'est plaint ? demandais-je froissée.
— Pas exactement. Il voulait des conseils ou un truc dans le genre. J'ai dabord pensé à Bakugo, mais on dirait que j'ai eu tort. Enfin, ce qu'il se passe dans son cours ne m'intéresse pas, le moins du monde. Tiens.
Il pose le tas de paperasse sur la table basse face au seul canapé qu'occupe la pièce.
— Trie-moi ces documents par ordre alphabétique et par classe. Ensuite, tu pourras rentrer.
— C-C'est tout ? quémandais-je déconcertée.
— Pourquoi ? Tu veux faire autre chose ? Tu peux aussi nettoyer la salle si ça te chante.
— N-Non, c'est bon.
Le professeur s'assoit sur le canapé et commence à pianoter sur son ordinateur avec plus d'ennuis que nécessaire. Je me demande comment il a eu l'idée d'être enseignant en étant aussi paresseux. Je m'assois à genou de l'autre côté de la table, face à monsieur Aizawa, avant d'éplucher les documents.
Des évaluations ? Il y en a une tonne ! Il est si fainéant, qu'il me délaisse ses tâches les plus ingrates ?! Enfin, je ne vais pas me plaindre, ça aurait pu être pire comme punition. Plus tôt je commence, plus tôt j'aurais fini.
Cela faisait déjà plus d'une demi-heure que je classe ces documents machinalement dans un silence absolu, tandis que des pensées confuses naissaient et mouraient dans ma tête. Je cherchais consciencieusement un moyen de trouver comment améliorer mon alter, mais en vain.
—Monsieur Aizawa ? commençais-je.
— Mh ?
Je lève la tête vers lui, résolue.
— Votre alter ne vous sert pas dans un combat rapproché. Comment faites-vous si vous vous retrouvez face à un vilain ?
— C'est simple. J'évite le corps-à-corps. Ce n'est pas pour rien que je suis fatalement devenu un héros de soutien. Enfin, si j'y suis contraint, j'ai mon écharpe qui me sert d'arme de capture, explique-t-il en le montrant du pouce. Je dois tout de même avoir un minimum de compétence dans l'art marial si je veux pouvoir m'en sortir.
Je retourne dans mes occupations, doublement déçu, me demandant ce que je pourrais tirer de son discours.
— J'ai vu les vidéos de ta performance du cours d'héroïsme, reprend Aizawa. Tu as su prendre les devants, mais tu comptes beaucoup trop sur ton alter. Cependant, tu as eu la bonne initiative de privilégié la bombe avant la hardiesse de capturer ton adversaire. Tu as le sens de la priorité et un travail d'équipe correct. C'est une bonne chose. Tu m'as posé la question sur comment je compensais mes points faibles, j'en déduis que tu cherches comment combler les tiens. Désolé, mais je ne peux pas t'aider sur ça. Tout ce que je peux te conseiller, c'est d'observer autour de toi, que ce soit tes camarades ou les héros professionnels, tu en apprendras beaucoup plus que tu ne le penses. Ne soit pas trop intransigeante envers toi-même. On ne devient pas héros du jour au lendemain. Tu as encore beaucoup de choses à apprendre.
J'écoutais avec la plus grande attention les paroles du professeur Aizawa. Effectivement, j'ai encore beaucoup trop de chose à apprendre. Mais le plus important reste à apprendre à maîtriser mon alter sur toutes ses coutures.
— Merci, professeur. Je vais tâcher de mettre en pratique vos conseils.
— J'en attends pas moins de toi.
Je retourne mon attention sur la paperasse, plus confiante et satisfaite. Au bout d'une heure, la tête lourde, j'allonge mes jambes courbaturées. J'ai enfin terminé ma punition.
— Tu as fait du bon travail, tu peux y aller, annonce Aizawa.
— Merci... Hum, professeur ? Est-ce que je peux jeter un œil sur la vidéo du cours d'héroïsme ?
— Mh, vas-y. Mais reste ici pour la visionner.
Je récupère la tablette dans laquelle était projeté le cours avant de retourner à ma place. Ma première préoccupation était d'examiner mon duel face à Tenya Iida. En suivant le combat, je me rends compte que je n'avais pas pris assez de précaution, ou plutôt que j'avais trop attendu à observer comment Tenya allait riposter. J'étais trop focalisé sur la perspicacité de mon adversaire, j'aurais dû agir et être beaucoup moins hésitante. Je comprends un peu mieux ce que voulait dire monsieur Aizawa. Qu'est-ce que ça m'irrite de voir beaucoup trop d'occasions m'échapper à cause de cette erreur. En observant les autres combats, je me rends compte que beaucoup ont eu l'intelligence de ne pas m'imiter comme : Shoto , Eijiro , Izuku, et même Katsuki ; enfin, lui, cest dans sa nature d'agir sans réfléchir.
Après plus d'une heure et demie à observer les matchs, je retourne la tablette contre la table, perdue dans un esprit plus agacé, mais plus résolu. J'ai dû passer encore trois quarts d'heure en plus pour réorganiser mes pensées et faire un schéma imaginaire de mes acquis à améliorer et des lacunes à rectifier. C'est le professeur Aizawa qui m'a extirpé de mes songes profonds.
— Sugiyama. Ce n'est pas que j'ai envie de te mettre à la porte, mais il est tant d'y aller.
— Ah. Oui. Bien sûr. Pardon professeur.
Je récupère mon sac tout en remerciant monsieur Aizawa avant de m'en aller au pas de course. Une fois la porte d'entrée de l'établissement passée, j'étire mes membres engourdis, baillant d'un air las. Bon sang, c'était fatigant. Je relève la tête au ciel, éblouie par une clarté subite. Le rayon du soleil couchant tombe obliquement devant mes yeux. Il est si tard que ça ?
— Bouge de là !
Je me retourne brusquement. Bon sang, il m'a fait peur le bougre.
— Plus fort la prochaine fois, me plaignais-je. Qu'est-ce que tu fais encore ici ?
— Ça te regarde pas, répond Katsuki, hargneusement.
Je lève les yeux au ciel tandis qu'il me contourne pour reprendre sa route, avant de s'arrêter plus loin.
— Réponds franchement, t'es médium ?
Sa question si soudaine me donne un léger sourire. Vu son humeur, je me retiens une vanne qui me brûle la langue.
— Eh non, raté.
— Ton alter de m*rde n'a aucun sens. Tsh. Peu importe, de ce que j'ai vu, il ne vaut rien comparé au mien.
Aïe, ça fait mal. Quel Enf*iré. Je suis à deux doigts de le narguer sur sa défaite. Saleté de bonne conscience.
— Inari ! Katchan ! Je vous cherchez, intervient Midoriya toujours aussi mal au point.
— Izuku ? Qu'est-ce que tu fais là ? Tu devrais te reposer !
— Ça va, je vais beaucoup mieux grâce à Recovery Girl. Je-Je voulais m'excuser, dit-il en sinclinant. Je suis désolé de t'avoir inquiété, Inari. All Might m'a dit que tu étais passé me voir à l'infirmerie. Tu n'as pas à t'en vouloir, c'est ma faute, je n'arrive pas encore à bien maîtriser mon alter. Et puis c'est grâce à toi qu'on a remporté le combat. C'est toi qui as désamorcé la bombe et tes indications m'ont beaucoup aidé. Merci Inari. J'espère qu'on aura encore l'occasion d'être partenaire.
Izuku... Je lui répondis par un sourire sincère, qu'il me rendit aussitôt avant de se tourner vers le grincheux qui avait repris sa route.
— Katchan ! Katchan, attend ! insiste Izuku en le rejoignant.
Soit par curiosité, ou par irritation, je suis stupéfaite de voir Katsuki obéir. Encore une fois, je me retiens ardemment un sarcasme qui me brûle les lèvres. Vu comment il est de très mauvais poil, je vais m'en passer. Juste pour cette fois.
C'est après un long moment d'hésitation que Midoriya finit enfin par parler.
— Mon alter, je l'ai reçu de quelqu'un d'autre, avoue Izuku, avant de reprendre aussitôt. Je ne peux pas te dire qui ! C'est secret. Je sais, on dirait une histoire sortie tout droit d'un comics.
Je n'en reviens pas. Je ne savais même pas que c'était possible. Je retire mon casque, pour en être sûr... Il dit bien la vérité. Mince, je me sens un peu coupable de connaître un secret aussi personnel.
— Mais c'est vrai, reprend-il, et j'ai encore du mal à le maîtriser. C'est un pouvoir d'emprunt hors de contrôle. Voilà pourquoi... Je voulais te battre sans l'utiliser. Mais, finalement, j'ai cédé à la facilité. J'ai encore du travail, alors... Un jour... Je ferais de cet alter le mien ! Et là, je te surpasserai !
Oups, ce n'était peut-être pas le bon moment pour lui annoncer ça. Même moi, je n'ai pas osé.
— Et puis quoi encore, commence Katsuki. Tu veux me ridiculiser encore plus ? J'ai perdu face à toi aujourd'hui ! En voyant l'autre glaçon, j'ai pigé que je n'étais pas à la hauteur ! Jai même dû admettre que la meuf à queue-de-cheval avait raison ! Et toi aussi la lapine albinos ! Ça me fait chier !
Je rêve ou il parle de moi là ?
— Ouvrez bien grand vos oreilles, reprend-il. Car désormais, je serais le meilleur élève de se bahut ! déclare-t-il en tournant les talons. N'espérez pas me battre à nouveau !
Un sourire satisfait passe sur mes lèvres. Finalement, il remonte un tout petit peu dans mon estime. Pour quelqu'un d'aussi imbu de sa personne, il m'étonne de considérer les critiques des autres et à se remettre en question. Sa relève presque de l'exploit.
Une fois hors de notre champ de vision, Midoryia s'approche de moi.
— Inari, je... balbutie Izuku, l'air gêné.
— Ne t'en fais pas, le coupais-je. Je n'ai rien entendu, déclarais-je d'un clin d'œil . Repose-toi bien, moi, je dois y aller.
— Merci, Inari. Rentre bien.
J'ai follement envie de lui poser les mille et une questions qui me traversent l'esprit, mais vu la situation, ce n'est clairement pas le moment. Ajouté à cela que je n'aurais même pas dû être au courant.
J'arrive chez moi sans encombre. Il fait beau, l'air est frais, pas de colérique qui me gueule dessus, ni de voleur de téléphone au bonnet vert hideux. En bref, une promenade des plus banale. Je retire mes chaussures avant de rentrer. Au même moment, je reçois un message d'Ochaco.
« Inari, on ne t'as plus vu après le cours d'All Might. Deku nous a dits que tu étais partie. On se fait du souci, j'espère que tu vas bien. Avec le reste de la classe, on va rester encore un peu pour parler du cours. Repose-toi bien ! »
Le message est suivi d'une image d'un adorable chaton triste entouré de petits cœurs. Je souris brièvement et lui répond rapidement pour la rassurer avant de m'engouffrer dans le salon.
— Ah, Ina, tu es rentrée. Tu tombes bien, surgit de nulle part la voix d'oncle Kai dont seule la tête dépasse l'embrasure de la cuisine.
— Oncle Kai ? Tu n'es pas à l'hôpital ? demandais-je en le rejoignant.
— Non. Comme je travaille dimanche, ils me laissent sortir plus tôt. Tiens, tu peux m'aider ?
J'attrape la barquette qu'il me tend avant qu'il n'y dépose les takoyakis. L'odeur des boulettes de pieuvres fait grogner mon estomac.
— C'est en quel honneur ce délicieux repas ? demandais-je les yeux pétillants d'appétit.
— Pas touche. On est invité chez les Bakugo.
Je ne manque pas de m'étouffer avec ma salive à son annonce.
— Comment ça invité ? Depuis quand ? Pourquoi ?
— Mitsuki Bakugo a insisté pour s'excuser du « comportement immoral et stupide de son abruti de fils pour t'avoir entraîné dans ses problèmes ». Et ce ne sont pas mes mots même si je n'en pense pas moins. J'ai eu beau lui avoir expliqué que tu étais tout aussi bornée pour l'avoir suivie dans sa bêtise, mais elle n'a rien voulu entendre, explique-t-il en haussant les épaules.
— Une bêtise ?! Grâce à nous un vilain ; qui plus est recherché, a était arrêté !
— Oui, et c'est bien pour ça que t'as punition à seulement était résumer à refaire les courses, commence-t-il en s'approchant de moi avant de poser une main affectueuse sur ma tête, le sourire aux lèvres. Je suis très fier de toi, dit-il en reprenant son activité. Digne d'une grande héroïne. Même si tu l'as toujours été à mes yeux, hehe.
Une héroïne ? Ouais, heureusement qu'ils ne savent pas qu'on a utilisé nos alters pour arrêter le vilain. Je ne crois pas qu'enfreindre les règles fasse de moi une héroïne... Pff, quelle loi détestable et lamentable.
—Tu seras même récompensée en m'accompagnant chez les Bakugo, reprend-il fier de lui. Il paraît que madame Bakugo est une as en cuisine, d'après son mari. Et puis, ça devrait te faire plaisir de voir ton camarade en dehors des cours.
— J'en suis folle de joie, vraiment, c'est super ! Mais, quel dommage que monsieur Yamada nous ait donné des devoirs. Ça me prendra tellement de temps, tu sais comme je suis nulle en anglais, répondis-je faussement déçu.
Il claque la langue de façon à dire « tu ne m'auras pas avec ton excuse bidon, petite. »
— N'y pense même pas. Madame Bakugo t'a aussi invité et quelle impolitesse que de refuser une invitation. On vient à peine de déménager, ça serait bien qu'on commence à tisser des liens avec nos voisins, s'explique-t-il avant que je ne le coupe.
— Tu ne m'auras pas avec cette excuse bidon, mon grand, me moquais-je. Il n'y a pas plus introverti et solitaire que toi.
Il fait mine de réfléchir avant de reprendre :
— C'est pas faux. Mais vu le caractère de Mitsuki autant ne pas la mettre en colère, crois-moi. Et en plus de ça, il est hors de question que je me retrouve seul avec eux, donc c'est non négociable. Je t'aiderais avec tes devoirs en rentrant si tu veux, déclare-t-il en regardant sa montre. Bon, ce n'est pas tout, mais tu as un dessert à préparer le temps que je fasse un saut à la douche et que j'aille récupérer quelques boissons.
— Un dessert en plus... Ouais... Super, remarquais-je nonchalante.
Préparer un gâteau en deux heures, c'est quasi mission impossible. Pourquoi ne pas en acheter un directement plutôt que de se prendre la tête à le faire. Argh, ça m'énerve encore plus de savoir que l'autre rouspéteur va s'en empiffrer. Je suis presque entraînée à rajouter du laxatif dans la préparation.
Bon, ne perdons pas de temps. C'est la colère d'oncle Kai que j'ai envie d'éviter, moi.
Après plus d'une heure et demie, il revient à la maison avec les boissons et des documents en main.
— Alors, qu'est-ce que tu as préparé de beau ? En tout cas, ça sent très bon, déclare-t-il en contournant la table de bar.
— Merci, j'ai fait des muffins aux pépites de chocolat, c'est ce qu'il y avait de plus rapide à faire, dis-je fièrement en lui montrant les moules qui refroidissent sous la fenêtre de la cuisine. Et bien sûr, il y en a aussi au citron pour toi.
Il m'ébouriffe gentiment les cheveux tout en me remerciant.
— Tu as même eu le temps de nettoyer la cuisine et de te préparer. Waw, j'admire mon éducation, s'émeut-il dignement en se pinçant les lèvres. Je te laisse mettre tout ça dans un sac cabas le temps que je me change aussi et on y va.
En moins d'un quart d'heure, nous étions prêts. Je pensais que nous allions prendre la voiture pour rejoindre la résidence des Bakugo, mais il n'en était rien. En à peine dix minutes de marche nos pas s'étaient arrêtés face à leur porte, dont oncle Kai me somme sans vergogne d'y frapper. Je me demande constamment comment il se débrouille au quotidien en étant aussi réservé. Enfin, je suis mal placé pour lui faire le reproche. C'est après plusieurs coups que la porte s'ouvre brusquement sur un Katsuki d'abord ennuyé, puis offusqué et enfin sans toute attente très irrité.
Géniale, la soirée promet d'être passionnante.
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