Chapitre 10


—        C'est toujours non.

Je soupire de résignation, alors que j'observe mon oncle avec une pointe de déception. Après l'attaque des super-vilains, les professeurs ont rencontré les familles pour obtenir leur accord afin que les élèves restent à l'école, assurant ainsi leur sécurité. Mais rien à faire, il ne changera pas d'avis, et pourtant, ce ne sont pas les arguments qui manquaient à monsieur Aizawa. Tandis que je me préparais à une nouvelle approche, oncle Kai prend la parole d'un ton ferme :

—          Je ne peux décidément pas ignorer les récents événements qui auraient pu être beaucoup plus dommageables pour ma nièce. Au risque de me répéter, je refuse de laisser sa sécurité compromise.

Monsieur Aizawa s'est pour la énième fois incliné pour présenter ses excuses au nom de l'école. Au ton de sa voix, on pouvait légèrement distinguer une pointe de remords et de compassion.

—          Je comprends votre position et vos inquiétudes. Mais sachez que nous avons considérablement renforcé les mesures de sécurité et je vous assure que celle de votre nièce est notre priorité. Notre objectif est le bien-être de tous les élèves. De plus, concernant son traitement, nous-.

—          Inutile d'en dire davantage, interrompt oncle Kai d'un ton plus mordant. Je vais moi-même assurer son enseignement et son suivi médical. Je ne suis pas prêt à compter sur des promesses, mais sur des actions concrètes pour assurer qu'un tel incident ne se reproduise pas.

J'étais sur le point de laisser éclater toute ma colère et ma déception, les mots acérés prêts à jaillir de mes lèvres. Mais alors que j'observe oncle Kai, je note une lueur d'inquiétude et d'angoisse dans ses yeux. C'était comme si le poids de ses craintes sur ses épaules avait apaisé mon élan de rage.
Finalement, je me suis résignée, laissant les mots crus se dissiper dans un soupir.
Monsieur Aizawa fini par acquiescer, percevant la tension qui se formait avant de se lever.

—          Merci de m'avoir écouté. Avant de prendre une décision définitive, réfléchissez plus calmement à la situation et reconsidérez de quoi a vraiment besoin Inari. Je le répète, nous voulons ce qu'il y a de mieux pour nos élèves, et au vu de son alter, c'est une décision qui mérite mûrement réflexion.

Les sourcils froncés, dans une expression de colère maîtrisée, oncle Kai se lève à son tour pour accompagner monsieur Aizawa à la porte.

—          Merci pour votre sollicitude, mais il serait préférable que vous partiez maintenant.

Respectant la décision d'oncle Kai, le professeur m'adresse un salut avant de quitter la maison.

—          Écoute Ina, commence oncle Kai d'une voix beaucoup plus calme et apaisante en se rapprochant de moi.

Il pose doucement sa main sur mon épaule. Son expression exprime à la fois la fermeté de sa décision mais aussi la compréhension de l'impact que cela pouvait avoir sur moi. Son regard témoigne toujours autant de la volonté de me protéger, même si cela implique des choix difficiles.

—          Je comprends que tu veuilles retourner à Yuei, mais ma décision restera inchangée. C'est une question de sécurité, et tant que je ne serai pas convaincu que tu n'encourras aucun danger là-bas, je ne peux pas te laisser y aller. J'espère que tu comprends ma décision.

Évidemment, je la comprends, je ne peux certainement pas lui reprocher de vouloir me protéger, surtout après ce qu'il s'est passé, mais ça n'empêche pas le goût amer de la déception. Je n'ose même pas imaginer sa réaction si je lui avais parlé de mon altercation avec Shigaraki. Je dois me faire à l'idée que je ne retournerai pas à Yuei de sitôt, j'espère seulement que ce ne sera pas définitif, sans quoi, je peux faire une croix sur mes objectifs. Déjà deux semaines se sont écoulées depuis l'attaque des super-vilains, deux semaines sans cours ni entraînements, j'avais pourtant commencé à si bien progresser. Bon sang... c'est si frustrant.

Je me redresse légèrement, le regard ancré dans celui de mon oncle, déterminée.

—          Je serais aussi inquiète pour toi s'il t'arrivait quoi que ce soit, même plus encore... Mais s'il te plaît, oncle Kai, promets-moi d'y réfléchir, même si ça doit prendre des jours. Promets-moi que ta décision n'est pas irrévocable.

—          Je sais que ça te tenait à cœur d'étudier à Yuei..., commence-t-il avant de marquer une pause.

Il soupire longuement, exprimant sa résignation, tout en repliant ses cheveux en arrière par un geste réflexe. Son regard réfléchi démontre qu'il considère sérieusement ma demande, bien que la tension persiste.

—          Très bien, je vais y réfléchir, déclare-t-il avant de reprendre aussitôt en voyant mon enthousiasme. Seulement y réfléchir, je n'ai pas dit que j'allais accepter.

Excitée par l'idée, je saute dans les bras d'oncle Kai.
—          Inari. Tu comptes bien plus que tu ne le crois à mes yeux. Je ne supporterai pas de te perdre, tout comme j'ai perdu...

Il suspend sa phrase, se rendant compte de ce qu'il s'apprêtait à dire. Ma mère. Bien que j'aie fait mon deuil, c'est encore difficile pour moi et oncle Kai d'en parler.

—          Ma décision doit sûrement être à tes yeux purement égoïste, mais je ne veux pas non plus que tu renonces à ce pourquoi tu as intégré cette école. C'est pourquoi, il me sépare délicatement de lui par les épaules. Tu auras le meilleur entraîneur que tu puisses avoir, déclare-t-il fièrement.

Je l'observe, les yeux ronds.
—          Ne me dis pas que - !
—          Tu vois d'autres personnes mieux placées que moi pour t'enseigner à maîtriser ton alter ?

Mieux que lui ? Impossible, c'est le seul et le meilleur dans son domaine en ce qui concerne le contrôle de l'alter. Depuis le temps que je lui demande cette faveur... Je n'en reviens pas !

—          Oncle Kai...
—          Eh, ce n'est pas parce que tu es ma nièce préférée que je serai indulgent avec toi. Tu n'auras pas de traitement de faveur.
—          Tu n'as pas à t'en faire pour ça. Je n'y comptais pas. Oncle Kai, t'es le meilleur !







Quelques jours s'étaient écoulés depuis la promesse d'Oncle Kai. Chaque matin, je m'entraînais avec une intensité que je n'avais jamais connue. Il ne me faisait pas de cadeau. Son programme d'entraînement était impitoyable, mais c'était exactement ce dont j'avais besoin pour progresser.

Je me redresse lentement, le souffle court. Mon corps me rappelle déjà que chaque utilisation de mon alter a un coût. Ce n'est pas juste de la fatigue, c'est plus profond... Je sens mon énergie se drainer comme si chaque battement de cœur coûtait plus cher qu'avant.
Oncle Kai se tient toujours devant moi, les bras croisés. Il n'a pas bougé d'un centimètre, pas même transpiré. C'est frustrant, mais je sais qu'il comprend ce que je vis mieux que quiconque.

—          Je t'ai déjà dit de ne pas foncer tête baissée, dit-oncle Kai d'un ton calme mais sévère. Tu sais aussi bien que moi que notre alter n'est pas une simple arme. C'est une malédiction si tu ne l'as pas maîtrisé.

Ses mots résonnent en moi. Une malédiction. Parfois, c'est exactement ce que cela me semblait être. À chaque fois que je l'utilise au-delà de mes limites, mon corps en paie le prix. C'est pourquoi je dois prendre ces fichues pilules ACO.

—          Inari, tu ne pourras jamais retourner à Yuei si tu ne comprends pas ça, ajoute-t-il. Si tu continues à tirer sur la corde sans réfléchir, tu vas finir par te détruire toi-même avant même que quelqu'un d'autre ne le fasse.

Je ferme les yeux un instant, essayant de calmer les battements de mon cœur. Il a raison, mais la frustration me ronge de l'intérieur. J'ai tellement envie de lui montrer que je peux me défendre, prouver que je suis prête. Tandis que je me remettais en position, le téléphone d'oncle Kai se met à sonner. Il décroche rapidement, le front plissé. Lorsqu'il lève les yeux vers moi, je peux voir cette lueur d'urgence et de gravité.

—          Ina, je dois partir immédiatement à l'hôpital. Ils ont besoin de moi de toute urgence.

Je me fige un instant, surprise mais pas totalement étonnée. En tant que chirurgien réputé, il est souvent appelé pour des urgences, mais il est rare de le voir dans un état aussi alarmant.Il se rapproche de moi et pose une main rassurante sur mon épaule. Je sais que cela signifie qu'il me laissera seule pour la journée, le temps de gérer cette crise.

—          Je reviendrai dès que possible. D'ici là, repose-toi, ne continue pas l'entraînement sans moi. Je sais à quel point tu peux être têtue. Je vais prévenir Mitsuki de venir le temps que-.
—          Oncle Kai ! le coupais-je, contrariée. Je ne suis pas une enfant, d'accord ? Je n'ai pas besoin d'une baby-sitter. Et puis ce n'est pas la première fois que je reste seule à la maison.
—          Pas depuis l'attaque. Ce n'est pas négociable. Alors attends sagement son arrivée, veux-tu ? Et sois gentille avec elle.

Je soupire, l'air renfrogné, sachant que je ne pourrai pas le convaincre. Voyant mon air boudeur, il sourit, m'ébouriffant les cheveux, avant de se redresser.

—          Je vais essayer de faire au plus vite.

Le silence de la maison est pesant depuis qu'Oncle Kai est parti. Il ne reste que moi, au milieu de ce jardin clos derrière la maison, entourée de mes pensées, incapable d'échapper à cette sensation de frustration. Je m'assois sur le banc à côté de la vieille grange, l'esprit ailleurs.

Je pense à mes amies, à la vie que j'ai laissée derrière moi à Yuei. Cela faisait des semaines que je n'avais plus eu de leurs nouvelles, du moins pas de la manière dont j'en avais besoin. Quelques messages par-ci, par-là, des bribes de leurs entraînements, des discussions sur les cours que je manquais... mais rien qui comble vraiment le vide qui s'était installé. Eux, ils avançaient. Eux, ils devenaient plus forts, jour après jour, pendant que je restais ici, à tourner en rond dans cette maison.

Mon cœur se serre en pensant à Eijiro, Ochaco, Izuku... Malgré leurs encouragements, ils semblaient chaque jour plus loin de moi. Ils se préparaient pour le championnat, et moi, je restais bloquée ici, incapable de me mesurer à eux. La frustration monte en moi, comme une vague que je n'arrive plus à contenir.

Je regarde l'heure sur mon téléphone, attendant l'arrivée de Mitsuki. Ça me fait penser que je n'ai plus eu de nouvelles de Katsuki depuis ce jour. Il n'a pas mon numéro mais nous habitons à deux pas l'un de l'autre. Je ne m'attendais pas à grand-chose venant de lui, et encore moins à des mots gentils de rétablissement ou d'encouragement. Mais j'aurais quand même espéré un commentaire sarcastique. Je ne peux pas m'empêcher d'être déçue.

Je rejette ma tête en arrière. L'air du matin est frais, contrastant avec la chaleur nerveuse qui monte en moi. Le silence dans le jardin semble presque complice avec l'acte de rébellion que je m'apprête à faire. Je lève les yeux vers le ciel, essayant de calmer mon esprit en ébullition. Un instant, je crois entendre oncle Kai, son ton grave m'ordonnant de m'arrêter, n'étant pas « prête », comme s'il lisait dans mes pensées, mais je l'ignore. Je suis seule.

Je me lève et me déplace au milieu du jardin, fermant les yeux, me concentrant sur les battements réguliers de mon cœur. Je peux sentir le sang circuler dans mes veines, une sensation à la fois familière et effrayante. Je dois apprendre à le maîtriser. À le dominer. Lentement, je lève la main.

« Ton alter est encore trop instable. » disaient-ils.

Ces mots résonnent encore en moi, comme une plaie qui ne veut pas se refermer. Je serre les dents, tentant de retirer cette image de ma tête. J'ai besoin de prouver que je peux être plus forte, que je peux affronter à nouveau cet homme sans trembler de peur. Mais soudain, une douleur aiguë me saisit à la tête, brisant en un instant tout contrôle. Je recule d'un pas, vacillant, pour ne pas m'effondrer, la sueur commençant à perler sur mon front, le souffle devenant court, presque saccadé.

—          Alors c'était vrai.

Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Je me retourne brusquement, cherchant la source de cette voix que je n'aurais jamais voulu entendre ici, maintenant.

Shigaraki.

Il est là, debout, adossé contre l'érable au fond du jardin. Il laisse échapper, une à une, les feuilles de l'arbre qu'il tient dans sa main, les réduisant en miettes d'une simple pression de ses doigts. Il ne me regarde pas encore, observant son travail avec un calme presque dérangeant, comme si la scène l'apaisait.
Encore... Comme la dernière fois, il apparait sans que je le remarque ?

—          Qu'est-ce que tu fais là ? je demande en essayant de cacher ma panique.

Il tourne lentement la tête vers moi, ses yeux rouges me transperçant de ce regard vide, presque désintéressé, tandis qu'il s'approche avec une nonchalance déconcertante.

—          Ce bon à rien me sert finalement à quelque chose. J'ai eu raison de ne pas m'en être débarrassé . Du moins, pas encore, déclare-t-il en m'ignorant complètement.
—          Qu-... Qu'est-ce que tu veux ?!

Ma voix tremble malgré mes efforts pour paraître ferme.
Il s'arrête à quelques pas de moi, ses yeux brillant d'une lueur malsaine.
—          Je suis venu confirmer une suspicion, Inari Ketsueki.

Le poids de ses mots me frappe comme une décharge électrique. Je reste figée un instant, les yeux écarquillés de stupeur. Mon souffle se coupe brusquement, comme si le sol venait de se dérober sous mes pieds. Les lèvres tremblantes, je m'apprête à nier, mais aucun mot ne sort. Comment connaît-il mon véritable nom ? Mes pensées s'embrouillent tandis que je scrute son visage à la recherche d'une réponse.

—          Qu'est-ce que tu crois savoir ? je demande, la voix tremblante et méfiante, trahissant ma confusion.

Il avance légèrement, son sourire s'élargissant alors que la tension palpable augmente.

—          Beaucoup de choses. Mais ce qui m'intéresse le plus, c'est la particularité de ton Alter... 

Mon cœur s'arrête un instant. Plusieurs personnes sont au courant de l'identité de mon Alter. Mais seules les membres du clan Ketsueki en connaissent les spécificités. Je le jauge du regard, cherchant à cerner s'il s'agit seulement d'un bluff.

—          Mon offre tient toujours, reprend-il. Rejoins-moi. Imagine toutes les possibilités que nous aurions avec ton pouvoir ! Nous pourrions faire trembler le monde des héros !

—          Ma réponse est toujours la même. Jamais je ne te suivrai dans ta folie !

Il incline la tête, comme s'il réfléchissait.
—          Pourquoi tant de résistance ? Tu as déjà vu de près la faiblesse des héros, n'est-ce pas ? Ils t'ont laissée de côté, oubliée. Et moi, je peux te donner une place. Une force. Rejoins-moi et tu n'auras plus jamais à te sentir insignifiante.

Il fait un pas en avant, son regard brûlant d'intensité. Mon cœur bat plus vite, partagé entre la peur et une étrange curiosité.

—          Je ne suis pas comme toi, dis-je, le doute s'immisçant dans ma voix.
—          Mais c'est là tout l'intérêt, Inari. Tu n'as même pas encore exploré ton véritable potentiel. Avec moi, tu pourrais le faire. Je te donnerai la force dont tu as besoin.

Son sourire s'élargit, et je sens une vague de colère monter en moi. Il joue avec mes émotions et il le sait.
—          Je ne suis pas une arme pour tes plans, je déclare, tentant de retrouver ma détermination.

Il rit doucement, un son qui semble résonner dans ma cage thoracique.
—          Tu veux peut-être devenir une héroïne, mais regarde où cela t'a menée. Je suis là pour te donner une chance. Une vraie chance.

Je me redresse, mais l'air se fait lourd autour de moi. Chaque mot qu'il prononce est comme un poison.

—          Je n'ai pas besoin de ta pitié.
—          Ce n'est pas de la pitié. C'est une invitation. Penses-y. Rejoins-moi, et tu pourrais devenir quelque chose de bien plus grand que ce que tu es maintenant. Pense à tout ce que tu pourrais accomplir.

Il fait un pas en arrière, m'observant avec un mélange d'intérêt et d'anticipation. Mon cœur se serre alors que je réalise qu'il a raison sur une chose : il pourrait potentiellement être le seul à m'aider à maîtriser mon Alter.

—          Inari !

Alors que la tension entre nous atteint son paroxysme, une voix familière retentit derrière moi.

Katsuki ?

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