Chapitre 21

    Jolie Louve était pétrifiée.

   Elle entendait les cris de sa sœur faire écho dans ses oreilles. Mais elle ne pouvait bouger. Elle voyait son expression crispée et ses pattes tremblante à peine la soutenir. Mais ne pouvait réagir.

   Soudain, elle s'effondra, un cri déchirant qui donna une poussée d'adrénaline à la cadette, la réveilla de sa transe. Elle se précipita vers la reine déjà essoufflée, grimaçant. Une fois arrivée devant celle-ci, elle se figea ne sachant quoi faire. Son esprit s'emballait à chaque nouvelles informations que ses yeux captaient.  Elle déglutit, sentant la panique s'installer en elle, et bafouilla, ne sachant pas quoi faire, quoi dire :
     "Je- Je fais quoi ? Je-"

   Les griffes blanches de sa compagne labourait la terre, un son guttural s'échappant de sa gorge, ses muscles se tendant à excès, ne pouvant relâcher la pression.

   "Je vais chercher de l'aide."


   Elle courait malgré ses pattes qui demandait le repos. Elle ne pouvait imaginer la détresse de la reine et ne devait donc pas ralentir. Les arbres n'étaient que des visions floues aux coins de ses yeux qui asséchaient avec le vent, sec, violent. Son souffle ne parvenait pas à ses poumons, faisant demi-tour à peine ayant passé par sa gorge. Ses côtes lui faisaient horriblement mal, sa gorge en outre. Des particules se logeaient dans ses orbes humidifiées.

   Une forme étoilée courait à côté d'elle.
     "Va voir Museau d'Ivoire."

    - Non, sans blague."  Cracha la guerrière avant d'accélérer


   Des épines se prirent dans son pelage, griffant sa peau, mais elle n'en eut cure. Elle se dirigea vers le guérisseur, poussant ses camarades au pelage sombre.

   "Museau d'Ivoire. C'est- Brume Plumeuse, elle-"

   Il n'en fallut pas plus pour le génie afin de comprendre. Il demanda simplement :
     "Elle saignait ? Comment ça allait ?"

   Les souvenirs de la féline se confondirent et elle ne sut dire. Rien qu'à son expression, il l'arrêta, prit des herbes, demandant :
     "Où ?"

   - Dans la forêt. Aide-la, je t'en prie. Elle a mal et-"

   - Ne me demande rien à moi. Prie le Clan des Étoiles : je ne suis qu'un outil entre leur pattes, comme nous tous."

   Dans un coup de vent, il lui enjoint de chercher de l'aide, des renforts, et Renard d'Argent. Elle voulut protester, dire que ce ne semblait peut-être pas une bonne idée, seulement, il n'était plus là.

   Geai d'Ivoire lui avait dit que ses parents étaient partis. Il saurait sûrement où se trouvait Renard d'Argent. Un coup de vent la poussa vers la gauche.

   "Hey !" s'énerva-t-elle

   - Jolie Louve ?"

   Deux mâles se tenaient devant elle, un brun rayé, un albâtre. Son cœur s'emballa à leur vue.

   "Hé- On a parlé avec Geai d'Ivoire de toi et je voulais-"

   - Pas maintenant Nuage des Bois." l'interrompit-elle : "Où est Renard d'Argent ?"

   - Je crois que c'est important, Jolie Louve." défendit Geai d'Ivoire

  - Non, non. Je n'ai pas le temps-"

   - Écoute-le." s'impatienta son ainé, la colère renaissant de ses cendres, les crocs trop blanc sous le soleil

   Elle déglutit, la peur évidente sur son visage. Cependant, elle ne se laissa pas perturber.

   "Brume Plumeuse met ses petits au monde. J'ai besoin de lui trouver de l'aide. Elle a mal, vraiment mal."

  Plus qu'on ne le croit, plus qu'on ne le voit.

    Geai d'Ivoire recula d'un pas, décontenancé. Ses gènes prenaient le dessus à nouveau. Déterminé, il réfléchit et donna sa réponse :
     "Il est parti avec tes parents, je crois."

   - Merci." le soulagement évident dans sa voix,

     "On en reparlera." promit-elle avant de s'élancer.


   Elle arriva, l'étendue de la prairie semblant infinie. Aucune odeur récente de ses cibles.
   Elle s'avança jusqu'à la frontière, hésitante à la franchir ou non. Elle avait déjà perdu trop de temps, s'inquiéta-t-elle en faisant les cent pas. Un martèlement résonnait dans son crâne. Elle prit une respiration, et, d'un bond, l'élève modèle transgressa les règles.

   Elle ne connaissait pas ce sol, il avait l'air plus sec que le leur, poussiéreux, si bien qu'elle s'étouffait avec. La pisteuse suivait les odeurs familières. Elle tomba sur le couple et leur gendre, parlant avec un mâle brun rayé, le même qu'elle avait croisé.

   "Merci encore, Branche du Lierre." prononça doucement la cheffe

   L'autre ne répondit pas. Et s'il s'apprêtait à le faire, la gueule entrouverte, elle le coupa :
      "Brume Plu-" Elle toussa et reprit, ses poumons à nouveau emplis d'air : "Ses petits, ils arrivent."

   Le père disparut de son champ de vision d'un battement de cils. Elle attendit les indications de sa meneuse, qui d'un froncement de sourcils déterminé lui demanda de la conduire à la future mère.


   Elle s'attendait à voir une Brume Plumeuse radieuse. Épuisée, mais heureuse d'avoir eu des petites boules de poils qui devaient être adorables.

   Elle ne voulait pas voir sa confidente, son amie de toujours, au sol, le souffle court, erratique, son pelage couvert d'écarlate et de vert, les yeux humides, poussant des soupirs aigus.

   "Tu ne t'es pas pressée." reprocha le chat crème

   Ses mots se bloquèrent dans sa gorge. Ses poils étaient ébouriffés et ses mouvements vifs et hésitants.

   Le guerrier nerveux arriva en trottinant, des plantes dans la gueule, les pupilles étrécies, les paupières mis-closes.
   Il les déposa délicatement et s'installa à côté de sa reine, léchant tendrement son minois, chuchotant des mots doux. Les sanglots redoublèrent, un petit cri s'échappa. Il ne s'arrêta pas.

   Imprégné de sang, un petit au pelage noir arriva. Étoile de Lavande le lécha frénétiquement et Loup de Jais fit de même avec un autre. Elle perçut les murmures du soignant :
   "Continuez. C'est bien."

   Les saphirs se posèrent distraitement sur une petite boule orage, laissée seule, loin du regard de sa mère.

   Une respiration sortit Jolie Louve de sa rêverie. Un des deux chatons respirait. Mais il s'arrêta aussitôt.

   "Non, non, non, non."
   Dans un sifflement, une supplication, la vie donnée par le Clan des Étoiles fut immédiatement reprise.

   Un paquet atterrit entre ses pattes ivoires. Une fourrure très fine couvrait le rose de sa chair. Juste sous les yeux de sa mère, Jolie Louve se prit à la tâche. Elle passa doucement sa langue rapeuse sur le petit corps. Un cri étranglé et l'approche de la génitrice l'immobilisa. Sa moitié l'allongea, la rassura et expliqua, préoccupé de voir sa descendance entre les pattes d'une camarade :
   "N'aie pas peur. Tu ne vas pas lui faire mal si tu le lèches un peu plus fort, mais ne sois pas une brute non plus."

   Elle s'exécuta alors. Elle ne s'arrêta pas, même quand le guérisseur lui dit que ça ne servait plus à rien et les lamentations se transformèrent en cris de désespoir.

   Le poitrail se souleva. Elle crut avoir rêvé, pourtant il recommença. Elle utilisa ses pattes pour frotter et produire de la chaleur, sa langue pour continuer les friction sur le chaton, à ça de tomber comme ses frères et sœurs. Haletante, le géniteur reprit son travail, plaçant le petit devant sa mère qui l'observait avec une émotion incompréhensible dans les yeux. Il y avait de l'amour, certes, mais aussi de la rancune, de la haine, et tant d'autres.

  "Merci, Jolie Louve. Au moins, elle a pu en garder un, pendant que j'empêchais son hémorragie de la tuer. Merci."

   Après avoir donné un peu de temps, ils rentrèrent tous au camp. Toujours faible, la chatte bicolore refusa de porter le nouveau-né, laissant la tâche au père qui le couvait d'amour, rien qu'avec son regard.

   À l'entrée du camp, on entendit :

   "Alors ? Comment ça c'est passé ?"

   C'en fut trop pour la nouvelle mère, qui s'enfuit dans sa tanière, laissant son compagnon la suivre, avant de ressortir très vite.

   La chasseuse sentit la culpabilité poindre, et se dirigea vers Nuage des Bois.

   "Allons faire un tour. Je me sens..."

  Il posa sa queue sur son dos et tous deux sortirent, sous l'œil envieux, mais résigné, de son frère.

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