7. Couper le cordon.
La scène est tout bonnement à vous fendre le cœur. La vie, dans sa parfaite cruauté... En y repensant, comment des zombies auraient-ils pu pénétrer dans la maison si toutes les entrées possibles sont bloquées ? J'aurais dû saisir les signes, après coup, cela me paraît tellement évident comme situation...
"Angelica... ça va ? Tu tiens le coup ?
- Je te déteste ! Je te déteste...
- Hé ! Hé ! Ne t'en fais pas. Je ne te juge pas. Allez, calme-toi, ressaisie-toi, nous ne devons pas perdre trop de temps.
- Oui, tu as raison."
Le reste de l'expédition dans la maison ne serait pas une mince affaire : Angelica refuse de m'adresser la parole. En même temps, je la comprends, cette situation peut être humiliante, quelque part, après tout, elle m'a menti. Je sais bien qu'elle ne l'a pas fait de manière malintentionnée, et je ne lui en veux pas. Je ne saisis simplement pas ce qui l'a décidée à me cacher tout cela en premier lieu. Je préfère la laisser un peu seule pour récupérer les provisions qu'elle était venue chercher.
Je reste dans le salon, à la fois horrifié et fasciné par les deux zombies devant moi. Étrangement, ils ne cherchent pas à m'attaquer, mais je n'ose pas m'avancer jusqu'à eux. Qui sait ? Peut-être ne peuvent-ils plus me percevoir en tant qu'humain, mais pourraient tout à fait me dévorer. Dois-je en parler à Angelica ou non ? Je verrais bien comment les choses évoluent, cela n'est pas une priorité. Je suis tiré de mes songes lorsque la jeune fille réapparaît, visiblement toujours contrariée, mais la résignation a l'air de prendre le dessus. La tristesse. Comment rester insensible à tant de douleur ? Elle marque une pause devant ses parents, puis je lui prends la main, et la dirige vers la cuisine. Elle sert la mienne en retour, et continue de pleurer silencieusement.
"Tu sais... tu vois... je pensais que... que...
- Angelica...
- Tu... tu es là... et, et eux, tu comprends, peut-être que... peut-être qu'eux aussi peuvent... revenir.
- Angie...
- Pourquoi tu reviendrais et pas eux, Raphaël ? Pourquoi ? Ce n'est pas juste !
- Je ne sais pas. Tout cela nous dépasse tous les deux, et tu le sais. On n'y peut rien, nous devons accepter que le monde a changé, et surtout que nous ne pouvons pas tout contrôler. C'est comme ça.
- Mais comment veux-tu que j'accepte ça ?! Tu es la preuve vivante que tout n'est pas perdu !
- Je sais bien, je sais tout ça, mais pour l'instant nous n'avons aucune certitude. Je suis peut-être le seul, ou bien l'on m'a inoculé un remède, on ne sait pas...
- Tu sais, je ne voulais pas les garder enchaînés comme des chiens. Là où ils se trouvent, si quelqu'un force l'entrée, il ne pourra pas passer. Et, et ils gardent mon stock de provisions..."
Angelica continua le temps du retour jusqu'à la cabane plus pour elle-même que pour moi. Elle m'expliqua que lorsqu'elle chassait, elle déposait toujours de la viande pour ses parents, ce qui justifiait sa volonté de ne pas manger elle-même de la viande fraîche.
Nous arrivons dans l'abri, et je n'ose pas engager la conversation. Angelica a besoin d'avaler la pilule, cette expérience fut à la fois humiliante et traumatisante pour elle. J'ai en quelque sorte piétiné son jardin secret, aussi morbide soit-il, mais surtout, elle aurait pu être mordue, ou pire, dévorée par ses propres parents. Cette pensée me fait l'effet d'une lame glacée dans le cœur, cela aurait été le pire des scénarios possible pour mon alliée.
Nous restons une bonne heure séparés, elle dans son coin chambre, et moi sur mon duvet. Je me force à retrouver la mémoire, mais les événements du jour m'empêchent d'être efficace. Je sais que mon cerveau progresse tous les jours de façon fulgurante : le langage est revenu complètement, j'ai la plupart des références culturelles, historiques, mais tout ce qui concerne ma personne, ma vie, mon développement personnel passé, c'est le trou noir. Le cerveau humain est si bizarrement fait... Je dois trouver des stimuli directs... Angelica revient près de moi, je prends mon courage à deux mains, et je brise ce lourd silence :
"Je m'en vais demain.
- Tu plaisantes, j'espère !
- Non, je suis on ne peut plus sérieux... En à peine vingt quatre heures dans ta vie, je t'ai causé beaucoup de soucis, et de souffrances, je ne veux pas devenir la source de tes maux.
- Oh, épargne-moi le ton mélodramatique, s'il te plaît ! J'ai merdé, ok ? Je ne sais pas ce qu'il m'a pris d'entretenir cette espèce de relation macabre avec ce qu'il reste de mes parents. Mais ce n'était clairement pas une bonne idée... Ou plutôt, heureusement que tu étais là pour m'aider à ouvrir les yeux.
- Merci, mais je pars quand-même demain.
- Oh la la ! Mais quel rabat-joie celui-là ! Bien sûr qu'on part demain !...
- On ? Lui demandé-je avec un peu trop d'enthousiasme.
- Tu ne crois quand-même pas que je vais te laisser te faire tuer ! Tu ne tiendras pas une journée sans moi, mon bonhomme !... Angie, hein ?!..."
Elle prononce cette dernière phrase avec un grand sourire... Cette vision me fait tellement de bien. Je commençais à sérieusement culpabiliser quant à l'embarras dans lequel je l'avais mise. Tout n'était pas de ma faute, j'en suis conscient, mais j'ai quand-même provoqué tout ceci. Je suis ravi qu'elle ne m'en veuille pas, et encore plus qu'elle m'accompagne.
La soirée se passe sans encombre : nous mangeons un repas frugal mais suffisant, et nous continuons à échanger des banalités sur la propriété des parents d'Angelica, leur vie passée, des souvenirs d'avant la catastrophe. Je la laisse parler, et lui pose ponctuellement des questions. Je sens qu'un déclic s'est effectué en elle, et surtout que cela lui fait du bien. La gravité sur son visage disparaît peu à peu laissant place à de la fatigue.
L'idée de quitter prématurément le semblant de quiétude que je venais de trouver grâce à Angie me terrifie, je dois le reconnaître. Après tout, des gens ont essayé de me tuer, et je suis un zombie redevenu humain. Heureusement, mon acolyte a tout prévu pour partir en expédition. Sur cette ambiance un peu plus joyeuse que précédemment, nous allons nous coucher pour tenter de trouver un peu de repos bien mérité : nous ne savons pas quand nous aurons l'occasion de dormir en toute quiétude à nouveau... même si pour moi, le sommeil est synonyme de douleur plus que de repos. C'est avec une inconfortable appréhension que je me couche dans les couvertures qui forment mon lit, espérant trouver un peu de répit pour mon esprit pour les heures à venir.
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