56. Action...

Nous nous regardons, les uns, les autres, allant d'un individu, à l'autre. En une question, Dan venait de soulever un point crucial : dans toute cette agitation, Erwan avait réussi à s'échapper. Le connaissant, cela est un très mauvais présage.

"Nous devons le retrouver ! Tant qu'il sera en vie, nous serons en danger ! S'exclame Dan.

- Où a-t-il bien pu aller ? Dans tout ce vacarme, je ne vois aucun endroit où il puisse être en sécurité ! Je leur dis.

- Erwan n'est pas homme à fuir un combat, même si la situation est désespérée. Au contraire, ce qui le distingue des autres soldats, c'est sa capacité à garder une stratégie de secours. Je peux vous garantir qu'il n'a pas sorti tous ses atouts. Nous met en garde Angie.

- Et, quelqu'un aurait-il une idée de ce qu'il peut bien préparer ? Demande Dan.

- J'ai bien une petite idée, oui, mais je pense que tu ne pourras pas l'arrêter... Lui répond Gabriel.

- Dis toujours...

- Je pense qu'il n'a pas sorti tous ses zombies modifiés, et qu'il va tenter de te tuer."

Le ton est donné. Gabriel se rend compte que ce qu'il vient de dire n'était pas délicat, mais comment pourrait-on l'être dans une telle situation ? Daniel ne sourcille pas, mais je sais que cette idée l'inquiète beaucoup, je peux le sentir.

"Nous devons le protéger, coûte que coûte."

Ces mots sortent plus vite que mes pensées. Je ne laisserai pas Erwan tuer Dan. J'y laisserais ma peau, s'il le faut, mais ce gosse a déjà beaucoup trop souffert pour nous. Un peu à moi d'assumer les difficultés de ce nouveau monde d'horreur.

"Je le tuerai, Dan. Concentre-toi sur la horde. Et dès qu'Erwan refait surface, je ne dirais pas non à un peu de protection..."

Son regard, puis celui de Gabriel, et enfin, celui d'Angie me confirment que c'est la bonne chose à faire. Alors, je m'approche de mon ami d'infortune, mon complice depuis l'asile, et je lui tends mon poing, pour qu'il vienne taper le sien contre le mien, et je ne peux m'empêcher de lui attraper la tête, et déposer un baiser bienveillant sur ses cheveux. Je m'approche de la femme qui me fait tourner la tête depuis mon éveil, pour l'embrasser, une dernière fois...

Mais je n'aurais jamais l'occasion, car Gabriel hurle : "Merde ! Il est là !!! Oh PUTAIN..."

Nous nous précipitons au bord pour voir ce qui met tant Gabriel en émoi, et je comprends totalement sa réaction car mon cerveau a du mal à accepter ce qu'il voit. Des zombies, modifiés, par dizaines, sortent des bouches d'égout sur les routes, et, à leur tour, prennent à revers les zombies de la horde.

Dan se concentre, et je peux voir, impuissant, que la situation le dépasse totalement. Il ferme les yeux, puise au plus profond de lui, et, lorsqu'il rouvre les yeux, c'est la panique. Il est terrorisé, et je ne peux que ressentir la même chose, car, en bas, la situation est catastrophique : pour la première fois depuis qu'il maîtrise son optimisation, Dan est incapable de contrôler ces zombies modifiés.

Il se ressaisit mais reste très concentré. Angie me dévisage, les yeux embués de larmes. Elle saisit également les enjeux, et surtout, ce que tout cela implique. En bas, ce ne sont pas des hommes qui se mettent à mort. En bas, ce ne sont pas des humains contre des zombies qui se mettent à mort... Non, en bas, ce sont bien des zombies contre des zombies. De potentiels premiums. Et pourtant, cet affrontement revient à voir de simples humains non infectés se battre.

"Quelle putain d'ironie... Je murmure.

- Quelle putain d'ironie. Elle répète."

Je la regarde, triste, et je m'apprête à lui déposer ce baiser que je n'ai pas eu l'occasion de lui déposer...

"Bon sang ! Gabriel !!! Protège Dan !"

Erwan est là, au sommet du mur, à quelques centaines de mètres de nous, escorté par une vingtaine de modifiés. Il est loin, mais je peux voir à son expression qu'il exulte. Et la pression monte encore d'un cran quand j'entends Angelica hurler. Alors je cherche du regard, et je comprends, trop tard.

Angie avait raison... S'il y avait bien une qualité que l'on devait reconnaître chez ce soldat, c'est bien son anticipation. Il avait tout anticipé, même le pire scénario. Il n'y a aucun doute, personne n'aurait pu mieux défendre New Shelter que lui.

Voilà... La fin que nous redoutions est là. De l'autre côté, un groupe d'une vingtaine de modifiés, également. Il vient de prendre Daniel a son propre jeu de diversion. Il est trop tard... Même si Dan décidait de faire monter des zombies agités, ils mettraient trop de temps et nous serions déjà tous morts.

Moi-même, je ne peux pas mettre à exécution ma promesse de tuer Erwan comme je l'imaginais. Un tel sentiment d'impuissance s'empare de moi. Erwan nous a bien eu, je ne peux que m'incliner devant un tel coup de maître. En un unique mouvement des plus habiles, il venait de nous mettre échec et mat.

Les modifiés s'approchent de nous, très lentement, mais en continu, dans une démarche totalement déshumanisée. Dan me regarde, d'un regard que je ne lui avais jamais vu. Il est en train de perdre le contrôle. Dans la confusion, la horde se fait décimer. Il tente de garder un semblant de maîtrise, mais il est trop paniqué pour se concentrer. Je me rapproche de lui, pose ma main sur son épaule, et m'approche de son oreille, pour que seul lui entende ce que j'ai à dire. Je tente de le rassurer comme je peux...

"Dan, mon petit mec, si nous devons mourir ici, alors nous mourrons ensemble. Je vais essayer de nous faire gagner un peu de temps, fais monter des zombies. Si je meurs en premier, Angie devrait confronter Erwan, et cette confrontation est ton unique chance de reprendre le dessus sur lui. Gabriel te protégera. Si mon plan fonctionne, promets-moi de veiller sur Angie, et de profiter d'une nouvelle vie où les premiums pourront vivre en paix.

- Je... Je te l'promets. Il peine à me répondre, en larmes."

Je me dirige vers Erwan, et passe devant Angie. Je meurs d'envie de l'embrasser une toute dernière fois avant de mourir, mais je ne peux m'y résoudre, cela aurait pour unique effet de déclencher la fureur d'Erwan qui commanderait à ses modifiés de nous descendre.

Ce qu'il se passe ensuite, je ne peux le raconter avec certitude, car tout est allé beaucoup trop vite, mais, ce que je peux affirmer, c'est que la situation dégénère totalement.

Des cris derrière moi, au loin, je lance un très bref regard en arrière, et je peux voir une partie des premiums que nous avons libérés de la prison, en train d'attaquer les modifiés à l'opposé d'Erwan, en les prenant par surprise. Lorsque je tourne de nouveau la tête, j'ai à peine le temps de voir le visage d'Erwan, sur lequel on ne lit plus que de la fureur.

Ensuite, je tombe à terre, attaqué par deux modifiés. Je me débats, je hurle. J'essaie de les repousser, les neutraliser, mais en vain. J'entends des coups de feu, des cris. Alors mon instinct prend le dessus, et je décide de me laisser attaquer par l'un des modifiés pour m'occuper de l'autre, et cela fonctionne : je lui brise la nuque pendant que le second m'arrache un morceau de muscle de l'avant-bras. Je mentirais si je disais que dans le feu de l'action, je ne sens pas la douleur, mais l'adrénaline m'aide à ne pas perdre connaissance, et j'arrive à maîtriser le second, puis à me relever, et, non sans peine, à le faire chuter du haut du mur.

Je tourne le dos au reste du groupe, mais je n'ose pas me retourner. Pourtant, mes amis ont besoin de moi. Alors je me décide et fonce dans leur direction... Mais ce qu'il se passe ensuite, je ne peux pas le raconter.

Les coup de feu se sont arrêtés, les modifiés ont été neutralisés, et trois corps gisent au sol, dans une marre de sang.

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