45. Fauxptimisés.
Comment arrivons-nous à nous fourrer dans de telles situations ? Sérieusement ?! Quelles probabilités pour que l'on arrive quelques minutes avant la transformation de tous les patients en zombies ?
La poignée bouge, de plus en plus, tandis que l'on entend des coups donnés sur la porte. Les premiers râles se font entendre, de l'autre côté. L'heure est grave, cette porte est notre unique issue, et nous ne pouvons pas l'ouvrir sans se faire dévorer. Mon cœur commence à s'activer, mais je me trouve étonnamment calme malgré la situation.
"Gab, tu vas ouvrir la porte, et je vais les contenir suffisamment pour que Raph sorte et s'extraie de la masse. Vous le suivrez, et je resterai ici avec Angie. Il n'y a que moi qui puisse maintenir les zombies hors de portée. Surtout, veillez à n'en oublier aucun, ou sinon nous sommes tous foutus. Allez, à trois... Tu es prêt Raph ?!"
Je fais signe à Dan pour lui répondre à l'affirmative. Les battements s'accélèrent dans ma poitrine. J'embrasse Angie rapidement, lui caresse le dessus de la main, puis la porte s'ouvre. Je la regarde une dernière fois, et je me lance, talonné par les autres premiums. L'instant d'après, j'entends la porte claquer, puis les zombies se précipiter dessus.
Ils ne réagissent pas. Les fauxptimisés les contrôlent donc depuis une certaine distance. Nous sortons du bâtiment. Le couloir est plein à craquer, et de nombreux autres zombies continuent d'affluer depuis les escaliers. Bientôt, la porte cèderait et Dan et Angie seraient perdus.
"Nous devons trouver les fauxptimisés, leur montrer que nous sommes là !
- Mais comment fait-on ?! Ils sont planqués. Me répond Gabriel.
- On se sépare, mais on ne s'éloigne pas trop... Go !"
Je tente de faire bonne figure, mais la panique s'empare de moi. Alastair a encore un train d'avance sur nous, et nous n'avons pas d'autres choix que d'improviser. Je tente de rester un maximum à découvert. Cela n'a aucun effet...
Est-ce que mes yeux sont rouges ou non ? Mince ! Mais oui ! Cela doit sûrement jouer !... Je me concentre un instant, en essayant de faire ralentir la cadence de mon cœur. Je respire profondément, puis j'ouvre les yeux, et je fixe un point distant, tout en faisant un tour sur moi-même, le plus doucement possible. Je suis si concentré que j'arrive à ressentir la variation dans mes yeux. De l'extérieur, le spectacle doit être quelque chose ! J'ai l'impression d'être une guirlande électrique...
Et ma stratégie paye : les premiers zombies sortent du bâtiment. Chouette ! Allez, venez, les zonzons, et menez-moi aux fauxptimisés !...
Merde ! Non... non ! Non ! NON ! Venez ! Revenez !!! Qu'est-ce que vous faites ?!! Je suis là ?!!...
Les zombies passent devant moi, sans même me prêter une quelconque attention, puis se dirigent vers le terrain herbeux. La nouvelle horde me cache la vue, aussi, je n'arrive pas à distinguer quelle est leur proie... Je cours à toute jambe vers une palissade sur le côté du terrain et je l'escalade... Ah, merde, les prises ne sont pas bonnes ! Allez, Raph, encore un petit effort... Voilà !
Oh mon dieu, non ! C'est Gabriel !... De là où je me trouve, la vue est désolante. Il court de toutes ses forces, mais la horde l'encercle. Je tente de le prévenir : GAB !!! NON !!! TOUT DROIT !!! TOUT DROIT !!!!! Mais non, il est pris au piège ! Non, non, non, non !!! Pas lui ! Pas Gabriel ! Non...
Et, à ce moment précis, alors que mon ami est sur le point de se faire dévorer, cette putain d'ironie du sort me joue à nouveau le tour le plus horrible que je puisse connaître... Au loin, à travers le feuillage de la forêt, ils sont quasiment imperceptibles, mais bel et bien là : les fauxptimisés. Avec le déclin du soleil, on aurait pu croire qu'il s'agissait de la lumière cramoisie du crépuscule perçant à travers les feuilles et les troncs...
Mais non. Ce sont bien de minuscules points rouges. Ils se tiennent tous attroupés, orientés vers le terrain. A coup sûr, ils sont en train de contrôler les nouveau-nés afin qu'ils dévorent Gabriel.
Je suis paralysé. Horrifié par la situation. Je ne peux m'empêcher de regarder frénétiquement le terrain, puis la forêt. Gabriel est totalement encerclé. Le ciel est teinté d'un rouge qui n'est pas sans rappeler le sang... et les yeux de premiums. Les fauxptimisés. La nouvelle horde. Gabriel. Les fauxptimisés... qui resserrent l'étau jusqu'à se jeter sur lui.
"Mais qu'est-ce que tu fous ?!! Hurle Dan.
- G... Gab... Les fauxptimisés...
- Raph, fonce !!! Crie à son tour Angie."
Cette simple phrase suffit à me donner assez de courage pour bouger. Je descends en moins de deux et passe devant eux : Daniel est dans le même état de concentration qu'au village et semble particulièrement en souffrance. Je hurle à l'attention des premiums pour qu'ils se joignent à moi.
Nous courrons jusqu'à la forêt. Les fauxptimisés ne bougent pas d'un pouce alors que nous sommes en train de foncer à toute vitesse sur eux. C'est étrange. Il fait de plus en plus noir... Je capte un mouvement, au loin. Alors je décide de continuer ma course à la poursuite de cet individu.
Bon sang, qu'il est rapide ! Je tente de maintenir la vitesse, mais il me distance. Je ne peux pas le laisser filer. Je ne peux pas abandonner. Je ne peux pas échouer. Non... Je n'y arrive plus. Je suis à bout de souffle... inutile, bon à rien.
"Je m'en occupe ! Ne nous perds pas de vue !"
C'est Bod. Je n'ai pas le temps de lui répondre qu'il est déjà bien loin. Je reprends la course à un rythme soutenu, mais mes muscles sont douloureux. J'espère qu'il réussira à le neutraliser rapidement...
Aussitôt dit, aussitôt fait ! Bod vient de lui bondir dessus et tente de le maintenir plaqué au sol. Le fauxptimisé se débat de toutes ses forces, au point de blesser Bod au visage. Je les rejoins et donne un coup suffisamment fort pour l'assommer, et le fauxptimisé tombe inconscient.
"Merci Bod, je te dois une fière chandelle !
- N'importe quoi ! Entre optimisés, on doit se serrer les coudes et s'assurer nos arrières, les uns, les autres ! Il me répond.
- Ramenons-le auprès des autres... mais sans courir, ou sinon je meurs !
- Sans courir, ouais, ça me va aussi."
Nous rions, sûrement sous le coup de la nervosité et du soulagement. Nous empoignons ensuite le fauxptimisé qui pèse son poids, et nous le traînons jusqu'au reste du groupe. Quelques minutes seulement se sont écoulées, et pourtant, j'ai l'impression d'avoir raté quelque chose : les zombies sont tous rassemblés sur le terrain, dociles, de façon ordonnée, et les fauxptimisés se trouvent à genoux, en avant du troupeau. Notre groupe de premiums se trouve devant eux et les tiennent immobiles. Ils sont une petite dizaine.
Nous arrivons à leur encontre, et nous jetons le fauxptimisé sans ménagement. Il ne se relève pas, toujours assommé par le coup que je lui ai donné. Le reste de des fauxptimisés nous regarde, d'un œil éteint.
"Alors ! Répondez !!! Où est Madder ?!! Hurle Gabriel.
- Gab, ça ne sert à rien. Tu vois bien qu'ils ne fonctionnent pas par la parole.
- Je viens de manquer de me faire bouffer par des dizaines de zombies, Dan ! Je veux des réponses !!!
- Et je peux t'en donner une : Madder est en phase expérimentale avec les fauxptimisés. Ils ne parlent pas, et ne se contentent de faire uniquement ce que Madder les programme pour.
- Alors, comment fait-il ?!
- Stimulation électro-sensorielle ? Je tente.
- Euh... Je sais pas si c'est ça, mais il leur fout des pichenettes à coup de jus tout en leur imprimant un message dans le crâne, ou un truc du genre. Répond Dan.
- Ouais, eh bien c'est ça. Il stimule le cerveau électriquement pour y implanter un message. Ainsi, les fauxptimisés sont conditionnés pour exécuter ce qu'Alastair leur ordonne de faire. J'ajoute.
- Mais putain, Raphaël ! Tu veux me faire croire que c'est possible, ça ?! On n'est pas dans des putains de films de science-fiction, là ! C'est la vraie vie ! Les conneries subliminales par machins électro-mes couilles, c'est de la connerie !
- Calme-toi, Gab. Je peux comprendre que tu sois bouleversé, après ce que tu viens de vivre. Mais il ne faut pas que tu oublies que ce monde-là, jamais aucune fiction n'y avait été confrontée, et avec tout le temps qu'Alastair Madder a eu pour peaufiner ses essais, eh bien c'est tout à fait possible qu'il ait réussi. Je tente de le raisonner.
- Ok, Raph. Je veux bien te croire... Mais alors si ces saloperies sont expérimentales, alors on les bute toutes !
- Je n...
- ... ON LES BUTES TOUTES ! C'EST PAS NEGOCIABLE, MERDE !"
Gabriel est secoué. Il vient de frôler une mort atroce. Je comprends parfaitement qu'il réagisse de la sorte. Comme pour terminer de me convaincre, les fauxptimisés ne réagissent pas quand Gabriel leur met des baffes. Ce sont des pantins, des coquilles vides. Je ne sais pas comment Alastair les a créés, mais ils sont dénués de tout libre arbitre. Cette vision est vraiment triste.
Le chef des premiums sort une arme de sa ceinture. Angie me regarde, Dan également. Après tout, cela est cohérent, bien que totalement pas discret. Il se plante devant chaque fauxptimisé, puis tire une balle dans la tête. Une, deux, trois, quatre... et ainsi de suite.
Le silence de mort renforce la violence de chaque coup de feu dans un monde sans vie, où chacun a regagné un abri à la nuit tombée pour sa propre survie. Les fauxptimisés tombent un par un, les uns après les autres, dans un bruit à la fois lourd et étouffé.
Le dernier fauxptimisé, celui que nous venons de ramener avec Bod, reprend connaissance et se tourne sur le dos. Gabriel se positionne au-dessus de lui, met son crâne en joue, quand soudain, l'individu à terre, à la surprise de tous, hurle : "PITIE, NE TIREZ-PAS !"
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