11. Le savant fou.
J'ai dormi comme un bébé, ce qui est étrange. Je pense que Madder m'a drogué, ou a au moins glissé un somnifère dans mon repas. Je ne vais pas m'en plaindre, je ne me suis pas senti aussi bien depuis mon éveil. Pourtant, je sens que la journée va être éprouvante, cet Alastair Madder a un plan derrière la tête et est très loin d'avancer à l'aveugle.
Je suis assez surpris de ne pas voir de petit déjeuner. J'entends du mouvement derrière la porte, la seule explication possible est que je suis observé. Je jette un coup d'œil rapide dans la chambre, mais aucune trace de caméra visible. Forcément... Ce serait trop simple, sinon. La porte s'ouvre, les deux toutous d'hier viennent m'attraper, non sans fermeté, mais beaucoup moins brusquement que la veille. Nous nous dirigeons vers le laboratoire où j'ai rencontré Madder, mais au lieu d'y pénétrer, les toutous m'emmènent jusqu'à la pièce suivante.
Il s'agit d'une salle assez petite, totalement aseptisée. Le premier détail qui me saute aux yeux est la présence de deux lits, ou plutôt deux tables. L'une est vide, et l'autre est occupée par le jeune enfant aux yeux rouges. Il est sanglé de partout, voilà donc ce qui m'attend pour aujourd'hui. Ma première idée serait de me débattre, mais ma raison prend immédiatement le dessus, je ne peux absolument rien faire dans cet endroit, c'est le territoire de Madder. Son terrain de jeu.
Les toutous m'installent et me sanglent sans ménagement, toujours avec une infime retenue que leur supérieur a dû imposer. Ils partent ensuite, et la porte se referme. Puis c'est le silence, rien ne se passe. Je regarde frénétiquement à gauche, puis à droite, devant. Je me tords le cou pour voir derrière. Je regarde vers l'enfant, et je n'ose pas lui poser trop de questions, il ne fait aucun doute, Madder nous observe.
C'est à ce moment précis que je comprends que je n'ai pas le choix : je dois engager la conversation et poser des questions à l'enfant. Si je ne le fais pas, Madder comprendra tout de suite que je me méfie, et que j'ai compris, et Dieu sait ce qu'il pourrait nous faire... Mais l'autre problème que j'ai, c'est de bien choisir mes questions, car je ne dois pas prendre le risque que l'enfant en dise trop ou qu'il nous mettent dans une position compromettante malgré lui. A mon plus grand étonnement, c'est lui qui pose la première question.
"Comment tu t'appelles ?
- Raphaël, et toi ?
- Daniel, mais je préfère Dan si ça ne te dérange pas."
La maturité dont Daniel fait preuve dans le ton qu'il exprime me laisse circonspect : comment un si jeune enfant peut-il s'exprimer comme un adulte ? Je veux dire, si je ferme les yeux, et que je ne sais pas qu'il a l'apparence d'un enfant, cette phrase aurait pu être prononcée par un adulte. Ce ton, cette gravité. Cela me laisse sans voix. Alors il continue.
"T'es arrivé là comment, toi ?
- J'ai été assommé pendant l'attaque d'une horde de zombies."
En répondant à sa question, je réalise que je ne sais même pas pourquoi je me trouve ici, mais surtout, je prends conscience que j'ai été assommé, ce qui veut dire qu'on ne m'a pas amené ici par hasard. Mes sens se mettent en alerte, mais je ne peux absolument rien faire. Je tente de ne pas céder à la panique, et je lui demande :
"Et toi ?
- Je suis arrivé ici il y a quelques semaines, je ne me souvenais de rien, et ils m'ont fait entrer. Depuis, je SUIS PRISONNIER ICI !!!
- Oh, oh ! Calme-toi, Dan ! Crier comme cela ne nous rendra pas service, tu sais !
- Ah oui ? Eh bien, Raphaël, explique-moi ce qui nous rendrait service, au juste...
- De ne pas les provoquer, pour commencer... Et me faire confiance, tu n'es plus seul.
- C'est ta première fois ici, hein ?
- Oui.
- Bienvenue chez les fous..."
La tâche s'annonce compliquée : je suis persuadé que Madder va nous laisser poireauter un bon moment avant de venir nous voir, pour ensuite nous interroger ou bien nous torturer, je ne sais pas trop. Ma première réaction à chaud : ce gosse m'énerve. Mais le pire, c'est qu'il ne me laisse pas indifférent, tout chez lui semble particulier. J'aimerais lui demander véritablement ce que j'ai en tête mais je ne peux pas. Alors je vais jouer au jeu du silencieux.
Je ferme les yeux, et je me concentre sur ma respiration. Instinctivement, mon cerveau rejoue les événements de la veille, puis ceux du passage de la horde. Et je revois Angie. Mon cœur se ressert, j'espère qu'elle va bien et qu'elle a réussi à s'en sortir. La connaissant, elle n'a pas pu se laisser berner par des "zonzons", après tout ce monde est sa réalité depuis deux ans. Elle a su s'adapter, je dois avoir confiance en elle. Je suis tiré de mes pensées par le bruit de la porte qui s'ouvre.
'Eh bien bonjour à vous deux, j'espère que la nuit fut bonne ! Une longue journée vous attend.
- Qu'y a-t-il de prévu au programme, Alastair ? Je demande.
- Tu le verras bien assez vite, je vous demanderai d'être le plus coopératif possible. Dans le cas contraire, ça rendrait l'expérience simplement plus... inconfortable pour vous.
- N'oubliez pas notre deal !
- Quel deal ? Infirmière, ils sont à vous !"
Il s'écarte de la porte et laisse la place à l'infirmière. La tension monte d'un cran lorsque je vois qu'elle n'est pas seule : elle tient en laisse un zombie agité, je dirais le même qu'hier. Elle lui retire sa laisse puis le lâche dans la pièce, et la referme. Instinctivement, je panique. Le zombie nous fonce dessus, il nous regarde et nous renifle. Les yeux de Daniel virent au rouge écarlate. Je saisis l'occasion et lui pose la question :
"Pourquoi tes yeux sont rouges tout à coup ?
- C'est parce que tu ne vois pas les tiens, ils le sont également ! As-tu peur ?
- Oui...
- Alors c'est la seule explication qui me vient en tête, car moi aussi, j'ai peur."
Un déclic s'opère en moi : je me rappelle de ma rencontre avec la horde, et comment je me suis senti terrifié avant de constater qu'aucun zombie ne m'attaquait. Ceci n'est qu'une mise en scène, pour nous stimuler, je dirais. Comme pour confirmer les soupçons, le zombie se désintéresse de nous et se met à courir et se jeter sur les murs. Il apparaît clairement qu'enfermer un agité est une torture pour lui. C'en est également une pour nous : les grognements, les cognements contre les murs, et les va-et-viens incessants à un rythme effréné... Madder nous laisse pendant ce qui semble être des heures tous les trois dans la pièce. Je suis certain qu'il regarde et qu'il jubile.
L'infirmière finit par revenir. Elle évacue l'agité puis revient avec un chariot rempli de matériel divers : tubes, seringues, scalpels, et autres outils. C'est maintenant que le véritable test commence. Sans préambule, elle nous prélève du sang à Dan et moi. Je suis surpris par la couleur vive et la consistance de notre sang, tant le sien que le mien. Il est d'un rouge éclatant, presque brillant, et plus compact que le sang ordinaire. Bien sûr, sans pouvoir manipuler tout cela, je ne peux pas l'affirmer avec certitude.
Madder apparaît ensuite, et nous dit : "Maintenant, vous allez passer la nuit tranquillement ici, à demain". Il pousse l'agité dans la pièce, puis s'en va en riant.
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