23 Décembre
Lorsque l'on est euphorique, le temps passe beaucoup plus lentement, c'est bien connu. Et quand le stress vient nous submerger, on a l'impression que tout s'arrête autour de nous, on ressasse tout ce qui peut être remis en cause de façon interminable. Ces ruminations sont, sans aucun doute, futiles et laissent place à une peur indescriptible qui va détruire tous les espoirs possibles.
Le pire était que Jungkook en avait bien conscience. Il savait que ce "mauvais stress" lui faisait perdre tous ses moyens au point de le pétrifier durant des heures et il n'avait pas pensé à tenter des exercices de respiration pour se calmer avant la venue de Taehyung. Les conséquences étaient à la fois désastreuses et désopilantes à voir, selon Monsieur Lee en tout cas.
Arrivé en premier, le noiraud n'avait de cesse de gesticuler partout, comme à son habitude. Il répétait à son professeur, dramatiquement, qu'il ne se sentait plus capable de déclarer sa flamme par peur que son âme sœur ne le rejette à vie avant de se persuader du contraire, encore et encore, vivant dans un cercle vicieux qui désenchantait grandement l'adulte qui avait l'impression de canaliser un enfant de maternelle.
Peu après, Taehyung apparut et les salua d'une voix rauque faisant frémir Jungkook qui ne s'était guère empêché de le reluquer. En toute franchise, il était magnifique, encore plus que les jours précédents. Si le plus âgé n'avait, une nouvelle fois, pas prêté attention à son style vestimentaire, ce fut tout le contraire chez le brun. Ce dernier portait un col roulé noir accompagné d'un blazer gris foncé et d'un jean de même couleur. Notre protagoniste s'était énormément habitué à le voir avec l'uniforme de leur lycée, il comprit alors que son camarade avait d'excellent goût en matière de vêtement, bien plus que lui.
Ses sombres vêtements reflétaient toutefois son humeur. Il avait les sourcils froncés et le visage fermé, mais comme s'il souhaitait caché cela, il adressa de minuscules banalités à son enseignement ainsi qu'au noiraud, d'un sourire horrifiquement faux selon ce dernier. Intimidé et découragé, Jungkook s'était replié dans un coin de la pièce, à l'opposé de Taehyung, ne sachant comment aborder le sujet. Et puis il ne voulait pas le déranger alors qu'il écrivait et fluotait sur ses fiches, aussi concentré que personne... D'après lui, c'était une excuse valable.
Seulement, à vouloir trop attendre, c'était la patience de Monsieur Lee qui atteignait ses limites. Cette situation l'horripilait car il pouvait parier que ses deux élèves s'aimaient mutuellement, alors les voir aussi réservés le poussa à accélérer la chose. D'un acte parfaitement puéril, il prit la première feuille de papier qu'il vit, la froissa, et la jeta sur le noiraud. D'une télépathie piteuse, il encouragea son élève à prendre les devants.
Si je ne le fais pas maintenant, je n'aurai jamais de réponse, conclut Jungkook. Définitivement sorti de sa transe, il partit se poster en face de Taehyung, posant une main sur son épaule afin d'attirer son attention.
"Taehyung ? Est-ce qu'on peut aller dehors cinq minutes ? J'aimerais te parler.
- Encore ? Lui répondit-il, remplaçant calmement des lunettes que son vis-à-vis n'avait jamais vu.
- Oui... Je n'avais pas fini la dernière fois et ça m'a travaillé toute la nuit.
- Pourtant c'est toi qui as stoppé la conversation parce qu'on s'était soi-disant perdu.
- C'est pas de ma faute d'abord. Tu n'avais qu'à pas m'embarquer dans des quartiers que je ne connais pas !
- Qui sont à deux pas de ta maison, à peine. À ces dires, Jungkook se renfrogna tel un enfant. Alors ne m'accuse pas idiot.
- Je t'ai demandé si on pouvait aller dehors, pas de m'insulter.
- Je ne t'ai pas insulté, j'ai exposé une vérité. Et parfois, la vérité blesse.
- Tu m'énerves.
- C'est ma réplique ça, Jungkook."
Ce sourire angélique. Le noiraud l'avait enfin entrevu de nouveau et ô combien cela lui avait manqué. Plus serein, il le prit par la main et le guida en dehors du bâtiment, non sans croiser le regard plein d'encouragement de Monsieur Lee. La cour principale étant la seule encore accessible, ils s'assirent adonc sur un banc, épargné par la neige, qui frôlait le pied d'un araucaria centenaire.
Des mésanges effectuaient des aller-retour tantôt au-dessus de leur tête, tantôt sur les branches, ce qui fascinait Taehyung. Il avait toujours voulu adopter des oiseaux, des inséparables pour être plus précis. C'était fascinant pour lui de constater à quel point ces animaux pouvaient parfois être plus fidèles que les êtres humains. Ils pourraient tant apporter de la gaieté dans sa maudite chambre... Médusé par ces oiseaux, il en oublia presque que Jungkook se trouvait à côté de lui, voire collé à lui, on ne peut plus nerveux.
C'était sa chance. Le noiraud ne pouvait pas se permettre de la manquer. Ce disant, il se racla la gorge, attirant un sursaut de la part de son brunet.
"Taehyung. Que penses-tu de moi ?"
Il était le premier à détester ce genre de questions et voici qu'il le mettait dans l'embarras. Le cadet, dans un premier temps, le scrutait, une lueur étrange dans ses yeux et soupira légèrement. Tandis que sa main vint se loger dans ses cheveux, sûrement par réflexe, il tenta de s'expliquer le plus clairement possible.
"Je pense à trop de choses quand je te vois. Commença t-il d'un ton suave. Tu es gentil, peut-être même trop, très patient, serviable et attentionné. Tout ça coule de source mais ça ne m'avait pas empêché de douter de toi lorsque tu m'as approché pour la première fois.
- Tu ne me pensais pas sincère ?
- Je suis désolé... Je pensais que tu voulais te moquer de moi parce que je n'avais pas d'ami ou encore parce que j'étais un monstre qui ne méritait pas d'exister. Il vit son vis-à-vis le regarder avec affliction. Ça m'est arrivé beaucoup trop de fois pour que je ne puisse plus me méfier. Même encore maintenant je ne comprends pas pourquoi tu veux tant être mon ami."
De petits fragments de souvenirs lui revinrent subitement en tête. Taehyung se rectifia alors.
"Non pas mon ami du coup... Mais... Qu'est ce que tu attends de moi Jungkook ?
- Tu sais... Dans des relations, qu'elles soient amicales ou autre, on n'attend rien de l'autre. Si je suis venu te parler ce jour-là, c'est parce que j'en avais envie. Parce que je me demandais pourquoi une personne aussi belle que toi était mise de côté injustement. Je n'attends rien de toi, sauf si ce n'est de rester naturel et de ne pas te priver de tes émotions parce que de mauvaises personnes estiment que tu n'as aucun droit."
Dans ces paroles, Taehyung ne discernait aucune once de mensonge. Il aurait tellement voulu entendre ces mots plus tôt, cela lui aurait épargné des années de malheur absolu. Jungkook éprouvait une telle facilité en lui avouant cela, alors pourquoi personne n'avait daigné le faire avant lui ? Qu'est ce qui n'allait pas chez lui ? Peut-être paraissait-il égoïste de penser cela, toutefois il désirait fortement garder le noiraud auprès de lui. Déjà pour être rassuré immuablement, aussi pour qu'il puisse lui apprendre la vie comme il savait si bien le faire, mais pas que...
"Je ne peux pas comprendre ce que ça fait d'être seul depuis toujours, j'ai toujours eu de la chance. Confirma douloureusement le plus âgé. Mais le simple fait d'imaginer toutes les moqueries ou tous les rejets que tu as pu vivre, ça me fout les jetons. Je me dois de rester auprès de toi. Et pas parce que je me sens obligé. C'est parce que je le veux. Je veux rester avec toi, n'importe où et n'importe quand, juste pour t'apporter tout ce dont tu as besoin.
- Pourquoi moi Jungkook ? Pourquoi il a fallu que ça tombe sur moi ? Tu vas souffrir par ma faute, j'en suis sûr...
- Non. Écoute moi... Je te l'ai toujours dit de manière maladroite mais je pense que tu as besoin que je te l'avoue sans passer par quatre chemins."
Sans même crier gare, Jungkook plaça sa main, refroidi par le climat hivernal, sur la fine mâchoire de son camarade dans l'unique but qu'il puisse monopoliser son attention sur lui uniquement. Ce contact eut l'effet d'un courant qui électrisa tout entier le corps du brunet. Heureux de produire cette réaction, sa deuxième main se loga machinalement sur sa hanche.
À mesure que leur cœur tambourinait, leur visage, eux, se rapprochait aventureusement. Ce n'est que lorsque leur nez vint se coller que Jungkook réalisa ce qu'il comptait faire. Il eut peur de brusquer Taehyung. Cependant, quelle fut sa surprise quand il constata que lui aussi admirait ses lèvres, humidifiant les siennes par réflexe. Était-ce par appréhension ou par envie ?
Il s'était promis de ne pas l'embrasser si Taehyung n'était pas consentant, et il n'allait certainement pas oublier ça. Quand bien même la vue de son protégé, rougissant au moindre attouchement, éveillait en lui une tentation bien trop forte. Ses fins doigts glissèrent d'une lenteur exquise le long de la joue de son cadet, avant de caresser de son pouce sa lippe. Prenant son mal en patience, il accorda un énième contact visuel avec lui. Taehyung semblait avoir compris le message puisqu'il hocha faiblement la tête pour lui montrer son approbation.
Et Jungkook n'avait point besoin d'autre pour être l'adolescent le plus heureux du monde. Leurs lèvres s'étaient réunies dans un baiser des plus tendres, que nul d'autre pouvait égaler bien assurément. Durant les premières secondes, aucun ne bougeait, profitant pleinement du contact de l'autre pour expirer de soulagement. Puis le noiraud vint l'agrémenter en exprimant toute sa passion. Il vint mordiller d'une extrême douceur la lèvre inférieure de son vis-à-vis qui échappa un gémissement presque muet. Leur bouche se collait, se séparait pour ensuite se retrouver à nouveau pour un échange davantage intime.
Leur respiration saccadée et leur souffle coupé eurent raison d'eux. Ils furent contraints de s'écarter de manière à se remettre de leurs émotions. Encore essoufflé, l'un d'eux s'exprima.
"Je t'aime Taehyung. Ne dis pas que tu vas me faire souffrir car tu es perdu. Je le suis tout autant que toi. J'ai l'impression d'affronter un épais brouillard sans fin. Mais si on est ensemble, tout ira bien n'est-ce pas ?"
Dix-sept ans que le brun sentait son cœur périr. Quelques années à rêver d'un amour maternel ou paternel sans jamais le connaître et une dizaine d'années à se résoudre à l'idée de survivre sans l'aide de quiconque. Cependant ce jour était finalement arrivé. Persuadé que si sa famille ne l'aimait pas, personne n'était en mesure de le faire à leur place, il sentit quelque chose renaître en lui grâce à la déclaration réconfortante de son aîné.
"Merci."
Alors oui, il aurait très bien pu répondre autrement, lui dire que ses sentiments étaient réciproques par exemple. Cependant, Taehyung ne s'en sentait tout simplement pas capable, pas à cet instant. Ce mot avait donc d'importantes significations que Jungkook saisit en un rien de temps. Il reprit d'ailleurs la parole d'un sourire éclatant.
"Est-ce que tu veux venir chez moi pour le réveillon ? Tu pourras même y dormir si tu le souhaites.
- Je ne fais pas partie de ta famille Jungkook. Rétorqua le brun, surprit par sa proposition.
- Pour le moment, oui. On s'en fiche de ça. Tu es le bienvenue, on te l'a déjà dit. Ça me ferait énormément plaisir et à mon père aussi, je t'assure. "
Pesant le pour le contre, il réfléchit un court moment.
"C'est toujours mieux que de rester enfermé je suppose...
- Exactement ! S'exclama le jeune homme, plein d'espoir.
- J'accepte avec plaisir alors Jungkook."
C'était Noël avant l'heure décidément.
🎄🎄🎄
Je ne suis pas en retard mais je ne suis pas en avance pour autant oops
En fait le chapitre était super dur à écrire et super long en plus de ça, j'ai cru que j'allais jamais le sortir ._.
J'espère sincèrement commencer et finaliser l'avant dernier chapitre dans les temps
Prenez soin de vous !
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