6. Moustiques Et Droseras (terminé)
PARTIE II : L'enfant maudit
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Traverse, Sud de la forêt de Sang
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La Traverse, Fleuve fabuleux des terres des promesses...
Elle parcourait le continent insulaire des promesses tel un serpent et ses milles zigzag. Capable de changer de formes, de couleur et d'intensité le long du chemin, elle passait par les provinces humaines de Bleinheim et d'Edenhart avant de se perdre telle une méduse dans l'immensité des terres raciés.
C'était sur une portion calme et large du fleuve qu'avançait leurs barques. Bercé du cliqueti de l'eau contre la coque, l'enfant maudit emergeait. Son masque avait été enlevé et ses paupières pâles s'ouvraient doucement.
Un acte rendu ardu par la lumière aveuglante du soleil à travers les fins nuages et à la lourdeur de ses membres engourdies.
Le regard attiré par la douleur, Face de Tueur aperçu à demi œil les dégâts de sa blessure à la poitrine. L'humidité ambiante ou le probable poison qui recouvrait la lance empêchait le sang de coaguler.
De nouveaux son camarade gobelin avait machonné une pâte d'herbes et l'avait mise en patch sur la plaie. Empêchant l'accès à la blessure aux innombrables insectes volants et aux nuées de moustiques qui se régalait déjà du reste de son corps.
L'atmosphère humide et lourde empêchait l'enfant maudit de faire d'avantage que de laisser voguer son regard le long des berges de la Traverse. Il en reconnaissait les saules qui bordaient les rives et les milles epiphites qui partaient à la conquête de leurs énormes troncs. Des troncs qui cédaient parfois face à la masse des lianes végétale et s'echouaient dans le fleuve, mettant en place une autre chorégraphie. Celle des racines aquatiques qui plongeaient et émergeaient dans d'innovantes structures.
Le tout servant ensuite de perchoir a d'innombrables plantes carnivores qui malgré tout leurs efforts, ne diminuaient que de trop peu la quantité de moustique.
Finalement le regard de Face-de-Tueur se porta sur la coque de bois qui l'entourait, à peine plus large que lui, puis sur le petit être vert qui a l'avant ramait à n'en plus pouvoir. A sa vue il tatonna sa ceinture. Puis le fond de l'embarcation avec intensité. Goul'Disor le remarqua.
- Ah enfin t'es réveillé! Je...
Le gobelin stoppa sa phrase au moment où tenue à bout de bras, l'épée argenté Lunatel de son compère se posa sous sa gorge.
- Je t'avais dit que je ne voulais pas mettre les pieds dans les primitives, lâcha d'une voix éraillée le Défaiteur d'Hapubou en gardant avec effort son épée tendue.
Les rames encore en main le visage du Gobelin palissait.
- Qu'est ce qui te prends ? Je.. Ce n'est pas le moment. Tu te vides de ton sang, ce n'est pas le moment de se disputer sur la destination il faut que nous..
- Silence ! Hacha t'il les deux canines inférieurs en évidence. Du sang jaillissait de sa blessure alors qu'il redressait son torse.
- Cette comédie a assez duré. Il est plus que temps de se dire au revoir. Vire à la prochaine crique.
Abbatu, les bras de Goul'Disor cessèrent de pagayer. Le petit transporteur de bois n'avançait plus qu'au lent mouvement du fleuve.
- Je refuse ! Il faut qu'on te soigne ou tu ne tiendras pas deux jours. On va bien finir par tomber sur un village. L'emportement mesuré de Goul'Disor s'élimait devant la lame toujours droite sous son menton.
- Je ne te laisse pas le choix, trancha le défaiteur d'Hapubou. Une main sur sa blessure douloureuse. Il remarquait une fiole vide de Stamina parmis l'eau pourpre du fond de l'embarcation. A voir la hauteur du soleil, le changement de végétation et de température par rapport à la veille, Goul'Disor avait du ramer des heures depuis l'arrêt du moteur à propulsion.
- Tu m'as sauvé dans le relais, puis à nouveau à la crique, se défendit Goul'Disor d'une voix chargé d'émotion. Laisse moi t'aider à mon tour.
- Tu adores les causes perdu n'est ce pas ? D'abord sauver le monde et maintenant tu voudrais voir en moi une personne que je ne suis pas. Ne te fais pas de fausses idées.
Pourquoi crois tu que l'on me nomme l'enfant maudit? Plus vite tu l'auras réaliser mieux cela sera pour toi. Maintenant rapproche la barque de la berge, termina le Défaiteur d'Hapubou en approchant sa lame de la gorge de son camarade.
Sans conviction Goul'Disor reprenait les rames en main.
- Pour moi tu n'es pas un seul de tout ces surnoms que l'on t'a donné ou que tu t'octroies. Tu es celui à qui je dois la vie, celui qui a laisser ses ennemis vivants alors qu'il aurait ou les décapiter. Celui qui pourrait changer la donne. Goul'Disor ouvrait de grand yeux jaunes et sa voix frêle se chargeait d'émotion.
Face à lui le défaiteur d'Hapubou entama un ricanement aux allures de toux.
- C'est déloyal de faire rire un homme blessé. Si tu vivais depuis aussi longtemps tu comprendrais à quelle point ce que tu dis est ridicule. Rapproches toi de la berge, c'est la dernière fois que je te le demande.
- J'ai vu le coffre dans ton sac.. Ce qu'il contient, confia Goul'disor.
- Comment tu, maugréa le coursier en faisant couler du sang de sa blessure. Tu as fouillé dans mes affaires petite fouine. Les gobelins sont donc à la hauteur de leurs réputation, enragea t-il en découvrant ses canines inférieurs.
- Cela fait plus d'une demi journée que tu es inconscient et tu parles beaucoup dans ton sommeil se défendit Goul'Disor la gorge serrée. La seul raison pour laquelle j'ai fouillé ton sac était pour trouver de quoi te soigner et je suis tombé dessus. Tu m'as sauvé la vie et maintenant tu voudrais me tuer. Je t'ai vu à l'œuvre tu ne tues pas les gens...
Malgré sa blessure le défaiteur d'Hapubou attrapa Goul Disor et le hissa en équilibre par dessus bord. Il retenait celui-ci d'une main ferme à la limite de la surface de l'eau alors que du sang jaillissait de sa blessure et venait opacifier l'eau stagnante au fond de l'embarcation déjà bien foncé.
- Tu l'as dit, tuer n'est pas ma tasse de thé, cependant, les croco qui peuplent ce fleuves eux... Ils adorent ça.
On dit que les crocodiles de la Traverse peuvent sentir la détresse d'une proie à des kilomètres. De plus ils ont aussi l'une des plus puissante mâchoire du règne animal... Plus puissante que certains dragons.
- Que penses tu que j'ai à cacher à la fin? Hurla Goul'Disor. Est ce si difficile d'imaginer devenir ami.
Avec l'inclinaison de son petit corps au dessus de l'eau et le vent qui se levait sur la traverse, le t-shirt en haillons du Gobelin se souleva jusqu'à la poitrine. Les faits parlaient mieux que les mots et sur la partie de chaire qui s'était découverte, on ne comptait plus les cicatrices, les brûlures et autre hématomes encore fraîs.
Serrant la mâchoire de douleur, le Défaiteur d'Hapubou tira Goul'Disor de retour dans l'embarcation et baissa sa lame. Les sevisses de son camarade et sa blessure à l'épaule le clouait sur place.
- Pourquoi les pacificateurs en ont après toi ?
- Pas besoin d'une épée pour te le dire, marmona Goul'Di d'une voix non dénué de rancune pour ce qu'il venait de subir.
D'un œil concerné sur la blessure de son camarade, il commença son explication.
- En dépit de tous les défauts qu'on leurs attribuent en Terre des Promesses, les gobelins ne se débrouillent pas trop mal en ingénierie... Les arcs, les potions, c'est pas notre fort, mais l'ingénierie mécanique ça oui. C'est en partie à cause de ça que tout a commencé.
Une lueure nostalgique brillait dans les deux gros yeux ronds et jaunes de gobelin.
- Les armes, celles qu'on a vu dans la forêt.
- En partie oui, mais plus précisément à cause d'une arbalète à rechargement rapide. Une arbalète d'un tout autre genre capable de transpercer des trolls et de viser des aigles, le tout avec une vitesse de trois carreaux par seconde.
Sa voix sonnait aussi fière qu'inquietée.
- Nous avions rendez vous à la Citadelle Blanche de Bleinhem pour en exposer le prototype en vue d'un accord commerciale entre les hommes et les gobelins. Le roi gobelin nous accompagnait. L'idée ne l'enchantait pas, mais nous avions besoin de fond pour des ressources médicales. Comme tu le sais l'arcanite ne nous a pas épargné et nous avions besoin de médicaments que nous étions incapable de faire nous même. Du à notre absence dans les grandes guerres une entraide avec les hommes demeurait envisageable. C'était une occasion à ne pas manquer, du moins j'en étais moi même convaincu.
L'enfant maudit fermait les yeux à moitié.
- On a vite comprit la supercherie. A peine arriver près de la frontière nous avons été embusqué par les hommes supposés nous accueillir et traîné jusqu'à un dédale souterrain où ce fut.. l'enfer sur terre. La voix du gobelin se serra.
Sous couvert de torture quotidienne nous fumes forcés à réaliser la fameuse arbalète en série et tout autres prototypes qui pourrait changer la donne lors d'une guerre. A chacun de nos refus des gobelins étaient torturées et tués. Un jour pas comme les autres, on a saisit notre chance pour faire s'échapper le roi et qu'il avertisse la colonie de la trahison des hommes. Ça n'a pas aboutit comme on le voulait. Quelques uns ont pu s'enfuir, dont moi... Je suis ensuite tombé sur Hapubou et sa bande qui m'ont attrapé. Voilà tout, tu connais la suite..
- Je croyais que les gobelins étaient des menteurs hors pairs? Tu me crois assez bête pour croire que la garde rapprochée du Baron et des hauts pacificateurs poursuiveraient un simple Gobelin ingénieur avec un tel acharnement! Il pourrait pour moins de mal se procurer des dizaines d'autres travailleurs gobelins sûrement moins trouillard et maigrichon que toi, le taquina Face-de-Tueur tout en affirmant sa suspicion.
- Tous les Gobelins se valent hein c'est ça? Vous autres non gobelins, vous pensez tellement supérieures, répondit avec amertume Goul'Disor, une larme au coin de son œil rond.
Les yeux d'ocre, de noir et d'argents du racié s'attendrirent légèrement et il reprit d'un ton neutre.
- Ca sent vraiment le rat crevé sous tes vêtements tu sais ça? Tu cherches à concurrencer l'haleine du blondinet où quoi? Ça aurait été une bonne chose pour toi que je te jette dans la Traverse, l'astiquota le défaiteur d'Hapubou dont l'humour ne semblait pas suffire à faire oublier son presque passage par dessus bord à Goul'Disor.
- C'est vrai que je sentais moi aussi son haleine à travers le sac, corobora néanmoins Goul'Disor aussitôt regagner d'une rancune forcée.
Tu n'as pas tué Hapubou et sa famille alors qu'ils essayaient de te tuer, mais moi tu étais prêt à me laisser bouffer.
- Quoi les crocodiles? C'était du vent! Il n'y a rien de bien dangereux dans ce fleuve. Du moins dans le genre croco, affirma t'il la voix enrayée par la douleur.
- Pourquoi les gobelins n'ont pas réagit ? Le roi des gobelins n'est il pas le gardien sacré de l'union gobeline ou je sais plus quoi, questionnaire Face-de-Tueur.
Partagé entre une rancune légitime et un désir de parler de son peuple, le côté bavard de Goul'Disor prit le dessus.
- Tu as raison. Je ne te savais pas si au courant de nos coutumes. En effet le Roi des Gobelins a le pouvoir absolue sur Toutes les mines à travers les terres des promesses. Sa disparition ne saurait rester impunie. Mais il a été trahi par l'un de ses généraux, Goulor Dreed. Il est sûrement roi à l'heure qu'il est et trafique avec les mêmes hommes qui ont capturé le roi.
Sans pouvoir se retenir de grimacer sous la douleur, mais sans interrompre son camarade, Face-de-Tueur extirpa son épaisse pipe en bois de l'intérieur de sa veste. Il y enfourna un peu d'herbe et avec difficulté, craqua l'un de ses battons de souffre encore sec pour allumer le tout. Dans la barque presque à l'arrêt, il effectuait des petits ronds de fumée bleutée en écoutant Goul'Disor.
- Goulor Dreed voue une haine particulière aux raciés qui ont mis de côté les gobelins durant les grandes guerres. Aucun doute qu'il appuiera les hommes à leurs arrivée dans 9 jours maintenant .
- On peut dire que tu as le sens du drame, résuma le Défaiteur d'Hapubou en crachant de la fumée.
- Et comment est tu au courant pour les soldats de la métropole ? Ce ne semble pas être une chose que l'on dit à ses prisonniers.
Goul'Disor essuya ses yeux de ses longs doigts fins. Ses paroles avaient fait emergé trop de souvenir.
- Le baron l'a annoncé au roi des gobelins avant d'essayer de le tuer.
L'air de chien battu de Goul'Disor mêlé à sa voix fébrile élimait presque le sarcasme de son compère.
- Sur ce voilà mon arrêt, annonça l'enfant maudit en pointant du bras une crique accessible. Toute façon à deux sur cette embarcation elle aurait pas tarder à craquer. Ca serait pas de bol que tu puisses pas sauver le monde. Tête-de-Tueur se redressait dans la douleur.
- Que pense tu d'attendre le prochain affluent, ils sont nombreux et comme ça tu pourras te reposer encore un peu.
- Les gobelins ont leurs donne un sou, ils prennent le porte monnaie et la gérante. On se connaît même pas depuis deux jours et tu me colles comme si on avait des marmots.
- La solitude n'est pas la solution à la culpabilité tu sais. Tu ne peux pas vivre comme ça jusqu'à la fin.
- pourquoi ce n'est pas comme ça que t'imaginais la vie du grand traître c'est ça? Je paraissais plus populaire dans les contes pour enfant que te lisais ta mère.
- Pas plus populaire, mais plus déterminé, s'emporta Goul'Disor jusqu'à faire écho par delà les rives.
- Désolé de te décevoir, mais dans la vraie vie, l'enfant maudit galère à économiser assez d'argent pour un Ragoût de lièvre qu'il ira de toute façon dépenser dans un alcool de pin. Dans la vrai vie, il est saoul les trois quarts du temps et change de prénom tout les mois pour ne pas laisser de trace. Il s'interdit le moindre contact qu'elle qu'il soit car il sait que cela se terminera dans le sang et les larmes. Chaque jour il s'enivre au point pour oublier que sa vie n'est qu'une succession de massacre et d'échec.
Ses canines inférieurs se devoilaient au même rythme que sa voix devenait grave.
- Il dort dans les étables quand il en trouve et passe ses nuits à se demander si dans la mort il paiera pour ses crimes. C'est ça que tu veux entendre.
Un froid s'installa dans la barque. Face-de-Tueur ferma les yeux comme pour éviter de voir une quelconque pitié s'installer dans ceux de son camarade. Il s'étendait à nouveau sur le plancher de l'embarcation tandis que Goul'Disor le saisit.
- Si je comprends bien. Tu veux dire que tu comptes t'appeller Face-de-tueur encore un mois avant de changer? Désolé mais il faut remédier à ça, ricana le gobelin en plongeant son regard dans celui surprit de son camarade.
- De l'ironie? Peut-être n'es tu pas une cause perdue après tout! Pouffa a son tour le Défaiteur d'Hapubou en démarrant une toux. Du sang continuait de couler de la plaie et ses paupières luttaient pour rester ouvertes.
Le fleuve diminuait en largeur et l'eau devenait plus claire. Goul'Disor récupéra les pagaies sans se préoccuper des possibles interdictions de son camarade. Ce dernier n'avait plus l'énergie pour lutter. Pour détourner l'attention il lança.
- Qu'est-ce que tu penses de t'appeller Ouros comme t'es à moitié Ouroboros, c'est sympa ça, où Natel ça marche aussi. Où Goldo Rizar. Ça veut dire "le guerrier sans nom" en Gobelin.
- Je ne veux pas d'un nom Gobelin mais merci de la proposition, chuchota Face-de-Tueur avec difficulté.
- Tu ne te demandes pas ce que veut dire le mien?
- Le bavard avec un nom?
Goul'di ricana.
- Non ça veut dire le réunificateur des âmes.
Le Défaiteur d'Hapubou souria tant bien que mal.
- Qu'est-ce qui te fait sourire Goldo Rizar? Le taquina Goul'Disor.
- Ne m'appelles plus jamais comme ça d'accord.., ou t'iras réunifier tes dents.. a coup de..
- Reste avec moi ok, reprit Goul'Disor en panique. On coupe le champignon en deux sinon, Naros.. Ou Ouratel? Continuait t'il de parler sans interruption. C'est décidé ça sera Ounatos. Parfait non ?
Goul'Disor terminait à peine sa phrase que le regard ouvert et ébahi du fraîchement nommé Ounatos le fit se pétrifier à son tour. Il regarda dans la même direction.
Une jeune femme leurs faisait face. Elle était ligoté à un poteau de bois qui s'élevait à deux mètres au dessus de la surface. Sa chevelure brune tombait jusqu'à des hanches apparentes brûlés par le soleil. Sa peau était brûlé par le soleil. Les bras ballants, les paupières closes, seul le gonflement irrégulier de sa poitrine indiquait qu'elle n'avait pas rendu son dernier souffle.
- Elle est encore vivante, s'exclama Goul'Disor. Elle n'a pas l'air Humaine.
- On ne devrait pas approcher, chuchota le défaiteur d'Hapubou.
-On doit l'aider, scanda Goul'Disor qui commençait à pagayer dans sa direction.
- On ne peut pas la laisser comme ça.
De sa main tendu il aggripait déjà le poteau. Il noua une petite corde pour y lier la barque et commença à monter. Il arrivait jusqu'à la jeune femme lorsque la voix faible de celle-ci le tétanisa.
- Fuyez.. Tout de suite.. Fuyez avant qu'elle n'arrive..
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