2. Double-Face (terminé)

Les volets en façade du relais claquaient sous les rafales de vent glacial. L'apparition soudaine de la fiole avait créé un cahos ou chacun avait du choisir entre hypothermie ou coup de couteau.

Debout devant la sortie, le grand père et chef des mercenaires Helvet barrait d'une épée le chemin de l'ivrogne. Il tendait d'une main sa lame sous la gorge de ce dernier, tandis que de l'autre, il triturait la longue natte rousse qui lui arrivait aux hanches.

Un cri de victoire parvenu du milieu de la salle achevait les hostilités. Le mercenaire à la forte carrure dégageait le poids mort d'un gros marchand pour récupérer l'élixir coincé sous sa poitrine.

- C'est pas tout les jours qu'on voit ça, clama l'un des jumeaux en approchant de la fiole que tenait son père.

- Il y'en a bien pour vingts pièce d'argent, renchérit l'autre.

- Il y'en a pour cent fois plus bande d'imbéciles. Et ce n'est qu'un début, les fit taire le grand père, plongeant son regard colérique dans celui de l'ivrogne masqué.

- Ne rendons pas cette journée plus emmerdante qu'elle ne l'ai déjà, hoqueta l'ivrogne en joug.
Il expulsa un rot particulièrement profond et reprit.
- Restons en là avant que nos actes ne dépassent nos pensées.

- Quand on capture la poule aux œufs d'or, on ne l'égorge pas avant qu'elle ne ponde son dernier oeuf, ricana le grand-père, imité aussitôt par les membres de sa famille.

Du bout de son épée, Hapubou écarta l'épaisse veste brune qui couvrait l'ivrogne. En plus d'une odeur de musc désagréable, l'intérieur devoilaient d'innombrables poches dont l'épaisseur trahissait leurs contenues.

- Si j'étais vous, je me contenterais de l'élixir, confia l'ivrogne avec toujours quelques difficultés pour articuler.

L'oncle chauve et muet montra du doigt l'extrémité d'une lame qui dépassait de la cape kaki de la victime.
Intrigué, le petit fils d'Hapubou attacha le gobelin à une poutre et approcha. Fort de la menace que posait la lame de son grand père , il attrapa le pommeau brillant qui dépassait de la ceinture de l'ivrogne et extirpa l'épée sans délicatesse. A sa sortie du fourreau, une intense lueur argentée éclaira la pièce.

- Incroyable.. Une Lame Lunatel. Une vrai! Jackpot! Cria le jeune mercenaire a la bouche bancale en faisant vibrer le cheveu sur sa langue.
- Grand-père laisse moi le dépouiller jusqu'à la moelle, s'extasiait t'il devant sa victime.
- Vide ton sac sur le sol, ordonna t'il en pointant la lame argenté nouvellement acquise contre son propriétaire.

- Si tu ne veux pas que ta bouche se décale encore d'avantage mon garçon, tu devrais me rendre cette épée.
L'ivrogne gardait un ton des plus calmes malgré les six mercenaires autour de lui qui ne semblaient ne pas apprécié la menace implicit.

Bien trop peu habitué à une telle arrogance, un sourire nerveux contaminait le groupe. En réaction, le petit fils assenna une droite hargneuse en plein visage de l'homme masqué , trop saoule pour réagir.

L'amplitude était bien amorcée et la surprise certaine.

Baaam !

Le poing rentra en contacte avec la joue de l'ivrogne et l'effet fut semblable à celui d'un coup d'orteil dans une plaque de fonte. L'ivrogne ne bougea pas d'un pouce, impassible tel un roc face à la mer, tandis qu'au contraire, le petits-fils gemissait en se frottant la main avec vigueur.
Le coup ne fut cependant pas sans conséquences. Deux des attaches du masque de toile qui couvrait l'ivrogne se decrochèrent dans l'action. Ce dernier manqua de reflex pour le rattraper et dans un tonnerre silencieux, son visage apparu aux yeux de tous.

En un instant les traits de la bande se durcirent. Les derniers clients présent dans le relais prirent la fuite. Le blizzard semblait prendre encore en intensité.
Surprises et appréhensions écartaient les yeux des six mercenaires roux. Sous ses paupières endoloris, les deux gros yeux jaunes du gobelin toujours en laisse n'étaient pas en reste.

- Impossible... Soufla Hapubou d'une voix en manque d'air.

Dans la foulée, l'homme désormais démasqué abaissa également sa large capuche kaki. Il découvrait aux yeux de tous, un crâne à la peau grisonante et presque chauve à l'exception d'un chignon.
La famille de mercenaire le dévisageait. Le Gobelin faisait de même. Pareil pour le tenancier du relais, un homme aux cheveux gras qui refusait de quitter son établissement et se calfeutrait derrière le bar.

Les pupilles felines de l'ivrogne captivaient les regard. Elles s'étiraient a l'intérieur de deux iris argentés eux même entouré d'une épaisse bordure noir. Sa mâchoire n'était pas en reste de surprises. Des canines inférieurs imposantes dépassaient de ses lèvres pulpeuses et faisaient reculer les jumaux.
Enfin, la présence de ses oreilles conique trahissait l'évidence d'un métissage pourtant impossible. Il incarnait dans ses traits la dualité parfaite entre les visages abruptes des Ouroboros et la finesse des traits Lunatel.

La béatitude des spectateurs durait. Puis le jeune idiot qui avait encore la main engourdi après son coup de poing se décida à briser le silence.
- Mais... Qu'esse-ce que t'es au juste? cracha t'il malgré les difficultés évidentes que rencontrait son visage pour exprimer clairement ses pensées.

- Il a une tronche à faire pâlir un gobelin, lança l'oncle abasourdi tandis que son frère faisait le signe du diable avec ses doigts.

- C'est comme si il avait deux visages, en un seul. Il a les oreilles d'une de ces raclures de Lunatel... Remarqua l'un des jumeaux.

- Et la mâchoire d'un de ses maudits Ouroboros, compatit l'autre, terminant la phrase de son frère.

Les mercenaires prirent un pas de recul.

- Arrêtez de paniquer bande de trouillard! Mon grand père me racontait souvent cette histoire. Une histoire qui date du temps où l'île de l'Eclipse comptaient plus de cadavre que d'arbresqaa et où l'eau de la Traverse était pourpre du sang des morts. A cette époque naquit un bâtard, issu d'une union entre les peuples de la lune et ceux du soleil, une naissance impossible, un démon qui se nourrissait de chaire humaine et priait des dieux interdits.

Le regard du vieux mercenaire s'aiguisait. Sa main droite lâcha sa natte pour rejoindre l'autre déjà cramponée au manche de son épée.

- J'ignorais que l'enfant mal née des légendes vivait encore. Aujourd'hui famille D'Hapubou. Il nous ais donné l'opportunité d'obtenir gloire et richesse. Qui sait quelle récompense nous sera offerte pour sa tête.
Le grand père parlait comme possédé par un sermon passé d'ancien soldat dont il portait encore les épaulettes argentés.

- On va se le faire grand-père, scanda petit fils à la bouche bancale.

- Non recule fils d'Helvet! Ce n'est pas un combat pour toi.
Alors qu'il se mettait en garde, un rire le décontenança.

Contrastant avec l'atmosphère violente, l'ivrogne riait de bon cœur. Une hilarité chaleureuse qui ne manquait pas au passage de dévoiler ses épaisses canines inférieurs.

- Fils d'Helvet.. S'hilara l'ivrogne. Son visage finit à la pisse cassait déjà pas trois pâtes à un dindon, mais là.. C'est vraiment le nom du gamin ? Il continuait de ricaner en sortant de l'une de ses poches interieur une flasque d'alcool qu'il sirota.

Dans la contagion du premier rire, un second bien plus discret mêlé d'une quinte de toux traversa la salle. Le gobelin ne put se retenir et semblait déjà regretter alors que le petit fils se dirigeait vers lui.
Le petit fils prit de l'élan de sa main prêt à frapper, mais cette fois, quelque chose l'en empêcha. Une épaisse poigne gantée le retenait par le poignet.

Sans laisser à Hapubou ou aux autres membre de la famille le temps de réagir, l'ivrogne passa sa deuxième main derrière la nuque du jeune mercenaire et accompagna la tête de l'idiot contre le bar de chêne du comptoir.

La mâchoire du petit fils résonna d'un agréable bruit de noix de coco brisé et quelques dents virevoltèrent à travers les airs avant de pleuvoir comme une averse de grêle à l'intérieur du relais.

- Désolé! J'ai un côté Ouroboros, et il s'emporte facilement, lâcha l'ivrogne métissé alors qu'une dent d'Hapubou junior terminait d'atterrir dans un verre à moitié plein.
- Il n'est pas mort, mais va falloir mettre le gamin à la purée un moment, attesta t'il en titubant.

Trois lames et un marteau s'élèverent autour de lui.

- Tu viens de signer ton arrêt de mort monstre!
Scanda le grand-père.
Je suis Hapubou. J'ai protégé les frontières de l'île de l'Eclipse contre ceux de ton espèce et j'étais craint de mes ennemis lorsque j'étais spadassin.

- Moi je suis Face de tueur. J'ai fait fermer des gueules à pas mal de connard et j'étais bourré la plupart du temps, l'imita le raciés le rire aux lèvres.

Les traits colérique du grand père lui creuserent le visage.

Tel un tacticien, Hapubou l'ancien dirigea son groupe autour de sa cible. Pas à pas la famille approchait de celui qu'ils considéraient monstre.

Au demeurant plus blasé qu'inquiet, l'homme démasqué vidait une flasque trouvé sur la table la plus proche jusqu'à la dernière goutte. Une innatention aperçue comme une opportunité pour l'un des jumeaux, qui lança son assaut.

Une fois assuré que la flasque était vide, l'ivrogne envoya cette dernière dans la direction de l'attaquant qui la reçu en plein front. Comme d'un coup de massue le mercenaire s'écroula sur le sol, mais pas vaincu il se relevait honteux. Sans attendre l'ivrogne aux double visage attrapa un arc de petite taille qu'il gardait attaché à son gros sac. Il décocha une flèche rapide. Une flèche qui empala le pied de ce dernier sur plusieurs centimètres à travers le plancher.

Le mercenaire poussa un cri aiguë proche de l'inhumain. Cloué d'une flèche sur le sol et ridiculisé son jumeau vengeur se lança à l'attaque. L'épée en main ce dernier se rua àsur l'être aux deux races lorsque de la même habilité, une flèche le cloua lui aussi un pied au plancher. Comme son frère avant lui, son cri de douleur aiguë résonna à en faire décamper les quelques pies à fourrure nichées dans la toiture.

Le sourire du racié dévoilait une fois de plus sa dentition Ouroboros. Alors que les deux cousins se faisaient face. Ils se comportaient telles des statues vivantes, impuissantes et clouées d'une flèche dans le parquet. Leurs postures ridicules jurait avec la douleur qu'exprimaient leurs larmes au coin des yeux. Un spectacle presque burlesque que semblait apprécier le bourreau autant que le gobelin, toujours attaché à l'une des poutres de la grande salle.

- Ça, je pense que c'était mon côté Lunatel, renchéri le racié en ramenant son arc à l'épaule.

Les deux oncles auparavant prêt à l'assaut se mettaient à hésiter. L'excès de confiance quittait les rangs. Cependant sous le regard douloureux se ses deux neuveux, l'oncle muet fit finalement s'abattre son marteau avec élan.
L'ivrogne l'évita avec une agilité incontestable et se saisissant de la chaise la plus proche l'envoya faucher ce dernier dans sa course. Déséquilibré, il entama une ridicule course du genre qui précède les chutes et s'écrasa enfin sur le sol non loin des jumeaux. Seul son marteau continua son chemin et passa à quelques centimètres de la jambe de l'un de ses neuveux pétrifié.

Attrapant un verre à moitié plein sur l'une des tables, l'ivrogne le vida lorsque..

CRAAAC!

Profitant de cette interruption, le second oncle, celui aux parures de fourrures et à la carrure imposante fit s'abattre sa lame dans le dos de l'ivrogne. Le manque de force et d'affûtage de la lame furent trop faible pour pénétrer la solide peau du racié, mais suffirent néanmoins pour briser en trois l'arc qu'il avait sorti plus tot.

Les traits de l'ivrogne s'assombrirent.

- Un proverbe Lunatel dit : mieux vaut perdre son bras que son arc, annonça t'il en attrapant l'oncle par le col. Ses yeux félins s'affinerent.

Soulevé au dessus du sol, l'oncle jeta son arme les yeux remplis de craintes.

- Je suis te-te-terriblement désolé monsieur le Lunatel. Je ne...

- Ah! Alors j'ai une tête de Lunatel?

- Je voulais dire monsieur l'Ouroboros bien sûr.

- J'ai une tête d'Ouroboros alors?

L'oncle était désormais adossé a une étagère murale rempli de bocaux en verre, incapable de sortir un mot.

- Je vous en supplie, j'ai deux filles.

- Donne moi un bras et on est quitte, comme le dit le proverbe.

- Je ne crois pas qu'un proverbe dise ça Messire!

- Messire? On dirait que je suis monté d'un grade aujourd'hui hein! De "sale monstre" à "Messire". Bon, le gauche ou le droite?

- Je vous en supplie.

- Gauche ou droite?

Tout en le harcelant de multiples mini-claques, le racié répétait sa question, impatient.

- GAUCHE!! cria finalement l'oncle en pleure, qui se vit aussitôt recevoir un puissant crochet du gauche, qui hormis le probable cassage de nez, l'assomma sur le coup et fit dégringoler quelques jarres de liqueur en cours de macération sur les étagères murales.

- Quel gâchis..Tu aurais du dire droite mon cochon, ma gauche est en feu ces temps-ci, déplorait faussement le racié avant de perdre son sourire en constatant irrité les dégâts sur son arc.

D'un mouvement de bras, il attrapa une bouteille trouvée cette fois sur le bar et la descendit cul sec. En reposant la bouteille vidée il remarqua le regard perplexe du tenancier tremblotant derrière son bar. Il manquait néanmoins un visage pour finir le tableau de famille. Et il se tenait justement face à lui.

Le menton levé, sa natte touchant presque le sol, Hapubou l'ancien vidait à grosses gorgées le contenue rougeâtre de l'élixir Berserk échappé plus tôt du sac de l'ivrogne. Sans prendre gard au dosage, celui ci allait jusqu'à la dernière goute.

A chaque lampée, ses muscles raidis enflaient. Son visage colérique s'enflammait. Son teint prenait un écarlate meurtrier. La potion ingérée en totalité, le grand père mercenaire brisa la fiole et rugit d'un cri bestial.

- Aujourd'hui s'achève la légende de l'enfant maudit, hurla t'il d'une voix qui comme son ossature n'avait déjà plus rien d'humain.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top