La Fontaine à dévotion
Une histoire raconte, qu'un jour, un homme aurait jeté une pièce d'or dans une fontaine en échange d'un vœu. Il souhaitait trouver une femme de sa condition, aussi douce que la soie, et aussi belle que la lune. Les années passaient sans qu'il ne parvienne à trouver la perle rare, se demandant même si telle demoiselle existait. Perdant patience, il s'était enquis de trouver une solution afin que son souhait se réalise. A force de recherches et de rencontres impromptues, une vieille dame lui avait narré l'histoire de la fontaine à dévotion. Cette fontaine était réputée pour héberger un esprit : le Génie de l'eau. Ce sylphe avait un caractère folâtre, néanmoins, il respectait le terme des contrats établis avec ceux qui l'invoquaient.
— Je n'ai rien à perdre, avait dit l'homme. Une pièce d'or ne m'ôtera point le pain de la bouche.
— Vigilance, mon cher monsieur, l'avait mis en garde la vieille dame. On ne sait ce qui passe dans la tête d'un farfadet !
— N'ayez crainte, avait-il répondu emplit d'une confiance démesurée. Mon esprit est agile et aguerri. Il ne saurait être trompé par un génie, aussi puissant soit-il !
— Le génie est un esprit agile ; l'inverse n'est point réciproque, avait-elle conclu.
L'homme, appelons-le Ascelin, était donc parti, avec sérénité, à la recherche de la fontaine miraculeuse. Il avait mis treize jours et treize heures pour l'atteindre. Elle était d'une ordinaire beauté, aussi raffinée que le lierre rampant, et blanche que la cendre d'un volcan. Taillée à même la pierre, elle se détachait avec noblesse dans le décor sylvestre. Seule l'eau limpide et argenté, lui apportait une once de féérie.
Ascelin fut surpris, à première vue, par son allure formelle. Il s'approcha à pas légers, guettant le moindre mouvement suspect. Les paroles de la vieille dame lui revenaient en mémoire, et il les avait prises en considération, bien plus qu'il ne l'aurait avoué.
— Génie de l'eau, es-tu là ?
Aucune réponse ne vint s'ajouter au fracas de la cascade qui passait non loin de là. Les oiseaux, qui chantaient dans une langue étrangère, vinrent se placer sur les branches d'un sycomore, et observaient la scène avec un intérêt presque humain. Se remémorant les étapes du rituel, il se positionna dos à la fontaine avant de lancer la pièce en or par-dessus son épaule gauche. Il ferma ensuite les yeux, puis tourna trois fois sur lui-même en formulant son vœu à voix haute.
— Je veux une femme aussi délicate que la brise, et aussi belle qu'une rose.
Aussitôt prononcés, ces mots firent apparaître une bulle bleutée sur la surface lisse de l'eau de la fontaine. Cette bulle se détacha progressivement de son élément minéral, dévoilant en son centre un minuscule lutin au chapeau pointu. Il était revêtu d'une cape en feuille, d'où dépassaient des ailes de libellule, et de bottes en écorce. Il agitait avec frénésie un petit bâton orné d'une opaline, ce qui produisait des étincelles dorées. Ses yeux étaient semblables à deux myrtilles, et fixaient l'étranger avec une curiosité non dissimulée.
La bulle s'éleva encore un peu avant d'éclater en une myriade de gouttelettes, poudre de fée enchantée qui retombaient avec douceur, ondulant la surface de l'eau une fois de plus sortie de sa paisible immobilité. L'être fluet virevolta quelque seconde avant de venir se poser, avec délicatesse, sur le rebord de la fontaine.
— J'ai reçu ton offrande, à mon tour de te donner ce que tu désires du plus profond de ton cœur, déclara-t-il d'une voie musicale.
Ascelin n'eut pas le temps de répondre : le sylphe agita à nouveau sa baguette qui lançait des ronds de lumière colorée. Il se protégea le visage de ses mains, troublé par la vision qui s'offrait à lui. Il n'était pas sûr lui-même de ce à quoi il était en train d'assister. Le lutin finit par interrompre son ballet multicolore. Il s'étira de longues minutes avant d'énoncer les règles du contrat.
— Tu rencontreras ta femme lorsque tu rentreras au village. En échange de mon bon service, à chaque fois que tu passeras devant une fontaine, tu devras y jeter une pièce en or.
— Mais, répliqua Ascelin, ce n'était pas ce qui était convenu !
— Rien n'était convenu jusqu'à présent, se contenta de répondre le lutin.
L'homme réfléchit un instant avant d'ajouter :
— Et comment puis-je être sûr de rencontrer la femme de mes rêves, et pas une autre roturière aux mains ridées par le labeur ?
— Tu ne crois pas en mes pouvoirs ?
— Si, bien sûr, s'empressa de répondre Ascelin. Auquel cas je ne serais pas venu vous rendre visite.
Sur ces bons mots le lutin retourna dans ses eaux diaphanes. Le chemin du retour parut long à notre bon homme qui ne cessait de s'interroger. Une fois arrivé au village, une fontaine qu'il n'avait jamais vue jusqu'alors, attira son attention. Les paroles du sylphe résonnèrent dans son esprit, si bien qu'il crut un instant que le petit être l'avait suivi. Il n'hésita qu'une seconde avant de jeter une pièce dans la fontaine. Un enfant, qui passait par là, lui demanda la raison de ce geste incongru.
— C'est pour que mon vœu se réalise, expliqua Ascelin.
Le petit repartit tout à son bonheur, d'une démarche sautillante, à travers les ruelles pavées. Quelques pas suffirent à lui faire croiser la route de Bathilde, une charmante jeune femme, belle comme une fleur, et douce comme la soie.
Les mois s'égrenèrent à l'instar des sentiments que portaient Ascelin à sa dulcinée. Il ne comprenait pas pourquoi son cœur ne battait pas autant qu'il se l'était imaginé. Déçu, il retourna rendre visite au Génie de l'eau afin de lui demander pourquoi il ne s'était pas épris de Bathilde.
— Je n'ai fait que réaliser ton souhait, expliqua le lutin, dans les limites que tu m'avais imposées. En aucun cas tu ne m'avais demandé de trouver l'amour.
— Tout ceci était sous-entendu ! rétorqua l'homme incompris. Je devais rencontrer celle qui m'était destinée.
— Une personne ne naît pas pour appartenir à une autre, déclara le génie. L'amour est une science inexacte empli de hasard, que les Hommes confondent souvent avec la notion de propriété. Si chacun se contentait de vivre en profitant de ce que le présent lui offrait, le monde ne s'en porterait que mieux.
Ascelin n'eut pas le temps d'argumenter ; l'elfe était retourné à son repos aquatique. Il rentra chez lui, accablé, et l'esprit vagabond : ainsi, il ne prit pas garde à la fontaine à l'entrée du village. Lorsqu'il poussa la porte de son domicile, le silence l'accueillit. Il eut beau appeler plusieurs fois sa femme, la chercher dans tous les recoins, aucune trace de sa présence ne subsistait.
Découragé, il s'assit sur le pas de sa porte et observa les gens aller et venir. Il vit au loin la fontaine, qu'il avait ignorée en arrivant, entourée par des personnes s'adonnant à une étrange pratique. Pas si étrange que ça pour notre Ascelin, qui comprit rapidement l'origine de cet attroupement. Le petit garçon, qui l'avait interrogé plusieurs mois auparavant, racontait à qui voulait l'entendre, que la fontaine réalisait les vœux si l'on y jetait une pièce. Ascelin se jura de ne plus invoquer l'aide d'un quelconque génie. Comme le dit le dicton : rien n'est plus ennuyeux que l'utopie(1).
(1) Citation de Philippe Curval.
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