42.
Je m'essuie discrètement le front du dos de la main et continue de récurer la salle de bain de fond en comble.
- Mademoiselle Harper, trop long ! Toujours trop long.
Je soupire d'exaspération face à la voix stridente qui traverse les murs.
- Vous avez quelque chose à dire ?
- Non, Madame. Je me dépêche, excusez moi.
J'accélère le mouvement et sort de la salle de bain aussi vite que je le peux.
Une dame d'une soixantaine d'années m'attend les bras croisés et le visage dur.
- Vous avez mis 8 minutes de trop. C'est une perte de temps trop importante ! Comment pensez-vous pouvoir gérer cela ?
- En accélérant et en appliquant à la règle vos conseils pour que le tout soit parfait en moins de temps.
- Et vous pensez que cela suffit ?
- Avec de la motivation, je suis certaine que l'on peut tout faire.
- Il faut LA volonté. Ce n'est pas un job facile que vous avez là. Peu y sont aptes. Vous êtes sûre de vouloir continuer ?
Elle me demande ça à chaque fois depuis une semaine. Elle attend que j'abandonne mais j'ai eu trop de mal à trouver ce travail pour si facilement abandonner surtout devant cette vieille dame.
- Certaine.
- Faites la suivante alors. Et dépêchez-vous, vous perdez du temps !
Je récupère mon matériel et mon chariot et passe à l'autre chambre. Comme la précédente, je nettoie à fond, vérifiant que tout est à sa place. Suante mais fière de moi, je sors de la chambre et me retrouve face à ma meilleure amie : Julia, la sexagénaire.
- Vous avez encore 3 minutes de retard.
Voilà comment gâcher une journée toutes les 20 minutes. Elle me suit à la trace et ne fait que critiquer mon travail.
- Chambre suivante.
- Oui.
Et je fais ça toute la matinée.
Quand arrive 14h, épuisée et affamée, je rejoins la salle commune des femmes travaillant à l'hôtel et me sert une grande assiette de pâte et de légumes sous le regard soupçonneux de plusieurs filles. Je me laisse tomber sur ma chaise avec plaisir et prend le temps d'enfin respirer.
- Alors ça va ma puce ?
Je lève les yeux. Ah, Mathilde ! Cette femme est un amour. Un ange. Ma seule amie ici. La seule oui. Car la guerre est de mise dans l'hôtel pour qui sera la meilleure pour obtenir la récompense d'être au service de stars. Du coup, on m'a tout de suite pris en grippe alors que je ne m'étais même pas encore présentée. Mais, je ne suis pas là pour faire ami-ami. Je suis là pour un objectif simple. Avoir de quoi payer mon billet de retour.
Au final, elle est venue à moi avec le sourire. Cette maman d'une quarantaine d'années m'a prise sous son aile et m'a guidé dans de nombreuses situations. Toujours derrière moi, elle me protège des autres filles pour que je puisse apprendre au plus vite. Parce-que si on ne répond pas aux attentes requises, on se voit viré purement et simplement.
Du coup, Mathilde, je l'adore. Une présence féminine dans ma vie de tous les jours m'avait sincèrement manqué. Je savais que ma mère occupait une place immense dans ma vie, mais j'ai compris que cette place était bien plus grande que je ne le croyais.
- Juste la torture habituelle. Je m'y habitue.
- Elle ne t'a toujours pas lâché ??
- Non. Elle doit beaucoup m'aimer. Je fais ça aux gens !
- Au moins, tu gardes ta bonne humeur. Tu es courageuse ma petite. Au milieu de ces requins, tu te débrouilles comme un chef.
- C'est que j'ai un but. Et je ne peux pas abandonner tant que je ne l'ai pas réalisé.
- Tu vaux tellement mieux que ces filles...
On observe les autres dans la salle qui papotent entre elles comme des amies alors qu'elles cassent du sucre sur le dos de chacune dès qu'elles le peuvent.
- Mais je n'ai pas leur talent.
- Elles ont fait des écoles pour cela. Et tu apprends vite. Souviens-toi de ton premier jour !
- C'est vrai... Mais j'ai peur que Julia me fasse virer.
- Je ne le permettrais pas, dit-elle outrée.
Je lui souris et me dépêche de manger. Ma journée est loin d'être finie. Maintenant, je dois m'occuper du service et du ravitaillement. Ainsi que des salles communes.
J'avale un grand verre d'eau et m'essuie la bouche avec une serviette.
- Je suis de ravitaillement des 5 premiers étages, je dois y aller.
- Je suis avec toi !
Enfin, une bonne nouvelle. Je lui souris et on va récupérer ce qui est nécessaire.
Cette fois, avec le sourire, je m'occupe des chambres et ajoute ce que chaque hôte préfère. L'hôtel prend soin de ses clients et notamment soin de leur faire plaisir en leur fournissant ce qu'il préfère par dessus-tout. Du coup, on se retrouve avec des listes immenses.
- Des macarons ? dit Mathilde en déposant la boîte sur la table basse du salon.
- C'est délicieux. Et français. Je t'en ferais gouter un jour.
- Il y en a qui ont de la chance.
- Tu es chanceuse Mathilde. Tu as trois beaux enfants en bonne santé qui respire la joie. Je pense que tu as tout ce qu'il faut pour être heureuse.
Je désigne notre chariot et les paquets qui s'y trouvent.
- Ca, c'est juste des illusions. Cela ne dure pas. C'est éphémère. Il n'apporte rien qu'un gout de regret et de solitude. Une famille qui t'aime, c'est pour la vie. Ne fais pas attention à ce genre d'attentions, elles ne sont que manipulation. Pour faire croire que le bonheur vient de là et de l'argent. Mais, je le sais, rien de bon n'en sort. Vraiment rien... je termine en murmurant et en observant les friandises.
- Tu as raison Harper. Et je suis désolée de t'avoir rappelé de mauvais souvenirs.
- Comment ça ?
- Tu as connu ça, non ? Quelqu'un t'a fait croire des choses ?
- Je... C'est plutôt moi qui ait cru à beaucoup de choses à cause de ça depuis que je suis arrivée. L'argent n'a rien de bon. Cela vicie l'esprit et l'humain. Garde le plus important en tête. Ta famille. Ne te fais pas avoir par l'attrait de l'argent. Ce n'est que mensonge et perfidie.
- Tu es bien catégorique.
- Je le connais. Une semaine m'a suffit pour me perdre moi-même et pour voir disparaitre ce que je suis vraiment. Mais j'ai réussi à en sortir quand cet argent m'a donné une bonne gifle dans la tronche en me rappelant que si tu n'as jamais fait partie de ce monde et que tu n'en as pas les qualités, tu n'y appartiendras jamais.
- L'argent fait ça ? Ou plutôt quelqu'un ?
- C'est la même chose, je déclare froidement. Continuons où Mère Castor va encore me tomber dessus.
Je pousse le chariot et on continue notre travail dans le silence. Elle me lance parfois des regards et je finis par lui donner un sourire pour montrer que tout va bien.
La journée terminée (il est juste 1h du matin), je me glisse sous ma couette toute habillée et m'endors en quelques minutes. Demain, ce sera de nouveau la même journée. Sauf que cette fois, j'ai ma soirée ! Et je vais enfin les voir !
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