34.
Après être sorti du restaurant par l'arrière pour éviter les fans, Justin nous a conduit dans une grande maison en bord de plage. Ce n'est pas une des siennes. J'ai demandé. Il l'a juste "loué" pour la journée. Il m'a dit ça sur un ton tellement désinvolte que j'ai du mal à croire que l'on puisse penser que c'est limite normale de faire ça.
Comme d'habitude, l'endroit est superbe. La maison, assez grande, offre de belles pièces et un bel ensemble. Mais elle est sans âme. C'est sûrement pour cela qu'il est possible de la louer.
Par contre, la vue... Même celle de chez la tante de Julie semble banale quand on fait face à celle-là. Appuyée sur la rambarde de la terrasse, j'observe les vagues et les écoute se briser contre la falaise.
En maillot de bain, un t-shirt sur le dos, j'attends patiemment Justin. Mais, cela ne me dérange pas. J'aime ce calme, cet endroit et ce cadre. Bien que le soleil tape fort en ce jour, je ne le ressens pas. Après un mois, je semble m'y être accoutumée avec grand plaisir. Ma peau en a profité pour se haler et mes formes pour fondre juste un peu. Sûrement car je me sens bien. Et aussi car je marche énormément évitant les transports (plus des machines à cuire) au maximum et nage sans cesse dès que j'en ai la possibilité.
- Tu aimes les sensations fortes ?
- Ne pas aimer est un sacrilège !
- Parfait. Tu vas adorer alors...
Je suis Justin et descend les marches taillées à même la roche avant de fouler le sable fin mais brûlant. J'avance rapidement pour arriver sur du sable mouillé.
Une petite jetée est à quelques mètres de là. Y est accroché deux jets ski qui suivent lentement le mouvement des vagues. On s'y dirige et j'observe les bolides lustrées et neuf.
- Enfile un gilet, me dit-il en m'en donnant un avant d'enfiler le sien.
Je fais ce qu'il me dit et m'empêche de sourire de joie. Je ne vais quand même pas lui montrer que cette activité va plus que me plaire.
- Tu en as déjà fait ?
Je secoue négativement la tête.
- Bon, je vais t'apprendre les bases en premier lieu puis tu pourras prendre le second après.
- Tu es en train de dire que l'on va partager le même pendant quelque temps ?
- Oui, pourquoi ?
- Pour rien.
Il dénoue le nœud retenant le véhicule et monte sur le jet ski avant de me tendre la main pour m'aider à monter. Je la prends et lui serre fortement aussi bien de peur que d'excitation. Je me place à l'arrière et respire un grand coup.
Il allume le moteur et se tourne vers moi avec un sourire que je ne lui connais pas. Il adore ce qu'il va faire, c'est ce que cela me dit.
- Prête ?
- Plus que prête.
- Alors accroche toi à moi !
J'hésite une seconde mais l'attraction arrière produite par l'engin en marche me fait me ravise. Je m'attache à lui comme une sangsue et ferme les yeux en profitant de l'air marin fouettant mon visage. Je souris et prends rapidement l'habitude de réagir aux mouvements du jet ski face à la surface de l'eau.
Nous volons sur les vagues et à travers l'océan sans personne à l'horizon. C'est comme si on était seul au monde. On se rend compte alors de notre petite taille par rapport à l'immensité.
Il ralentit petit à petit et s'arrête.
- Toujours okay ?
- Au top ! je m'exclame.
- Attends quelques minutes, calmement si tu peux y arriver, et tu verras le truc de cette activité.
- Je croyais que c'était déjà l'activité.
- Pas vraiment, c'est juste un petit bonus.
Ses "petits" bonus sont vraiment énormes pour moi. Mais je ne dis rien et écoute ce qu'il m'a demandé de faire. J'observe les alentours. Au bout d'un moment, j'ai l'impression qu'il se moque de moi. Prête à lui faire savoir, je suis coupée par un mouvement de son bras qui me désigne quelque chose.
Des dauphins. Émerveillée, je les observe avec adoration sauter en rythme et nager autour de nous. Je me penche et plonge la main dans l'eau ayant l'impression d'être plus proche d'eux à travers ce lien qu'est l'océan. Un dauphin s'approche un peu plus et me laisse le toucher du bout des doigts avant de continuer sa danse avec les autres.
Cela dure peut-être une demi-heure ou même une heure mais aucun de nous ne parle. On observe juste ces merveilleux mammifères marins nager et sauter.
- Tu veux les rejoindre ? me demande Justin.
- On peut ? je murmure estomaquée et effrayée de pouvoir les faire fuir.
- Essayons.
Il se glisse lentement dans l'eau et flotte grâce au gilet. Il me tend la main et je le rejoins. Cette fois, je ne le lâche pas, inquiète de les voir fuir. On nage lentement vers eux et ils nous entourent et se frottent à nous à intermittence tout en nous observant en criant.
Je ris et tourne sur moi-même ayant peur de rater quelque chose. Justin est aussi à l'aise que si c'était quelque chose de normal et les dauphins ne cessent de venir à lui pour attirer son attention. Je l'observe et découvre une autre personne à cet instant. Il profite de l'instant présent et semble oublier qui il est. Il se consacre aux dauphins.
Je le rejoins sans mouvement brusque et lui appuie sur la tête. Il se retrouve sous l'eau et en ressort en crachant. Les dauphins apprécient tout autant que moi selon leurs cris. Je rigole et le regarde innocemment.
- Je ne t'avais pas vu.
- C'est vrai qu'une main appuyant sur une tête est involontaire !
- Tu as tout compris.
- Alors excuse-moi.
- De quoi ?
C'est à mon tour de boire la tasse et de ressortir de l'eau en crachant. Il rit et se laisse porter avec nonchalance par les mammifères. Je lui tire la langue avant de sourire et de nager avec le dauphin qui semble beaucoup m'apprécier.
- Tu penses que Flipper est parmi eux ?
- Tu n'es pas sérieuse ? dit-il en soupirant, exaspéré par moi.
Je l'observe et explose de rire. Je plonge sous l'eau et de nage parmi eux en me laissant porter par le courant. Quand je ressors la tête, je prends une grande inspiration et laisse glisser les dauphins entre les jambes.
- On y va, déclare finalement Justin en m'observant.
- Déjà ? Pourquoi ? je demande avec une déception certaine.
- Tu as les lèvres violettes de froid. Je ne veux pas que tu tombes malade.
J'ai froid. C'est vrai mais je ne le sentais pas jusqu'à qu'il m'en fasse la remarque, trop heureuse de pouvoir vivre ce moment.
Il claque plusieurs fois de la langue et les dauphins s'écartent de nous sans pour autant partir. Il me prend la main et nous nageons jusqu'au jet ski qui a bien dérivé.
Il se hisse avec aisance et m'aide par la suite. Je tremble. De froid mais aussi de joie. Debout, j'observe les dauphins partir après avoir crier quelques uns de leurs ultrasons.
- C'est l'heure de repartir, Harper.
- Merci.
- De quoi ?
- Pour ce moment. C'était magique. Un des moments de ma vie que je n'oublierais jamais.
Je le serre dans mes bras.
- Vraiment merci.
Il hoche la tête et s'installe au volant. Je m'assois à l'arrière et m'accroche à lui en posant mon menton sur son épaule droite pour observer l'horizon. Il démarre et nous repartons.
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