Epistolaire
Il reposa sa lettre, bouleversé par le torrent d'émotions que son contenu, pourtant banal, avait déversé en lui. Quelques fois, il se surprenait à souhaiter ne jamais l'avoir connue, pour se maudire la seconde suivante.
Sans même le savoir, elle hantait ses pensées et dictait ses humeurs, tant par son absence que par le spectre de sa présence qu'elle distillait dans ses lettres au fil des semaines. Ces lettres, dont il relisait chaque jour le contenu à l'écriture soignée et qui, tantôt lui réchauffait le cœur, tantôt le consumait de chagrin.
Parfois, il avait l'impression que passer une seconde de plus loin d'elle le tuerait et parfois, il aurait aimé qu'elle lui octroie le loisir d'oublier jusqu'à son existence même. Allant jusqu'à fantasmer des scénarios où elle se désintéresserait de leurs échanges et les laisserait sombrer dans l'oubli.
Certes, il savait quelles épreuves l'attendaient lorsque ses lettres cesseraient de lui parvenir. Faire le deuil de cette relation inexistante serait plus que douloureux, mais il avait l'intime conviction que ce ne serait rien face au chagrin et la frustration qui le submergeaient bien plus souvent qu'il n'était prêt à le reconnaître.
Souvent, il se forçait à retarder le moment de lui répondre, laissant tournoyer dans son esprit tous les mots qu'il aurait aimé lui adresser et qu'il savait ; dans leur intérêt commun ; plus sage de taire. Cependant, il lui arrivait tout de même de se risquer à les coucher sur papier :
des déclarations enflammées, remplies de regrets et de promesses de retrouvailles, mais qui, invariablement, finissaient par nourrir les flammes crépitantes de l'âtre. Il se plaisait à regarder l'épais papier jaunâtre se consumer lentement et réduire en cendres les preuves de son impureté et de sa honte.
Plusieurs fois, il avait tenté de ne pas donner suite à ses lettres, mais la culpabilité et le manque le rongeaient alors jusqu'à ce qu'il cède. Il ne pouvait se résoudre à perdre la seule chose qu'ils partageaient encore ; et ce, malgré la souffrance infligée par la certitude que leurs chemins ne pourraient, désormais, jamais plus se croiser.
Il aurait voulu qu'elle prenne la décision à sa place, qu'elle pâlie à sa lâcheté et mette un terme à leurs échanges. Paradoxalement, lorsqu'elle tardait à répondre, il se sentait envahi par un vide immense, qui le privait aussi bien sommeil que d'appétit temps que la réponse tant attendue ne lui était pas parvenue.
Il se languissait de sa voix et du souvenir de son visage, regrettant amèrement de n'avoir jamais eu l'occasion, sinon le courage d'effleurer sa peau délicate et parfumée. Il aspirait à voir ses traits s'effacer de sa mémoire, mais son image lui revenait sans cesse dans ses songes.
Il souleva une latte du vieux plancher de sa chambre et y rangea soigneusement la lettre avec les autres, avant de s'allonger sur sa couche et d'éteindre la lampe à huile de son chevet.
Il resta allongé là, les yeux rivés sur le plafond, immobile, tourmenté, ressassant pour la énième fois ses sentiments et son désespoir. Ayant pour seule consolation l'idée que l'intensité de ce qu'il éprouvait ne serait jamais érodée par la routine et le quotidien.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top