🐺9🐺
Zag est un effroyable entraîneur. Terriblement efficace, mais terrible. Il m'a entraînée dehors et, sans un mot, il m'a guidée jusqu'à un endroit en bordure du repère. Il m'avait fait face, et m'avait juste dit "Attaque"
Je ne m'étais pas faite prier, et mes pieds s'étaient décollés du sol, projetant mon corps vers mon adversaire.
Il avait balancé son poing en avant et, à la vitesse de l'éclair, avait dévié ma trajectoire pour m'envoyer rencontrer dans un arbre.
Et, toute la matinée qui a suivi, il m'a faite tomber. Il me jugeait, m'observait, et ne manquait pas de me narguer. A chaque fois je me jetais vers lui, dans l'espoir de ne serait-ce que le toucher, mais il me faisait manger de la neige.
- Debout ! me lance l'Alpha en reprenant sa position initiale.
Je marmonne en pestant. J'en ai assez de tomber ! Ça fait des heures qu'il me nargue et que je roule par terre ! J'ai essayé de détourner son attention, de feinter, tout ! Rien ne fonctionne. Et, ce qui m'énerve le plus, je ne sais pas comment il y arrive.
Je me redresse pour la centième fois au moins, et siffle de douleur lorsque mes côtes maltraitées se rappellent à mon bon souvenir. Mais je fais taire cette lance de souffrance et me remets devant Zag, les yeux flous et la gorge sèche. Je ne sais pas pourquoi il continue. Il voit bien que je ne sais pas me battre. Que cherche-t-il ?
Laisse-moi m'en occuper, réclame Morrigan pour la millième fois.
Elle martèle mon esprit pour se manifester depuis le début des combats. Je sens qu'elle est arrogante, sûre d'elle, menaçante et qu'elle meurt d'envie de mettre cet Alpha à terre. Elle me trouve incapable et faible. J'ai toujours repoussé sa demande, par peur de ce qu'elle ferait, mais aussi par orgueil. Seulement, là, je suis à bout, j'en ai plus qu'assez de cette mascarade.
Vas-y, je grogne dans mon esprit.
Et je la laisse m'envahir, remplir avec avidité mon esprit de sa présence forte et animale, balayant mon contrôle de moi-même et de mon corps d'un souffle de puissance brute.
Mes lèvres s'étirent dans un sourire cruel. Mes yeux pétillent de rage et d'amusement sadique. Je suis énervée et très, très en colère. Mes poings se délient mécaniquement et je fais craquer mes articulations ainsi que mon cou avec délice. Je fais un pas félin vers Zag, qui m'observe avec attention. Il ne sait pas qui il a énervée.
Mes dents luisent, blanches comme la neige, et la colère continue son œuvre dans mon corps. Je sens quelque chose se débloquer, lentement, pas tout à fait mais en partie. J'adopte une position instinctive, jambes pliées et une main au sol, l'autre repliée contre ma poitrine, prête à se détendre comme un serpent et à fondre sur sa proie. Mes yeux analysent ce qu'ils voient, remarquant le moindre flocon, la moindre rainure d'une feuille.
Un lourd silence nous entoure. Zag est en garde, près à m'envoyer au sol dès mon premier bond. Mais cette fois, je refuse de me laisser abattre. Ma langue passe sur mes dents, légèrement plus longues et pointues. Je souris encore, satisfaite, en testant les changements qui se sont faits grâce à moi. Je me sens plus souple, plus rapide aussi. J'entends beaucoup mieux, et une main se lève pour toucher mes oreilles, dépassant de ma chevelure sur le haut de mon crâne, duveteuses et triangulaires. Des oreilles de louve.
Ces changements ne provoquent aucune surprise chez moi. Après tout, ne suis-je pas une louve-garou ?
Lyka a encore du mal à l'accepter, mais moi je le sens depuis longtemps. Je suis la louve qui dort en elle. Elle m'a laissée sortir, et je vais accomplir ce qu'elle n'a pas la force de faire.
Mes oreilles se plaquent contre moi crâne, et je gronde. Cette vibration dans ma gorge provoque un sentiment de libération jouissive, je suis libre d'être qui je suis réellement. Lyka souffre de se cacher, et je ne veux pas qu'elle souffre, elle est ma moitié. Je vais l'aider à libérer sa vraie personnalité.
Je grogne à présent vers Zag, qui ne bouge pas d'un poil. Impassible, il me fixe, ses yeux marrons analysant tous les changements.
Je bondis vivement sur le côté dans un mouvement flou, et fais une roulade, puis me redresse et saute sur Zag. Je l'aborde de côté, espérant brièvement le déstabiliser. Mais il est vif, comme tous les loups, et parvient à se reculer pour éviter un coup de griffes. Mes ongles se sont allongés, nouveau changement pratique lors d'un combat. Solides et fins à la fois, ces griffes me servent à me ficher dans le sol, pour reprendre une impulsion et me ruer sur mon adversaire. Je ne lui laisse pas de répit.
Il évite et je roule pour me redresser et replonger en évitant un coup de poings visant ma mâchoire. Je me relève en balançant ma jambe vers son abdomen et parvient brièvement à le toucher avant qu'il n'attrape ma cheville pour me lancer à l'autre bout de l'arène. Je fais une pirouette en l'air pour me réceptionner sur un pied et pivoter afin de refaire face à Zag. Ma nouvelle adresse m'enchante et j'en profite pour faire un bond gigantesque et retomber pile à l'endroit où il se trouvait l'instant d'avant. Il s'est reculé, et revient à la charge avec un fauchage qui me surprend et me fait tomber lourdement. Je n'ai pas le temps de me relever qu'il s'assied sur moi pour m'immobiliser. Je hurle de rage et me débats furieusement, tandis qu'il parvient à enserrer mes poignets de ses grandes mains.
Il finit par m'immobiliser entièrement et je cesse de bouger, les yeux flamboyant de rage à peine contenue.
Il sourit alors franchement, et me félicite :
- Bravo ! C'est ça que je voulais voir. Nous pouvons commencer l'entraînement.
Mon souffle se coupe dans ma poitrine. Il voulait que Lyka me laisse le contrôle ?!! Je reste muette, complètement sonnée, et il reprend.
- Bon, quel est ton nom, la louve ?
Je lâche du bout des lèvres, réticente.
- Morrigan.
Il hausse un sourcil surpris. Quoi, il n'aime pas les noms irlandais ?
- Eh bien, Morrigan, j'aimerais parler à Lyka. Tu veux bien la laisser revenir ? Ne t'inquiète pas, poursuit-il en me voyant grimacer, tu vas revenir me voir bientôt.
Je doute. Je n'ai pas envie de laisser le contrôle de ce corps à Lyka. Je m'amuse bien ! Mais je vois de la sagesse dans le regard de Zag, et une petite quantité de son aura vient chatouiller la notre. Je soupire en me rétractant.
Je sens Morrigan refluer dans mon esprit et le contrôle de mes membres me revenir. J'ai tout vu, mais en qualité de spectatrice et en ressentant la douleur et les sensations. C'est très perturbant.
Zag m'aide à me relever, et m'explique en voyant mon air confus.
- Lorsque tu as laissé le contrôle à... Morrigan, elle a pris la pleine possession de ton corps. Tu as mis du temps avant de la laisser sortir. Pourquoi ?
- Je... Je n'ai pas confiance en elle.
C'est la totale vérité.
Eh bien merci. Sympa l'amie.
Rôh, te vexes pas. En même temps, tu veux tuer la plupart des loups que nous avons rencontrés. C'est normal que je ne te laisse pas le contrôle si facilement !
- Il faut que tu établisses une forme de confiance avec ta partie louve. C'est important que vous ne soyez pas en conflit. Mais tu dois aussi savoir l'arrêter lorsqu'elle va trop loin. C'est un animal. Certes intelligent, mais un animal quand même. Elle a des instincts primaires qui ressurgissent, parfois au mauvais moment, et si tu ne sais pas l'arrêter ça posera problème. Tu comprends ?
J'acquiesce. Il semble satisfait, et ajoute :
- Mais, à ce que j'ai vu, c'est une excellente louve que tu peux devenir. Morrigan est stable et puissante. Tu as de la chance.
Les derniers mots qu'il a prononcés m'ont semblés bien lugubres. Mais je n'y fais pas attention, et m'étire. Mon corps ne m'a jamais semblé aussi en forme !
Je porte alors vivement mes mains à mes oreilles. Je les sens encore, douces et poilues. J'inspecte alors mes mains, mais mes griffes se sont rétractées, heureusement.
- Tes oreilles resteront comme ça jusqu'à ce que tu te sois entièrement transformée. Mais maintenant, nous allons vraiment nous entraîner, puisque tu as été remise à neuve par ce débloquage.
Je souffle. J'en ai assez de tomber.
Mais je me suis trompée. En fait, nous nous sommes vraiment entraînés, cette fois. Me faire tomber c'était juste pour me pousser à utiliser ma louve. J'essaye d'en vouloir à Zag, mais bizarrement je commence à le respecter. Il m'impressionne par ses connaissances de combats, et j'écoute presque religieusement ce qu'il m'apprend.
L'après-midi touche à sa fin, et mon ventre n'a pas arrêté de gronder pendant l'entraînement. J'ai l'impression d'avoir un creux à la place de l'estomac.
Je ne me suis pas plainte, je me doute que Zag m'enverrait balader et continuerait la séance. Alors je me suis tue.
- C'est fini pour aujourd'hui.
À ces mots, je manque de m'effondrer par terre. Épuisée, je demande ce que je dois faire à Zag, qui me désigne la silhouette menue de Nora qui arrive vers nous.
Je la rejoins, à moitié morte, et elle me fait un sourire compatissant. Je me laisse entraîner jusqu'à ce cabanon qui m'a accueillie la première fois. Nora en pousse la porte et me dit :
- C'est ici. Nous sommes colocataires.
Je souris un peu. Je suis soulagée de connaître la personne qui loge avec moi.
Elle s'assied avec moi à table, et nous nous empiffrons de pâtes bolognaise. Seule différence avec celles que je pourrais manger habituellement : La viande hachée cuite s'est transformée en steak de bœuf cru. Mais cette viande me paraît soudain délicieuse. Je me demande si c'est le fait d'être proche de loups-garous qui me change à ce point. Certainement.
Après le repas, Nora me donne un pyjama à elle, et je fonce sous la douche. La crasse et la transpiration s'écoulent avec l'eau chaude et je le sens mieux après m'être savonnée.
Lorsque je sors de la douche, je m'essuie et passe la tête dans le salon, où se trouve Nora.
- Tu as une paire de ciseaux ? je demande.
Elle s'éclipse dans sa chambre et réapparaît avec ce que j'ai demandé. Je les attrape en la remerciant et me poste devant le miroir.
Mes cheveux ont poussé depuis que je suis ici, à une vitesse folle. Mes boucles noires sont à présent trop longues à mon goût. J'attrape la paire de ciseaux et coupe.
Lorsque j'ai terminé, je revois la jeune fille rebelle qui a quitté la maison de ses parents adoptifs à cause d'une fugue.
Mes boucles d'ombre tombent jusqu'au dessus de mes épaules. Je les attache avec un élastique qui traînait là et sors, vêtue du pyjama.
Nora m'attend, elle aussi changée, et nous nous affalons dans le canapé. Je souffle, épuisée par l'entraînement. Nora m'en demande des détails, et je les lui fournis, mais sans plus. Je ne suis pas très bavarde.
Je m'excuse au bout d'une heure, et m'enferme dans ma chambre. Je m'enfonce sous les couvertures, et m'endors immédiatement.
- Debout !!!
J'ouvre les yeux brusquement. Une main tambourine à la fenêtre de la chambre. Je saute de mon lit en vitesse et passe la tête après avoir ouvert la vitre. Je ramène mes cheveux noirs en arrière et dévisage avec étonnement la jeune fille qui me crie de me lever depuis en bas, à environ deux mètres de la fenêtre.
- Hey, lève-toi ! Zag il t'attend dans une demi-heure !
Je reconnais la fille brune qui était avec Nora devant le chalet de Carl. J'ignore son nom mais je lui en veux un peu de venir hurler sous ma fenêtre. Même si c'est sûrement Zag qui le lui a demandé, il en serait capable...
Je ferme brutalement la fenêtre et retourne dans ma chambre. Le froid de dehors a pénétré la pièce et maintenant, je suis forcée de me lever. Je soupire. Et je vais chercher mes habits, c'est parti pour une nouvelle journée.
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