🐺7🐺

Nora me pousse dans le bungalow, et la porte claque derrière moi. Elle ne m'a pas suivie.

Je tourne sur moi-même, et commence à paniquer légèrement lorsque je me rends compte que je suis seule dans une petite pièce qui semble être un hall. Mais bien vite une personne entre par une porte et je reconnais Marc. Il me saisit brutalement les poignets, et avant que je ne puisse réagir il me les tord dans le dos. Je pousse un cri de rage et de surprise, mêlé de douleur, et tente de me dégager. Seulement, mon séjour au sous-sol semble m'avoir considérablement affaiblie, et Marc arrive sans peine à me maintenir. Il me plaque alors dos à son torse, et me fait passer la porte.

Je découvre une pièce ornée et spacieuse, où quelques chaises sont disposées un peu partout. Derrière un bureau, est assis un homme massif et musclé.

Aussitôt qu'il m'entend gigoter pour échapper à la poigne de Marc, il lui fait un signe. Je sens alors du métal contre ma peau, et mes poignets se trouvent aussitôt emprisonnés dans des menottes. Marc me lâche, et je tente de retirer les menottes, sans succès. Enragée, je me tourne vers Marc dans l'intention de lui balancer un coup de pied bien placé, mais un mot résonne dans la pièce, et arrête mon mouvement à peine entamé.

- Assez.

La voix grave et profonde de l'homme, empreinte d'autorité, me fige. Je me tourne vers lui, complètement estomaquée.

Putain c'était quoi ça ?!!

Je fixe sans comprendre l'homme qui est derrière le bureau. Il est calme, et n'a pas esquissé un geste depuis qu'il a ordonné à Marc de me passer les menottes.

- Je vois que j'ai toute ton attention, petite louve.

- Comment... Comment vous savez... je bredouille misérablement.

Comment cet inconnu a-t-il su aussitôt quelle était ma différence ?!! Je la cache à tout le monde... Mes yeux me piquent. Mon secret est éventé. Ils vont me tuer. M'emmener dans un laboratoire pour faire des expériences. La panique m'envahit en un éclair, et je bondis vers la porte dans un saut précipité. Je heurte la porte, complètement folle, et je donne des coups de pied contre le bois dans le vain espoir qu'elle ne s'ouvre. Mais mes bras tordus dans mon dos me gênent, et Marc m'attrape. Il me tire vers une chaise, mais je me débats, enragée et paniquée. Je mords, je griffe, je ne me contrôle plus du tout.

Marc grogne en tentant vainement de m'immobiliser. Cette fois, je ne me laisse pas faire. Ce ridicule bêta ne m'aura pas !

- Bas les pattes, Bêta !!! je grogne violemment au visage de Marc.

Il hausse les sourcils. Mais comme il ne me lâche pas, je le fixe dans les yeux et articule lentement, menaçante :

- Tu. Me. Lâches !!!

Ma voix est plus grave que jamais. Marc écarquille les yeux, effrayé. Je ne le lâche pas du regard avant qu'il ne se soit couché au sol, gémissant, à mes pieds. Je ne comprends pas ce que je viens de faire, mais je jubile. Je sens la présence de Morrigan, plus présente que jamais dans ma tête, en parfait accord avec mes actes.

Je tourne mon visage vers l'Alpha. Ce dernier me fixe avec impassibilité. Je le provoque :

- C'est ça vos compagnons ? Vous les avez trouvés à la décheterie !

Je suis complètement hors de moi. Je ne contrôle rien, c'est Morrigan qui me contrôle. Nous sommes complètement fondues l'une dans l'autre, nous ne sommes plus qu'une.

L'Alpha me dit de sa voix grave :

- Tu ne sais pas ce que tu dis. Reprends-toi. Je dois te poser des questions.

Je pars dans un rire hystérique. On pourrait me croire folle. Il croit que je vais me laisser caresser dans le sens du poil ?!! C'est moi que vais poser les questions...

- Non, je pose les questions. Pourquoi m'avez-vous enfermée ?!!

- Tu étais sur notre territoire. Maintenant tu vas gentiment t'asseoir sur une chaise et répondre à mes questions.

- Tu peux rêver ! Je ne vais pas me laisser faire, ni t'obéir. Je n'obéis à personne.

- Tu ne me laisses pas le choix, soupire l'Alpha tandis que je souris effrontément.

Il rive son regard au mien, mais je sens une différence, quelque chose en plus que tout à l'heure. Un poids m'oppresse la poitrine, je hoquète tandis que mon sourire arrogant fane sur mes lèvres. Je ne lâche pas l'autre des yeux, déterminée malgré tout à ne pas me soumettre. Je sais maintenant ce que ça veut dire, et ce n'est pas pour moi. Je ne veux pas me soumettre !!!

Ne lâche pas !

Encouragée par Morrigan, je me redresse un peu et tente moi aussi de le faire ployer. Ses traits se crispent tandis que je suis ce que me dicte mon instinct. Je serre brutalement les dents, concentrée, résistant comme je peux à cette force qui émane de mon adversaire.

Mais je faiblis, lentement mais sûrement, et l'Alpha le sait. Il envoie toute sa puissance, me faisant hoqueter de plus belle. Mes yeux s'écarquillent. Je n'ai jamais eu pareil adversaire. Mes poings se serrent dans mon dos, tirant sur les menottes, alors que je contre son attaque avec ma propre force, à présent bien diminuée. Mes ongles s'enfoncent dans ma peau et je pince les lèvres.

L'Alpha est crispé lui aussi, je le vois. Et ça me redonne du courage. J'y arriverai !

Je vais t'aider ! A deux, on sera plus fortes ! crie Morrigan dans ma tête.

Je sens alors se propager cette chaleur que j'ai déjà ressentie. Mon énergie me revient d'un coup, et je me redresse complètement sous l'œil ahuri de l'Alpha. Je me sens bien, mais je sens aussi que cela ne va pas durer longtemps. Mon énergie éphémère me permet d'attaquer à mon tour cet Alpha, et je ne lâche pas ses prunelles d'ébène un seul instant.

Mais je me suis trompée. Il est trop fort. Mon énergie me quitte déjà. Il n'a pas cédé un pouce de terrain, et je commence déjà à courber doucement l'échine. Morrigan hurle sa colère dans ma tête, et je l'accompagne en criant de rage tandis que mes genoux touchent le sol de bois dans un bruit sourd. Je tire sur mes liens désespérément, en laissant des larmes brûlantes dévaler mes joues en torrents impétueux. Je garde les yeux fixés au sol, incapable d'affronter ceux de l'Alpha.

J'ai perdu. C'est la première fois. Et je veux que ça soit la dernière. J'ai l'impression d'être écrasée. Je ne sais plus respirer. Je m'effondre par terre.

Je sens soudain la pression s'alléger et j'inspire une grande goulée d'air. Mes yeux papillonnent, et je jette un coup d'œil à l'Alpha. Il me regarde avec une lueur d'intérêt, et de surprise. Je me sens misérable. Il m'a soumise.

- Relève-toi.

J'obéis, lessivée. Je m'effondre sur une chaise, tête basse. Je suis complètement vidée de toute l'énergie que j'ai pu avoir pendant l'affrontement. Mes doigts se décrispent et je prends une grande inspiration avant de lâcher d'une petite voix qui ne me ressemble pas :

- Que voulez-vous ?

- Te poser des questions.

J'acquiesce lentement. Il poursuit :

- Que faisais-tu sur notre territoire hier soir ?

Je soupire. Encore cette question.

- Je ne savais pas que c'était le vôtre, dis-je simplement.

Il fronce les sourcils. Je le regarde en essayant de montrer toute ma sincérité.

- Tu n'as pas senti l'odeur ? me demande-t-il avec suspicion.

Je hausse les sourcils. Je ne vois pas de quelle odeur il veut parler.

- L'odeur qui est sur chaque arbre de notre territoire. Tu as dû la sentir, insiste l'Alpha, voyant que je garde le silence.

Je me remémore ma soirée, mon escapade dans la pinède, mais rien ne me revient. Je n'ai pas reniflé les arbres à la recherche d'une odeur, non plus.

- Je ne vois pas de quelle odeur vous parlez.

Il soupire, agacé. Mais pourtant je suis sincère ! Je ne comprends rien à ce qui m'arrive. Ces questions n'ont aucun sens. Qui s'amuse à mettre son odeur sur les arbres, dans une forêt, puisque les gens ne savent pas les sentir ? Enfin, les gens normaux. Moi, j'aurais certainement pu. Seulement, je n'ai pas cherché à repérer une odeur.

- Bon, question suivante. Qui es-tu ?

Je le détaille, cherchant un indice sur la réponse qu'il attend. Mon nom, mon prénom, ma ville de naissance, ou bien quelque chose que je ne sais pas, pour changer ? Ça m'énerve de ne pas avoir de quoi il parle.

- Lyka.

Un bref air de surprise passe sur son visage, avant qu'il ne redevienne impassible. Il demande alors, exaspéré :

- Non, je veux parler de ta meute, de ton statut, de ta région. Alors ?

J'ouvre de grands yeux abasourdis. Là, c'est comme s'il me parlait chinois. Je garde le silence, ne sachant pas quoi répondre.

- Répond. Je suis Alpha, et toi ? Bêta ? Omega ?

De plus en plus perdue, je reste là à le fixer, bouche bée. C'est alors que Morrigan me souffle ce que je dois dire.

- Alpha.

Le mot est sorti tout seul. Je ne sais pas ce qu'il signifie, mais l'autre paraît satisfait. Il se rassoit dans son siège, et passe à la question suivante.

- Meute ?

- Solitaire, me dicte Morrigan.

- Région ?

- Aucune.

Il paraît content que je réponde à ses questions. Je me trémousse sur ma chaise, mal à l'aise, ne sachant pas ce que Morrigan lui a dit. Je suis de plus en puis perdue, et ça commence à vraiment m'énerver. Je dois poser une question, même si elle n'a rien à voir avec le moment ou les questions de l'Alpha.

- Qui a brûlé la maison ?

Il semble au courant de cet incident, puisqu'il me dévisage avant de lâcher :

- Ce n'est pas ta priorité.

Je serre les poings.

- Je dois savoir. Et Lorraine ? Elle est en vie ?

Les questions que je pose semblent déranger l'Alpha, avant qu'il ne tique sur le nom de ma tante.

- Tu as bien dit Lorraine ?

Je hoche la tête, appréhendant la suite. La connait-il ? Non, ce n'est pas possible. Elle ne serait pas de mèche avec lui, ce chef de secte ? L'idée a germé dans mon esprit, et ne veut plus me lâcher. Elle se fraye un chemin, me faisant douter, espérer, nier.

- Lorraine Œil-de-Jade ? demande encore l'homme en se penchant en avant.

Je recule contre mon dossier, tordant un peu plus mes bras dans mon dos dans la précipitation à l'éloigner de lui.

- Je... Je ne crois pas.

Il se rassied, puis semble réfléchir en me fixant intensément. Mal à l'aise, je détourne le regard et observe la décoration de la pièce. Sobre, dans les tons sombres et rouges, les chaises et le bureau en sont les seuls meubles.

Finalement, il lâche :

- Nora va te raccompagner en bas.

Je tourne vivement la tête dans sa direction, surprise.

- Dans... Dans la cage ?...

Il ne répond rien, et je commence à crier. J'ai l'impression d'être trahie. Je ne veux pas retourner là-bas ! Non, non, non ! Ils ont dit que c'était terminé !

- Je ne retournerai pas là-bas !

L'Alpha me regarde m'énerver toute seule, les bras immobilisés par les menottes, assise sur la chaise. Alors je me lève, et saute vers le bureau. J'atterris dessus avec la souplesse d'un chat, et mets mon visage en face de celui, calme et impassible, de Carl. Il ne bouge pas d'un cheveux. Je m'apprête à hurler à nouveau, mais des bras me saisissent par la taille et me tirent en arrière. Je me débats, mais je suis épuisée. Mes bras me font mal, tordus comme ils sont, et je suis plaquée contre Marc, que j'avais oublié tant il s'était fait discret et silencieux. Il me traîne dans le hall, ouvre la porte, et me jette dehors où je roule dans la neige.

Je me relève difficilement à cause des menottes, et redresse la tête, les cheveux plein de flocons. Marc a déjà claqué la porte derrière lui, et Nora me regarde avec l'autre jeune fille. A leurs têtes, je vois qu'elles ont probablement tout entendu de ce qu'il s'est passé à l'intérieur. Je les foudroie du regard en me tournant vers elles, et commence à marcher au hasard quand Nora me dit :

- Attend... Je dois te ramener...

Je fais volte-face, furibonde. Elle recule en prenant peur, mais se reprend et me dit d'une voix calme, comme si j'étais une enfant apeurée ou en colère :

- Si tu désobéis, tu vas avoir des problèmes. Tu dois me suivre.

Je reste là, crispée, déchirée entre deux possibilités. Suivre Nora, ou tenter de m'échapper avec ces menottes et ces gens bizarres qui courent aussi vite que moi, si ce n'est plus. Et, pour rajouter à ma situation impossible, je ne sais pas où je suis. Le choix est vite fait, cependant je répugne à retourner au sous-sol. Ceci-dit, je n'ai pas le choix, malheureusement. Alors je hoche la tête et suis Nora vers la trappe, de l'autre côté de la clairière.

Elle la soulève facilement, et me fait signe de passer la première. Je descends les marches dans l'obscurité, et me retiens de gémir lorsque la trappe se ferme derrière Nora et que la lumière disparaît. Je n'ai pas peur du noir, mais les jours passés dans ma cage ne sont pas les plus agréables qu'il m'ait été donné de vivre.

Nora déverrouille la porte blindée avec sa clef, puis nous entrons dans la pièce. Les loups se tournent vers nous et se mettent à nous japper dessus. Ils sont clairement fous. Leurs propos sans queue ni tête prouvent qu'ils sont là depuis longtemps. Un frisson me parcourt à l'idée que si je reste ici, je vais certainement devenir folle.

Nora ouvre la porte de la cage dans un tintement lugubre. Je prends une grande inspiration et me force à mettre les pieds dans la cage, ignorant de mon mieux Morrigan qui me hurle de ne pas entrer et de tuer Nora pour lui prendre les clefs et partir.

Une fois à l'intérieur, Nora me retire les menottes, et je ramène mes bras endoloris devant moi, frottant mes poignets rougis par les frottements du métal. Elle sort et verrouille la cage, mais avant qu'elle ne quitte la pièce je lui demande faiblement :

- Tu penses que Carl va me laisser sortir ?

Elle me regarde un instant avant de lâcher, avec un demi-sourire :

- Il va réfléchir cette nuit à ton cas, et tu sauras quoi demain matin. Bonne nuit, ajoute la blonde avant de sortir et de refermer la porte blindée avant de la verrouiller.

J'ignore les bruits des loups et tente de dormir malgré les interrogations qui fusent sans ma tête. Le sommeil tarde, mais je finis par m'endormir en espérant quitter cette cellule demain et retrouver une vie normale, même si au vu des événements, cette vie me semble décidément inaccessible.

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