🐺27🐺
Une minute plus tard, je me trouve devant un chalet inconnu en compagnie de mes amies. Il est semblable à tous les autres en apparence, mais l'odeur de l'occupant m'informe qu'il s'agit de celui de Zag.
— Pourquoi sont-ils chez Zag ? je demande.
— Il vit seul dans son chalet, même son frère Marc refuse de vivre avec lui. Je crois qu'il est insupportable le matin, me confie Nora avec un sourire.
Elle semble m'avoir tout pardonné des événements survenus avant notre fugue pour aller chercher Jaïna. Aucune amertume dans son ton, aucun reproche dans son regard. Et, mine de rien, ça me fait du bien.
— D'accord, mais alors ils sont tous les deux avec Zag ?
— Oui. Il sait s'y prendre avec les blessés, paraît-il, intervient Jaïna, le visage encore pâle mais les yeux pleins de vigueur.
Je lève le poing dans l'intention de frapper le battant de bois solide qui nous fait face, quand il s'ouvre de lui-même, laissant apparaître le visage sombre de mon tuteur.
— Les filles... Vous n'êtes pas sensées vous reposer ? bougonne-t-il.
— Je voulais voir Arthur et Kelian, j'interviens.
Il me regarde et la lueur de ses iris semble s'adoucir. La commissure de ses lèvres se relève en une ébauche de sourire, mais je ne cherche pas à savoir pourquoi car il lance :
— Entre. Et vous ? Vous venez aussi ? Ils sont encore fatigués. Kelian dort, je ne voudrais pas qu'il se réveille. Vous êtes déjà venue au matin, non ?
Jaïna et Nora se tortillent un peu, mal à l'aise. Puis elles me disent :
— C'est vrai, on est déjà passées. On t'attend au chalet.
Elle tournent les talons, alors que j'entre dans le bâtiment de bois. À l'intérieur, il fait plutôt sombre par rapport à la luminosité de dehors. Je plisse les yeux et renifle un peu. L'air sent comme un mélange de produit médical et de sueur de loup. Un étrange parfum qui me fait froncer le nez. J'observe un peu les meubles du salon, se composant d'un canapé et d'une table munie de trois chaises. La cuisine est quasi identique à celle du chalet que je partage avec Nora.
— Kelian dort. Va plutôt voir Arthur, dit Zag quand je fais mine de prendre la première porte à droite.
Je hoche la tête et oblique vers la chambre de fond. En m'approchant, je remarque un étrange éclat dans un coin de mon champ de vision, en haut à droite. Lorsque je regarde discrètement, j'avise une caméra discrète perchée à la rencontre du mur et du plafond. Je soupire un peu, excédée. Il est blessé ! Il ne fera rien, même s'il était dangereux. Ce qui n'est décidément pas le cas. N'y a-t-il que moi qui lui fasse un tant soit peu confiance, ici ?
Je frappe doucement contre la porte et pousse pour entrer dans une chambre confortable mais tristement impersonnelle. Ce devait être la chambre libre du chalet. Le lit est simple, couvert de draps blancs. Une commode et une armoire de bois composent le reste du mobilier.
Enfoui dans les draps immaculés, un loup me sourit. Ses yeux marrons chaleureux pétillent déjà de santé. Il a l'air beaucoup mieux que moi, qui sens déjà le besoin de m'assoir pour ne pas céder à la gravité. Ce que je fais en saisissant une chaise que je n'avais pas remarquée plus tôt. Arthur se redresse dans le lit.
— Lyka. Ça va ?
— Oui. Mais tu as l'air plus en forme que moi.
— Je suis résistant, rit-il.
Puis il ajoute, une ombre voilant ses pupilles :
— Ce n'est pas la première fois que ce genre de chose m'arrive.
Mais il s'empresse de changer de sujet, ne souhaitant pas s'apesantir alors que j'étais prête à l'interroger, un peu surprise et triste pour lui.
Tu deviens molle, Lyka. Pourquoi deviens-tu si sentimentale, tout d'un coup ? C'est un Solitaire, certes plus puissant et moins traître que je l'imaginais, mais tout de même...
Morrigan, toi non plus tu n'as pas confiance ?
Et heureusement ! Sinon, tu lui confierais déjà ta vie ! Et la mienne par la même occasion. Tu as une confiance aveugle en un loup presqu'inconnu. C'est irraisonnable, et imprudent. Les loups sont malins, pas niais, Lyka.
Pff... Tu es aveuglée par la méfiance. Calme-toi.
Je n'aurais jamais cru dire ça un jour à quelqu'un d'autre que moi. Qu'est-ce que j'ai changé... Cette constatation me glace en même temps qu'elle me réchauffe.
— Euh, Lyka ? Tu m'écoutes ?
Je cligne des yeux.
— Oui oui. Désolée... Qu'est-ce que tu disais à propos de...
Je me fige.
— Attends un peu. De partir ?
Arthur me sourit tristement. Il désigne d'un ample geste toute la chambre, et poursuit.
— Tu vois bien que je ne suis pas à ma place. Je suis Solitaire. Et c'est pour une bonne raison... soupire-t-il.
Il me paraît si triste à cet instant, que j'en viens presque à croire qu'il va se mettre à pleurer, mais il relève la tête avec un sourire.
— Mais c'est pas pour tout de suite. Je suis encore faible. Je dois encore prendre des forces. Je serais incapable de sortir de ce territoire, sinon.
Je tente de lui rendre un sourire, mais échoue lamentablement. Je soupire.
— J'aimerais te convaincre de rester.
— J'aimerais ne pas te faire de peine, et rester. Mais ce n'est pas bon, ni pour toi, ni pour moi. Je ne me sens bien qu'en cavale. Si je restais... Vraiment, non.
Je m'interroge sur ces propos étranges, dépourvus de sens à mes yeux, mais il ne m'en laisse pas le temps et s'enfonce dans les draps à nouveau.
— Désolé mais je suis fatigué. On se revoit une prochaine fois ? Je ne risque pas de m'enfuir en douce.
À ces mots, il jette un œil dans un coin et j'aperçois une autre caméra. C'est exagéré ! Après un soupir, je me lève de la chaise et sors de la chambre, me promettant de demander à enlever les caméras.
Dans le couloir, il me semble entendre la voix de Zag. Mais avant que je ne puisse m'approcher de son origine supposée, une porte s'ouvre et il en sort, l'air préoccupé. Lorsqu'il s'aperçoit de ma présence, il me lance, coupant court à mes questions :
— Lyka, et si tu rentrais maintenant ? Kelian dort toujours et tu dois te reposer. Je te consigne au chalet pour trois jours au moins. Ça fera office de punition pour être partie sans avertir personne...
Je souffle. Rester plusieurs jours à tourner en rond dans le chalet ? C'est à devenir folle. Mais il est vrai que mes muscles semblent vouloir partir en grève...
J'acquiesce donc, et, lorsque je fais mine de passer devant lui pour sortir, je jette un discret coup d'œil dans la pièce d'où il sort. La porte étant restée un peu entrouverte, je n'ai pas trop de mal à distinguer un lit, et une forme dans ce dernier. Il me semble reconnaître le loup de Kelian avant que Zag ne claque le battant de bois en me jetant un regard noir. Je souris d'un air désolé, avant de m'éclipser. Seulement, une chose me tourne dans l'esprit dès que je pose le pied dehors.
Les yeux du loup étaient ouverts.
***
— J'EN AI MARRE !
Mon poing fait la connaissance du mur pour la troisième fois de la journée, et probablement la cinquantième depuis ces derniers jours.
— Lyka, stop ! Arrête ! me crie Nora sévèrement.
— Je ne suis pas une enfant, Nora, alors épargne-moi tes remontrances de mère poule ! je claque.
Elle serre les poings, à bout elle aussi. Me garder enfermée n'a pas été un gros soucis le premier jour, car j'étais encore faible. Et je n'avais pas particulièrement envie d'affronter le courroux de Carl, à vrai dire. J'avais préféré me terrer dans ma chambre, à laisser mes pensées dériver dans l'espoir de savoir ce qu'il adviendrait de ma pauvre personne.
Mais aujourd'hui...
— Ça fait trois jours que je tourne en rond ! C'est bon, je suis guérie !
— Pas encore, regarde, tes bandages sont toujours autour de ton flanc. Quelle idée de vouloir faire des pirouettes dans le salon, aussi ! Tu as rouvert ta blessure. C'est de ta faute si tu restes encore ici un peu !
Je serre les poings, contrariée. Ce qu'elle peut m'énerver, elle, à toujours me rappeler sur tout est de ma faute ! Tu n'avais qu'à pas partir comme ça, gna gna gna.
— Je sors, point.
Après que Nora se soit écartée à regret de la porte, qu'elle barricadait de son corps juste avant, je la pousse et me précipite dehors.
Je m'emplis les poumons de l'air pur des montagnes avec délice, puis entreprends de marcher un peu. Je fais ainsi le tour du village, puis reviens vers le chalet. Mais, alors que je tourne le coin formé par un mur de bungalow, je manque de bousculer quelqu'un.
— Lyka ! T'es pas sensée être au chalet pour quelques jours ?
— Si tu veux te manger mon poing dans la figure, continue, tu t'y prends étonnamment bien, je lui fais, sarcastique.
Kelian hausse un sourcil, comme dubitatif. Il esquisse un sourire railleur et demande :
— Qu'est-ce que tu fais là ?
— Mais en quoi ça te regarde ? Je me balade.
— Oh, cool, fait-il simplement.
À mon tour d'hausser un sourcil, perplexe et peu dupe.
— Et qu'est-ce que toi tu fais là ?
— Je... (il se passe une main dans les cheveux, comme gêné) Je voulais te dire quelque chose, en fait. J'allais au chalet de Nora.
— Et c'est ?
Il fixe son regard au mien et pour une fois, j'y lis autre chose que de la colère ou de l'agacement.
— Merci. Merci d'être partie à la recherche de ma sœur, alors que Carl refusait de laisser partir une équipe de recherche.
— Il... Il devait avoir ses raisons, je pense, je fais en baissant les yeux légèrement.
Je me reprends aussitôt et plante mes iris bleus dans les siens. Ce n'est pas parce que je n'ai pas l'habitude des compliments que je dois avoir une telle attitude.
— Lyka, je parle de toi. Merci, et c'est dur à dire.
Je le foudroye du regard.
— T'as le don de gâcher les moments, toi. Tu t'excuses puis tu dis "C'est dur de s'excuser"? Vraiment, t'es nul.
Je m'apprête à tourner les talons, mais il me lance un dernier "À plus" avant de s'éclipser de lui-même. À plus ?! Qu'est-ce qui lui prend ?
Attends, juste une opération de sauvetage et ton pire ennemi devient ton ami ? C'est quoi la blague ?
Je ne sais pas. Il s'est excusé, au moins. Il avait plutôt l'air sincère.
Je marche un peu dans la forêt, soudain peu encline à rentrer m'enfermer de mon propre chef cette fois. Les arbres m'entourent mais je ne me sens pas oppressée, bien au contraire. Je suis plus libre que jamais.
Jaïna est sauvée. J'ai découvert mon espèce, le pourquoi de mon mal-être, je suis apaisée, j'ai des amis. J'ai un tuteur moins horrible qu'Irène et son mari.
Que demander de plus ?
La réponse à cette question : Pourquoi sommes-nous encore différentes ? Pourquoi guérissons-nous si vite ?
En fait, c'est ça la question : Quel est notre secret ?
Morrigan, je n'en sais rien. Là, je ne veux pas y penser. Je veux profiter.
Le soleil perce la canopée des feuillus pour venir échouer en rayons sur ma peau. Une terre fertile se déroule sous mes pas. Mes cheveux sont soulevés par une bise légère.
Vraiment, là, je ne veux plus y penser.
Mes pas me guident seuls au travers des bois. Des montées et des descentes s'alternent avec des vallons, et de petits ruisseaux purs, auxquels je me permets de laper l'eau cristalline, serpentent doucement dans un doux clapotis.
La quiétude de ce paysage enchanteur est soudain brisée par un bruit de pas. Je me retourne.
Arthur se tient à côté d'un chêne. Il sourit. Ses cheveux blonds sont les jouets du vent malicieux qui s'immisce entre les mèches pour les faire voler.
Des pupilles noisette amicales se posent sur moi, et il lance doucement :
— Ça va ?
— Ça va.
Il s'avance et se dirige vers moi.
— Écoute, j'ai discuté avec ton Alpha.
Une lueur d'espoir doit se voir dans mes yeux, car son sourire se fait triste.
— Je pars aujourd'hui. Désolé, mais...
— Non, je vois. Tu m'as déjà expliqué, je le coupe.
Je lui fais un regard de reproche. Il ne peut pas rester ? Mouais. J'attends une vraie raison, pas des balbutiements sans queue ni tête, hésitants.
— Ne m'en veux pas.
— Impossible. (je soupire) Avant, je n'avais aucun ami, tu vois. Et maintenant que j'en ai, tu t'en vas.
J'ai envie de lui reprocher tous les malheurs du monde. Ma sérénité s'est envolée, évaporée comme neige au soleil. Je lui en veux. Et je ne comprends pas bien ma propre réaction. C'est disproportionné. Complètement excessif. Et terriblement fort.
— On va sûrement se revoir un jour, je le sens, me chuchote-t-il.
Je le regarde pensivement. Il s'est encore rapproché. Je soupire.
— D'accord, Arthur. Maintenant, je vais te demander de t'éloigner vite sinon je pourrais bien ne pas te laisser filer.
— Ça tombe bien, j'ai déjà dit au revoir aux autres, fait-il.
Il s'est déjà retourné. Il me fait un bref signe puis se met à courir. Je remarque alors un sac à dos se balancer contre ses côtes, et me rassure un peu. Il a de quoi vivre seul, il a l'habitude.
Mais alors quel est ce pincement qui m'étreint le cœur ?
De la tristesse ? Des regrets ? De l'inquiétude ?
Je l'ignore et me redirige vers les chalets, maussade.
Ce serait le moment de demander des réponses à Carl, tu ne crois pas ? Il s'est passé assez de choses étranges ces deux derniers mois, je veux savoir.
Je souffle et donne un coup de pied dans une branche. C'est vrai. Il faut qu'il réponde, cette fois. Les vacances touchent à leur fin. Je vais devoir retourner à ma vie d'avant avec de maigres indices sur moi-même, ce que je suis. Une louve, certes. Mais arrêtez de me dire que je suis une louve lambda.
Je serre les poings, relève la tête et proclame :
— On y va. Il va parler.
Bonjour mes ptits loups !
Oui, je suis fatiguée.
Je vous publie un petit chapitre sympa mais très calme. Il est plutôt court, mais riche de révélations pour la suite des événements.
Alors, des hypothèses ? Lyka va-t-elle enfin avoir des informations sur les mystères qui l'entourent, ou bien Carl détournera la conversation? 😏
Kelian ? Pardonné ? Ou pas ? 😏
Arthur ? Il doit rester selon vous, ou bien on s'en fout ? 🤔 Est-il apprécié ?
Bon, des idées sur le mystère des yeux ouverts du loup, alors qu'il est sensé dormir d'après Zag ? 😱😏
Bref bref, bye bye les amis ! Merci de lire et voter ! Et rdv au prochain chapitre !
Petit indice : les gars, on approche de la fin du tome 1 !!! 😱😎
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