🐺26🐺
Un éclair, de la douleur, et je bondis sans réfléchir.
Si on ne les bat pas, ça n'aurait servi à rien. Ensemble ! hurle Morrigan.
Un courant d'énergie pure me traverse, mais je sais qu'il sera éphémère. J'en profite alors à fond et me jette sur le loup de tête.
La douleur qui me transperce lors de la lutte est sans égale, mais si je ne me bats pas de toutes mes forces, tout aura été vain. Nous devons atteindre notre territoire. Coûte que coûte, même si je dois laisser la moitié de ma fourrure dans les combats contre ces ennemis.
Du coin de l'œil, j'aperçois Kelian et Arthur qui se jettent sur les arrivants et me réjouis. Mais ce moment d'inattention me coûte une morsure brutale dans l'épaule, et je glapis. Furieuse, je tente de riposter, mais nous roulons dans la poussière et les feuilles. L'autre loup m'immobilise alors au sol, ses griffes plantées dans mon thorax, crocs luisants. Je grogne et jappe tout en me débattant, mais mes forces me quittent.
Mes pattes battent l'air en vain, tandis que l'autre me laboure les flancs avec ardeur. Je hurle de douleur. Je n'aurais jamais pensé pouvoir ressentir pareille souffrance un jour.
Le sang coule à flots sur le sol, éclabousse les feuilles vertes et orangées de sa couleur vermeille. J'ai presque envie de pleurer, car tout me semble perdu. Je vais mourir ici, sans avoir pu rentrer à la Meute, et tout ça par ma faute... En entraînant d'autres innocents par la même occasion. Jaïna, Arthur, et même Kelian, ils ne méritent pas de périr à cause de moi, de mes fautes et de mes crises. C'est injuste.
Et c'est sur cette pensée que mes yeux se ferment lentement, alors que je pense à Lorraine, qui m'avait pourtant mise en garde. J'ai été trop bête pour l'écouter, pour comprendre qu'elle me disait de ne prendre aucun risque, car des individus me cherchaient. Après tout, qui est la fille aux yeux de glace, à part moi ?
J'ai été stupide... Si stupide...
- Lyka !
Une de les paupières s'entrouvre lorsque le poids qui m'oppressait s'envole. Les griffes sournoises cessent de me meurtrir la peau. Je perçois alors une forme claire rouler dans la poussière et la terre avec le loup ennemi, méli-mélo de pattes et de poils. Arthur.
Je tente de me redresser, mais sans succès et m'effondre. Je suis vraiment très mal en point. Tournant la tête, je distingue mes blessures multiples qui parsèment ma belle fourrure argent, et manque de rejeter le dernier repas que j'ai eu le bonheur d'avaler. La douleur diffuse raidit mes membres, mais je parviens à lécher un peu les coupures et griffures dans l'espoir de les faire guérir plus vite. Le vacarme qui régnait dans la clairière, mélange subtil et effroyable de cris et de grognements, s'estompe.
Le goût de mon propre sang m'écœure, mais peu à peu il cesse de couler sous mes coups de langue fatigués. Mes yeux ont du mal à voir net, ma vision se brouille alors que j'essaie de rester éveillée.
- Lyka, ça va ?
Arthur revient en boitant et penche la tête vers moi. Je grogne faiblement :
- Ça... pourrait aller mieux.
Lui non plus n'a pas été épargné : de nombreuses traces sanglantes tachent sa fourrure beige. À l'une de ses pattes, une griffe a été vraisemblablement arrachée, et un filet rouge s'échappe de l'espace entre ses doigts. Cependant, il tient debout, contrairement à moi.
Ma fierté n'a plus de place en ce moment. Aussi, je gémis :
- Tu sais m'aider ?
Il hoche la tête et passe son épaule sous mon dos. J'ignore la douleur fulgurante et me redresse péniblement avec son appui. Un bref éclat de remerciement traverse mes iris bleus. Il sourit.
- Va aider Jaïna, je lui murmure.
- Mais toi ? Ça va aller ? s'enquit-il.
- Oui, ne t'inquiète pas. Merci.
Il me jette un dernier regard inquiet puis boitille vers la louve chocolat, étendue non loin sous un arbre. Quant à moi, je me dirige vers un tapis de mousse à l'aspect confortable, et m'y couche avec un soupir mêlé de douleur. Là, faisant fi du sentiment d'urgence qui m'étreint, je me roule difficilement en boule et m'endors.
***
- Eh, Lyka.
Un petit coup de museau me pousse la joue. Je gémis et découvre quelques crocs immaculés, puis ouvre les yeux. Assaillie par la luminosité, je plisse aussitôt les paupières, puis papillonne.
- Lyka, on doit y aller. Maintenant.
Je reconnais la voix d'Arthur, et me réveille complètement. Les souvenirs reviennent en masse et je tente de me relever. Le loup clair me prête une épaule sur laquelle m'appuyer, et je parviens à me tenir sur mes pattes.
- Combien de temps... je commence d'une voix rocailleuse.
- Quelques heures. Viens, on ne doit plus traîner. Nous ne sommes plus loin, fait notre nouvel ami d'un air fatigué.
- Tu es déjà venu ? jappe l'éternel suspicieux depuis l'autre côté de la clairière, où il aide sa sœur.
Je manque de rouler des yeux. Il nous a aidés, bon sang ! Qu'il cesse de toujours soupçonner tout le monde de trahison.
Mais je me tais, sentant que ça ne servirait à rien. De plus, je ne suis clairement pas en état de mener une joute verbale. Mon micro sommeil m'a été d'une grande aide, quelques blessures sont en voie de guérison, mais j'ai tout de même perdu beaucoup de sang et suis loin de m'être assez reposée. J'en ai assez des imprévus, vivement que nous soyons de retour.
Arthur ne relève pas les mots de Kelian, jappe un « Je connais l'endroit » et se presse contre moi pour me stabiliser. Nous avançons comme ça, clopin-clopant, nous soutenant mutuellement, ce qu'appliquent le frère et la sœur également. Ainsi, après quelques reniflements du loup noir, nous nous remettons en route.
Mes sens émoussés par la fatigue repèrent bientôt des senteurs familières qui me chatouillent la truffe comme des amies. Intérieurement, c'est le soulagement immédiat. Nous y sommes bientôt. Enfin !
Mais notre allure d'escargots ne nous permet pas d'accélérer et de franchir rapidement la frontière, histoire d'être en sécurité une bonne fois pour toutes. Kelian, sans nous concerter, se met à hurler, gueule vers le ciel.
- Qu'est-ce que tu fais ? siffle Arthur en se raidissant.
- J'appelle mon père, ou tout autre membre de la Meute dans le coin. Ça te pose un problème, le Solitaire ?
- Tu as pensé à la réaction de l'Alpha en me voyant sur votre territoire ? Je vais devoir partir plus vite que mon ombre, râle-t-il, excédé.
- Reste avec nous. Il sera reconnaissant. Tu pourras te reposer. Tu es aussi mal en point que nous, intervient Jaïna. Je vais lui demander personnellement si tu veux.
Elle reprend sa respiration laborieusement. Ses pattes tremblent, et elle s'affaisse.
- Désolée. Je ne peux plus avancer... murmure-t-elle.
Son frère ne dit rien et se couche à ses côtés. Il se met à lécher ses blessures, et à enlever le sang qui macule sa robe noire. Je souffle de soulagement et me couche également sur un tapis de feuilles et de mousse. Mes pattes me brûlent, ma gorge est sèche et je suis morte de fatigue.
Ça paraît, en fait, être le cas de tout le groupe. Les garçons ont semblé être moins touchés mais dès qu'Arthur amorce une descente vers le sol, il lâche et s'effondre à mes côtés. Je lui donne un faible coup de museau, ce qui m'étonne moi-même, moi qui suis peu tactile. Dans ce cas-ci, ma seule volonté est de le remercier de toute l'aide qu'il nous a apportée.
Alors que je manque de m'endormir, un buisson frémit. Je relève aussitôt la tête le plus vite possible, oreilles dressées. Kelian bondit sur ses pattes, chancèle mais tient bon. Arthur reste couché, comme Jaïna. Ils sont trop fatigués. Nous, sommes tous trop fatigués pour nous battre à nouveau.
Un museau apparaît dans les feuilles. Une tête. À la vue des yeux vert vif qui nous scrutent avec inquiétude, le soulagement m'envahit.
- Nora ! je souffle avec toute l'énergie dont je dispose.
La louve bondit gracieusement du buisson et vient nous renifler un à un, hormis Arthur.
- Vous êtes là ! Sains et saufs ! jappe-t-elle avec enthousiasme.
Ses yeux paraissent humides. Elle renifle et plonge son visage dans nos fourrures, comme pour s'assurer que nous sommes bien réels. Je repose la tête sur la sol et soupire. Nous sommes en sécurité.
Nora pousse un hurlement de joie en reculant, et aussitôt d'autres loups apparaissent. Zag, Carl, John, et d'autres que je ne connais pas. Ils se précipitent pour nous porter jusqu'aux cabanes du village, et je me retrouve hissée sur Zag, énorme loup gris et fauve. Je retiens des jappements de douleur et mon instinct qui me hurle de descendre de son dos, car les foulées de l'alpha, bien que intentionnellement contrôlées pour ne pas me faire mal, sont malgré tout suffisantes pour rouvrir mes plaies.
Nora court de l'un à l'autre, inquiète et heureuse à la fois. Carl la rappelle à l'ordre et elle se met à trottiner en fin de file, sagement, mais ses yeux font des allers-retours excités entre nos silhouettes. Je distingue à moitié Arthur, allongé sur John, qui semble dodeliner de la tête davantage que ne le causerait les cahots de la course.
Kelian est porté par le seul loup assez fort pour cela, c'est-à-dire son propre père. Jaïna est embarquée par une louve que je devine être sa mère, car elles partagent la même fourrure chocolat.
Peu à peu, je sens le sommeil m'envahir. Ma tête bascule vers le sol, et mes yeux se ferment. Mes pensées s'embrument, mes membres picotent, puis, je sombre dans l'inconscience.
***
Il fait chaud. Une vive lumière me réchauffe en tombant sur mon corps. J'ouvre doucement les paupières.
Je plisse les yeux en reconnaissant ma chambre. Je suis couchée dans mon lit, sur le dos, enveloppée de bandages immaculés. Ma peau n'est découverte que sur mon visage, mes mains et les pieds. On pourrait dire que je suis habillée de bandelettes. Pour peu, on me prendrait pour une momie. Par-dessus les bandes blanches, on m'a tout de même vêtue d'un short noir et d'un t-shirt assorti.
Un mal de crâne affreux comprimé soudain ma tête et je grimace. Lorsqu'il passe, je tente de me lever mais mes membres ne m'obéissent plus avec autant de facilité. Je tremble. Je me sens faible, et ça m'insupporte.
Grognant, je finis par me hisser sur mes jambes flageolantes et m'appuie d'une main au mur frais. Mon souffle se calme alors, et je peux avancer péniblement vers la porte. Un pas devant l'autre. Allez !
Mes flancs semblent brûler. Mes muscles protestent vivement. Je finis par m'écrouler à moitié contre le montant de la porte. Le choc sourd a sans doute averti Nora, car sa voix retentit depuis l'autre côté.
- Lyka ? Ça va ?
- Très... Très bien... Attends une minute, j'arrive, je fais d'une voix fluette.
- Non non, tu dois rester au lit ! s'exclame-t-elle avec véhémence.
Elle s'appuie de l'autre côté de la porte, comme pour l'empêcher de s'ouvrir.
- Allez, Nora. Laisse-moi sortir ! Ça fait combien de temps que je dors ?
- Une journée entière et ce n'est pas assez ! Allez, au lit !
Je grogne sourdement. Mes yeux s'illuminent d'une lueur lointaine. Celle de la détermination.
Alors, m'arquant contre le bois, je pousse un brusque coup en hurlant. Une fleur écarlate s'étend sur mon côté droit, mais je n'y fais pas attention et continue mes poussées violentes avec force. Du moins, la force qui me reste.
Finalement, je sens la porte céder sous mes assauts. Elle s'entrouvre, et je redouble d'ardeur. Nora soupire de l'autre côté, puis le battant pivote entièrement tandis qu'elle s'en éloigne avec résignation.
- C'est bon ? T'as fait ta crise ? lance cette dernière en croisant les bras.
Pour toute réponse, elle reçoit un grognement de ma part. Puis, je m'avance dans le couloir. Lorsqu'elle aperçoit le liquide vermeille qui tache mes bandages, elle ouvre la bouche et s'apprête certainement à me renvoyer dans la chambre à coups de pieds, mais je la devance :
- Laisse. Je vais bien.
- Tu mens très mal.
Je pivote la tête en direction de la nouvelle voix. Deux iris bruns chaleureux bien qu'épuisés, un visage emacié souriant.
- Jaïna !
Elle sourit franchement et me lance :
- Bon, tu vas te tenir tranquille ou bien on te remet au lit de force. Viens t'asseoir.
Je me dirige vers elle, suivie d'une louve blonde grincheuse. Elle tapote la place à côté d'elle dans le fauteuil, et je m'y laisse tomber.
- Ça va mieux, toi ? je lui demande d'une voix encore faiblarde.
- Ça va. Tu étais sans doute plus gravement blessée que moi. D'ailleurs, tu n'as pas pu t'empêcher de rouvrir tes plaies, hein ? fait-elle en désignant la tache écarlate.
Je suis son doigt pour observer d'un air dédaigneux le bandage souillé.
- C'est rien. J'ai vu pire.
- Pas après avoir failli mourir dans une forêt la veille, intervient Nora en reniflant.
Agacée, je proteste :
- Mais ça va ! Je me sens de mieux en mieux au fil des minutes !
- Tu guéris vraiment vite, commente Jaïna avec un sourire, probablement contente pour moi.
Je ne parviens pas à répondre à son sourire.
- Bref, je fais en changeant peu subtilement de sujet, et les garçons ? Ils se sont remis aussi ?
- Oui. Kelian assez vite, il semblait le moins amoché, répond Nora. Quant au Solitaire...
- Arthur.
- ... Arthur, il était bien aussi. Il est encore consigné au lit car il s'est épuisé au point d'avoir presque fondu.
Je souris alors un peu. Ils vont bien. On y est arrivés. Jaïna est de nouveau ici, on est saufs.
N'oublie pas qu'on ne sait pas trop pourquoi elle a décidé de partir et s'est retrouvée là-bas. Elle a peut-être décidé d'y aller...
Morrigan, ne dis pas de bêtises. Jaïna ne nous trahirait jamais, elle est la fille de l'Alpha, et il y a son frère et sa meilleure amie ici.
Morrigan se tait sans rien ajouter, toujours soupçonneuse. Un frisson glacé me parcourt. Le doute commence à se frayer un chemin dans mon esprit, mais je tente de le repousser et reprends :
- J'aimerais aller les voir.
Alors ? Vos avis? :)
Jaïna, une traîtresse ? Le pensez-vous ? 😱
Bref bref, à bientôt! :)
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