🐺15🐺

Jaïna manque de me heurter devant la porte, et je me décale tandis qu'elle s'excuse.

- Lyka, je vois que tu es déjà debout ! s'étonne la brune.

- Oui, je souris.

- Ça tombe bien, père m'envoie. Il m'a demandé de te dire que ton Épreuve aura lieu dès que tu te sentiras prête.

Je souris.

- Je suis prête !

Elle ouvre de grands yeux abasourdis, et me dévisage.

- Mais... Tu viens de te réveiller !

- Je me sens vraiment bien, j'insiste.

- J'aimerais le vérifier... me dit Jaïna avec un sourire de sphinx.

Elle m'entraîne vers l'espace d'entraînement. Cela me fait bizarre de venir sans Zag, mais je ne dis rien et observe la jeune brune se positionner au milieu de l'endroit.

- Viens ! m'enjoint la sœur de Kelian.

Elle ramène ses boucles caramel en une haute queue de cheval, époussette son t-shirt puis affermit ses appuis.

Sa main se lève et elle me fait signe de la rejoindre avec un petit air de provocation. Je me mets en position et lève mes bras devant mon buste. Mes yeux pétillent d'amusement. Elle ne sait pas à quel point j'ai progressé. La seule fois où elle a pris le temps de rester voir l'entraînement avec Zag, c'était il y a longtemps, et je doute qu'elle se soit renseigné à mon propos auprès du loup.

On va la rattatiner, chantonne Morrigan dans ma tête.

Mon sourire s'élargit, mais je tente de me raisonner un minimum. Je n'ai jamais vu Jaïna se battre, je n'ai même aucune idée de son rang dans la meute. Comme c'est la fille de Carl, elle doit être puissante, et me précipiter tête baissée ne m'avancera à rien.

J'étends mon aura pour effleurer la sienne. Je ne lui montre pas mon niveau d'énergie, ni toute ma puissance, je compte bien garder une botte secrète au cas où, et un couteau dans ma manche. La vague bleue se heurte à un mur solide ambré qui me repousse violemment.

Alpha, siffle Morrigan.

Jaïna sourit de toutes ses dents, fière d'elle. Je reprends ma respiration, attentive. Je focalise mon attention sur la jeune fille.

Mon observation me sauve le visage. Un mouvement flou au coin de mon oeil m'évite de recevoir un coup de poing et je me décale in extremis. Le pied de mon adversaire s'envole vers mon abdomen, et me projette au sol avant que je ne puisse reprendre mon souffle. Mon dos heurte la neige fine et la terre gelée tandis que je grimace légèrement en roulant pour me relever. Je bloque aussitôt un coup circulaire destiné à l'arrière de mon crâne en finissant de me redresser. Jaïna m'a eue par surprise, mais si je ne fais que défendre elle va gagner.

Pas question ! rugit Morrigan

Je suis bien d'accord avec elle, et commence à contre-attaquer violemment. Mes coups, beaucoup plus puissants que ceux de mon adversaire, la forcent à reculer, les bras protégeant sa tête. Elle est très précise dans ses actions, je ne dois pas relâcher ma vigilance un seul instant au risque de prendre un sérieux choc qui m'handicaperait.

Mon souffle commence petit à petit à s'accélérer alors que je sais que ma vitesse d'attaque est bien trop supérieure à celle que je peux maintenir. Mes muscles sont à présent bien chauds, et mon esprit clair et dénué de toute pensée parasite.

Un coup de pied plus rapide que les autres atteint sa cuisse, et elle chancèle. J'en profite et balance mon poing vers sa figure, qui est à présent plus accessible. Sa pommette dure semble craquer sous mes jointures.

Elle recule vivement en se tenant le visage, et je la laisse faire. Ses yeux chocolat me fixent, et je vois sa louve s'activer sous la forme d'une lueur dorée dans son iris. Elle envahit la jeune fille, lui prêtant sa force et sa puissance. Une vague d'énergie pure me percute, et je tombe dans la neige, complètement sous le choc. Morrigan en profite pour prendre le contrôle de mon corps, et je ne fais rien pour la retenir.

Je me relève d'une simple poussée sur mes jambes, et bondit sur l'autre louve qui prétend nous surpasser. Moi, Morrigan, je ne tolère pas un tel affront, au contraire de l'humaine, si faible et trop posée.

Mes mains prolongées de griffes agrippent le t-shirt de Jaïna et la propulse dans un tronc d'arbre comme un vulgaire fétu de paille. Elle se relève aussitôt, les yeux pleins de fureur et de défi. Sa gueule, déjà à mi-transformation, s'ouvre sur des crocs aussi blancs que la poudreuse. Un hurlement retentit juste avant qu'elle ne me percute à pleine vitesse.

Nous roulons hargneusement au sol, méli-mélo de bras, de jambes et de griffes, et finissons par nous séparer, reprenant péniblement nos souffles hachés.

Mes griffures font couler le sang vermeille de mon adversaire, qui a réussi à me porter un sévère coup à l'épaule. Le cou, précédemment visé, ne présente aucune trace si ce n'est le sang de ma rivale. Mes cheveux sont complètement échevelés, le noir à présent orné de rouge et de neige immaculée.

Je m'essuie le sang qui coule du coin de ma bouche, et crache :

- Je suis assez en forme, Jaïna ?

- Je ne suis pas Jaïna, répond la louve. Je suis Yana, sa louve. Enchantée de rencontrer une adversaire digne de ce nom, Morrigan.

- De même, je souris en montrant mes crocs.

Yana s'ébroue, et Jaïna reprend le contrôle.

- C'est bon, je te crois maintenant, ricane-t-elle. Laisse revenir Lyka, je dois lui parler.

Je m'ébroue à mon tour, et Lyka remonte.

- C'est bon, je souris.

- Alors, comme on s'est salement amochées, on rentre se laver et se changer, parce que sinon bientôt mon t-shirt tombe en lambeaux, et on se rejoint ici dans une demi-heure.

Elle me montre son beau t-shirt tout abîmé, et je fais un sourire d'excuse. Elle me fait signe que ce n'est rien, puis se détourne et se dirige vers le chalet de Carl. Je dirige mon regard vers celui-ci, et aperçois une silhouette sur le devant, juste en face de la porte. Kelian.

Mon regard exprime alors toute la colère brûlante qu'il me fait ressentir, et il me le rend bien en me foudroyant de ses pupilles argent. Après cet échange très bref, il entame la conversation avec sa soeur et je rentre au cabanon.

Nora m'accueille avec un visage épouvanté.

- Tu ne peux pas t'empêcher de te blesser quand tu sors ? me gronde mon amie gentiment.

Son regard inquiet inspecte toute ma personne rapidement puis elle grommelle :

- C'est déjà en train de guérir, sacrée chanceuse... Y a qu'à toi que ça arrive...

Sa phrase sonne comme si elle avait un double sens, mais je n'y prête pas attention et m'engouffre sans répondre dans la salle de bain après un rapide saut dans ma chambre. L'eau brûlante passe sur les blessures fraîches en piquant légèrement, mais je serre les dents et continue en me savonnant. Jaïna est vraiment une bonne combattante... Yana également d'ailleurs.

Une fois hors de la douche, j'enfile une nouvelle tenue en me sentant un peu coupable. Si je continue ainsi et à ce train-là, je n'aurai bientôt plus rien à me mettre tant j'abîme mes vêtements...

Nora me regarde partir en faisant semblant de compter les compresses, et je souris un peu. Effectivement, mon Epreuve risque d'être mouvementée et j'ignore l'état dans lequel elle me retrouvera.

Jaïna ne m'attend pas seule à l'espace d'entraînement. Carl la domine de toute sa taille et de toute sa puissance. Je savais et me doutais qu'il serait là, mais je ne m'attendais pas à la foule de loups métamorphosés qui les entoure.

- Lyka, ton Epreuve se passe maintenant, commence Carl avec sa voix de sentor. Je t'explique les règles du jeu...

Jaïna me fait un léger sourire d'encouragement, et j'écoute l'Alpha attentivement.

- Tu dois trouver un bout de tissu dans un rayon de deux kilomètres autour de l'endroit où je vais t'emmener les yeux bandés. Tu ne peux pas sortir du territoire de la Meute, et des loups seront postés dans la forêt dans le but de t'arrêter. Pas de blessures graves, mais les blessures superficielles sont acceptées. Les loups te diront si tu les as vaincus et resteront immobiles au sol, comme si tu les avais tués pour survivre jusqu'à ton objectif. S'ils arrivent à t'immobiliser plus de cinq secondes, c'est comme si tu étais morte. Tu n'auras pas rempli ta mission. Tu auras échoué. Je suis compris ?

Je hoche la tête avec véhémence. Mes poings se serrent de détermination. J'y arriverai. Je n'échouerai pas. Abandonner n'est pas une option. Et ces loups ne me font pas peur.

- Le bout de tissu appartient à quelqu'un que tu connais. Cherche-le à l'odeur. Bonne chance, même si tu ne devrais pas en avoir besoin.

Sur ces mots, il m'aveugle rapidement avec un bandeau. Je ne vois rien, et mes autres sens prennent le relais. Nous nous mettons à marcher sur le sol neigeux de la forêt pendant un petit moment. Les oiseaux cessent de chanter à notre approche, et j'entends au loin le galop d'une biche effarouchée. Les odeurs puissantes de la forêt m'entourent, et ce sentiment de liberté et de bien-être m'envahit. J'inspire avec bonheur le parfum d'humus sous la neige, celui des traces des animaux, de l'air pur qui entre dans mes poumons, et c'est comme si je faisais partie de la forêt en elle-même.

Les loups s'éloignent de nous silencieusement, et nous nous retrouvons seuls à progresser sur un sentier. Une fois arrivés, Carl m'enlève le bandeau, et je cligne des yeux un instant, agressée par la luminosité vive qui perce mes pupilles.

- A partir de maintenant, tous les loups dans la forêt sont tes ennemis. Rapporte le tissu à mon chalet.

Et il part vers le village en trottinant.

Je reste là un moment encore, profitant de cette sortie dans la forêt qui me fait l'effet d'une bouffée d'oxygène. J'écoute, yeux clos, mon environnement.

Une fois calme et sereine, je commence la traque.

Je marche dans la forêt en reniflant un peu partout, tentant de repérer une odeur familière dans les buissons ou les tas de neige. Mes sens sont complètement éveillés, attentifs et précis. Mais pour l'instant, aucune odeur ne titille mes narines sensibles hormis celles, rafraîchissantes, de la forêt.

Un bruit de pas me signale la présence d'un loup mâle à quelques mètres de là. Je suis face au vent, et il ne m'a pas vue, sentie ou entendue. Je suis attentive à ne pas faire de bruit, et mes pas se font les plus légers possibles.

Je le contourne consciencieusement et poursuis ma recherche.

Une odeur atteint enfin mes sens, et je m'arrête. Quelques reniflements plus tard, je la localise à quelques centaines de mètres de ma position. Une fois que je suis certaine de sa place, je m'élance parmi les arbres en courant, tentant malgré mon allure de conserver une discrétion exemplaire. Après tout, ce sont des loups qui me cherchent.

Je progresse avec un peu de difficulté, car de nombreux buissons m'obligent à les contourner et la neige se fait plus épaisse dans les sous-bois. Après avoir écarté une branche, l'odeur se fait très nette et je la reconnais.

Encore l'odeur de cet Alpha arrogant ! peste ma louve.

Comme moi, elle a reconnu Kelian. Son odeur doit certainement imprégner le tissu que je dois retrouver. Une colère sourde se met à pulser dans ma poitrine, alors que j'aperçois un bout de tissu rouge dépasser d'un tas de poudreuse à quelques mètres.

J'observe les alentours, histoire d'éviter qu'un assaillant ne me tombe dessus lorsque j'aurai le dos tourné, et m'approche de mon objectif à pas de loups.

Je tends la main, le souffle court, le stress m'envahissant petit à petit.

Mes battements de cœur s'accélèrent et mon sang se glace brusquement lorsqu'une forme animale me percute le côté droit, m'envoyant bouler contre un arbre, heureusement le tissu serré dans ma poigne.

Je me remets debout et, ignorant les appels au combat de Morrigan, je cours vers le chalet de Carl, presque à trois kilomètres. Le loup sombre darde ses pupilles jaunâtres sur moi et commence à me poursuivre.

J'ai l'impression de voler quand mes pieds poussent le sol gelé pour me propulser deux mètres plus loin. Mes foulées ne font que s'allonger, mais le loup court plus vite que moi et se rapproche un peu plus chaque seconde.

Quatre mètres.

Trois.

Deux.

Un...

Il saute puissamment et atterrit sur mon dos avec un grognement. Nous roulons au sol, et je transforme légèrement ma main libre pour griffer l'autre au visage. Mes griffes puissantes déchirent la peau, et le loup recule en couinant. Le sang se met à couler, et j'ai un instant peur de l'avoir grièvement blessé, mais la raison reprend le pas sur mes sentiments et je reprends ma course.

Après un rapide saut au-dessus d'un tronc couché, je me réceptionne mal et glisse sur une plaque de glace couverte d'un fine couche de neige.

Je me relève en râlant contre ma maladresse, mais ma cheville me lance aussitôt.

T'es vraiment pas solide sous forme humaine, me reproche Morrigan.

Parce que sous forme de louve, nous n'aurions pas glissé ? je fais remarquer avec ironie.

Elle ne répond rien, et je clopine vers ma destination tant bien que mal. Ma cheville s'est certainement tordue et me fait à présent souffrir.

Je clopine vers le chalet, mais suis aussitôt rattrapée par le loup qui me mord la cheville. Je pousse un cri de douleur et tombe encore au sol.

Les mains se transforment en griffes lorsque Morrigan décide de m'aider. Je repousse le loup une seconde fois et reprends ma course, la douleur atténuée par le pouvoir de la louve. Je vole par dessus la neige et évite les arbres sur le chemin.

Je croise quelques autres loups, mais une fois mon aura envoyée à leur figure, ils reculent et me laissent passer. C'est plus rapide qu'un combat ! Cette technique n'a pas fonctionné sur les Alphas et les plus puissants Bêtas, que j'ai dû malgré tout combattre. J'avoue que ces affrontements n'ont pas été simples, mais ils n'ont pas donné toute leur force, heureusement pour moi !

Je parviens enfin sur le perron du chalet de Carl, suante et tremblante. Je frappe à la porte d'une main épuisée, puis il me fait entrer.

- Tu as réussi ton épreuve, Lyka, me dit-il lorsque je lui ai remis le tissu.

Je souris et soupire de soulagement.

- Reviens demain, tu dois te reposer. Félicitations ! continue-t-il.

Son sourire me rend fière. Mon Alpha est fier de moi, et c'est un objectif que chaque loup se doit d'atteindre. À moi de garder son estime à présent.

Je retourne vers mon logement, traînant les pieds dans la neige, et m'effondre sur mon lit sans répondre à Nora par des mots plus longs que "Oui" et "Je vais dormir".

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