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Lorsque je sors du chalet de Carl, j'ai la tête bien haute, ce qui étonne Nora et Jaïna qui m'attendent visiblement devant la porte.
- Tu... Tu es punie ? demande timidement la blonde.
- C'est vrai qu'elle a l'air vraiment triste ou en colère... ironise la brune en levant les yeux au ciel.
Nora se renfrogne en plissant le nez, ce qui arrache un sourire à son amie qui adore la charrier.
- Je vais passer mon épreuve ! je m'exclame, incapable de me retenir.
Mon visage est illuminé de joie, ce qui je l'avoue n'arrive pas souvent.
Ce moment est un peu synonyme de réussite dans une étape qui mène à mon but, retrouver des connaissances de mes parents pour, in fine, les retrouver eux. Je suis très heureuse de pouvoir devenir une louve à part entière de la Meute, car hormis la vision de mon but final, cela m'apporte un grade supérieur.
Et ça flatte ton ego, croit bon de souligner Morrigan avec sarcasme.
Je l'ignore et reporte mon attention sur mes interlocutrices.
Les filles sourient, heureuses pour moi. Une pensée me traverse alors l'esprit, s'imposant parmi toutes les autres qui agitent ma tête en permanence.
Sont-elles mes amies ?
Je n'en ai jamais eues, et je ne suis pas très douée en relations humaines. Je me bornais à détester toutes les personnes m'entourant avant de venir ici, dans les montagnes, pour passer l'été avec ma tante, qui à présent doit se faire un sang d'encre pour moi. Elle croit certainement que je suis morte dans les flammes, ce qu'ont dû conclure les policiers qui sont probablement venus constater les dégâts. J'espère qu'elle va bien...
Je me sors de mes pensées moroses, et accepte de suivre les filles pour une balade dans le village des chalets. Ce n'est pas vraiment une balade, mais je n'ai pas le droit de m'aventurer dans la forêt. Carl a passé l'éponge une fois, mais je suis consciente que je n'ai pas intérêt à ce qu'il y ait une deuxième fois...
Les arbres m'appellent presque alors que nous les longeons en papotant. Enfin, Jaïna et Nora papotent, moi je rêvasse en jetant des regards emplis de désir vers les buissons, arbres et feuillages qui forment la lisière des bois.
Je heurte alors brutalement quelqu'un, ce qui me projette par terre. J'atterris accroupie, ayant développé mes réflexes au cours des entraînements, et lève la tête vers la personne qui m'est rentrée dedans. A sa vue, je me redresse en grognant furieusement.
- Olà, tout doux la louve, rigole Kelian.
- Alors toi, tu ne m'as pas du tout manqué ! D'ailleurs, j'ai quelque chose à te faire payer !
- C'est offensant, tu ne sais pas ce que tu perds en me rejetant de la sorte, s'offusque le jeune homme en portant une main à son cœur, faussement affligé.
Je serre les poings pour ne pas le frapper toute de suite.
Perso, il est déjà mort ! ricane Morrigan.
Je souris d'une manière assez effrayante au vu des têtes des filles, qui observent bouche bée notre échange.
- Toi... je commence.
- Ouiiiiiiiiiiiii? me provoque-t-il.
- Je te frappe maintenant ou j'attends ?!
- Maintenant, comme ça c'est fait, raille-t-il.
Tout arrogant qu'il est, il ne me pense pas capable de passer à l'acte.
Grossière erreur... chuchote ma louve.
Je balance brusquement mon poing vers son visage, avant de feinter pour le faucher d'une jambe.
Il évite mon poing avec un sourire, puis saute agilement par-dessus ma jambe. Je continue à frapper et feinter, mais chaque fois il m'évite, comme si c'était un jeu pour lui. Ce qui est le cas, d'ailleurs. Mais je n'ai pas dit mon dernier mot.
Une brusque poussée d'aura lui est envoyée, en même temps que je bondis vers son abdomen. Il vacille sous le coup imprévu, ce qui laisse son ventre à découvert. Je frappe brutalement, de toutes mes forces, et le propulse à quelques mètres. Il finit sa course dans un arbre.
Le craquement qui retentit lors de leur collision me remplit de fierté et de satisfaction. Un sourire naît sur mes lèvres, alors que Kelian se relève doucement. Il grimace très légèrement lorsqu'il s'appuye sur son bras gauche, et mon sourire s'agrandit.
Il l'a cherché.
Je m'apprête à tourner les talons pour partir, ma tâche accomplie et ma colère calmée, mais Kelian en a décidé autrement.
Il court vers moi à toute vitesse, et me percute en me coupant le souffle. Je ne pensais pas qu'il avait encore la force de combattre !
Le soucis qui occupe mes pensées, en alternance avec la panique qui enfle peu à peu, est que je l'ai vraiment énervé. Il ne joue plus.
Ses coups pleuvent, forts et puissants, alors que je me protège en roulant au sol avec lui. Je me crispe à chaque coup, plus précis et colérique que le précédent. Une plainte s'échappe de mes lèvres, la douleur enflant dans tout mon corps. Je finis par gémir, complètement désemparée.
- J'ai mal... J'ai mal... Arrête...
Mais il semble sourd, fou de vengeance, car j'ai sérieusement entaché son ego d'Alpha. Je l'ai envoyé une fois au tapis, et ça, lui et son loup ne doivent pas aimer.
Je ne sais pas combien de temps je reste là à subir ses coups et sa rage, mais il ne s'arrête que lorsque la voix de Jaïna retentit :
- Kelian ! Arrête, tu es fou ! Tu recommences ! Arrête ! Je t'en supplie !
Les coups ralentissent, et je parviens à respirer correctement. Ma poitrine est secouée de sanglots refoulés, j'ai terriblement mal. Mes côtes souffrent sans interruption, à chaque inspiration. Mes bras ne répondent plus, mes jambes ne sont que souffrance. Mes yeux sont fermés.
J'entends plus que je ne vois Kelian se relever. Il recule et finit par s'encourir et disparaître sous les appels de sa sœur, qui le poursuit en criant. Ils doivent disparaître dans la forêt, car je ne les entends plus.
Nora s'agenouille devant ma tête, les mains devant sa bouche et les larmes aux yeux. Elle est clairement choquée.
Elle se relève et part en courant. Je sombre petite à petit dans l'inconscience qui m'aspire sans que je puisse résister. Le noir m'engloutit et je cède.
Une sensation de fraîcheur se fait sentir sur mon front. J'ouvre les yeux sur la fenêtre qui dévoile la nuit étoilée. Je m'abîme dans sa contemplation, la tête cotonneuse et les pensées troubles.
Qu'est-ce que je fais ici ?...
Les souvenirs me reviennent tous en une fois, et je sursaute. La discussion avec Carl, puis l'appel de la forêt pendant la balade avec les filles, ensuite la bagarre qui a dégénéré, tout revient en un coup dans mon cerveau malmené.
Cette journée était vraiment n'importe quoi. Kelian a visiblement manigancé cette histoire de chasse pour que Carl nous punisse, mais au contraire il nous a récompensées. Ensuite, il dit n'avoir rien à se reprocher. Et puis, il reste Lorraine, dont l'Alpha ne veut pas nous parler... Je suis perdue.
Moi aussi Morrigan, ne t'inquiète pas. Je ne vois pas le motif qui aurait poussé Kelian à nous faire ce sale coup, mais se prétendre innocent. Et je commence à vraiment m'inquiéter pour Lorraine. Elle doit être folle à nous chercher partout... Et si elle nous cherchait vraiment, elle aurait mobilisé la police, qui aurait trouvé cet endroit depuis longtemps... Ça fait presque un mois que je suis ici. Dans un mois, je vais devoir retourner chez Irène et son mari... Cette perspective ne me réjouit pas du tout. Il faudrait que je trouve un moyen de rester ici sans éveiller de soupçon.
Je porte mon attention sur mon environnement. Je suis dans ma chambre, nue sous les draps. Je refuse de penser à qui m'a déshabillée, et continue mon inspection.
Kelian m'a vraiment amochée si j'en crois les bandages et autres cataplasmes présents sur mon corps. Presque toute sa surface est maculée de crème et de pommade, puis enroulée dans des bandes de tissu qui me font ressembler à une momie.
Je tente de me lever, sans beaucoup de succès. Ça m'énerve aussitôt. Je n'étais presque jamais blessée, avant, car je guérissais très vite. C'est toujours le cas, mais mes blessures ont cette fois été infligées par un loup-garou énervé, ce qui demande plus de temps de guérison. Je grogne.
Au vu de la teinte du ciel, il doit être tard dans la nuit. Je décide de bouger. Je n'aime pas rester immobile. Et puis, mon ventre crie famine et gronde si fort qu'il risque de réveiller Nora !
Je pose un pied au sol en grimaçant. La légère douleur qui me parcourt la jambe me fait penser qu'elle devait être cassée. Heureusement que je suis une louve, sinon je serais restée clouée au lit pour quelques semaines !
C'est à pas de loup -ou de louve- que je sors de ma chambre. La douleur diffuse s'estompe assez vite et je peux marcher correctement. La cuisine est sombre, mais mes pupilles s'adaptent et je vois comme en plein jour grâce notamment à la lumière de la lune.
Je pioche un morceau de viande dans le réfrigérateur et l'avale goulument sans prendre la peine de mâcher. Le sang à moitié coagulé souille mon col et les bandages, mais je m'en moque. J'ai beaucoup trop faim pour m'en soucier.
Une fois cela avalé, je ferme le frigo et continue avec des morceaux de pain qui restent du repas précédent. La mie est délicieuse, et une sorte de ronronnement se met à sortir de ma gorge.
Je lèche mes doigts encore maculés de sang puis reprends le chemin de mon lit, prête à m'endormir. Mais lorsque mon regard se porte sur une touffe de poils sombres restée sur le canapé, je me crispe et la renifle de loin.
L'arrogant Alpha... grogne Morrigan.
Comme moi, elle a reconnu Kelian. Il est rentré dans le salon. À cette constatation, un grondement fort sort de ma gorge et remplit la pièce. Je ne veux pas qu'il rentre dans ma tanière.
D'un coup vif, je saisis la touffe de poils lupins et ouvre la porte. Elle claque mais je m'en moque, tout comme du vent glacé qui emmêle mes cheveux. J'aime plutôt cette sensation de liberté et de nature sauvage.
Je cours dans la neige pieds nus, mais je ne sens pas vraiment le froid pour l'instant. Je m'endurcis de jour en jour grâce à l'entraînement mais aussi à la proximité d'une Meute, qui me fournit une puissance supplémentaire.
La poignée de fourrure noire finit dans les buissons derrière le chalet, sous un énorme tas neigeux qui la recouvre avec application. Je contemple ce monticule avec satisfaction, puis me détourne et cours vers l'entrée. Je ne suis vêtue que de bandes blanches et ça ne suffit pas à me tenir chaud plus de quelques secondes.
Le noir de la nuit me fait passer inaperçu aux yeux de quelque curieux qui scruterait les alentours à minuit, et me permet de rentrer dans le chalet sans encombre.
Je m'ébroue consciencieusement afin de faire partir les flocons gelés à mes cheveux et à mes pieds, puis m'assieds sur le canapé en soupirant. Je suis vraiment fatiguée maintenant.
Je me lève finalement pour aller chercher un pyjama, et me glisse dans mon lit. Je dois dormir un maximum pour passer mon Épreuve, qui peut être déclarée à tout moment.
Le soleil me réveille car j'ai oublié de fermer la fenêtre. Je grommelle un peu, puis m'extirpe de ma couverture. Le cocon chaud me rappelle à lui, mais l'idée d'un bon déjeuner achève de me réveiller.
Je m'habille avec la même tenue que tous les jours, car j'ai demandé à en avoir plusieurs exemplaires. Je ne suis pas très créative pour me vêtir, et je me sens bien dans celle-ci, à savoir un pull bleu ciel et un pantalon noir, avec des bottes noires. Une veste de cuir est aussi à ma disposition s'il fait très froid, mais lors des entraînements j'ai assez chaud que pour m'en passer.
Je rejoins Nora dans la cuisine, et elle me sourit en me tendant une assiette de pâtes. Elle déjeune toujours de la même manière, et cette habitude est devenue la mienne.
Je dévore ma portion en quelques secondes, et attends poliment qu'elle termine la sienne.
- Dis, Lyka, commence-t-elle avec hésitation.
Je la fixe dans les yeux, en attendant qu'elle poursuive.
- Tu... Tu te sens... Bien ?
Je la regarde, interloquée. Elle fuit mes yeux, comme si elle refusait de me dire quelque chose. Je finis par lui demander, après qu'elle ait fixé le sol avec application pendant quelques longues secondes silencieuses :
- Pourquoi tu me demandes ça ? J'ai une aussi sale tête que ça ?
Elle pouffe nerveusement, puis lâche du bout des lèvres :
- Eh bien, au vu des blessures que tu as eues... Tu devrais rester au moins encore une journée au lit. Tu n'es restée que quelques heures alitée...
- Et... Qu'est-ce que ça implique ? C'est anormal ?
- Non non, je ne pense pas, s'empresse-t-elle de nier. Ça veut juste dire que tu es vraiment puissante. Une vraie Alpha.
Nous sommes plus puissantes qu'elle ne le sera jamais, précise Morrigan, gonflée dans son propre ego par les paroles de Nora.
Je souris inconsciemment. J'adore l'idée d'être plus puissante que je ne le devrais. Je n'aime pas trop être le centre de l'attention, mais de temps en temps et pour de bonnes raisons, ça ne peut pas me faire de mal.
- Pourquoi souris-tu ? demande la louve blonde.
Je ne réponds rien et sors du chalet, les lèvres toujours étirées par un sourire inhabituel.
Coucou ! Alors voilà, ce chapitre est posté. Qu'en pensez-vous ?😁
Et Kelian ? A-t-il eu raison de répondre aux provocations de Lyka ? Ou bien est-il détesté ? 😎
Pensez-vous qu'il a manigancé l'histoire de la chasse pour faire punir Lyka ? 😏
L'Epreuve ? Impatients de la découvrir ? 😊
À bientôt, et merci de lire cette histoire ! 😘
PS : J'ADORE CE GIF 😍😍😍 il me fait rire ce loup dans la neige 😂
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