Chapitre 1 (Version Française)

Londres, 10 septembre 1898, quelque part dans le quartier de Mayfair.

Ce jour là était un grand changement pour moi, je venais d'arriver à Londres, qui était une ville qui ne cessait de faire parler d'elle. Là d'où je venais il n'y avait pas autant de monde et d'activités...enfin si il y avait du monde mais un univers entièrement différent du mien. Ce qui me choquait surtout à l'époque, je pense que c'était la différence de culture entre ce pays et le mien alors qu'au fond...l'Inde appartenait aux Anglais.
Au moment où je vous écris ça, ce n'est plus le cas. Nous venons tout juste de gagner notre indépendance et je crois que je n'ai jamais été aussi heureux de toute ma vie. Gandhi est devenu quelqu'un que j'admire beaucoup, paix à son âme. Lui aussi il est venu en Angleterre quand il était jeune...mais lui c'était pour devenir étudiant et avoir un avenir.
Moi c'était pour donner un avenir à ma mère, pour gagner ma vie alors que j'étais encore plus jeune que lui. Je n'avais que 14 ans.

Je sais ce que vous vous dites...à cet âge je ne devais pas travailler mais plutôt aller à l'école. Tout le monde ne naît pas sous une bonne étoile malheureusement...et encore je me considérais chanceux. Je savais lire et écrire et je passais mon temps à m'intéresser à la philosophie, aux mathématiques et aux arts alors qu'à mon âge, beaucoup d'enfants étaient déjà mariés et devaient se préparer à fonder une famille.
Je n'ai pas d'enfants et je n'en ai jamais voulu. Vous pensez que c'est égoïste ? Ce qui est égoïste c'est d'avoir un enfant et de ne pas être capable de s'en occuper...je connaissais quelqu'un qui était comme ça.
L'Inde a déjà une magnifique population...un enfant de moins ou de plus n'apporterait rien d'autre que de la misère. Personne n'est prêt à être parent mais des fois, tu sais que tu ne seras jamais prêt à assumer ce rôle.

Enfin peu importe...à cette époque j'étais stressé mais j'espérais y arriver. C'était une chance importante pour moi, les métiers que je trouvais dans mon petit village ne payaient pas suffisamment et ils étaient fatigants...puis je suis tombé sur un homme Britannique qui cherchait de la main d'œuvre. Ce qui m'a interpellé c'était son annonce:

Je cherche quelqu'un pour s'occuper de ma fille de 10 ans. Elle est très vigoureuse pour son âge mais elle n'est pas vilaine. Bla-bla-bla et d'autres trucs...

Oui désolé, je sais que je ne devrais pas sauter des lignes quand je lis mais c'était tellement inutile. Ce qui m'avait surtout étonné était le prix, ça payait plutôt bien même si je n'allais pas m'acheter de la viande avec. Mais c'était mieux que ce qu'il y avait ici à cette époque...ma mère avait besoin d'argent, j'avais sans cesse peur qu'elle tombe malade et que je sois incapable de la soigner. C'était une opportunité et il fallait que je la prenne...
De toute façon, ce n'était qu'une enfant et ce n'était pas la première fois que je devais gérer de jeunes enfants. Qu'est ce qui pouvais mal tourner ?

-Ah ! Varun tu es là, c'est génial ! Est ce que ton voyage s'est bien passé ?

« Bonjour ! Vous devez être Phileas, Monsieur Cambashand m'a parlé de vous. »

« En effet ! Je suis le majordome de la maison. Sophia devait te faire la visite mais elle est occupée, donc je la remplace. Viens vite ! »

J'avais vite attrapé mon sac qui s'était un peu déchiré pendant le voyage et je m'étais rendu à l'intérieur du bâtiment. C'était tellement beau, propre et bien décoré, ça changeait de ma petite maison qui était juste un cube avec le strict minimum. J'étais émerveillé devant les magnifiques tableaux de grands artistes qui décoraient une pièce...je n'imaginais même pas comment pouvaient être les autres.

-Cette maison est magnifique !

« Tu a raison jeune homme. C'est pour ça que nous devons toujours en prendre soin ! Je ne veux pas d'un gamin fainéant qui pense qu'il est ici pour se faire payer à dormir...est ce que tu m'as compris ?! » Il m'observait avec des yeux marrons, effrayants et qui ne cessaient de me fixer. Je me disais qu'il devait sûrement faire une bataille de regard.

« Pourquoi c'est moi qui vous regardez ? »

« Je ne sais pas. Utilise ta cervelle...si tu en as une bien sûr ! »

« J'ai une cervelle ! Tout le monde en a une, c'est quelque chose de très important pour le fonctionnement humain ! Je l'ai lu dans un livre ! »

« Oh...qu'est ce donc Phileas ? Ne me dis pas que c'est...un intellectuel ? »

Une petite fille aux longs cheveux bruns avec des yeux verts, qui scintillaient comme des émeraudes venait de descendre d'un escalier. Je me demandais comment elle faisait pour ne pas trébucher sur sa robe bleue claire alors que moi même des fois, mon pantalon était tellement lâche qu'il m'arrivait de tomber en marchant dessus. Pourquoi m'avait-elle appelé intello ? Ce n'était pas très gentil de dire ça...est ce que c'était à cause de mes cheveux ébouriffés ? À chaque fois que j'essayais de les coiffer ils redevenaient comme avant, ce n'était pas de ma faute !
Je me posais beaucoup de questions mais bon, je me disais que le temps finirait par me donner les réponses. Je voulais d'abord faire connaissance avec cette fillette car après tout, j'allais devoir m'occuper d'elle pendant 5 long mois.

-Bonjour ! Mon nom est Varun Malan. Je ne suis pas un intellectuel mais j'adore lire des livres donc...

« Ugh ! Attend ! Quoi ? Tu lis vraiment des livres ? Je ne faisais que rigoler ! Est ce que tu moques de moi ? Regarde toi ! »

« Je sais, mes habits sont un peu sales mais... »

« Est ce que tu es stupide ou aveugle ? Tu es Indien ! »

« ...Oui...et ? »

« Ok tu es stupide. Ça veut dire que tu es illettré ! Je déteste les menteurs, alors cesse de mentir ! »

« Q...quoi ? » Je manquais de m'étouffer, le souffle coupé. J'étais vraiment choqué et blessé par ses paroles. « Je suis lettré et même beaucoup que vous ! Je ne mens pas, j'aime vraiment les livres et devinez quoi ? Ils sont beaucoup plus intéressants, respectueux et ils ont un meilleur vocabulaire que vous ! »

La petite fille me regardait, la bouche grande ouverte et les yeux écarquillés. On aurait dit que c'était la première fois que quelqu'un la disputait et je venais d'avoir cette confirmation quand je voyais Phileas qui me lançait un regard noir. Je venais de faire quelque chose que je n'aurais pas du, je venais de manquer de respect à la fille de mon employeur. D'un coup, je m'étais mis à crier de douleur, elle venait de m'écraser le pied et elle chuchotait d'un ton grave:

-Donc, tu veux la guerre ? Viens alors.

« Vous me faites mal ! Vous devriez me respecter, je suis plus âgé que vous ! »

« Il y aura toujours quelqu'un de plus âgé que nous. Mais est ce que tout le monde mérite le respect ? Peu importe si tu es âgé...tu es toujours inférieur à moi Varun. Et si je te tue, tu arrêteras de grandir et tu ne seras plus le plus vieux. » Elle venait de me lâcher et commençait à repartir vers sa chambre en me montrant son majeur. « Mon nom est Harriet Annie Cambashand. Tu as intérêt à t'en souvenir, je vais l'écrire sur ta tombe. »

Est ce que je venais de me faire menacer de mort par une enfant de 10 ans ?

-Phileas...elle me fait peur.

« Au moins, tu es chanceux. Je crois qu'elle apprécie ta compagnie. »

« ...Attend quoi ? »

Aucune réponse. Phileas était déjà monté tout en haut et me faisait signe de le suivre. Alors, je m'étais empressé d'attraper ma valise et de me hâter de le rejoindre. Je crois que je devais être au dernier étage, j'avais arrêté de compter le nombre d'escaliers que je montais j'étais vraiment essoufflé. Finalement, Phileas venait de s'arrêter devant une porte et sortait une clé:

-Es tu prêt à découvrir ta chambre ?

« Oh oui bien sûr. Si elle est aussi belle que la maison, je pense que je vais l'adorer ! »

« Et bien...TADAAAAA ! »

Phileas avait ouvert la salle et ce n'était franchement pas ce à quoi je m'attendais...la pièce était sombre et il y avait des toiles d'araignée dans chaque recoin. Quand on entrait dedans on sentait un froid qui vous traversait l'échine, le plancher grinçait et il n'avait pas l'air très solide. Il y avait plusieurs lits mais ils étaient tous en piteux état, on aurait dit que les matelas étaient rongés et ils n'avaient pas tous des couvertures.

-Hum...c'est...bien ?

« Je savais que tu aimerais ! » Phileas m'ébouriffait les cheveux puis me donnait un papier avec une liste de tâches à faire. « N'oublie pas, toi aussi tu dois t'occuper de la maison. Je veux que tu sois là vers 14h compris ? »

« Bien sûr ! »

« Bien...oh oui pardon. Tu ne sais sûrement pas lire...et bien tout ce que tu as à faire c'est de... »

« Ne t'inquiète pas, je sais lire ! »

Phileas me regardait avec un sourire nerveux puis ses sourcils témoignaient d'une incompréhension de sa part. Est ce que j'avais dit quelque chose qui ne fallait pas ? Mon accent indien par dessus mes phrases en anglais était peut incompréhensible pour lui...D'un coup, je sursautais au son de sa voix qui s'était mise à rigoler fortement:

-Tu es marrant Varun ! Mais ça ne va pas t'être d'une grande aide si tu veux rester ici ! Peu importe, soit prêt à 14h !

« Hum...oui ok. Au revoir. »

Je le regardais partir, un peu perplexe. Pourquoi tout le monde était étonné lorsque je disais que je savais lire ? Ma mère m'avait dit que Londres était une des villes les plus avancées du monde alors...tout le monde devait savoir lire non ? Bon en tout cas, Phileas savait écrire même si son écriture était compliquée à déchiffrer. Je n'étais pas habitué à déchiffrer les écritures des adultes londoniens, seulement des adultes de mon village...enfin quand j'essayais de leur apprendre à écrire.
Bon il était vrai que cette journée était catastrophique. Je ne m'attendais pas à voir autant de monde, je m'étais fait corriger par l'enfant que j'étais sensé garder et ma chambre n'était pas ce à quoi je m'attendais...
Mais il fallait que je reste. Je ne devais surtout pas laisser tomber alors que j'avais déjà eu tellement de mal pour que Monsieur Cambashand m'engage pour le travail...quand on a une chance, on ne la laisse pas filer.

L'Inde sous influence britannique, 18 juillet 1898, dans un petit village dans le Nord du pays.

-Donc, Edmund Cambashand. Nous avons 19 femmes, tout expérimentées et prêtes pour le test.

« Ok, merci Clayston. Commençons, voulez vous ? »

« Attendez !! »

Je venais d'arriver, essoufflé après avoir couru plusieurs mètres depuis chez moi pour rejoindre le rassemblement. J'étais le 20ème candidat et je m'étais aussi présenté pour le travail...seulement voilà, j'étais le seul garçon. Et aussi le seul enfant, les filles de mon âge avaient soit quitté le village, soit leurs parents ne voulaient pas qu'elles travaillent ou encore elles étaient mariées depuis longtemps. Le gentleman posait sa cane sur le côté et s'approchait de moi d'un air furieux:

-Ce n'est pas bon d'être en retard...tu le sais ?

« Oui...je sais, je suis désolé. »

« Je ne veux pas de tes excuses. Je ne te veux même pas. »

« Q...quoi ? Mais... »

« Tu peux partir. »

« S'il vous plaît, je sais lire et écrire, et je suis prêt à beaucoup travailler ! »

« J'ai dit, va t'en ! »

« ...Ok... »

À ce moment là, tout était perdu pour moi. J'avais loupé l'unique opportunité que j'avais pour aider ma mère et me construire un avenir mais cette opportunité était partie parce que je n'étais même pas capable de me réveiller à l'heure. Ce jour là, j'étais donc rentré chez moi et j'avais tout expliqué à ma mère. Elle était gentille et essayait de me réconforter en disant que ça arrive les erreurs mais au fond, je savais qu'elle était déçue. Elle avait placé tellement d'espoir en moi, j'étais son unique enfant et maintenant que Rajiv n'était plus là, on se retrouvait à la dure.

Je n'avais pas dormi de la nuit, je n'avais cessé de repenser à ma grosse erreur. Le lendemain, j'avais prévu de partir en ville et de trouver un boulot là bas. Il fallait absolument que je gagne de l'argent, même si ce n'était pas beaucoup. Pendant que je préparais mes affaires, quelqu'un venait toquer à la porte.
J'avais laissé ma mère ouvrir comme d'habitude, ça devait encore être une de ses amie qui venait pour lui raconter pendant des heures ses problèmes familiaux. Moi je n'avais pas le temps pour ce genre de chose...mais c'est quand j'avais entendu la voix d'un homme que j'avais compris que ce n'était pas normal.
Je m'étais empressé d'attraper un couteau et de me diriger vers l'entrée. Un homme qui venait voir ma mère ne signifiait rien de bon, il était hors de question qu'il lui arrive quoique ce soit.

J'étais naïf et je ne réfléchissais pas beaucoup à l'époque. J'agissais en suivant mes émotions, mon instinct. Je ne croyais pas à la logique car pour moi, la logique était la chose la plus illogique du monde.
Ma mère avait attrapé mon bras juste avant que j'atteigne cet homme. De toute façon, je l'avais reconnu. Edmund Cambashand, l'employeur venu de Londres. Il me fixait avec un rictus sur le visage, je ne savais pas si il était amusé ou si il se sentait offensé...c'était compliqué de cerner des adultes, surtout quand ils portent une moustache. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai toujours eu du mal à comprendre cette mode de la moustache...

-Varun Malan ?

« ...Oui, c'est moi. »

« Félicitations, tu es embauché. »

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