52 - Insoutenable

Insoutenable


Bonjour les amis !

Je suis heureuse de vous retrouver pour un nouveau chapitre ! J'espère que l'attente n'est pas trop longue je fais de mon mieux en tou cas !

J'ai très hâte d'avoir vos retours sur ce chapitre, que j'ai adorée écrire. Je vous embête pas plus longtemps et vous souhaite une bonne lecture.


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Des yeux écarlates me regardent avec ardeur. Piégé par des filaments noirs, qui agrippent le bas de mon corps avec ténacité, je suis dans l'incapacité de me déplacer. À contrecœur, j'observe donc les pupilles du vampire, ainsi que le sourire qui se forme lentement sur ses lèvres.

S'il est dans un premier temps infime, il devient rapidement plus étendu et effrayant. Mettant toute ma force dans les muscles de mes jambes dans l'espoir de me débarrasser de ces choses ignobles, je pousse un juron quand je constate que je ne bouge pas d'un millimètre.

Cependant, je me fige, quand les canines du vampire apparaissent, dévoilant un épais filet de sang, qui tombe doucement le long de sa gorge.

Son rictus, désormais amusé et excité, s'élargit au fur et à mesure sans que je ne sache vraiment pourquoi. Puis lorsqu'une personne commence à apparaître à ses côtés, cachée jusqu'alors dans l'obscurité, j'en comprends mieux la raison.

Mais j'arrête de respirer, et un violent spasme envahit mon corps quand je réalise l'identité du garçon. J'ai envie de crier son nom, mais de nouveaux filaments se portent à ma bouche pour m'en empêcher. Je hurle en continu, espérant qu'un son s'échappe, aussi petit soit-il, mais rien ne se produit.

Le regard du garçon est vitreux. Son visage est pâle et son corps semble simplement tenir debout grâce à celui du vampire. Deux trous dans son cou attirent mon attention, alors qu'un liquide rouge glisse sur sa peau.

Lorsque les dents du vampire pénètrent à nouveau son épiderme, le jeune homme ne réagit pas. Le vampire, quant à lui, gémit de plaisir pendant qu'il aspire, avec lenteur et désir, le liquide cinabre.

Ma gorge se noue, quand des larmes coulent sur ses joues. Il reste statique, telle une marionnette, subissant les terribles actes du vampire.

Le voyant souffrir terriblement, je m'agite à nouveau, essayant inlassablement de parler ou de me libérer. Mais quand le vampire lève tout à coup la main, les choses terrifiantes disparaissent soudainement pour une raison que j'ignore.

— Jonah, dis-je en criant. 

Je cours à toute vitesse vers lui, mais je m'arrête tout à coup, lorsque je réalise que je n'avance pas réellement. Je suis capable de courir, mais je n'arrive pas à les atteindre.

Je tends la main dans l'espoir de l'attraper alors que mes pas doublent le rythme, mais c'est impossible. Je suis encore à plusieurs mètres d'eux et je n'arrive pas à m'approcher de mon frère.

À bout de souffle, je cesse de cavaler. Appuyant mes mains sur mes cuisses, j'essaie de régulariser ma respiration. Ma poitrine me brûle affreusement, mais l'adrénaline me permet de ne pas m'effondrer.

— Relâche le putain ! Tu ne penses pas que tu en as fait assez ?

En me voyant si désespéré, Azarias se met à rire. Et voir mon frère ainsi est sur le point de me faire exploser de colère. Néanmoins, je ne ressens rien, et aucune aura ne se forme autour de moi. J'ignore où je me trouve, mais je ne peux visiblement pas me servir du lien.

— Au contraire, tu devrais plutôt être reconnaissant.

Entendre la voix rauque du vampire me fait frissonner. Mais ce n'est pas un frisson de peur comme cela a pu l'être dans le passé, non. Cette fois, c'est un frisson d'amertume. Parce que je ne suis plus dans l'ignorance.

Je connais la vérité, je sais ce qu'il a fait à mes parents et à mon frère, et je n'ai plus peur.

C'est certainement arrogant de dire une telle chose, j'en suis conscient. Mais je ne veux plus avoir peur de lui, du monstre qui a détruit ma famille.

Jamais.

— Reconnaissant ? En quoi devrais-je l'être ?

— Ton frère est toujours en vie. Il devrait être mort et tu le sais mieux que quiconque. Mais par bonté, ce n'est pas le cas.

Un rire jaune traverse mes lèvres. J'essaie à nouveau d'activer le lien, mais j'abandonne lorsque ça ne fonctionne pas.

— Tu parles de bonté, tu l'as fait dans ton propre intérêt. C'est assez pathétique maintenant que j'y pense. Tu nous craignais à ce point pour t'en prendre à un enfant ?

Mon commentaire semble déclencher quelque chose en lui, car il cesse finalement de prêter attention à mon frère et me regarde d'un air furieux.

Ne tremble pas Jungkook, tu le détestes. Ne vacille pas.

— J'ai gardé ton frère parce que je savais que c'était le moyen idéal pour anéantir le reste de ta misérable petite famille. Et à en juger par vos réactions, j'ai gagné.

Mon cœur se comprime et mes poings se serrent.

— Tu ne gagneras jamais, dis-je avec animosité.

— La haine te consume peu à peu. À present, tu veux la guerre autant que moi.

Ma vision devient voilée face aux mots du vampire, tandis que les paupières de mon frère se ferment de fatigue. J'avance à nouveau, espérant cette fois pouvoir le rejoindre.

— Tu ne veux pas attendre, n'est-ce pas ? Décembre te paraît trop loin, car ton frère agonise dans un sous-sol.

Azarias saisit précipitamment Jonah, qui réagit à peine et le pousse violemment en arrière. Il atterrit dans une cellule poussiéreuse et complètement gelée, si j'en crois la fumée blanche qui s'échappe de ma bouche à chaque expiration.

Vêtu d'un simple haut fin à demi déchiré, Jonah qui est frigorifié et épuisé, reste couché sur le sol, recroquevillé sur lui-même, à la recherche d'une faible source de chaleur.

Même si lors de notre rencontre devant le QG, Jonah avait déjà l'air fatigué, il n'a absolument rien avoir avec le garçon que j'ai maintenant sous les yeux. Il est si maigre et épuisé que j'en ai l'estomac retourné.

Puis, comme si sa situation n'était pas assez désespérée, la morsure que lui a infligée Azarias a été si profonde et violente que le sang continue de couler de sa morsure.

Tout le monde me retient prisonnier ici en disant qu'attaquer Sina est une mauvaise idée, autant pour Jonah que pour l'accord de guerre. Mais le problème, c'est qu'aucun d'eux n'a pensé à ce qu'il pouvait ressentir.

Aucun ne s'est mis à sa place un seul instant.

Lui qui y est enfermé depuis plus de dix ans, pensant probablement que sa famille était morte, a un beau jour eu l'occasion de les revoir quelques minutes. Et je suis sûr que le faire, consciemment ou non, a engendré une source de lumière dans son cœur.

Après toutes ces années passées dans une cage obscure et effrayante, un éclat a sans doute de nouveau brillé en lui. En espérant, dans une ultime prière, que quelqu'un vienne le sauver.

Oui, il nous a demandé de partir, car à ce moment-là, la situation était compliquée et ne nous permettait pas d'agir comme nous l'aurions souhaité. Mais cela ne signifie pas pour autant que nous ne devrions pas venir plus tard.

Savoir qu'il attend notre arrivée avec impatience depuis déjà deux mois, me brise suffisamment le cœur pour devoir en ajouter quatre de plus.

Il m'a protégé tellement de fois, que c'est insupportable de rester là et d'attendre.

Je vais venir te chercher, grand frère. Je le promets.

J'accélère le pas, voulant atteindre la porte de la cellule avant qu'elle ne se ferme, mais sans même pouvoir mettre le doigt dessus, elle claque derrière eux.

À l'intérieur se trouvent Azarias et Jonah, et pourtant, j'ai le terrible sentiment que c'est moi qui suis emprisonné. L'endroit étrange où je me trouve devient davantage sombre, alors que le sol se secoue à chacun de mes pas.

La cellule dans laquelle se trouve mon frère a l'air d'être ma seule issue.

Furieux, j'attrape les barreaux désirant les écarter, j'essaie même d'enfoncer la porte, mais elle ne bouge pas. C'est vrai, le lien ne m'est d'aucune utilité ici.

Toujours allongée sur le sol, la tête de Jonah se tourne lentement dans ma direction. Mon corps se met à trembler, alors qu'une larme coule sur son nez pour venir par la suite s'échouer sur le sol poussiéreux.

— Jay, murmure-t-il, la voix faible.

Ma prise sur l'acier se resserre encore plus en l'entendant prononcer mon nom, rendant mes phalanges complètement blanches.

— Jo, dis-je le timbre tremblotant.

Je n'arrive plus à contenir mes sanglots, qui se mélangent sans tarder aux faibles bruits provoqués par ceux de mon frère. La grille fait un bruit sourd à cause de mes gestes agressifs et mes larmes deviennent plus nombreuses au fil des minutes.

Les yeux rouges du vampire dans l'obscurité sont la seule source de lumière que je perçois. Et quand je réalise que la porte ne cède pas, mes mouvements s'arrêtent lentement, tandis que mes bras reviennent le long de mon corps.

Pour ne pas perdre entièrement l'équilibre, me sentant totalement désemparé, ma tête entre en contact avec le métal face à moi, tandis que je murmure ces quelques mots d'une voix voilée et chagrinée.

— Je suis désolé.

Ma vision se trouble pendant quelques secondes, alors que de nouvelles bulles d'eau se forment. Puis elles éclatent soudainement, humidifiant davantage mes joues déjà trempées et rougeâtres. Mes lèvres se tordent lorsque je le répète une seconde fois.

— Je suis tellement désolé.

Je dois avoir l'air stupide de pleurer comme ça devant l'ennemi, mais je ne peux pas m'arrêter. Parce que Jonah est juste devant moi et que je suis inutile. Je me sens désarmé et désolé qu'il souffre ainsi, qu'il ait tant souffert depuis sa capture.

— Ne le sois pas.

Ma tête se lève brusquement dans sa direction quand cette fois, j'entends clairement sa voix.

— C'était ma décision Jay.

Ma main vient hâtivement frotter mes yeux embrumés pour mieux le regarder. Je n'ai pas pu le voir suffisamment longtemps l'autre jour. Aujourd'hui, je veux pouvoir le regarder entièrement, profiter de son doux visage que j'ai toujours aimé.

— Y aller a changé son plan. Et si c'était à refaire, je le referais mille fois sans aucune hésitation.

— Même si tu devenais encore prisonnier ?

Il hoche lentement la tête.

— Je ne changerai rien.

— Mais pourquoi ?

— Parce que je préfère me sacrifier, plutôt que de tous vous perdre.

Je sais qui vous désigne. Et cette réalisation double mes sanglots. Car je ne sais pas s'il sait ce qui s'est passé.

— Maman et papa sont...

— Je sais.

Je suis content qu'il ne me laisse pas terminer ma phrase. En vérité je n'aurais pas réussi à le faire, même s'il ne m'avait pas coupé.

— Je sais aussi que tu es furieux. Et même si je le comprends, tu dois arrêter.

Comme si elles étaient alarmées par les mots de mon frère, mes larmes s'immobilisent presque immédiatement sur mes joues.

— La colère n'apporte rien d'autre que du chaos et de la destruction.

— Tu ne la ressens pas toi ?

Essuyant le sang coulant sur sa nuque, le liquide vient tâcher la manche déchirée de son vêtement. Et c'est le regard attristé, qu'il relève la tête vers moi.

— Je ne ressens plus rien depuis longtemps Jay.

Sa phrase me coupe le souffle, car elle me brise le cœur.

— Alors, je dois attendre et ne rien faire sous prétexte que tu peux encaisser c'est ça ?

— Oui, c'est exactement ce que tu dois faire. Quand la guerre sera terminée, vous viendrez me chercher. Je peux attendre.

Remarquant sans doute ma frustration, il soupire longuement. Ses pleurs se sont arrêtés, et il a réussi à se redresser un peu. Je peux voir à ses yeux plissés et à son expression désormais sévère, qu'il a repris son rôle de grand frère.

— Jay, souffle-t-il.

Je secoue rapidement la tête.

— Tu mens !

Ses sourcils se lèvent de confusion lorsqu'il m'entend soudain élever la voix.

— Tu n'as pas le droit de me dire ça, alors que tu ferais exactement la même chose que moi !

Mes mains quittent la porte et je remarque que Azarias semble écouter attentivement la conversation. Cependant, pour une raison que j'ignore, il n'intervient pas une seule fois, nous laissant parler librement.

— Si la situation était inversée, tu n'aurais pas attendu deux mois. Si c'était moi à ta place, tu aurais refusé d'attendre un jour de plus et tu ne peux pas me contredire.

Sa langue vient humidifier ses lèvres sèches.

— Parce que c'est mon rôle d'aîné. Ta sécurité passe avant tout, je...

— Arrête tes conneries !

Ses pupilles s'écarquillent à nouveau face à mon intonation.

— On se protège l'un l'autre, c'est comme ça depuis qu'on est gamins. Alors, qu'est-ce qui est différent ? Pourquoi ne devrais-je pas y aller ?

Je ne veux pas le réprimander, je ne veux pas me mettre en colère, mais une fois de plus, elle refait surface. J'en ai marre qu'on me dise que je ne peux pas partir.

— Parce que je ne supporterai pas de te perdre !

Sa voix se brise, et c'est la première fois qu'il parle plus fort que moi. Surpris, je regarde son corps qui recommence à trembler, tandis que ses yeux se noient à nouveau dans un océan de larmes.

— Tu es mon petit frère et je t'aime !

Si je pensais que j'avais fini de pleurer, j'avais tort. Parce que mes sanglots viennent de doubler aux mots de Jonah.

— Tu te feras tuer sur le chemin à cause de ce que tu es, ou bien sur place si tu parviens à venir jusqu'à Sina.

Ma gorge est desséchée et ma respiration devient saccadée.

— Reste avec ton vampire, reste avec oncle Darren et prépare-toi pour ce qui arrive.

Je secoue à nouveau la tête. Je refuse de le quitter, je n'y arriverai pas. Je bégaie en essayant de parler, submergé par mes sanglots.

— Je... je... ne peux pas. Je ne peux pas te laisser là, regarde-toi.

Quand je dévisage son corps affaibli et tremblotant, ses bras viennent aussitôt saisir ses genoux, comme pour se cacher.

Il essaie de reprendre ses esprits, et ses lèvres se tirent vers le haut. Mais son sourire est faux. Et c'est pour ça qu'il ne m'affecte pas du tout.

— Tout ira bien, dit-il en révélant ses dents blanches.

Je reste debout, stoïque, à l'observer. Tu mens encore, parce que même toi, tu n'en as aucune certitude.

Je m'agite à nouveau quand Azarias se redresse et qu'il s'approche de Jonah. Je saisis donc une nouvelle fois les barreaux en lui hurlant de le laisser tranquille, mais je recule brutalement quand je réalise qu'il se dirige dans ma direction.

Cette fois, c'est au tour de Jonah de s'affoler lorsqu'il le voit si près de moi. Et j'ignore comment, il trouve même la force de se relever. Une main appuyée contre le fer, il marche même quelques pas vers moi.

— Je t'interdis de le toucher, dit-il au vampire la voix grave.

Ce dernier me dévisage dans le blanc des yeux pendant ce qui me parait être une éternité. Je recule à nouveau, craignant tout à coup qu'il puisse lire dans mon esprit, mais contre toute attente, il arrache la porte de la cellule, la laissant tomber au sol, donc un raffut assourdissant.

Sans plus aucun obstacle entre nous, j'avance mon pied gauche en avant en guise de défense, prêt à me battre. Mais Azarias dit une dernière phrase, en nous dévisageant Jonah et moi, avant de disparaître soudainement.

— J'en ai marre de vous entendre pleurnicher.

Une rafale nous frappe de plein fouet après la disparition du vampire, qui nous laisse seuls pour la première fois.

J'aimerais courir dans ses bras, mais j'ai peur de lui faire mal. Il a peut-être des blessures dont j'ignore l'existence, et le blesser est bien la dernière chose que je souhaite.

Me voyant hésiter, il décide d'agir à ma place. Mon corps vacille en arrière, quand il court précipitamment vers moi.

Sa main droite soutient mon dos pour éviter toute chute, tandis que l'autre trouve sa place dans mes cheveux.

Ne réalisant pas qu'il est vraiment devant moi, que je peux enfin le toucher, il me faut une bonne minute pour réussir à le faire.

Puis, le cœur battant et les mains tremblantes, je viens le serrer contre moi. Dans un geste lent, mon menton vient se poser sur son épaule, le rapprochant de mon corps qui frissonne de joie.

Quand je lui caresse le dos avec amour, je me demande si ce n'est qu'une impression ou non, mais il semble moins mince que je ne le pensais.

— Si tu savais combien de fois, j'ai rêvé de ce moment, murmure Jonah dans mon oreille.

Mon cœur manque de s'arracher de ma poitrine, sachant que j'ai passé ces dernières années sans me souvenir de lui.

Si à ses yeux, nous étions morts jusqu'à ce fameux jour devant le QG, il l'était également pour nous. Il l'a été, dès l'instant où j'ai ouvert ce carton.

À cause de l'amnésie qui est survenue après cet événement tragique, je l'ai effacé de mon esprit. Du moins mon cerveau l'a fait pour moi. Mais si ça n'était pas arrivé, si son existence était restée gravée en moi tout ce temps, je sais que moi aussi, j'en aurais rêvé jour et nuit.

Dès notre plus jeune âge, j'ai toujours adoré les câlins de Jonah. Je ne pouvais pas passer une journée sans en avoir un. Et si jamais il avait le malheur de partir à l'école sans m'en donner un, j'étais capable d'être de mauvaise humeur pour le reste de la journée.

Alors les sentir aujourd'hui, maintenant que nous sommes tous les deux adultes, est une sensation indescriptible.

Lorsqu'il se rend compte que j'ai besoin de temps pour reprendre mes esprits, il se contente de me frotter doucement le dos en murmurant des mots rassurants. Ressentir sa chaleur est si bouleversant qu'il me faut plusieurs minutes pour arrêter de trembloter.

Pour m'aider, il me demande de respirer à son rythme. D'une voix calme, il me guide, me disant à quel moment prendre une nouvelle inspiration. C'est donc ensemble que nous finissons par nous détendre. À présent que je peux pleinement apprécier cette étreinte, un léger sourire apparaît sur mes lèvres.

— Je veux rester ici pour toujours.

Sans se séparer de moi, il recule légèrement pour pouvoir me regarder.

— J'adorerais ça aussi.

Nous sourions tous les deux, un sourire sincère et rempli d'amour. Lorsque sa main touche ma joue droite, instinctivement, mon visage appuie son geste, ne réalisant toujours pas qu'il est vraiment là. Quand nos yeux se croisent pendant plusieurs secondes, je ne peux pas empêcher une autre larme de glisser.

— Je sais à quel point la situation doit être terrible pour toi et j'aimerais pouvoir prendre toute la douleur et la colère que tu ressens.

Je déglutis difficilement, la gorge serrée, tandis qu'une seconde goutte tombe sur ma joue.

— Mais c'est parce qu'elles sont pour le moment bien trop imprévisibles que tu dois rester. Prends les quatre prochains mois pour recharger tes batteries et pour t'entraîner. Tu en as besoin après ce qui s'est passé à Sina.

J'ai mal au cœur, je ne peux pas l'accepter. Je ne peux pas imaginer passer encore quatre mois à vivre tranquillement ma vie, sachant qu'il est seul là-bas.

C'est probablement égoïste de ma part de penser ainsi, surtout que je sais que notre cause est plus importante. Car elle mettra définitivement fin à une guerre qui dure déjà depuis bien longtemps. Je le sais. Parfaitement.

Mais c'est la seule chose que je refuse de faire.

Toute ma vie, j'ai dû accepter en silence les atrocités qui m'ont été infligées. Demeurant impuissant et innocent, je me suis contenté d'endurer parce que je n'avais pas d'autre choix.

Mais pour être honnête, j'en ai marre. J'ai le droit de prendre mes propres décisions et d'être égoïste pour une fois.

Après tout ce qui m'est arrivé, j'estime que j'ai le droit de l'être. Ma famille a assez souffert et je refuse d'abandonner mon frère.

— Et s'il te tue entre-temps, hein ?

Me voyant à nouveau agacé, sa main quitte mon visage pour saisir mon épaule.

— J'ai survécu dix ans Jay, je pourrais survivre encore quelques mois.

— Tu n'en as aucune certitude.  Seulement pour nous anéantir un peu plus, il pourrait le faire bien avant notre arrivée.

Comme s'il y avait déjà pensé, il reste silencieux assez longtemps pour que je comprenne. Il veut être fort devant moi parce qu'il est le plus âgé, car il pense qu'il n'a pas le droit d'avoir des faiblesses. Et pourtant, je sais qu'il doit être aussi inquiet que moi.

Je sais bien que ça fait longtemps que nous ne nous sommes pas vus. Mais même aujourd'hui, il reste encore celui qui me connaît le mieux sur cette terre, et moi aussi. Son hésitation et le voile qui passe devant ses yeux ne font que confirmer mes propos

— Tu n'es pas en sécurité, tu ne l'as jamais été. Alors, tu ne peux pas me demander de ne rien faire, Jo. Pas à moi.

Face à mes mots, je remarque que sa respiration accélère. Ses mains encore posées sur moi tressaillent faiblement alors qu'il essaie de retenir de nouveaux sanglots.

Cette fois, c'est à mon tour de l'attraper par les épaules. Mon mouvement est brusque, car ses pieds reculent un peu, mais je ne m'y attarde pas.

Il n'a plus à être courageux, il n'a plus à se battre seul, c'est terminé. Parce que je suis là pour partager son fardeau. Je suis là, et je ne compte plus jamais le lâcher.

— Je ne suis plus un enfant, tu sais ? Tu n'as pas à cacher tes émotions de peur de m'inquiéter. Je suis là maintenant, tu n'es plus seul.

Ses yeux s'écarquillent, comme s'il avait longtemps rêvé d'entendre ces mots. Il reste complètement figé durant quelques secondes, et inévitablement, un torrent d'eau ruisselle sur ses pommettes.

Ma main se presse contre son dos pour le tirer contre moi, pour le forcer à abattre ses murs et à me laisser entrer. Je le réconforte du mieux que je peux avec des paroles réconfortants et de légères caresses.

Je ne pourrais jamais réellement comprendre tout ce qu'il a vécu au quartier général. Mais j'imagine suffisamment l'horreur qu'il a dû endurer.

La boîte que nous avons reçue à la maison a suffi à me donner une brève idée. Puis, au fil du temps et lors de mes quelques visites au QG, j'ai vite compris que les détenus n'étaient pas là pour passer du bon temps.

— Je suis là, dis-je d'une voix délicate pour ne pas le brusquer.

Au bout de plusieurs minutes, alors que ses mains accrochent fermement ma chemise, essayant sans doute d'apaiser son tremblement, il recule si subitement que je bondi d'étonnement. Je fronce les sourcils quand je réalise que ces pleurs ont déjà cessé, je ne m'en étais même pas rendu compte.

— Ce n'est pas vrai, dit-il en se frottant le bout du nez à l'aide de son index tout en reniflant.

Mon rythme cardiaque accélère à cause de la confusion.

— Tu n'es pas là Jay, tu es en train de rêver. Tout est dans ta tête.

— Qu... quoi ?

— Il faut que tu te réveilles. Arrête de rêver de moi, ça te fait plus de mal qu'autre chose.

Le souffle commence à me manquer. Et alors que j'avance dans sa direction, mon pied se coince tout à coup dans un trou pratiquement invisible. Le haut de mon corps, qui manque de chuter, s'agrippe désespérément à lui.

— Mais je peux te sentir ! Je peux te toucher.

— C'est parce que tu le veux. Mais cela ne veut pas forcément dire que c'est réel.

Je secoue la tête, refusant d'entendre une telle chose.

— Je suis toujours enfermé dans une cellule en ce moment même. Et toi, tu es en train de dormir.  Si je suis là, c'est parce que tu veux que je sois là, rien de plus.

C'est faux, c'est faux.

— Non. Tais-toi.

Mes ongles s'enfoncent malgré moi dans sa peau déjà meurtrie. Cependant, je ne peux pas m'excuser ni le lâcher. Si je le fais, j'ai peur qu'il disparaisse.

— Il ne faut pas que tu viennes me chercher Jay. Cesse de penser à moi pour le moment. Pense uniquement à ce qui est sur le point d'arriver. Il faut que tu sois prêt pour la guerre.

— Tais-toi, dis-je en secouant davantage la tête.

— Je ne te pardonnerai jamais si tu viens.

Ses yeux paraissent plus sombres et sa voix est nettement plus rauque que d'habitude.

— Tu ne peux pas dire ça.

— Oui, je peux. Parce que tu es trop têtu pour écouter quelqu'un d'autre !

Je suis têtu, car ça m'aide à tenir. Si j'abandonne tout ce en quoi je crois, je ne pourrais plus avancer.

— Il faut que tu te réveilles et que tu te battes, tu as une guerre à gagner. Et tu ne peux pas laisser tomber tous ces gens Jungkook.

Sentant que la chose invisible venue du sol est sur le point de m'engloutir, je m'accroche plus fort à mon frère. Et après ce qui me paraît être des heures, je réussis en fin de compte à m'en défaire. Jonah lui, me rattrape de justesse.

— Cet endroit, représente tes ténèbres. Elles grandissent et deviennent plus fortes au fur et à mesure. Si tu continues à venir ici, tu finiras complètement consumé Jay.

Mes pupilles se dilatent de terreur, mais un baiser chaleureux, posé sur mon front, diminue les spasmes de mon corps.

— Tu as toujours été courageux. N'abandonne pas tout ça juste pour moi.

Je pleure une fois de plus à chaudes larmes.

— Je ne peux pas. Je refuse de t'abandonner. J'ai aussi le droit de me battre pour toi moi aussi, comme tu as passé ta vie à le faire pour moi.

— Tu n'as pas besoin de le faire, ni de prouver quoi que ce soit. Jamais avec moi p'tit frère.

— Non, non. Si je te perds alors que j'aurais pu agir, je ne m'en remettrai pas.

Quand je commence à perdre mon souffle et à m'agiter violemment, une étincelle d'inquiétude se forme dans ses yeux. Il m'attrape donc les joues et m'oblige à le regarder.

— Et si tu viens, il te tuera. Et je ne pourrais pas le supporter non plus. Alors, je veux que tu restes en sécurité pour le moment.

— Mais...

— C'est la meilleure chose que tu puisses faire et tu n'as pas à te blâmer pour quoi que ce soit, tu m'entends ? Ce que j'ai fait il y a dix ans, c'était ma décision et je dois en assumer la responsabilité jusqu'au bout.

Je réentends la sonnette. Je me revois courir en vitesse pour aller ouvrir la porte. Me dépêcher d'ouvrir le carton, pressé d'essayer mon nouveau jouet. Puis je ressens encore mon visage se décomposer, alors que je réalise lentement ce qu'il y a à l'intérieur.

Un jour, j'ai perdu mon frère. Et par miracle, j'ai réussi à le retrouver. Je refuse de le perdre à nouveau.

— Je t'aime mon frère, ne l'oublie jamais.

Ma gorge se serre quand j'entends ces mots sortir de sa bouche, je n'aurais jamais pensé les entendre à nouveau un jour. Mais alors que je m'apprête à lui répondre, Jonah s'agite brutalement, en dévisageant le sol.

L'immense épaisseur noire qui le recouvre double en quelques secondes. Désormais, la simple idée d'avancer ne serait-ce qu'un pied paraît impossible.

— Tu es ici depuis trop longtemps.

Apercevant l'urgence de la situation, il saisit une nouvelle fois mes épaules pour me forcer à reculer, lorsqu'une fragile lumière blanche apparaît derrière moi.

— J'aurais beau essayer de te convaincre pendant des heures, au bout du compte, tu es le seul à faire tes propres choix.

Réalisant qu'il me reste peu de temps ici, je prends Jonah dans mes bras pour la dernière fois, trempant ses vêtements déchirés à cause de mes larmes.

— Mais s'il te plaît, ne laisse pas l'amertume l'emporter. Tu vaux mieux que ça, mieux que tous ceux contre qui on se bat.

— Je ne sais pas si je peux faire ça, dis-je, la voix brisée par mes sanglots.

— Tu dois essayer. Pour les Thurisaz et pour tous ceux qui veulent mettre fin à cette folie.

Soudain, toute la pièce se met à bouger et j'ai l'affreuse impression que je suis sur le point de disparaître dans l'obscurité. Jonah essaie de garder son sang-froid, même si ses yeux larmoyants sont toujours visibles.

— Tu dois te réveiller.

Il me donne un dernier baiser sur ma tempe, mais il est si rapide que je n'ai pas le temps de l'apprécier pleinement.

— Je ne veux pas te quitter.

À travers son visage déchiré par la tristesse, il parvient encore à m'offrir son sourire rassurant.

— Ça va aller. Ouvre les yeux maintenant.

N'ayant aucune prise et plus aucun équilibre, je ne peux rien faire quand ses bras me poussent en arrière. Un soupir éraillé quitte ma bouche pendant la chute, alors que je regarde une autre perle glisser le long du visage de mon frère.

Lorsque j'entre en contact avec l'explosion de lumière, mon corps est immergé un instant dans l'eau et j'ai l'impression que la pièce se retourne complètement. Cette dernière devient plus visible et les objets auparavant disparus reprennent progressivement leur forme. Quand je reprends conscience, je me redresse brutalement de mon lit.

— Jonah !

Mon cri est si puissant et long, que j'ai peur d'avoir brisée ma gorge. Mon oreiller est complètement mouillé et le haut de mon pyjama accroche ma peau humide. Des gouttes d'eau coulent de mon front et quelques mèches de cheveux y sont collées. Quand je remarque que je n'arrive pas à respirer correctement, ma main attrape fermement mon pyjama, dans l'espoir que davantage d'air passe à travers, mais ça ne fonctionne pas.

Mon incapacité à respirer est si écrasante, que j'ai la sensation que je vais mourir à tout moment.

Sans doute alerté par mon angoisse, je remarque seulement maintenant la présence de Taehyung à mes côtés. Néanmoins, j'ai la vue tellement embrumée et la tête qui tourne, que je ne sais pas s'il est réveillé depuis longtemps, ni depuis combien de temps, il a remarqué que ça ne va pas.

Comprenant très vite ce qui se passe, sans réfléchir, il serre mon corps contre le sien et en un instant, nous atterrissons dans le jardin.

Malheureusement, être dehors ne m'aide pas, car je ne retrouve toujours pas une respiration régulière.

— Jungkook, regarde-moi !

Sa voix vibre dans ma tête et mes oreilles bourdonnent à cause de mon état. Je ne peux m'empêcher de bouger dans tous les sens. Rester immobile me donne encore plus l'impression d'étouffer.

Ne me voyant pas réceptif, Taehyung attrape mon visage avec ses mains pour me forcer à l'écouter. Mais c'est impossible. Même si son geste est doux, j'ai l'impression qu'un mur est sur le point de m'écraser.

Je ne sais pas comment, mais j'arrive à repousser ses bras loin de moi et je manque de tomber en avançant. Les bruits sifflants et suffocants qui sortent de ma gorge me font frissonner de la tête aux pieds. Pourtant, je ne remarque aucune branche d'arbres s'agiter dans la forêt, ce qui signifie que le temps est assez doux.

Ne contrôlant plus mon corps, je décide finalement de le laisser s'écrouler sur l'herbe mouillée. Et bien que je possède des manches longues, sa fraîcheur me frigorifie. Si je me suis réveillé en sueur et brûlant à cause de mon rêve il y a quelques secondes à peine, le mélange avec l'air extérieur ne m'aide pas à réguler ma température.

J'ai le temps de voir les yeux paniqués de Taehyung, qu'un bref instant, avant que Zach ne sorte brusquement de la maison en courant dans notre direction. Il repousse le vampire avec sa main pour avoir de la place et saisit mes épaules pour me redresser. Il pose ensuite un genou à terre pour rester derrière moi, et m'empêcher de tomber une nouvelle fois.

Alors que je suis toujours en train d'hyperventiler, je le vois me mettre un étrange accessoire sur le nez. J'ai l'impression que ça ressemble à un masque, mais pas celui qu'on voit à l'hôpital. Celui-ci est différent, parce qu'il y a plein de plantes dessus.

Au contact de mon visage, l'oxygène commence peu à peu à réapparaître. Réduisant considérablement la douleur épouvantable dans mes poumons.

— Tout va bien, Jungkook. Respire doucement, je suis là, murmure-t-il près de moi pour me rassurer.

Réalisant que cet objet m'aide à respirer, ma main saisit brusquement le poignet du sorcier, craignant qu'il ne s'en aille. Pendant que j'arrive à me calmer un peu, je vois une étincelle bleutée sortir du masque. C'est sans doute grâce à sa magie qu'il a réussi à le fabriquer.

Des perles silencieuses roulent sur mes joues, soulagé de voir que la crise commence enfin à se dissiper. Sans attendre, Taehyung nous rejoint et attrape ma main, où il vient y procurer de douces caresses.

J'aimerais lui sourire, essayer de le consoler, mais pour l'instant, je ne peux pas prononcer un seul mot. Puis, comme si tout le monde sentait que quelque chose ne va pas, je vois les lumières de la maison s'allumer les unes après les autres.

Et en seulement une minute, le reste du groupe nous rejoint dehors, regardant en silence la scène avec des regards effrayés et des visages tristes.

Je me laisse bercer par les battements de cœur de Zach et les gestes affectueux de Taehyung, tandis que je regarde les étoiles. Les voir briller si intensément dans le ciel obscur aide à apaiser mon corps et mon esprit.

Ma chaleur corporelle commence à se stabiliser un peu, ainsi que mon souffle, mais je ne sais pas si je peux respirer sans ce que Zach tient en ce moment.

Le devinant certainement, je suis rassuré de voir qui ne le retire pas tout de suite, me donnant tout le temps dont j'ai besoin.

Dans ma vie, j'ai été plusieurs fois sur le point de mourir. Tous ces moments étaient épouvantables et terrifiants. Mais miraculeusement, j'ai toujours réussi à m'en sortir.

Au bout du compte, la tempête passe à chaque fois et j'ai pu voir les rayons du soleil s'éclairer juste au-dessus de ma tête.

Par conséquent, je devrais être habitué aux sentiments que l'on éprouve après avoir frôlé la mort à répétition.

Et pourtant, si Zach n'avait pas réagi aussi vite, je pense sincèrement que ça aurait été terminé pour moi ce soir.
















Aujourd'hui, pour la première fois en vingt-six ans d'existence, j'ai cru que mon cœur allait s'arrêter, tant la douleur était insoutenable.

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Nous avons revu Jonah ! Même si c'était dans un rêve, j'espère que vous êtes contents haha.

Qu'avez-vous pensé de ce chapitre, les amis ? Je suis curieuse.

Puis la fin avec un Jungkook plus mal que jamais... petit cœur.💔🥺

On se retrouve très bientôt, bon week-end et prenez soin de vous. ❤️‍

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