1 - La ruelle

La ruelle
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Je sens des cheveux me chatouiller la nuque, des longs doigts fins légèrement froids, caresser avec tendresse ma joue. Je vois ensuite que des lèvres s'étirent vers le haut en guise de sourire, mais je n'arrive pas à voir au-delà, comme si à partir de la bouche le visage de la personnes était flou.

Je lève ma main droite, m'apprêtant à le toucher quand tout à coup cette personne disparaît, comme si elle s'était évaporée. Je me retrouve seul, dans ce grand lit alors qu'il y a une seconde à peine, ce qui je croit ressemble être un homme, était au-dessus de moi à me cajoler avec tendresse et bienveillance.

La chaleur que me procurait sa présence est maintenant juste devenue glaciale, terne et vide.

J'arrange ma fine chemise blanche et saute du lit pour aller inspecter le couloir et les autres pièces espérant le trouver, mais aucun signe. Je ne vois absolument rien.

Ma poitrine s'agite brusquement me causant une grosse douleur, j'appelle cette personne dont j'ignore l'identité par un faible « revient » mais soudainement je disparais à mon tour et je me réveille en sursaut dans un lit.

Mon lit.

Mon t-shirt bleu foncé est imprégné de sueur et je sens que mes cheveux collent à mon front, ma respiration est saccadée. Par réflexe, mes mains viennent empoigner fermement le drap, comme s'il cela allait m'aider à sortir de cet état second étrange.

Je n'avais pas l'impression que ça soit un cauchemar, même s'il a terminé étrangement les quelques dernières secondes,. En ce qui concerne le reste, je m'y sentais incroyablement bien.

Alors pourquoi mon corps réagit-il de la sorte ?

Les caresses que je recevais étaient douces et réconfortantes, et la présence de cet individu près de moi avait eu l'air de combler quelque chose en moi.

Je ferme ma bouche pour me calmer et arrêter de ventiler quand la porte s'ouvre, et la lumière de ma chambre s'allume.

Oncle Darren me regarde inquiet et vient s'asseoir à mes côtés sans me quitter des yeux un seul instant.

— Encore ce fichu cauchemar ?

Sa voix est légèrement grave due à l'inquiétude. Je sens que ça va un peu mieux, je me redresse alors en tailleur et libère mes mains du couvre-lit. Je hoche la tête et il soupire en baissant la sienne une seconde, soulagé.

Je ne le fais pas toutes les nuits, mais tout de même assez souvent. Je revois toujours les mêmes doigts, les mêmes cheveux noirs légèrement longs qui chatouille ma nuque, ce même sourire.

J'essaye toujours de le toucher et avant que je ne puisse le faire, tout s'évapore et je me réveille comme si je venais de rêver de la pire chose qui puisse exister en ce monde.

Je n'ai pourtant pas ce ressenti sur le moment, c'est plus comme si j'étais dans un nuage rempli de couvertures en laine douce et chaude et que tout était paisible.

Perdu dans mes pensées je remarque Oncle Daren revenir dans ma chambre avec un gant un peu humide et un verre d'eau.

Il vient dégager mes cheveux et me le passe sur le front ainsi que mes joues. Le contact de l'eau sur mon visage me fait rapidement du bien et je bois le verre d'un seul coup, à moitié déshydraté.

Je le regarde pendant qu'il s'occupe de moi, il fait toujours ça après le rêve, je préfère le qualifier ainsi.

— Tu sais c'est étrange, car quand je rêve ce n'est pas du tout effrayant, c'est plutôt quelque chose d'apaisant et d'agréable même.

Je soupire et pose le gant sur ma table de chevet quand il a perdu de sa fraîcheur. Les yeux d'Oncle Darren entrent en contact avec les miens et il hoche la tête.

— On ne contrôle pas de quoi on rêve, le cerveau peut paraître si fascinant et terrifiant à la fois. Beaucoup de choses ne s'expliquent pas toujours. Peut-être que dans ton rêve tu te sens bien et qu'une fois réveillé ton corps exprime tes vraies émotions, ce que tu ne peux peut-être pas forcément transmettre à l'intérieur du rêve.

Je le regarde les yeux presque émerveillés, c'est vrai qu'il y a du sens dans ce qu'il dit.

— C'est tout de même bizarre de rêver de quelqu'un non ?

Ses sourcils se froncent.

— C'est quelqu'un que tu connais ?

Mes sourcils se froncent pendant que j'essaye de visualiser ce que je vois lorsque ça se produit. Je pense alors à son visage, ses mains, sa mâchoire, son sourire.

Est-ce que je connais cette personne ? Je ne pense pas. Je secoue la tête de gauche à droite.

— Non, j'en ai pas l'impression.

Il acquiesce l'air songeur et je jette un coup d'œil à mon réveil quand je le vois bâiller.

Oh mince, il est plus de trois heures du matin ! Ma bouche forme un cercle de surprise et je me remets rapidement sous la couette la mine coupable.

— Je n'avais pas réalisé qu'il était si tard pardon de t'avoir réveillé... encore une fois.

Il bouge la tête et tapote ma cuisse avec un sourire rempli d'amour.

— Ce n'est pas grave Jungkook, rendors-toi. Tu te lève dans trois petites heures, alors essaye de ne plus y penser.

— D'accord.

Il arrange ma couverture quand il se lève et m'embrasse sur le front avec tendresse, je ferme les yeux une seconde face à son geste et les rouvre quand il recule pour pouvoir le regarder.

— Je t'aime mon grand.

Je souris comme un gamin en entendant ses mots.

— Je t'aime aussi Oncle Darren.

Il sourit à son tour et sort de la chambre en fermant la porte derrière lui. Une fois seul et à nouveau dans le noir je soupire, et m'allonge confortablement sur mon oreiller en tenant Bob l'ourson contre moi.

Je ne peux m'empêcher de le serrer un peu trop fort, apeuré de rêver à nouveau et de retourner dans l'état second où j'étais quand je me suis réveillé.

Qui est la personne dans mon rêve ? Est-ce seulement mon imagination ou une personne que j'ai réellement connue ?

Tant de questions, posées dans ma tête tellement de fois.

Épuisé, je suis soulagé de vite me rendormir, espérant à mon réveil me débarrasser de cette impression lourde et épuisante qui m'oppresse de jour en jour.

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Tout le monde plie bagage d'un pas rapide, et les étudiants en psychologie sortent de l'amphithéâtre dans un moment de foule et de rapidité.

C'est lié à l'euphorie de vite rentrer chez soi après une longue et éprouvante journée de cours.

J'adore ce que j'étudie, j'en suis passionné, mais parfois les journées peuvent vraiment être épuisantes.

Ne voulant pas prendre le risque d'être bousculé ou de tomber, j'attends que le plus gros de la salle s'en aille pour partir à mon tour.

J'enfile mes écouteurs, enfouis mes mains dans les poches de mon manteau noir et entame ma marche vers l'appartement qui est à une quinzaine de minutes de l'université.

Comme d'habitude par réflexe, je baisse légèrement le volume de ma musique quand j'entame les dernières minutes de mon chemin qui se situent dans des ruelles un peu plus désertes et sombres.

Simple mesure de sécurité.

Je lève la tête pour observer la lune en demi-croissant, sous un ciel aux nuances de noir remplis de scintillantes petites étoiles.

Mais j'arrête mes pas quand j'aperçois quelque chose sur ma droite, dans une petite ruelle.

Je pense voir ce qui me paraît être une silhouette sur le sol et une autre qui a l'air accroupi devant elle. Y a-t-il quelque chose de grave ? Je marche tout doucement en leurs directions après avoir ranger d'un geste brusque et rapide mon téléphone et mes écouteurs dans mon sac, et demande d'une voix faible et légèrement hésitante.

— Excusez-moi, tout va bien ?

Tu es stupide Jungkook, écoute Oncle Darren au lieu de faire l'idiot quand il te dit de ne pas te mêler des affaires des autres, et de te préoccuper de rien d'autre que de la route qui mène chez toi.

Je sais qu'il m'a toujours dit de fuir et de ne pas me mettre moi-même dans une situation que je trouve étrange ou suspecte. Mais peut-être que quelqu'un a besoin d'aide ou est en danger, je me sens obligé de m'en assurer avant de partir.

Je préfère jouer les bons samaritains pour une fois. Je vais seulement m'assurer que tout le monde va bien et repartir tranquillement.

Ne recevant pas de réponse, je m'apprête à reposer ma question mais je m'arrête à nouveau quand je vois du mouvement.

Étant un peu plus loin du lampadaire qui se trouve à présent derrière moi au début de la ruelle, je n'arrive pas à voir exactement ce qui est en train de se passer devant moi.

Mais voyant la personne accroupie commencer à marcher soudainement vers moi après s'être enfin rendu compte de ma présence, je remarche sur mes pas pour m'approcher du lampadaire.

Instinctivement, ma respiration accélère et l'atmosphère devient soudainement étrange ou alors c'est ma peur grandissante qui me fait ressentir ça.

— Vous...vous... Avez-vous besoin de quelque chose ?

Je sais que je pourrais partir en courant mais je ne sais pas de quoi la personne en face de moi est capable.

Peut-être tient-elle un couteau que je ne vois pas encore, peut-être qu'elle court hyper vite, ou pire qui sait ?

Nous reculons encore un peu, et quand on arrive sous le lampadaire je me fige instantanément en réalisant ce que j'ai sous les yeux.

Aussitôt que je vois l'homme face à moi, mon corps entier se fige, comme si toute vie venait de quitter mon corps.

L'individu face à moi, a le contour de la bouche en sang, je remarque même quelques gouttes ruisseler le long de sa gorge et atterrir sur le sol en jouant une petite musique, tâchant au passage son haut.

Et ses yeux rouges pétillants m'observent sans aucun clignement, sans aucun mouvement, sans me quitter un seul instant du regard, comme s'il allait me sauter dessus à tout instant.

Personne sur terre n'a les yeux rouges. Les seules personnes qui peuvent me venir à l'esprit, sont les vampires, du moins dans les livres leurs yeux sont toujours décrits ainsi.

Mais... attendez... ai-je bien dit vampire ?

Je plisse mes yeux comme pour analyser davantage les pupilles de l'homme en face de moi et mes orbites s'arrondissent, réalisant que tout a l'air bien vrai.

Comprenant enfin, je m'apprête cette fois à produire la course de ma vie quand je suis violemment plaquée contre le mur, d'une force si inhumaine que ma respiration se coupe quelques instants.

Ma cage thoracique monte si vite que j'ai l'impression qu'elle va se briser, le vampire est à quelques centimètres de moi, je sens son souffle sur mon visage.

J'essaye de réfléchir à quoi faire mais je n'arrive plus à penser, bien trop effrayé et complètement chamboulé.

Comme si une part de moi accepter mon sort, comprenant que je n'ai aucune chance, je ferme les yeux refusant de voir le visage heureux, satisfait et amusé de mon agresseur qui semble prendre un malin plaisir à me voir dans cet état.

Alors que j'attends qu'on me tue, que j'attends de sentir ses dents dans mon cou, un courant d'air frappe soudainement mon visage

Une légère brise fait voltiger mes cheveux comme si le vent avait voulu délibérément surgir sur moi. C'est là que je remarque que quelqu'un vient d'arriver derrière mon assaillant.

L'homme qui s'approche de mon cou, plongé dans un état d'exaltation continue sa course vers ma chair froide et humide de terreur, ne remarquant pas là personne derrière lui.

Comme des étincelles, ses yeux bruns viennent prendre d'abord une faible couleur orangé, et petit à petit ils virent totalement aux dorés.

Est-ce que la couleur de ses yeux devrait me rassurer ?

Quand ses pupilles pénètrent enfin les miennes, un frisson me gagne immédiatement. Mais pas de peur comme il y a quelques minutes quand j'ai aperçu le vampire aux yeux d'un rouge glacial, celui-ci est un frisson de soulagement.

Je sens subitement une chose surprenant s'échapper de lui, comme si toute sa personne était d'un coup dessinée d'un trait rouge qui montre sa force et sa volonté.

— Ferme les yeux.

Sa voix est légèrement grave, mais pas effrayante, elle est même réconfortante.

Ne voulant pas prendre le risque de signaler sa présence, ou de perdre du temps à lui en demander la raison, je m'exécute immédiatement avec une pointe d'inquiétude au fond de moi.

Et moins de trois secondes après, je sens les mains du vampire se détacher de mes bras manquant presque de me faire basculer en avant, j'entends ensuite un bruit semblable à une branche qui se brise et puis plus rien.

Le silence, total.

Ne sachant pas si je peux ouvrir les yeux ou non, je reste appuyé contre le mur en fermant fortement les paupières et mes poings, pour calmer les battements de mon cœur qui résonnent dans ma tête.

Je suis obligé de pousser un petit cri quand je sens qu'on touche soudainement mes épaules.

— C'est fini, tu peux les ouvrir.

La voix de mon sauveur est à présent plus calme et gracieuse que tout à l'heure, comme si la menace avait été éliminée.

D'un geste de méfiance j'en ouvre d'abord un avant d'ouvrir l'autre pour m'assurer qu'il n'y a plus de danger.

J'en profite alors pour regarder autour de moi et je remarque très vite le vampire sur le sol à ma gauche.

Je fronce les sourcils quand je réalise avec horreur que sa tête n'est plus sur ses épaules mais à quelques centimètres plus loin de son corps.

Oh bordel.

Aussitôt, avant que je n'ai le temps de me faire plus de réflexion, la main droite du vampire décorée de plusieurs bagues, empoigne délicatement ma mâchoire pour faire changer mon regard de direction.

Voyant ma mine craintive et ma confusion, il m'oblige à me décaler un peu du corps sans vie.

— C'est l'un des moyens pour abattre un vampire, je vais aussi devoir brûler son corps pour m'assurer qu'il reste bien mort. Je le traquais, il l'aurait été tôt ou tard de toute manière.

Je reste la bouche presque ouverte ne sachant pas quoi dire.

Je viens d'apprendre que les vampires existent réellement, qu'ils vivent parmi nous dans l'ombre alors je ne sais pas ce que je suis censé dire à l'instant même.

« Ok vas-y, je te regarde faire ton petit barbecue. »

Donc je préfère me faire, par peur de dire une chose stupide et passer pour un humain idiot et naïf et aussi par peur de dire une chose inappropriée.

S'il le fait c'est qu'il doit le faire, mon commentaire n'y changerait rien.

Il tourne cette fois mon corps entier à l'opposé de celui du vampire, j'entends un léger clic et de la chaleur se propage soudainement autour de nous, une forte énergie de feu.

Après quelques secondes l'air frais du soir reprend place et les flammes ont complètement disparu ainsi que la dépouille.

Le sol est vide comme si rien ne s'était passé.

C'est donc ça être un vampire . Vivre des années voire des siècles et puis disparaître d'un coup après avoir été brûlé et tué comme si votre existence n'avait jamais compté ?

Je trouve ça un peu triste dit comme ça.

Après avoir rangé le briquet dans sa veste, mon sauveur entame sa marche vers le fond de la ruelle, et sans vraiment comprendre pourquoi, mes pieds se mettent à le suivre.

Me disant qu'un autre pourrait surgir de n'importe où, et que l'homme qui m'a sauvé la vie même s'il fait peut-être partie d'eux, m'inspire plus confiance que de rester seul.

Je fais les gros yeux quand je comprends ce qu'il est en train de faire.

C'est vrai qu'il y avait deux personnes quand j'ai jeté un œil à la ruelle, qu'une silhouette semblait être allongée au sol. Maintenant que je suis plus près de l'endroit en question, tout s'éclaircit dans mon esprit.

Une femme est à moitié inconsciente, je remarque des traces de dents sur son cou qui saigne encore un peu.

Le vampire qui s'apprêtait à m'attaquer, l'avait déjà fait sur elle. Même si je n'aurais rien pu faire, je regrette de ne pas être arrivé quelques secondes avant. Peut-être qu'ainsi elle aurait été épargnée de cette horrible attaque.

Le vampire au manteau noir s'agenouille devant elle et la redresse doucement pour qu'elle soit contre le mur et l'observe avec attention en plissant les yeux.

Restant un peu en retrait je joue nerveusement avec mes doigts en les observant tous les deux à tour de rôle.

— Est-ce qu'elle est...morte ?

Il y a un petit silence avant que je le vois secouer faiblement la tête, je ferme les yeux et ma poitrine descend de soulagement. Dieu merci.

— Mais ce n'est pas passé loin, s'il l'avait continué à boire son sang quelques minutes de plus, elle le serait. Une chance que tu sois passé par là, tu lui as sauvé la vie. Il a entendu ta présence, il a sûrement senti ton odeur et sa faim a dû grandir.

Je déglutis de peur. J'ai faim de hamburgers, de pâtes, de viande, de lasagnes, eux ont faim de sang. C'est plutôt répugnant en y pensant, même si je sais que c'est ce qui leur permet de vivre.

Prenant un peu mon courage à deux mains, j'avance quelques pas pour me positionner à côté et non derrière le vampire, mais je décide tout de même de rester debout.

— Ma chance ça a été que tu nous trouves, j'aurais fini comme elle autrement, ou pire.

Je me tais ensuite le temps d'observer la jeune fille qui a l'air d'avoir mon âge, ou à peine un peu plus. Puis mes yeux regardent à nouveau le garçon.

— Qu'allons-nous faire ?

Me sentant un peu plus courageux, mes jambes s'abaissent lentement vers le sol, je pose un genou à terre et garde l'autre le pied au sol.

Il sort un mouchoir blanc de son manteau et fait une petite pression sur la blessure de la femme pour essuyer le sang restant, tout en m'expliquant ce qu'il s'apprête à faire.

— Les vampires peuvent hypnotiser les humains, leur faire oublier ce qu'il souhaite, ils formulent leurs demandes et elle est exaucée. Très pratique dans une situation comme celle-ci.

— Un peu comme le génie, c'est trop cool.

Son regard sévère et mystérieux se pose sur moi tandis que je fais les gros yeux réalisant qu'il ne comprend peut-être pas de quoi je parle.

— Oh, c'est de...

— Je connais Aladdin merci.

Évidemment qu'il connaît.

C'est vrai que dis comme ça, cela peut-être effectivement utile, mais je doute que beaucoup l'utilisent à bon escient.

Certains doivent en abuser de savoir que peu importe ce qu'ils font subir à un humain, ils seront protégés derrière car là victime ne se souviendra de rien.

Cette faculté est fascinante et consternante à la fois.

Le beau vampire s'approche de la victime, assez pour que ses yeux soit bien ancrés dans ceux de la femme, il caresse d'une main tendre ses cheveux pour la calmer, malgré qu'elle soit encore dans un drôle d'état. Et d'une voix claire et précise, comme s'il récitait un texte de théâtre, il dit ces quelques mots.

— Tu as eu une grosse piqûre d'insecte et tu dois garder un pansement quelque temps et bien nettoyer ta plaie. Tu oublieras complètement ce qui s'est passé ce soir et l'existence des vampires. Tu rentreras chez toi, soigneras ta plaie et ira te coucher.

Je ne vois pas clairement à cause du manque de lumière mais je crois remarquer les pupilles de la fille changées légèrement pendant l'hypnose du vampire.

Quand il s'arrête de parler elle semble déjà immerger, et reprendre de faibles couleurs, comme si son corps venait d'évacuer la morsure.

Il déchire ensuite un bout de son t-shirt pour pouvoir faire le tour de son cou et lui cacher sa blessure aux yeux de tous, créant ainsi une sorte d'écharpe.

L'homme aux yeux dorés l'aide à se lever et en exécutant ses paroles, elle tourne à la prochaine rue à gauche continuant ainsi son chemin l'air de rien, comme si elle ne venait pas d'échapper à la mort il y a moins de dix minutes à peine.

Je suis obligé de cligner des yeux à plusieurs reprises, l'hypnose marche donc vraiment ?

Je n'en doutais pas, si c'est une aptitude chez les vampires je me doute bien qu'elle fonctionne, mais de voir cette fille marchait normalement et rentrer chez elle sans un mot après ce qui vient de se passer, c'est vraiment perturbant.

Quand elle n'est plus dans notre champ de vision, il se tourne à présent vers moi.

Il me regarde de longues secondes, comme s'il essayait de mémoriser chaque trait de mon visage. Mais ses émotions sont indéchiffrables, aucune ne se dessine, se laisse apparaître.

J'ignore s'il ne ressent vraiment rien à l'instant même, ou s'il est juste extrêmement bon pour réussir à les cacher aussi bien. Il racle sa gorge et ses yeux redevenus bruns me regardent plus tendrement.

— Tu es tout à fait conscient de ce qu'il vient de se passer, je me dois donc de te poser la question avant de faire quoi que ce soit. Je peux faire une hypnose sur toi également. Te faire oublier toutes les horreurs que tu as vues ce soir et l'existence des vampires.

Pourquoi est-il si gentil ?

Pourquoi ce souci t'il de ce que je pense où ressent ?

Pourquoi ne pas me mordre ou bien utiliser son pouvoir sans mon consentement ?

Pourquoi a-t-il les yeux dorés et non rouges ?

Cela a-t-il une grande différence ?

Maintenant je suis tiraillé de mille questions, j'ai envie de savoir toutes ces choses qui ont l'air si fascinantes et intrigantes à présent que je sais que tout cela existe.

Et puis ce garçon est si énigmatique et fascinant.

Soit j'oublie tout ce qui s'est passé ce soir et reprend ma vie en tant que simple humain étudiant la psychologie et vivant avec son oncle.

Ou alors je deviens un humain qui connaît l'existence des buveurs de sang et qu'un tout autre monde vis en réalité dans le nôtre sans qu'on ne s'en aperçoive.

Que choisir ?

Est-ce que ce qui s'est produit ce soir serait le destin ?

Que je rencontre cet homme pour une raison que j'ignore ?

Que j'apprenne l'existence des vampires dans un but précis ?

Je serais fou de ne pas vouloir oublier tout ça n'est-ce pas ?

Mais comment le vouloir quand on apprend une chose qui nous dépasse, une chose si surréaliste et à la fois si incroyable ?

Plus je regarde ses yeux bruns, plus je repense à ses yeux dorés, et plus j'ai envie de mes souvenirs de chaque seconde de cette soirée, même si elle a été effrayante.

Je me redresse d'un bon quand je me suis décidé, ce qui lui fait froncer les sourcils. Ses pupilles parcourent chacun de mes mouvements.

— Alors, que décides-tu ?

— Je veux me souvenir. Ne l'utilise pas s'il te plaît.

J'ignore pourquoi je le supplie, peut-être de peur qu'il le fasse n'espérant pas cette réponse de ma part, peur qu'il veuille tout de même le faire pour se protéger.

Ses yeux s'arrondissent de quelques millimètres et il finit par hocher la tête, je crois même apercevoir un faible, très faible rictus sur ses lèvres quand il baisse la tête une seconde avant de la relever.

— Bien, si c'est ce que tu souhaites, je ne ferais rien.

Je ne m'étais pas rendu compte que je reculais, quand mon dos entre en contact avec le mur.

Le vampire a suivi mes pas car il est très proche de moi, nos yeux jouent ensemble, se découvrent, ce détail pendant quelques minutes. Puis il coupe le silence d'une voix posée et remplie de chaleur, une seconde fois il répète la même phrase prononcée tout à l'heure.

— Ferme les yeux.

Ne voulant pas rompre notre contact visuel, étant comme envoûté par sa beauté, je m'exécute finalement quand il répète ces mots une nouvelle fois me voyant pas lui obéir.

Je respire bruyamment comme si l'air venait de diminuer subitement et j'attends.

Je crois qu'il avance vers moi car je sens à présent son souffle sur mon nez. Je pense également sentir ses lèvres se poser le temps d'un court instant sur mon front mais je suis bien trop affolé, fasciné et troublé pour en être certain.

Et cette présence chaude et réconfortante disparaît délicatement laissant place au vent glacial qui frappe mon visage me ramenant soudainement à la réalité.

Je rouvre mes yeux et soupire laissant apparaître un nuage blanc quand je constate qu'il n'est plus là, que je suis seul.


Que soudain tout ce qu'il vient de se passer ressemble étrangement à un rêve.

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