9.1⭐Oui, Oui Baguette

« Tu prends combien de sucre dans ton café ? »

Je tourne la tête en direction de la porte de ma chambre, les cheveux en pétard alors que Ben se tient à l'entrée, habillé de son jean de la veille. Il est encore tôt mais la lumière s'infiltrant à travers les stores vénitiens rend presque transparente la ligne de poils blonds descendant le long de son torse nu.

Je me force à me redresser avant de bailler et m'étirer les bras lorsqu'il se racle la gorge et me dit :

— Comment est-ce que je... bref. Combien ?

— Un seul, s'il te plait. J'arrive.

Il frotte ses cheveux avant de me laisser comprendre sa réaction en me voyant : le vieux t-shirt dont je me sers comme pyjama s'est relevé lorsque j'ai tendu les bras et mon ventre autant que le bas de ma poitrine nue étaient visibles.

Lorsque je m'installe quelques minutes plus tard au comptoir de ma nouvelle cuisine, Ben a enfilé son t-shirt et fait glisser deux œufs au plat dans l'assiette en face de moi.

« Je ne savais pas ce que tu mangeais le matin et je n'ai trouvé que ça dans le frigo. Est-ce que ça te va ? C'est plein de protéine. »

Je me contente de hocher la tête avant de profiter de la vue sur son cul toujours à damner.

Est-ce que Ben et moi avons couché ensemble hier soir ? Non.

Après lui avoir raconté comment j'ai vécu ce désastreux moment télévisuel qui restera à jamais dans les annales, l'ambiance entre nous était gênante.

On est resté assis sur le banc à observer les gens devant nous. Un silence agréable suffisant pour me calmer.

Après ça, Nathan et Parker nous ont retrouvé pour qu'elle nous fasse goûter ce qui était selon elle, le meilleur stand de dégustation de rhum du festival.

Nous avons ensuite discuté et rigolé tous les quatre, Parker improvisant des danses jusqu'à tomber de fatigue.

Vu le degré d'alcool dans nos verres, j'ai proposé à Ben de rester dormir chez moi pour lui éviter de prendre le volant. Le reste de la soirée s'est terminé en discussion sur mon lit jusqu'à 3h du matin, alors qu'il m'expliquait pourquoi il est impossible de ne pas être amoureux de Keanu Reeves.

— Arrête de me mater, dit-il en se retournant.

— Tu as fait pareil tout à l'heure.

— Tu m'as provoqué. C'est bon ? Je demande parce que comme tu es française, tu dois préférer des petits-déjeuners plus élaborés.

— Tu penses qu'on se lève chaque matin pour aller à la boulangerie et manger des pains au chocolat ?

— Ce n'est pas... le cas ?

— On n'a pas tous des boulangeries en bas de chez nous ou le budget pour faire ça. Chez moi, c'était des céréales « premier prix », mais jamais de viennoiseries.

Ben cligne plusieurs fois des yeux, comme si je venais de briser un mythe.

— Mais... Et Emily in Paris ?

— Fais un effort, tu es journaliste !

Oui, oui Baguette, je n'ai pas eu la chance d'aller en France pour le constater de mes propres yeux.

— La prochaine fois, je t'emmène dans ma valise.

Il réprime un sourire lorsque j'entends sonner à ma porte. Il n'est que 8h à peine quand j'ouvre sur une Viviane toute heureuse, un sachet en carton dans les mains.

« Je t'ai ramené un croissant au chocolat de chez Karen Donatelli ! »

Le simple mot « croissant » confirme les clichés de Bennett qui la pointe du doigt et part en fou rire.

Si ses sourires valent de l'or, son rire sans retenue vaut tout celui de banque fédérale américaine.

Viviane alterne entre Ben et moi, très surprise, avant de me murmurer : « Je ne savais pas que vous aviez ce genre de relation. »

Ah. Me retrouver de bon matin à peine coiffé, à plaisanter avec un homme dans ma cuisine, c'est une situation à laquelle elle n'avait pas pensé. Surtout vu l'aura de dépression qui me suit depuis des mois.

Il y a deux options. Soit elle fait comme si de rien n'était, soit elle met les pieds dans le plat.

« C'est la première fois que je te vois rire comme ça, Benny. »

Avec sa remarque, il tente de se calmer et doit s'excuser un instant, le temps d'aller jusqu'à ma salle de bain pour reprendre son souffle.

— Merci pour le croissant, dis-je enfin en mordant dedans. C'est pour quelle occasion ?

— Pour t'encourager comme nous allons voir les comptes ce matin... Mais je ne pensais pas que ma venue te dérangerait.

— Il est juste resté dormir après le festival. Rien de plus.

— Hum bien sûr. Et il n'y a rien de plus entre vous ?

J'hésite à répondre. J'ai toujours été sincère avec Viviane mais je ne sais pas si Ben serait d'accord pour que j'en parle à d'autres personnes.

Je crains que l'information ne m'échappe trop facilement et qu'elle arrive jusqu'aux mauvaises oreilles... Pour me retrouver une nouvelle fois sur Twitter avec des threads décortiquant ma rupture avec Tom et la possibilité que je l'aie trompé.

Je n'ai pas envie que Ben subisse le simple fait de me fréquenter.

« Benny ! » s'exclame-t-elle soudain jusqu'à ce qu'il revienne avec son air trop sérieux, « Qu'est-ce qu'il y a entre toi et Alix ? ».

Nos regards se croisent et pendant quelques secondes qui me semblent être interminables, nous restons silencieux avant qu'il ne déclare :

— Ça ne regarde que nous.

— D'accord, je comprends. Faites juste attention à vous et protég- AH ! C'est pour ça que tu m'as demandé le contact de ma gynécologue, Alix ? Et-

— Ça ne regarde que nous, répète Ben. Tu comprends mieux que personne la notion de « vie privée ».

— Très bien. Sachez seulement que je suis heureuse pour vous, même s'il n'y a « rien ».

Il roule des yeux avant de regarder l'heure et terminer d'une bouchée le reste de ses œufs. Il s'excuse et fini de se préparer pour nous quitter quelques minutes après, la rédaction de son article ne pouvant attendre plus longtemps.

Ben accepte l'étreinte de Viviane comme au revoir et, lorsqu'il se plante devant moi avant de passer la porte, il hésite.

— En France, on se fait la bise.

— Vous êtes bizarres.

— Vous faites des câlins à tour de bras. C'est vous qui êtes bizarres !

Je pense qu'il n'a pas bien saisi le concept des deux bises, ou alors il fait exprès, mais Bennett m'embrasse uniquement la joue droite, sa main glissant dans mon dos et provoquant un frisson agréable, avant qu'il ne se retire et quitte l'appartement.

Un soupir s'échappe de mes lèvres jusqu'à ce que je ne reprenne conscience de Viviane nous ayant observés avec amusement. Je file directement dans la salle de bain et, après une bonne douche, je lui ramène tous les documents nécessaires pour faire les comptes de la boutique.

— Tu l'aimes bien, hein ? Benny est un bon garçon.

— Il est sympa quand on ne le voit plus comme un tueur en série.

— Il a toujours eu un côté taciturne. L'entendre rire... ça m'a rassuré. Surtout après la mort de Nana... Je pensais qu'il n'y arriverait plus. Il n'y avait que sa sœur qui provoquait ce type d'émotions chez lui.

— Parker m'en a un peu parlé... Je n'ose pas aborder le sujet avec lui. C'est surement inapproprié.

Viviane m'observe avec un air chaleureux alors que je sors ma calculette et mon stylo, lorsqu'elle murmure plus pour elle-même :

« Il faudrait que quelqu'un prenne soin de lui, pour une fois. »



 ⭐⭐⭐



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