5.1⭐Le wagon des aveux
« Les gens se font une idée biaisée des orgies. Comme s'il n'y avait que des jeunes bien gaulés reproduisant toutes les positions du Kâmasûtra.
La réalité, c'est ça. Un savant mélange et une liaison de corps.
Alors, tu en penses quoi ? »
Je profite de sa quasi-nudité pour fixer avec attention le tatouage qu'il a au creux du coude : une toute petite planète dont un minuscule avion fait le tour.
— Plus haut, les yeux.
— Je pourrais te dire la même chose.
— On doit se concentrer pour ne pas regarder ta poitrine tellement elle est présente.
— Je ne sais pas comment je dois le prendre.
— Comme moi lorsque l'on parle de mon cul.
— Outch, à ce point ?
— Au lycée, on m'a élu « meilleur cul de l'année ».
— C'est une blague ?
Bennett baisse légèrement ses lunettes avant de me désigner du doigt une quarantenaire bien conservée en train de mettre en laisse quelqu'un... Et cette femme, c'est Viviane.
Je ne l'avais jamais vue nue et ce n'était pas mon souhait, mais je comprends pourquoi, quand j'étais son assistante, elle avait plusieurs amants.
« Tu n'as qu'à lui demander. Les gens d'ici ont tous un grain. Je pense que c'est à cause des vapeurs d'alcool et du gaz des bombes de peinture, le tout mélangé à l'air de la montagne. Je compte mener mon enquête. »
Je laisse s'échapper un petit ricanement lorsqu'un homme poilu me passe devant en me jetant un regard mauvais, la queue toute molle.
— Il a cru que tu te moquais de lui.
— N'importe quoi.
— C'est la première fois que je t'entends esquisser un rire. C'était pas mal.
— Tu as raison pour les vapeurs d'alcool. Ça t'atteint toi aussi.
— Pourquoi tu couvres ton corps de tes bras ? Tu sais que les gens ici ne te jugeront pas ?
— Je suis pudique.
— Si c'était vrai, tu ne serais pas entrée. Ni restée. Personne ne te retient.
— Je me cache parce que je suis grosse.
— Allo ? Tu te souviens d'où tu vis ? On est aux États-Unis d'Amérique donc non, d'après les statistiques, tu as le poids moyen d'une Américaine.
— Oui, ben pas en France. Ni dans la jet-set new-yorkaise.
— Tu t'en fous, tu es à Asheville maintenant. Et puis pourquoi ça te préoccupe autant ? Est-ce que tu es à l'aise avec ton corps, au niveau de ta santé ?
— Oui, mais ce n'est pas top.
— Tu vomis quand tu croises ton reflet nu ?
— Non, mais... De toute façon, qu'est-ce que tu peux y comprendre ?
Soudain, Bennett a l'air vanné. Il pousse un soupir las et explique :
« J'étais un petit gros jusqu'à la fin de ma primaire. Je n'avais pas d'endurance et c'était un calvaire de jouer avec les autres enfants.
Et puis j'ai vu un film de super héros. Je voulais être comme eux. Super beau, fort, rapide... donc mon oncle m'a inscrit au club d'athlétisme lorsque je suis rentré au collège. Je n'ai pas arrêté de courir, chaque jour.
Bref, c'est la course qui m'a fait un cul pareil et des cuisses en béton.
Mais je n'oublie pas tous ces enculés qui m'ont insulté parce que j'étais trop gros. Sauf que je ne l'ai pas fait pour eux, mais pour moi.
Et toi, Alix ? Tu souhaites changer ? Si oui, pour toi ou pour quelqu'un d'autre ? »
Il n'y a qu'une réponse stupide qui me vient en tête, surement motivée par le spectacle devant mes yeux :
— J'adorerais avoir un bon cardio pour le sexe.
— Tu tiens combien de temps ? me demande-t-il sérieusement.
— Aucune idée. Je... n'ai rien fait depuis des lustres. Je dois être de nouveau vierge.
— Pourquoi le sexe en premier ? Tu veux retrouver l'amour ?
— Non, bon sang, non...
Les bras croisés sur ma poitrine, je détourne mes yeux de l'orgie devenant de plus en plus dérangeante pour me concentrer sur l'intensité « involontairement meurtrière » du regard de Bennett.
« Tu peux rire, mais Tom est le seul avec qui j'ai couché dans ma vie. C'est avec lui que j'ai perdu ma virginité.
On venait de se mettre en couple. On avait un peu bu, on se sentait bien mais je n'avais pas pensé une seconde à aller plus loin qu'un baiser avec lui.
Il s'est mis à me toucher, j'ai répondu, mais tout est allé tellement vite que je n'ai compris que plus tard qu'il m'avait pénétré sans capote. Sans me demander si j'étais OK. Pour lui, c'était la suite logique. Ce n'était pas sa première fois, loin de là.
Je me rappelle l'avoir vu au-dessus de moi, me regarder avec amour et ivresse, avant de faire ses mouvements de va-et-vient un peu brutaux. Ça me faisait mal et honnêtement, je ne ressentais aucun plaisir.
Il était heureux... alors que j'étais déconnecté. J'étais immobile et je me souviens même avoir simulé des soupirs d'extases rien que pour qu'il se dépêche de finir.
Il a terminé très vite, s'est allongé à côté de moi et est resté silencieux. Pour lui, tout s'était bien passé. Pour moi, c'était la tempête.
Je n'avais pas dit oui, ni non. Je l'aimais et lui aussi donc... ce n'était pas grave.
« La première fois était décevante, mais les prochaines seraient mieux ». C'est ce dont je me suis convaincu sur le chemin en allant à la pharmacie pour me procurer ma première pilule du lendemain.
Seule.
Seule, car en lui annonçant que je n'avais pas de contraception, il m'a dit d'en acheter une, mais qu'il ne pourrait pas m'accompagner parce qu'il n'aurait pas le temps. Entre sa gueule de bois, la fac et ses répétitions de théâtre...
Pourtant, cet épisode ne m'a pas dégoûté de lui. Je cherchais son amour et après ça, il m'en a donné encore plus. Ce n'était pas un type méchant, plutôt un inconscient... Mais plus je vieillis et plus je me dis que cette première fois, même si elle était enrobée de tendresse, était répugnante. »
« C'est un viol. », déclare Bennett sans hésiter et en fronçant les sourcils.
Je ne peux qu'approuver en silence.
— Est-ce que tu en as reparlé à Tom ?
— Quand je l'ai évoqué, il m'a souri et m'a embrassé avant de me dire fièrement que c'était la première fois qu'il avait fait « l'amour » et pas « baiser ». Que ça avait été génial.
— Merde...
— Je n'ai jamais osé lui dire ce que j'avais ressenti, par peur de perdre son affection ou juste... qu'il croit que je me sois fait des films sur ce moment. L'accuser de viol alors qu'il m'aimait, que je ne l'ai pas rejeté et qu-
— Ça ne change rien, m'interrompt-il. Les viols conjugaux sont légion. Tu n'as pas clairement dit oui et même s'il ignorait que c'était ta première fois, il aurait dû te poser la question. Ça lui aurait coûté quelques secondes contre tout ce que tu as ressenti après ça.
— De toute façon, je ne peux rien y faire. Il n'a pas été violent et la limite entre le consentement à l'acte subi était trop fine...
Parler de cette expérience me remue toujours, et terriblement.
Je tiens encore énormément à lui et je ne sais pas si un jour j'aurais le courage de lui parler de cette nuit.
⭐⭐⭐
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