4.1⭐Tabassage d'égo
L'inconvénient avec Isaac, c'est qu'il n'a pas sa langue dans sa poche pour juger n'importe qui, surtout moi, alors qu'il a conscience d'être très blessant.
L'avantage, c'est qu'il passe d'un sujet déprimant à une myriade d'autres marrants et sans rapport en un instant.
Si on lui enlève son charme de rouquin malicieux, il répugnerait tout le monde. C'est ça, la puissance des « belles gueules ».
— Tes yeux observent mille choses à la fois, remarqué-je alors qu'il termine son troisième burger, à même le sol de mon appartement.
— Problème d'attention. Où tu veux en venir ?
— Malgré ça, quand tu écoutes quelqu'un, tu fixes ton regard avec intensité pour te concentrer sur l'autre. Ça donne l'impression d'avoir de l'importance pour toi.
— C'est parce que j'ai envie de te baiser.
— Ta gueule.
— Quoi ? Tu t'es forgé une nouvelle virginité en quittant Tom ?
— Arrête, tu savais qu'entre lui et moi, le sexe n'existait plus depuis longtemps.
Tout à coup, le regard d'Isaac s'illumine et il termine aussitôt son burger avant de me rejoindre. Je suis assise sur une vieille commode en bois, assez solide pour supporter mon poids et visiblement, le sien également.
— Je veux en savoir plus.
— Je ne devrais pas t'en parler.
— Tu ne me fais pas confiance ?
— Non.
Isaac fait la grimace, mais ne réfute pas et continue d'insister pour en savoir plus en s'agitant de droite à gauche de façon agaçante.
« Tom et moi, on a arrêté de coucher ensemble progressivement. C'est comme ça, c'est notre routine qui a tué notre vie sexuelle.
Il avait beaucoup de travail, on ne se voyait plus tant que ça et parfois, je n'en avais tout simplement pas envie. Je préférais le câliner chastement et l'écouter me parler de ses soucis que de réclamer du sexe.
Notre dernier vrai contact, c'était à un gala de charité d'il y a plus de deux ans.
Tu t'en souviens ? Je portais une robe Versace fabuleuse, dorée et blanche. La plus belle que l'on m'ait fait. Même Blake Lively est venu m'en parler pendant la soirée. Je n'ai jamais autant souri en si peu de temps.
Quelques heures après le début de la soirée, Tom m'a pris à part dans une alcôve et m'a embrassé comme si j'étais son oxygène. Tout était parfait jusqu'à ce qu'il glisse ses doigts jusqu'à mon intimité.
Je lui ai dit non. Que la robe avait tellement de valeur qu'il était hors de question de la salir et que ce n'était pas le moment pour ça. Qu'on devrait attendre de rentrer à la maison.
Sauf qu'il ne m'écoutait pas...
Mais Tatiana est arrivée. Elle m'a sauvé et en même temps... elle jubilait. Je l'ai vu dans ses yeux. Elle a trouvé une excuse pour ramener Tom à la raison, s'accrocher à son bras et l'éloigner de moi.
Après ça, on n'a plus eu de contact physique. Tu sais c'est quoi le pire ? C'est que je m'en suis voulu de l'avoir refusé. »
Isaac me fixe avec une intensité déconcertante, mais, même s'il m'a écouté, je suis convaincu qu'il n'a pas saisi ce que je viens de lui raconter.
Que pour lui, le comportement de Tom n'était « pas dramatique ». Que ce n'était pas le point important de l'histoire, ni un facteur déterminant pour mon couple.
« Tate est vraiment maligne. »
Et voilà, j'en étais sûre.
— Ce n'est pas un secret qu'elle a des vues sur Tom depuis des années, poursuit-il, et maintenant que tu n'es plus dans la compétition, elle a le champ libre.
— Cool. Génial. Merci de me le rappeler.
— Sois lucide, Alix. Tatiana est une bombe atomique. Toi, tu es...
— Je suis ?
— Tu es une anomalie. Que ce soit avec ton physique d'avant ou de maintenant, on se demande encore comment tu as fait pour charmer Tom.
— Peut-être avec ma personnalité, connard ?
Les larmes pourraient me monter aux yeux autant que la colère qui me submerge en l'entendant parler... mais ce n'est pas la première fois.
Ma seule façon de faire comprendre à Isaac qu'il a été un gros con, c'est également de lui faire mal.
« Moi au moins, quelqu'un m'aimait. »
Sa main se serre sur la mienne, mais alors que je m'apprête à subir les conséquences de mes mots, ses lèvres embrassent soudain la jointure de mes doigts.
Son contact me met mal à l'aise.
— Mais qui t'aimes, désormais ?
— Toi, peut-être.
— Tu ne te prends pas pour de la merdre p-
— Tu as beau me critiquer, il n'y a aucune raison qui explique ta venue ce soir. Tu sais que j'encaisse tes saloperies et tu aimes me faire du mal.
Encore des vérités qui m'amènent à une réaction inattendue de sa part. Au lieu de fuir, de s'énerver ou de poursuivre notre conversation, Isaac me saisit par le menton.
Il plisse les paupières, me fixant intensément alors que je sens son souffle caresser ma peau... jusqu'à ce qu'il tente de m'embrasser avant que je ne le repousse à temps.
« Je pourrais te baiser, là tout de suite. Dis-moi oui. »
Il me fait plus peur qu'il ne m'excite. Il ne me voit que comme... un morceau de viande.
Même si un homme pareil à l'air si suppliant me désire alors que je suis aussi séduisante qu'une tranche de pain rassis, ça me dégoute.
Sa façon de faire, de me traiter... Je ne suis pas masochiste et je ne peux pas faire ça à Tom, même si nous ne sommes plus ensemble.
Et alors que je commence à sérieusement le craindre, son portable sonne et nous reconnaissons la sonnerie personnalisée.
C'est Jonah, l'agent de Tom.
— Décroche, lui dis-je alors qu'il s'éloigne de moi.
— Non.
— Isaac, c'est surement une urgence.
— J'ai attendu trop longtemps pour avoir une occasion pareille, alors j-
Je suis obligé de lui pincer très fort le bras pour qu'il se reprenne.
Il me jette un regard colérique avant d'enfin obéir et répondre à l'appel. Vu son agacement augmentant de seconde en seconde, Jonah doit avoir besoin de lui.
Je comprends que l'agent est également à Charlotte et donc, que Tom doit y être avec l'équipe de production. J'entends le nom de Tatiana qui, je l'apprends à l'instant, a obtenu le premier rôle féminin.
Génial...
Les sourcils froncés, Isaac fixe ses baskets après avoir raccroché et je me demande bien à quoi il songe et comment il va réagir, lorsqu'il me toise avant de déclarer :
— J'ai repensé à toi, au gala.
— Euh... oui ? Et ?
— Tu t'es vraiment enlaidie, depuis. Autant à l'extérieur qu'à l'intérieur.
— Moi au moins, je ne supplie pas pour qu'on me baise.
— Parce qu'il n'y a que moi qui veut de « ça ». Allez, ciao.
Je n'ai pas le temps de répliquer qu'il est déjà parti.
« Ça ». Il a désigné mon corps comme d'un « ça »...
Je glisse le long de la commode, comme mes larmes de colère et de frustration après avoir assisté au tabassage de mon égo.
Je ne suis qu'une conne qui encaisse, sans vraiment réagir, d'être traité telle de la merde par les mecs comme lui... Parce qu'après Tom Lacroix, je n'ai aucun espoir de retrouver une perle pareille.
Il a raison, je suis une anomalie. Mon couple s'est formé sur un coup de chance.
Et j'ai envie d'une putain de pizza alors que je devrais me prendre un abonnement à la salle de sport.
Alix, tu me fais chier à être aussi faible.
⭐⭐⭐
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