3.2⭐Soit tout, soit rien

Les yeux alternant entre l'extérieur de la boutique et mon portable, j'avale une grande gorgée de thé glacé alors que des lycéens s'amusent sur le trottoir d'en face. Les journées sont de plus en plus chaudes malgré la fin de l'été s'approchant, et le sex shop est prêt à ouvrir.

Presque.

Je bloque sur ma façon de communiquer pour l'inauguration officielle et, après quelques jours à réfléchir, je regrette peu à peu d'avoir rembarré Parker et ses talents.

Mon portable vibre et, alors que j'ai un petit espoir sur le destinataire, c'est le nom de Bennett qui apparait sur mon écran.

J'avoue être déçue, mais mon état d'esprit change rapidement lorsque j'ouvre notre conversation whatsapp et que je découvre une photo de lui, un paquet d'affiches de mauvais goût à la main.

Cela fait presque une semaine que je lui ai parlé de Tom et, n'ayant pas la force d'en raconter plus que notre rencontre et début de relation, Bennett ne m'a pas forcé. Je ne voulais pas le « revoir » de sitôt et encore moins l'intégrer dans mon nouveau quotidien, à cause de ma méfiance due à sa profession.

Mais il a proposé de m'aider pour l'ouverture de la boutique. Sa bienveillance m'a sincèrement choqué, mais il s'est rattrapé en affirmant que je n'y parviendrais jamais seule tant ma tête inspirait la dépression.

Charmant connard.

Il m'a montré ses quelques compétences en graphisme et m'a dit qu'il pouvait s'occuper des affiches annonçant l'arrivée du premier sex shop de la ville.

Qu'est-ce qu'il a à gagner ? La suite de mon histoire.

Je ne lui fais pas encore confiance et je n'ai pas envie de m'attacher, mais ça, ça va être facile. Le plus dur, c'est d'arrêter de mater son cul.

Penchée au-dessus de ma fenêtre, je n'ai fait que ça lorsqu'il est parti après l'interview. Son jean lui faisait vraiment des miches de brioche à la fois moelleuses et denses.

Je regrette de ne pas lui avoir demandé quel rituel satanique a-t-il fait pour le posséder ?

Soudain, mon téléphone vibre de nouveau et alors que je m'apprête à répondre, la sonnette de la porte d'entrée résonne dans la boutique vide.

Mon regard surpris croise celui de Parker, portant dans ses bras une montagne de boules multicolores et lumineuses.

Nous restons là, pendant de longues secondes à nous regarder, avant qu'elle n'ouvre la bouche et la referme comme un poisson.

— Salut, dis-je enfin en rangeant mon portable. C'est... Ça va ?

— Oui... Et toi ?

Je hausse les épaules et me rends compte que c'est vraiment le pire début de conversation que l'on pourrait avoir.

— C'est pour toi, avoue-t-elle un peu hésitante. Ta boutique n'est pas bien orientée vis-à-vis du soleil donc pour éviter l'ambiance glauque avec la pénombre, je t'ai trouvé ça.

— Merci. Tu veux... Boire un truc ? J'ai fait du thé glacé maison.

— Sérieux ?! s'exclame-t-elle en relâchant les boules sur l'un des présentoirs vides. J'adore ça ! J'ai tenté de faire de la citronnade un été, mais c'était tellement sucré que la police m'a arrêté !

— Tu es sûre que ce n'était pas parce que tu n'as pas le droit de vendre à boire dans la rue ?

Parker lève les yeux au ciel, faisant mine de réfléchir, avant de hausser les épaules comme moi il y a quelques minutes.

Je ne peux retenir un petit sourire face à son expression de soulagement, mais également de gêne encore persistante entre nous.

J'ai été stupide de la rejeter d'emblée et de ne me fier qu'à notre premier contact.

Parker doit être une femme « authentique » et, même si elle a l'air vraiment chiante, j'ai envie d'en apprendre plus sur elle.

Bon, je l'avoue, c'est surtout Viviane qui m'a fait la leçon à ce sujet.

Mais elle a raison. Je suis venu à Asheville pour tout recommencer et cela inclut de mettre de côté les aspects blessants de ma personnalité.

Pour ça, je dois faire le premier pas.

— Je voulais m'excuser pour la dernière fois. J'ai été assez sèche dans mes propos parce que j'ai dû mal à être sur la retenue pour exprimer mes sentiments.

— C'est « soit tout, soit rien », c'est ça ?

Je hoche la tête avant de mettre mon téléphone en silencieux, ce dernier s'étant transformé en vrai vibromasseur depuis qu'elle est arrivée.

Je ne suis plus la petite-amie d'une star, donc il n'y a pas d'urgence.

« Voilà, et je suis méchante. Je ne veux pas que tu croies que ta compagnie ne me plait pas. Honnêtement, je n'en sais rien. Enfin... on part quand même mal à ce niveau, mais on se connait à peine, donc je t'ai jugé trop vite. C'est juste que parfois, j'ai besoin d'être seule. De souffler. Dimanche dernier, c'était un peu trop d'un coup.

Te rencontrer, toi qui as l'air si joyeuse et expressive. Avec ton copain et en plus, revoir ce journaliste... »

— Attends, « revoir » ? m'interrompt-elle alors qu'elle démêle les guirlandes de lumière. Tu avais déjà rencontré Benny ? Avant l'accident des ribs ?

— Oui, vendredi soir. Il voulait m'interviewer parce que...

— Parce que tu es l'ex-petite amie de Tom Lacroix ?

Alors elle le savait ? Pourquoi elle ne m'en a pas parlé directement ? C'est ce que font toutes les personnes. Je n'ai jamais été « Alix », mais « la copine de Tom » pendant des années.

Parker me comprend immédiatement et lève ses mains en l'air comme pour prouver son innocence.

— Désolée ! Vraiment désolée, mais avant de te rencontrer, je t'ai googlisé ! J'étais curieuse de savoir pourquoi une Française ayant vécu à New York viendrait errer toute seule dans une petite ville au fin fond de la Caroline de Nord.

— Pourquoi tu n'as rien dit ?

— Je ne souhaitais pas te mettre mal à l'aise. Ça doit être chiant d'arriver dans une nouvelle ville pour recommencer sa vie et qu'on ne te voit que comme « l'ex d'une célébrité ». Je ne voulais pas que tu te sentes mal à Asheville.

— Parker... Merci. Tu n'as pas idée à quel point ça me fait du bien d'entendre ça...

— Je ne suis pas la seule à le penser et c'est pour ça que j'aimerais que tu te plaises ici ! Les gens sont cools et bienveillants et... bon OK, ils boivent beaucoup et fument des trucs qui arrachent la tête, mais ils s'en fichent de ton passé.

— Sauf Bennett, réponds-je amèrement.

— Benny, c'est Benny. Mais il n'est pas méchant. Enfin, ça dépend. D'ailleurs, le fait que tu sois l'ex de Tom Lacroix pourrait te poser des problèmes. J'avoue que si on oublie son beau cul...

— Son cul, hein ?! On est d'accord ?!

— Ohohoh oui totalement ! Il faudrait lui décerner un prix. Et s'il n'y avait que son cul !... Bref, c'est un gars qui a l'air taciturne... Mais cette image est tellement loin de la réalité ! Benny, c'est le mec qui cache le plus son jeu. C'est un dix, mais-

*TOC TOC TOC*

Nous sursautons en même temps en entendant frapper à la porte lorsqu'en voyant le visage d'une personne n'ayant rien à faire devant ma boutique, je lâche mon mug de mes mains que Parker a le temps de rattraper.

« Tu pourrais répondre à mes appels ! »

« Isaac ? » dis-je pour être sûre de ne pas halluciner. « Qu'est-ce que tu fais là ? »



⭐⭐⭐



Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top