2.2⭐Tu lui manques

— Pourquoi Asheville ? Pourquoi pas San Francisco, Denver ou même Charlotte ? C'est à côté.

— Je n'ai pas à répondre à tes questions.

— Bon, je vois que tu n'apprécies pas ma présence ici...

Je lui retiens la main plus par pitié et par politesse que parce qu'il m'a manqué.

« Comment ça va ? » demandé-je en tentant de sourire.

Ses épaules se détendent et il se rassoit en poussant un soupir.

— J'ai besoin d'une pause, mais le temps file entre mes doigts... Heureusement que Jonah gère d'une main de maitre la carrière de Tom.

— J'ai toujours eu du mal avec lui. Je préférais Viviane.

— Je ne suis pas au point de faire un burn-out, rassure-toi. Ou de subir... tout ça.

Il me désigne d'un geste de la main, ce qui m'agace parce que je sais exactement ce qu'il veut dire.

— Tu t'es laissé aller.

— Pitié, tais-toi Isaac, grogné-je en me levant.

— Il fallait que ça sorte.

— Il y a des façons de faire passer un message et tu choisis toujours les pires.

— Comment tu as pu grossir autant en si peu de temps ? poursuit-il en ignorant mon regard assassin. Et tes cheveux, c'est un carnage. Ta tenue, tout... Elle est où la belle Indienne qui faisait tourner les têtes ?

— Bordel, je ne suis pas indienne ! Et cette femme dont tu parles n'a jamais existé. C'était des artifices. Le maquillage, les superbes robes et bijoux... Tom n'était pas avec moi pour mon physique. J'ai toujours été quelconque, mais la notoriété m'a magnifiée, c'est tout. Maintenant, va-t'en.

— Pfff... Je reviendrais te voir quand tu seras moins c-

— Non, l'interromps-je, ne reviens pas. Je ne veux plus de tout ça dans ma vie, c'est clair ?

« Il y a un problème, Lix ? »

Nous nous tournons simultanément face à Viviane qui, même si elle fait son regard menaçant, ne déstabilise pas son ancien collègue.

« Aucun problème » répond ce dernier en rangeant ses portables dans ses poches, « Je m'en vais. Heureux de voir que tu t'en es sortie, Viviane. »

— Toujours un sale gamin, déclare-t-elle en l'observant quitter le bar. Qu'est-ce qu'il te voulait ?

— Compliquer de nouveau ma vie.

— Il a donné l'impression de s'intéresser énormément à toi, malgré ses remarques désobligeantes.

— Arrête.

Si elle savait...

Viviane me regarde d'un air suspicieux, mais n'approfondit pas le sujet, consciente que ce n'est pas le moment pour moi d'en parler.

Revoir Isaac ce soir, ce n'était pas bon. Pas quand il me dit « Tu lui manques, tu sais ? ».

Je manque à Tom. Pfff... C'est quand je sors de sa vie que je lui manque.

Et il suffit de quelques mots pour faire naitre une étincelle pourtant morte dans mon cœur.

Non, Alix ! Non. Reprendre contact avec son ex et se remettre avec lui, c'est comme ravaler son vomi.


Devant nous, une trentaine de gens en train d'écouter un groupe de musique country. Tout autour, des grapheurs pratiquant leur passion sur d'énormes toiles blanches.

Mon ami m'explique qu'elles seront exposées le long de la « rivière des arts », un immense chemin longeant un petit fleuve où de grands bâtiments en brique rouge accueillent les créations des artistes de la ville.


— Pesco-végétarienne, hein ?... Tu veux que j'y aille ?

— Ça va te permettre de sociabiliser avec des gens !

Je fais la queue pendant cinq minutes lorsque, quand c'est mon tour de faire ma commande, le client devant moi se tourne trop précipitamment.

L'un des ribs encore chauds de sa barquette fait un petit vol contre ma poitrine alors à quelques centimètres, et glisse le long de mon t-shirt en étalant la sauce qui sent délicieusement bon.

« Merde ! Pardon ! » s'exclame l'homme devant moi, tout paniqué et passant déjà une serviette propre sur mon haut.

Non seulement il répartit davantage de sauce, mais il provoque également un contact entre ses mains et mes seins. Le pire, c'est qu'il s'en rend compte une demi-seconde trop tard.

Non, le « pire », c'est qu'il s'agit du premier contact humain entre quelqu'un et mes seins depuis plus d'un an.

— Le con, jure-t-il les yeux écarquillés. Je ne voulais pas ! Désolé ! Ce n'était pas vicieux !

— Ce n'est pas grave, dis-je en reculant.

Soudain, je me rends compte de la personne m'ayant percuté. C'est le journaliste d'hier. Le type fan de Tom.

— Je vais prendre deux barquettes avec une sauce au miel s'il vous plait, m'exclamé-je pour ne pas bloquer la file.

— Vraiment désolé, s'excuse-t-il de nouveau. Je peux me rattraper en vous payant votre repas !

— Ce n'est rien. Pas de soucis.

« Oh Benny ! Tu te grouilles, on a la dalle ! » s'écrie une femme au loin, appuyée sur une table de pique-nique de fortune, et accompagnée d'un homme à la carrure immense.

Il me fait signe qu'il revient, mais honnêtement, avec l'alcool dans mon sang, la faim et la fatigue, je n'ai pas le courage d'attendre.

Mes deux barquettes de ribs dans les mains, je retrouve Viviane assise sur des marches de la place construite comme un petit amphithéâtre romain, en train d'observer le concert sauvage en contrebas.

Elle s'inquiète de l'état de mon t-shirt pendant d'interminables secondes avant de me désigner un stand de merchandising du groupe ainsi qu'une fontaine à eau à l'écart de la place.

Je termine mon repas avant d'aller nettoyer mon haut un minimum et de me rendre vers le stand avec quelques dollars en poche.

Il ne reste que des habits trop larges, mais je ne fais pas la difficile, lorsque le journaliste tapote mon épaule.

— Salut. Je voulais vous dire que j'étais d-

— Désolé ? J'avais compris.

— Laissez-moi me rattraper.

Je n'ai pas le temps de refuser qu'il donne quelques dollars au vendeur qui lui tend le vêtement.

— Vous me regardez mal depuis que vous savez que je suis journaliste.

— Tout est dans votre phrase. Vous êtes « journaliste ». C'est suffisant pour que je ne vous aime pas.

— Aie ! Ça fait du mal à ma profession, ça ! Il y a une différence entre moi et les paparazzis.

J'avoue, je suis cruelle, mais j'ai eu affaire à tellement de connards depuis une dizaine d'années que je suis plutôt sauvage avec les inconnus suspects.

« On peut repartir de zéro ? »

Il me tend sa main que je serre, plus pour vite me débarrasser de lui que pour sympathiser, lorsqu'il se présente officiellement :

— Bennett Hawking.

— Alix Anjaratiana.

— Anja...

— Je vous avais dit que j'étais malgache. Ne cherchez pas à le retenir, car nous ne deviendrons pas assez proches pour que vous ayez à noter mon nom.

— Ah... Eh bien, enchanté et bienvenue à Asheville. J'espère que vous vous plairez, ici.

Bennett rehausse ses lunettes avant de ramener ses cheveux blonds en arrière et me fait un petit signe de la main pour me souhaiter une bonne soirée.

Il n'insiste pas et c'est rare. C'est même parfait.

Les gens ne me foutent jamais la paix quand je le désire, mais lui, il a su saisir le bon moment pour s'en aller.



⭐⭐⭐



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