18.1⭐Big Wave
Située dans une résidence calme entourée par une forêt et bien à l'écart de l'agitation du centre-ville, la maison familiale de Ben a l'air d'être un endroit à la foi chaleureux, mais triste pour un homme seul.
L'extérieur est protégé du reste du monde par de multiples arbres centenaires et est décoré par un petit jardin dont la pelouse n'a pas dû être tondue depuis un moment.
Lorsque notre chauffeur repart, Ben pousse un long soupir avant de déglutir et de sortir les clés de chez lui. Je le sens angoissé, mais le rassure d'un baiser dans le cou le faisant frissonner.
L'intérieur de la maison est très spacieux et surement lumineux en journée avec ses fenêtres et son haut plafond. Les murs sont décorés avec des tableaux qui doivent provenir du marché des artistes, ainsi que de nombreux livres soigneusement classés, alors que le mobilier ne dégage rien de plus qu'une ambiance showroom Ikea.
Ben me fait signe de patienter, le temps qu'il range ses affaires et accepte mentalement qu'il y ait une autre personne chez lui.
La cuisine est entièrement équipée et possède un ilot central deux fois plus large que celui que j'ai dans mon appartement. Elle s'ouvre sur le salon, lui aussi sans identité, mis à part les bibliothèques entourant l'écran plat accroché au mur et face à un canapé plutôt confortable.
Je retrouve de grands classiques américains sur ses étagères, mais également des livres de science-fiction, de fantasy et plusieurs revues spécialisées.
Mais ce n'est pas ça qui m'intéresse. J'ai envie de savoir où Ben range sa collection de sneakers afin de faire une sélection de ses pires pompes et de les brûler.
Je tombe soudain sur un album de famille appeler « Bennett et Savannah » que je n'ose pas ouvrir. Je le remets délicatement à sa place avant d'observer les murs sans vie.
Ben ne « vit » pas ici. C'est un point de chute, mais pas là où il doit se sentir bien. Pas besoin d'être une génie pour deviner que la mort de sa sœur doit l'empêcher d'investir totalement les lieux.
Ce dernier descend les escaliers par deux et déboule dans le salon, la respiration anormalement rapide, avant de se tenir derrière le comptoir et de me fixer d'un air inquiétant.
Je me retiens de blaguer sur un tueur en série pouvant me faire vivre mes ultimes instants dans une maison perdue dans les bois.
À la place de l'humour, j'essaie de comprendre pourquoi il est dans un tel état.
Je me contente de m'approcher et de caresser les doigts très délicatement. Phalange par phalange, les embrassant lentement jusqu'à ce que son souffle redevienne normal.
— Lix...
— Détends-toi.
Mes lèvres s'attardent ensuite sur ses poignets et, pour calmer le tremblement de ses mains, j'en prends possession. Elles sont gelées.
Je me rends compte que toute l'atmosphère nous entourant ne l'aide pas à se décontracter, mais surtout, à nous « réchauffer ».
Est-ce que c'était une bonne idée de venir chez lui ?
« Y a-t-il un endroit ici où tu te sentirais plus à l'aise ? Dis-moi, et je te suis. »
Son regard me fait fondre. Il a l'air d'avoir totalement lâché son masque d'impassibilité et d'être celui que je découvre un peu plus à chaque fois que l'on se rapproche.
Ben se pince la lèvre avant de m'attraper la main et de me conduire à l'étage. Il s'arrête devant la première porte et se retourne vers moi en murmurant :
« C'est dans ma chambre que je suis... bien. »
Lorsque nous entrons dans la pièce, je me sens comme transporté dans un lieu complètement différent. Au-dessus de nos têtes, il y a une multitude de constellations sur fond noir avec un plafonnier rétro en forme d'étoile diffusant une lumière chaude.
Son lit double plutôt classique est entouré à sa droite d'une desserte à roulette où plusieurs petites plantes s'épanouissent et de l'autre, une montagne de comics sous plastique.
Son armoire en bois massif qui semble avoir été peinte à la main attire tout de suite mon attention avec ses portes vitrées permettant de voir les étagères et tiroirs remplis de vêtement soigneusement rangé.
Le sol en parquet de chêne ressort encore plus avec la présence d'un grand tapis en laine placé pile devant une commode accueillant une platine et, à côté d'un Yucca et d'un fauteuil, une caisse de vinyles.
C'est la vision du parfait « refuge de Bennett Hawking ». Confortable, chaleureux et reflétant la personnalité que son propriétaire cache au reste du monde.
— Tu te protèges ?
— C'est à ça que servent les capotes.
— Non, je veux dire... Cette pièce... c'est « ce que tu es vraiment ». Je ne savais pas que tu aimais les comics, les plantes et... les vinyles de... disco japonaise ?
— Citypop, rectifie-t-il. Et puis tout le monde apprécie les plantes.
— C'est faux. Celles chez moi sont des artificielles parce que j'ai bien trop de flemme pour m'occuper d'autres êtres organiques.
Je continue d'observer sa chambre avant que mon regard soit capté par les clichés accrochées sur le côté de son armoire : plusieurs de voyages, d'amis de la fac, de Parker et Nate... et de sa famille. Une très vieille avec ses parents et plusieurs autres avec sa petite sœur, un grand sourire aux lèvres.
« C'est un vinyle qu'un pote japonais de l'université m'a offert il y a quelques années. » me dit-il en me montrant la pochette avec marqué « Big Wave » et représenté par la photo d'un surfeur sur sa vague. « Tatsuro Yamashita. J'écoute ses musiques en boucle quand je corrige mes copies. Ça me détend et m'empêche d'être malheureux. »
Je fronce les sourcils, ne comprenant pas où il veut en venir, lorsque le son commence à se diffuser et qu'il me dit : « Ça me permet aussi de mettre des mots sur ce que je ressens. »
La musique commence directement par la voix d'un homme, en anglais, et accompagné d'un rythme entrainant avec un son de basse funk et de batterie. Le chant est expressif, avec des harmonies et une mélodie... très accrocheuse.
Et pour cause, les premiers mots, revenant en boucle, sont « I Love You ».
Bennett déglutit avant de pousser un soupir et de s'approcher de moi pour venir m'enlacer. Je ferme instinctivement les yeux, bercée par la douceur des sons de claviers et de saxophones.
Nous restons l'un contre l'autre pendant plusieurs minutes, laissant la musique nous transporter. Je peux ressentir la chaleur de Bennett contre moi, ainsi que sa force et... j'ai l'impression que rien d'autre ne compte. Je me sens en sécurité dans ses bras.
La chanson se poursuit et j'ai le sentiment de comprendre ses émotions bien plus clairement, à travers les mots qu'il n'arrive pas à me dire. Lorsque je l'ai rencontré et que l'on a passé notre « arrangement », je pensais qu'il n'avait pas de problème les exprimer, mais je me suis fourvoyé.
C'est l'inverse. Son cœur a un blindage spécial que l'on interprète comme de la froideur alors qu'il est l'opposé.
Ben se met à fredonner doucement, sa voix accompagnant parfaitement les paroles de la chanson, jusqu'à ce qu'elle s'arrête brusquement. Il se recule légèrement et me regarde avec tendresse tout en me caressant la joue, ses yeux brillants.
« Tu as raison, je me protège des autres. À trop aimer les gens, je finis par les perdre. Depuis la disparition de Nana, j'ai peur de m'accrocher. Que quelqu'un arrive à voir toutes mes faiblesses... Mais avec toi, c'est différent.
Tu déboules dans ma vie et tu me dis « qu'on avisera ». Sauf qu'on n'y parvient pas. On ne peut pas être soit ami, soit amant parce que plus je me rapproche de toi, plus je te trouve magnifique. »
Je suis bouleversée par ses mots. Totalement chamboulée alors qu'il embrasse ma joue, très lentement, et s'arrête à la barrière de mes lèvres.
— Je tiens à toi, Ben, bien plus que je n'aurais pu l'imaginer. En peu de temps, tu es devenu mon confident, et plus encore... et j'aime ce « plus » dans notre relation. Je n'arriverais pas à revenir en arrière avec toi.
— Lix... Je crève d'envie de faire un truc, là, maintenant. Mais il me faut ton accord.
— Tu l'as déjà.
Il se penche pour m'embrasser et à cet instant, c'est une explosion de sensation en moi.
C'est bien meilleur que les fois précédentes, même si nos lèvres ont un goût d'alcool.
Tout ce qui m'entoure semble disparaitre et je ne ressens plus rien d'autre que ses bras et son baiser.
Il m'embrasse avec une tendresse infinie tout en laissant place à une passion enivrée.
⭐⭐⭐
https://youtu.be/HAcE3RognpY
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top