15.1⭐Andy fucking Warhol
On s'embrasse jusqu'à en perdre la notion du temps. Je ne sais plus s'il est ma dose d'oxygène ou au contraire, celui qui me coupe le souffle. Au-dessus de nos têtes, le ciel se couvre et les étoiles disparaissent à mesure que nos mains explorent nos corps.
Ressentir un tel manque, c'est horrible. L'assouvir, c'est divin.
Il a suffi que Ben nous trouve un endroit paisible avec une magnifique vue sur un coucher de soleil, qu'il étende son plaid à l'arrière de son pickup et que nous pique-niquions ensemble en admirant l'horizon.
Comme si les jours précédents n'avaient jamais existé. Comme si l'incident avec Tom à Biltmore n'était pas important et comme si j'avais eu de ses nouvelles ces derniers jours.
Ben m'a parlé des tacos qu'il nous a achetés à un prix horriblement cher, je lui ai raconté mon après-midi avec Parker. Nous avons discuté du district des Arts puis de la météo en voyant le ciel s'assombrir un peu plus.
Et lorsque nous avons fini nos limonades, nous nous sommes dévisagés en silence pendant de longues secondes... Avant de s'embrasser.
De se retrouver. Enfin. Voilà où nous en sommes. Nous reprenons le fil.
— Il va pleuvoir... arrivé-je à articuler.
— Pas grave, tu es déjà toute trempée.
Un léger vertige me prend alors que ses lèvres savourent chaque parcelle de ma peau découverte. À chaque tremblement à cause de ses involontaires chatouilles, je l'imagine sourire contre moi.
Ce visage qu'il ne montre qu'à moi. Je veux qu'il soit exclusif. Que ses sourires m'appartiennent.
Il m'a réappris à me délecter chaque baiser.
Tout à coup, nous sentons les premières gouttes nous tomber sur la tête et il suffit de quelques instants pour comprendre que ça ne sera pas une petite averse. Le grondement de la foudre au loin l'oblige à s'éloigner de moi et m'aider à retourner à l'intérieur de sa voiture.
Les mains sur le volant et la respiration haletante, Ben se met soudain à rire de cette situation qui ressemble à une énième malchance. Il passe ses doigts dans ses cheveux et, c'est débile, le simple fait de voir les veines de ses bras contractés m'excite.
Je l'imagine me porter, même si pour l'instant avec mon poids ce n'est pas possible, et me prendre contre le carrelage de sa salle de bain.
— Je te ramène ? dit-il soudain. Ou...
— Laisse-moi venir chez toi, s'il te plait.
Pendant quelques secondes, il semble hésiter. Je commence à angoisser et perdre un peu de mon désir lorsqu'il rehausse ses lunettes et me dit :
— Je ne peux pas. Pas maintenant, et ne m'en demande pas plus. Désolé.
— C'est... grave ?
— Compliqué. Je suis sûr un dossier sensible et j'aimerais t'en parler, vraiment, mais...
— Tu ne me fais pas assez confiance.
— J'ai surtout peur de ta réaction.
— Arrête ! En parlant comme ça, on croirait que tu as séquestré quelqu'un dans ta cave !
— Je n'ai invité personne chez moi depuis que ma sœur s'est pendue dans ladite cave.
Merde.
Un terrible silence gênant s'installe entre nous et prend toute la place, jusqu'à former une boule de plus en plus désagréable dans ma gorge.
Qu'est-ce que tu veux répondre à ça, Aix ?
— Désolé, soupire-t-il, je suis maladroit. C'est dû à ma super malchance.
— Tu n'es pas si-
— Tu connais beaucoup de gens nés le 29 février 1992 ?
— Outch...
— Exactement.
Seul le bruit régulier de la pluie sur la carrosserie au-dessus de nos têtes perturbe la tension désagréable entre nous.
Ben fixe l'obscurité devant nous et cligne à peine des yeux alors que je réfléchis à comment je pourrais détendre l'atmosphère, lorsqu'il se racle la gorge.
— Tu dois détester ce côté-là de moi.
— Quel côté ? Tu parles de cette façon de fixer avec une intensité dérangeante le vide comme si tu étais en train d'imaginer une foule de personnes se faire torturer sans que cela ne provoque la moindre sensation en toi ?
— Tu... n'aurais pas passé trop de temps avec Parker aujourd'hui ?
Je hausse les épaules et ma phrase autant que ma réaction le déride un peu. C'est une petite victoire, mais qui me pousse à m'interroger.
— Et toi ? Qu'est-ce que tu n'aimes pas chez moi ?
— C'est moi qui ai posé la question en premier.
— Oui. Ton impassibilité me donne parfois envie de te secouer par les épaules et de crier « À QUOI TU PENSES BON SANG ?! ». Et je parie que si tu me regardes comme tu l'as fait il y a quelques secondes, surtout au réveil, je pourrais me pisser dessus. À toi.
— Ton choix de couleur pour tes meubles me fait hurler des yeux. Le maximalisme, c'est ça ? C'est quoi cette mode de se servir de toutes les couleurs possibles pour décorer ton appartement ? On dirait qu'une licorne a vomi sur ton mobilier.
— Moi qui allais te demander de l'aide pour repeindre mes murs en jaune et rose... Mais d'accord, je comprends ! Quoique ça m'étonne d'un homme ayant des goûts si douteux.
— Développe ?
— Je déteste tes sneakers. Tu ne peux pas porter des baskets normales, ne serait-ce qu'un jour ? J'aime le maximalisme chez moi, mais pas à mes pieds. On dirait qu'une licorne a chié sur les tiens.
— PARDON ? Est-ce que tu as vu la beauté que j'ai au pied ?
Bennett recule d'un coup son siège avant de poser sa jambe pliée au-dessus du tableau de bord. Cette fois-ci, il porte des Converses Chuck Taylor au motif de Campbell's Soup.
— Andy fucking Warhol, baby ! s'exclame-t-il en montrant sa chaussure d'un geste théâtral de la main.
— Encore un truc que je ne supporte pas, c'est ça. Tu as l'air d'osciller d'une personnalité à l'autre et c'est très déstabilisant ! Il n'y a que moi que ça énerve ?
— Oui, parce qu'il n'y a qu'avec toi que je suis comme ça.
Cette seule phrase me fait bégayer. Ben a le pouvoir de changer mes humeurs avec quelques mots et c'est très exaspérant.
— Tu fais chier.
— Ça.
— Quoi ?
— Quand tu parles français. Je n'aime pas ça.
— Excuse-moi ? Une grande partie des Américains adorent entendre des mots en français ! C'est sexy, c'est romantique, ça-
— Tu ne m'as pas insulté par hasard ? « Chier », ce n'est pas positif. De toute façon, ce n'est pas le fait que tu parles français qui me dérange. C'est quand Tom et toi vous discutez. C'est frustrant de ne pas comprendre ce que vous racontez.
— Moi, ça m'énerve que tu sois fan de mon ex.
— Et moi, ça m'énerve que tu l'aimes toujours autant.
Je penche la tête contre le dossier et fais également reculer mon siège au maximum pour être plus à l'aise.
Nous sommes en pleine bataille de regard et, lorsque je m'apprête à perdre, Ben agite de nouveau ses mains vers ses sneakers et murmure « Warhooool », ce qui provoque mon fou rire.
Il continue son cinéma, exagérant toujours plus ses mimiques, jusqu'à ce qu'au bout de quelques minutes, j'arrive à reprendre ma respiration et à me calmer.
Nous sommes à moitié allongés sur les sièges, la pluie ne se calme pas et les lumières de la ville bien plus loin donnent l'impression d'être des lucioles entre les arbres flous.
« Qu'est-ce que tu aimes chez moi ? »
Un fin sourire s'étire sur son visage avant qu'il ne fasse mine d'entrer dans une intense réflexion.
— On n'avait pas fini les défauts, ponctue-t-il. Il y a encore plusieurs choses que je déteste chez toi.
— C'est réciproque, mais si on continue, on va vraiment finir par se frapper.
— Il y a trop de choses que j'apprécie chez vous pour en faire une liste qui ne servira qu'à flatter votre égo, miss Anjaratiana.
— Et physiquement ?
Ses yeux me détaillent de long en large et s'attarde tellement que j'ai l'impression de sentir ma peau picoter à chaque endroit passant sous son radar.
— Tes cuisses.
— Pardon ? Ces gros morceaux de jambon, résultat de ma rétention d'eau dû à une consommation excessive de gras et de sel ?
— Ouais. Ça, et tes seins. Et tes oreilles qui rougissent quand je mordille tes lobes.
— Menteur, ça ne se voit p-
— Tes épaules , surtout quand elles sont dénudées. Tes hanches quand elles bougent au rythme de la musique. Tes doigts qui manipulent les notices d'utilisation des sextoys. Tes yeux qui essayent de lire en moi. Tes rires et tes sourires. Tes lèvres... Surtout avec ton rouge à lèvres prune. Lix, ces lèvres...
Sa main caresse délicatement ma joue puis, son pouce s'attarde sur ma bouche alors que j'aimerais cacher mes joues écarlates.
J'ai reçu beaucoup d'amour dans ma longue relation avec Tom, mais là, c'est différent. J'arrive à le croire et à gagner en confiance à chacun de ses mots.
De mon côté, je reste silencieuse à l'observer et me contente de passer ma main sur son bras et de m'arrêter au creux de son coude. Je fais le tour de son minuscule tatouage de planète que je trouve à chaque fois toujours plus beau alors qu'il est si simple.
Comme Bennett.
⭐⭐⭐
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