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« Est-ce que c'est vrai que vous êtes l'ex de Tom Lacroix ? C'est bien vous sur cette photo ? »

Je ne regarde même pas l'écran que me montre la jeune femme devant moi et continue d'emballer ses articles avant de lui rendre sa carte de paiement.

— Non, ce n'est pas moi. Merci pour votre achat chez Toi & Moi, etc. !

— Oh... J'en étais pourtant sûre... Aurevoir.

Ça doit être la quinzième personne que me pose la question depuis le début de la semaine.

À vrai dire, ce n'est pas beaucoup comparé à ce que j'ai déjà vécu à Los Angeles et New York. C'est même ridicule. Ça prouve bien que Viviane avait raison : les gens à Asheville se foutent de tout ça.

« Tu as pu parler à ta mère ? » me demande cette dernière alors qu'elle est en train de recharger notre machine à café. « Elle s'inquiète pour toi. »

— Je l'ai eu en visio avant-hier soir. Tout va bien et elle économise déjà pour venir me voir pendant ses prochains congés. Et elle te remercie, encore.

— C'est bien... Je t'avoue que j'ai eu un peu peur de ce que pouvait faire une simple photo sur ton mental, mais tu as l'air de gérer ça bien mieux qu'avant.

— L'habitude. Et puis ici, ce n'est pas la grande ville. La seule chose que j'ai dû « gérer », c'était la jalousie de Parker qui pensait qu'elle serait la première à m'emmener au domaine Biltmore.

— Benny a dû être aux anges de rencontrer toutes ces célébrités et pouvoir s'approcher de Tom ! Il l'admire depuis ses débuts.

Mon doigt caresse le bois du comptoir de caisse devant moi alors que je prends soudain conscience que la meilleure personne pouvant m'apporter des réponses sur mes doutes, c'est Viviane.

Je n'ai pas reparlé à Ben depuis qu'il m'a déposé en ville, samedi soir. Aucun message en privé et, dans notre conversation de groupe, il a seulement noté qu'il avait du travail en ce moment.

« Benny est comme ça. Il peut être très sociable et puis s'enfermer chez lui pendant plusieurs jours sans donner de nouvelles. Tant qu'on le voit connecté, on ne s'inquiète pas. » m'avait répondu Parker hier après-midi entre deux livraisons de ses excentriques bouquets.

L'absence de contact entre nous me frustre et si je n'avais pas encore les mots d'Isaac dans la tête, je pourrais interpréter plus facilement le manque qu'il crée en moi...

— Vivi ? À quel point Ben est fan de Tom ?

— Hum... Tu imagines la passion de Tom pour Kevin Bacon ? C'est un cran en dessous, mais pas si loin.

Oh merde.

— Quand j'étais agent, Ben m'a déjà envoyé des mails pour que j'arrive à lui avoir des produits dérivés de films où Tom avait joué. J'étais tellement submergée de travail à l'époque que je n'ai jamais pensé à organiser une rencontre entre eux.

— Ah bon ? C'est bizarre, ça... Et lui qui est journaliste, il n'a jamais pris contact avec Isaac à ce sujet ? Pour une interview ?

— C'est compliqué d'avoir un lien avec Isaac... Mais il me semble qu'il a essayé. C'était il y a un moment, donc c'est un peu flou pour moi.

Soudain, Viviane fronce les sourcils et grimace alors que le bruit de la cafetière résonne dans toute la boutique vide. Je l'observe faire les cent pas jusqu'à la dernière goutte de café tombé dans son mug et qu'elle m'avoue ce qui paraît être un détail :

— Je me souviens d'un truc, maintenant qu'on en parle. Sa sœur, paix à son âme, m'avait demandé si je pouvais directement prendre contact avec Tom pour qu'elle lui demande quelque chose.

— Savannah ? m'étonné-je.

— Je lui ai dit que ce n'était pas possible parce que, comme toi, j'ai signé tout un tas de documents pour préserver la vie privée de Tom. Elle a essayé de joindre Jonah sur mes conseils, sans succès.

— Et ensuite ? C'est tout ?

— Elle ne m'en a pas reparlé... puis...

Son silence parle pour elle.

Si je compatis à la perte de la sœur de Ben, il y a quelque chose qui m'intrigue dans cette histoire. Qu'est-ce que Savannah voulait demander à Tom ? Un autographe ?

« Dites-moi mademoiselle, avec toutes vos questions, est-ce vous menez une enquête sur monsieur Hawking ou avez-vous succombé à son charme ? »

Cela fait longtemps que ça ne m'était pas arrivé, mais dès que j'entends sa question, je ne peux m'empêcher de me ronger l'ongle du pouce et de fuir son regard.

La dernière fois que j'ai agi comme ça, c'était quand Tom m'avait demandé s'il y avait eu quelque chose entre Isaac et moi. Il n'y avait eu rien qu'un baiser non sollicité de ma part, et il l'avait vu. Mais le simple fait qu'il me soupçonne de plus m'avait stressé.

J'avais réfléchi à chaque échange avec son attaché de presse et tous les contacts physiques qui auraient pu rentrer dans l'étroite case « d'infidélité » décrété par Tom.

Le simple fait qu'Isaac ait un jour posé sa main sur mon épaule en faisait partie. Si Tom apprenait ce qu'il était venu faire il y a quelques semaines lors de sa deuxième venue à Asheville... Il pourra lui casser la gueule.

— Pourquoi Tom n'a jamais viré Isaac ? demandé-je soudain.

— Ne change pas de sujet ! Et je n'en sais rien. Ils sont très bons amis.

Bizarre leur amitié.

— Je n'ai pas envie de mener une enquête, mais la confiance que j'avais en Ben est en train de se fragiliser à cause d'Isaac.

— S'il y a bien quelque chose à ne pas faire, c'est écouter Isaac.

— Il ne m'a jamais menti. C'est ce qui le rend désagréable, mais « vrai ».

— Benny est un garçon bien, Alix. Tu peux avoir confiance en lui et je ne pense pas que le fait que tu sois l'ex de Tom influence votre relation.

— Tu crois ?

Viviane pose son mug chaud sur le comptoir avant de venir m'enlacer, un contact physique me mettant toujours mal à l'aise, jusqu'à ce qu'elle me caresse les cheveux et me murmure :

« Fais confiance à ton cœur, ma belle »

Elle me libère de son étreinte quand nous entendons un nouveau client entrer dans la boutique. Je sais que la discussion ne s'arrêtera pas là et qu'elle remettra le sujet sur le tapis lorsqu'on ira faire un peu de sport.

Viviane a raison, j'ai tendance à trop interroger ma tête parce qu'être la copine de Tom m'a rendue méfiante avec les années.

Si j'écoute mon cœur...

Il me hurle « J'ai envie de revoir Bennett ».





Ça va faire une semaine, demain.

J'ai l'impression que mes inquiétudes ont fait revenir ma morosité parce que pour notre sortie d'aujourd'hui avec Parker, je n'ai fait aucun effort.

Un jogging et le t-shirt large des « Old's 94 » que Ben m'avait acheté pour se faire pardonner de sa maladresse.

Le River Arts District abrite de nombreuses galeries d'art que nous avons passé la journée à visiter pendant que dehors, le vent nous menaçait à chaque heure d'amener des nuages gorgés de pluie au-dessus de nos têtes.

Moi qui pensais qu'elle allait m'énerver au bout d'un moment, Parker m'émerveille à chaque nouvelle distraction « pour renforcer nos nouveaux liens ».

Elle connait la plupart des artistes exposants qui nous expliquent leurs travaux et me donnent même envie d'acheter leurs créations, si je ne devais pas faire attention à mon budget de ce mois-ci.

Ce qui m'étonne le plus, c'est que vu le temps que l'on passe ensemble... Est-ce que Parker n'a vraiment pas d'autres amis ? Est-ce que Ben avait raison ? Son caractère est particulier, mais pourtant, « elle a tout pour plaire ».

Toutes les deux face à un atelier de souffleurs de verres où des artisans très concentrés font une démonstration de leurs techniques, Parker tire légèrement sur la poche de mon jogging avant de me murmurer :

« Il faut qu'on discute de ce que tu as fait le week-end dernier. »

Mon cœur s'agite à l'idée qu'elle ait appris je ne sais comment ce que j'ai fait samedi matin avec Ben, lorsque mes neurones s'activent et captent qu'elle parle de ma visite à Biltmore.

Nous continuons de regarder les souffleurs, de loin, pendant que je lui raconte sans entrer dans les détails mon samedi dernier.

Notre discussion se poursuit même après avoir bu un verre de limonade dans le café d'à côté.

Et plus je lui parle, plus j'ai envie de me confier... Mais j'ai peur de faire confiance à la mauvaise personne, encore une fois.

Il faut que je sois sincère avec elle.

— Park, dis-je entre deux bouchées dans un cookie aux noix de pécan que nous partageons, j'ai envie de te parler de quelque chose, mais c'est... personnel.

— Ah ! Attends je dois me préparer !

Elle se met soudain en tailleur sur sa chaise, pose ses coudes sur la table et me regarde d'un air trop sérieux pour que je n'esquisse pas un sourire moqueur.

— Vas-y, je suis prête. Et tu peux me faire confiance.

— J'ai du mal, justement... Pas envers toi particulièrement, mais envers les gens. Dans le passé, j'ai fait beaucoup d'erreurs qui ont fait de mon quotidien un petit enfer. Une fois, une fille s'est liée d'amitié avec moi pendant plusieurs mois avant d'obtenir ce qu'elle voulait : passer une soirée avec Tom.

— Oh la connasse !

— Pas dans ce sens, rectifié-je. Tom ne m'a pas trompé. Elle était invitée à mon anniversaire et au moment où elle l'a vu, elle a totalement changé de caractère avec moi. Elle lui a dit qu'elle était mieux que moi, qu'il méritait une femme plus belle et intelligente, etc. Des conneries que Tom m'a tout de suite racontées avant de s'assurer qu'elle quitte bien nos vies définitivement.

Parker m'attrape les mains et me fixe avec intensité avant de cligner plusieurs fois des paupières et de déclarer d'un ton presque solennel :

« Si tu veux bien être mon amie, je te garantis que je ne te ferais jamais ça. Tout ce que je désire, c'est quelqu'un avec qui m'amuser, passer des bons comme des mauvais moments, mais en se soutenant mutuellement. Je sais que je suis parfois dur à vivre au quotidien, mais si tu m'acceptes comme je suis, avec mes qualités et mes défauts, tu auras toute ma confiance et je te donne toute la mienne. »

Sa déclaration me fait rougir au point que je suis obligé de détourner le regard lorsque son sourire s'étire.

Parker est mon opposé. Elle aime faire la fête, parler aux gens et avoir mille et un loisirs. Moi, si je peux éviter les contacts humains le plus longtemps possible et rester cloitré chez moi dans mon lit avec de la pizza, ça me va.

— Une extravertie qui arrive à faire sortir une introvertie...

— Je t'ai adopté donc maintenant, tu es à MOI ! s'exclame-t-elle.

Parker m'enlace si fort que j'ai peur qu'elle ne finisse par s'étouffer contre ma poitrine. Elle rit aux éclats et se fiche du regard des autres.

Elle me donne l'impression d'être unique. Elle envahit mon monde et explose toutes mes barrières protectrices d'un coup de botte.

— Au diable les mecs ! On n'a pas besoin d'eux pour s'éclater !

— Park ! Descends de la table !

Soudain, elle sort son portable de sa poche et lance « I'm Gonna Be » de The Proclaimeurs avant de danser en agitant les bras. Le spectacle capte l'attention de tout le monde et les gens ne manquent pas de rire et même... de chanter ?!

« But I would walk 500 miles

And I would walk 500 more !

Just to be the (wo)man who walks thousand miles

To fall down at your door ! »

Cette musique a un pouvoir vraiment diabolique, surtout quand une femme énergique comme Parker se met à danser. Elle envoute tous les gens autour qui, eux aussi, se mettent à bouger en rythme.

C'est totalement improvisé, ça sort de l'ordinaire et c'est fun. C'est Parker Lynn.

Je ne fais que bouger les épaules alors qu'elle fait son show le temps de trois minutes trente, avant d'être applaudi par les gens qu'elle salue.

Elle descend de la table et m'entraine bras dessus, bras dessous avec elle, me faisant rougir encore plus.



https://youtu.be/tbNlMtqrYS0

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