12.1⭐Restez debout
Ses lèvres sont salées et m'ouvrent l'appétit.
Elles n'arrêtent pas de s'éloigner, puis de revenir, créant des pics de manque de quelques secondes en moi.
Mon prénom dans sa bouche sonne comme une plainte alors que ses chatouilles me font rire aux éclats.
Je fais presque tomber les boites que j'ai ramenées du sex shop lorsque nous pénétrons enfin dans mon appartement.
Ça n'empêche pas Bennett de m'embrasser, encore et encore, comme s'il était tout aussi affamé que moi après un footing avec Viviane me vantant les vertus du régime cétogène.
J'ai la nette impression que son défi avec Tom d'il y a moins d'une heure l'a rendu possessif, comme il l'a si bien dit.
C'est primaire mais voir deux hommes se « battre » pour mon attention m'a donné un boost de confiance en moi et le sentiment de ne pas être une loque.
Une sensation que je ressens de moins en moins quand Bennett me regarde avec autant de désir.
Pourtant, j'ai été avec Tom Lacroix mais à ses côtés, j'étais souvent mal à l'aise. Un syndrome de l'imposteur amoureux. Je ne me suis jamais perçue comme son égal, toujours inférieur et qu'il me faisait une « faveur » de sortir avec une femme à l'opposé des standards de beauté.
Si je soutenais Tom dans tout ce qu'il entreprenait, lui s'évertuait à me faire me sentir la plus magnifique possible à chaque occasion. Grâce à lui, j'ai pu m'exhiber à des événements mondains sans avoir honte... Mais ça n'a fait qu'enfouir ce que je ressentais au fond de moi.
Mon ex dit et agit souvent comme un gros con, mais je n'ai jamais eu de doute sur son amour pour moi et sa façon de me le montrer. Je sais que même dans une dizaine d'années, sur un simple coup de fil, je pourrais compter sur lui.
« Eh, ça va ? Tu es fatiguée ? »
Son pouce caresse délicatement ma joue alors qu'il me débarrasse des boites dans mes mains pour les poser sur le comptoir de la cuisine.
Je l'entraine jusqu'à mon canapé bleu roi et serre contre ma poitrine l'un des coussins en forme d'ananas que j'ai acheté avec Parker.
« J'ai envie de toi mais j'ai aussi envie de parler... Ça t'embête ? » demandé-je d'une petite voix en craignant sa réaction.
Ben se masse la nuque avant de s'installer plus confortablement et d'attraper l'autre coussin. J'étends mes jambes entre les siennes et l'ambiance charnelle devient plus câline.
— Qu'est-ce que tu as ? m'interroge-t-il tout en retirant ses lunettes qu'il pose sur la table basse. J'ai remarqué que tu avais une tendance à trop réfléchir au pire moment. Est-ce que je suis allé trop vite ?
— Non, excuse-moi... Je pensais à Tom.
— Tu l'aimes encore ?
— Je ne sais pas. Non ? C'est difficile d'oublier quelqu'un après dix ans de relation.
— Tu ne dois pas l'oublier, au contraire. Y penser peut t'aider à aller de l'avant et savoir ce que tu veux ou non dans une relation.
— Vous êtes très avisé, monsieur Hawking. Cœur brisé ?
Son silence et ses yeux fixant mes pieds en disent long.
Mauvaise idée que de s'engager sur ce terrain qui va empêcher tout désir de revenir entre nous ce soir.
« Elle s'appelait Oriana. On était dans le même programme d'études et on a validé notre Major de journalisme ensemble à l'UNC Pembroke. Au début, je ne l'aimais vraiment pas. On s'est rencontré à une soirée d'intégration et elle a cherché à savoir pourquoi j'avais tout le temps l'air si sérieux.
« Une partie de toi est morte », c'est les premiers mots qu'elle m'a dit. Je l'ai trouvé très agaçante, à toujours vouloir me psychanalyser et justifier mon absence de joie par la mort de mes parents quand j'étais jeune... Je n'ai pas manqué d'amour en étant élevé par mon oncle et ma tante.
Mais au fil du temps, on s'est rapproché et on s'est bien entendu jusqu'à sortir ensemble. On avait plein de bons souvenirs et j'avais même rencontré sa famille.
Et un jour, elle m'a demandé en mariage. Elle aimait bien « ne pas faire comme tout le monde ». On allait bientôt être diplômé et on imaginait déjà nos carrières... mais j'avais encore des doutes sur l'avenir. Je l'aimais mais comme toi avec Tom, je ne me voyais pas dans le futur avec elle.
Elle avait des aspirations différentes des miennes.
Il me restait un dernier semestre à faire pour valider mon diplôme mais j'ai dû arrêter... Pour aider ma sœur. Si j'ai pu obtenir une bourse pour mes études supérieures, ce n'était pas son cas et... j'ai donné beaucoup pour qu'elle réussisse.
Que je me « sacrifie » pour elle, ça n'a pas plu à Oriana et on a fini par rompre quelque temps après. »
Bennett appuie le coussin contre sa joue, le regard perdu dans le vide alors qu'il est plongé dans ses pensées.
Je comprends mieux ce que m'avait raconté Parker au sujet de sa sœur et de l'importance qu'il lui accordait, mais j'hésite une bonne minute avant de lui en demander plus :
— Comment était ta sœur ? Parker m'a un peu parlé d'elle.
— Un vrai soleil. Savannah. On avait cinq ans de différence et quand mes parents sont morts, elle n'était qu'un bambin. Elle était compliquée mais tellement marrante et pleine de vie...
— Si tu ne veux pas en parler, on peut arrêter.
— Non, ça va. Je pense que je devrais le faire avant que quelqu'un ne te raconte n'importe quoi sur sa mort.
Bennett déglutit avant de poser le coussin et se rapprocher du centre du canapé. Il me tend les bras pour que nos jambes se croisent et nous permettent d'être si prêts que nous pourrions nous enlacer sans problème.
— Qu'est-ce que l'on t'a déjà dit sur elle ?
— Qu'elle...
— Vas-y.
— Elle s'est suicidée le jour de ton anniversaire, il y a un peu plus d'un an environ.
— Malgré tout ce que j'ai pu faire pour l'aider, Savannah a vécu beaucoup de choses difficiles. Avec les autres. C'était une fille qui plaisait mais qui était frappé de malchance, comme moi. Comme toute notre famille, j'ai envie de dire.
— Ben...
— Elle n'a pas terminé ses études. Elle n'a fait que changer de voie encore et encore, et je n'ai fait que lui mentir. Je lui disais qu'on avait assez d'argent de l'héritage des parents, mais c'était faux. Je payais tout pour son bonheur, quitte à vivre à des kilomètres d'elle. Ça m'a empêché d'être près d'elle dans ses moments les plus sombres.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
« Beaucoup d'histoire avec des gens qui ne la traitait pas bien, puis elle s'est mise à boire. J'ai dû revenir chez nous pour l'aider mais lorsqu'elle a appris tout ce que j'avais fait pour elle, elle a fini sous antidépresseur. Son état s'est amélioré pendant un temps, puis c'était les montagnes russes.
Autant de joie que de tristesse et de vide. Mais on a tenu bon. J'ai tout fait pour qu'elle se sente bien, écouté et en sécurité près de moi... sauf qu'elle s'en voulait. Et puis un jour, elle a voulu me faire un cadeau d'anniversaire... Un truc inattendu. Et moi, j'ai... »
Soudain, sa lèvre se met à trembler et tout ce que je peux faire, c'est l'enlacer avec toute ma tendresse disponible. Je ne peux pas faire mieux.
« Je n'arrive pas à oublier... Je... Tu crois que j'ai été un mauvais grand-frère ? »
Sa voix cassée me fait si mal au cœur que je m'en veux de l'avoir amené sur ce sujet. Terriblement.
— Non, Ben... Je ne la connaissais pas mais je n'ai aucun doute sur le fait que tu aies été un frère génial. Tu es déjà un ami précieux, alors ta sœur devait être très heureuse que tu sois dans sa vie.
— Tout est de ma faute...
— « Ne sombrez pas avec ceux qui sont partis mais restez debout pour qu'ils ne tombent pas dans l'oubli. »
— C'est une réplique de film ?
— Non, c'est de mon père. Moi aussi, j'ai mes plaies.
Ses yeux brillants m'observent tristement alors que je relève quelques mèches de mon visage et désigne ma cicatrice à la tempe droite.
Comme nous sommes à un moment de notre relation où partager nos blessures nous permettent de les panser, c'est à mon tour de verser quelques larmes.
Je lui explique pourquoi je n'ai pas mon permis. Pourquoi être derrière un volant me provoque au bout de quelques minutes de l'hyperventilation.
Il a suffi d'un instant, d'une promenade entre un père et sa fille alors âgée de six ans, pour qu'un accident change nos vies. Une voiture qui grille un feu rouge, vitesse et visibilité réduite, tout simplement.
Ce jour-là, mon père a été un héros et m'a sauvé la vie. Ma pauvre cicatrice en est la preuve et j'ai très souvent regretté, en voyant ma mère et son cœur brisé, d'avoir survécu.
Mais avec le temps, l'expérience et surtout beaucoup de soutien, j'ai compris que même si l'on avait pu échanger de place, jamais mon père ne m'aurait laissé faire. Qu'il ne regrettait rien.
Après mon monologue, nous restons silencieux pendant un très long moment. L'un contre l'autre et dans la semi-pénombre de mon appartement.
Je somnole peu à peu et alors que je pense enfin sombrer, j'entends Bennett murmurer contre mon oreille des mots énigmatiques :
« Nana ne tombera pas dans l'oubli... Pas tantque je n'aurais pas obtenu la vérité. »
⭐⭐⭐
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