1.2⭐L'ex de Tom Lacroix
Dix ans plus tard
« Sortir avec un acteur, c'est le fantasme de beaucoup de personnes. Un cliché bien idéalisé, surtout quand l'homme en question est adulé, généreux et au physique d'Apollon.
Je l'ai vécu. Couverte de paillette, habillée de robes de créateurs et invitée aux plus belles soirées mondaines de New York et Los Angeles.
Est-ce une romance ? Pas vraiment. »
La bijoutière cligne plusieurs fois des yeux, à la fois surprise par mon monologue, mais surtout captivée par la sublime bague de fiançailles que j'ai sortie de ma poche, sans écrin.
— C'est un solitaire diamant jaune de 15 carats.
— Est-ce que je peux me permettre de vous redemander où avez-vous eu un anneau d'une telle valeur ? Ce n'est pas dans mes habitudes de traiter une requête pareille.
— Je l'ai retrouvée dans mes cartons de déménagement. C'est un cadeau de mon ex. J'aimerais m'en débarrasser rapidement parce que ça me donne des démangeaisons de la voir.
Je comprends que ce soit une petite boutique, surement une des plus anciennes de la ville, mais je commence déjà à regretter New York. Ces gens pressés n'ayant pas le temps de poser des questions à la moindre action, les sortant de leurs zones de confort.
Peut-être est-ce la faim, la fatigue ou tout simplement mon sang français qui réveille en moi la pulsion de me plaindre de ma vie, et qui me pousse à en déballer un peu trop à cette vieille dame :
« Je m'appelle Alix et je suis l'ex-copine de Tom Lacroix.
Vous avez dû entendre parler de lui. Il a gagné le Golden Globes du « Meilleur acteur dans un second rôle » l'année dernière dans un film de Spike Lee.
Bref, ce n'est vraiment pas évident comme situation. On est séparé depuis six mois.
Du coup, vous ne pouvez pas me débarrasser de cette bague inutilement précieuse ? »
La bijoutière a l'air totalement perdue et bafouille quelques mots avant de me demander de patienter pendant qu'elle appelle son frère qui est le vrai propriétaire de la boutique.
J'en profite pour me renseigner sur internet, au cas où je devrais la mettre en vente sur eBay, lorsqu'une notification YouTube apparait sur mon écran.
C'est une vidéo de Tom lors de son interview dans un Late Show sur ses prochains projets et... notre relation. Il confirme regretter la façon dont notre histoire s'est terminée.
Ça tient en à peine quelques phrases, moins d'une minute, mais qui ont suffi à amener un flot d'insultes jusqu'à ma gueule. J'ai beau avoir désactivé mes comptes sur les réseaux sociaux, il y a des choses qui passent entre les mailles du filet.
Dans l'interview, il y a également une photo de moi prise par un paparazzi il y a deux mois et qui ne renvoie pas celle que j'étais durant notre relation.
Même après cette photo, ma peau basanée est toujours fatiguée et transpire la morosité. J'ai les cheveux noirs, mais ternes, avec quelques boucles ondulées, mais grossièrement attachées.
Ma cicatrice le long de ma tempe droite est bien visible, tout comme mes bourrelés et mon ventre gonflé cachés sous mon col roulé.
À la fin de notre relation, j'ai pris une vingtaine de kilos se répartissant dans mes cuisses, mes poignées d'amour et surtout mes seins qui étaient déjà trop volumineux. Un plaisir pour les pervers, un calvaire pour mon dos, mes soutiens-gorge, et à chaque fois que je dois courir.
Alors cette photo donne vraiment l'opportunité à des milliers de gens de faire un concours de qui aura le mot le plus blessant concernant le physique d'une femme ne souhaitant que l'anonymat.
Je pousse un soupir en rangeant mon portable et commence à faire les cent pas lorsqu'un homme rentre dans la bijouterie.
Il m'ignore complètement et passe devant moi pour observer les colliers devant le comptoir avant de murmurer un « Merde, ça ne lui plaira pas non plus », lorsqu'il tourne la tête vers moi et me fixe pendant d'interminables secondes très gênantes.
L'homme est à peine plus vieux que moi, un début de trentaine, mais à un air étrangement sérieux me faisant penser aux psychopathes que l'on voit dans les documentaires sur les tueurs en série.
« Vous venez d'arriver à Asheville ? »
Il rehausse ses lunettes avant de dégager quelques mèches de ses cheveux blonds vénitiens.
— Je suis arrivée il y a moins d'une semaine, déclaré-je. J'avais besoin de m'éloigner de New York.
— New-yorkaise ? Vous avez un accent... Française de France ?
Mes yeux sont naturellement attirés par ses sneakers vert émeraude à motif étoilés qui détonnent avec son pantalon anthracite et sa chemise blanche.
— De France, oui. Mais mon père est malgache.
— Malgache ?
— Il est né à Madagascar et s'est marié avec ma mère, une Française.
Il hoche plusieurs fois la tête, comme si cette information avait de l'importance, jusqu'à ce qu'il se mette à froncer les sourcils en détournant son regard du mien.
J'aurais aimé poursuivre ma conversation avec cet étranger.
Pas parce que j'ai été frappé par une envie soudaine de converser avec un autre être humain, non. Mais parce qu'il dégage un certain charme.
J'ai un faible pour les hommes à lunettes... en plus d'être une boule de frustration. Même si relancer ma vie sexuelle avec le premier habitant pourvu d'un pénis m'abordant depuis mon déménagement n'est pas une bonne idée.
Sauf que la vie m'a appris à me méfier des gens qui me regardent avec trop d'insistance, comme lui.
« J'aimerais entendre votre histoire avec Tom Lacroix, s'il vous plait. »
Et la vie a eu raison, encore une fois.
— Un paparazzi... Même ici, je n'ai pas la paix.
— Journaliste indépendant, rectifie-t-il.
— Vous m'avez suivie ? Ça ne serait pas la première fois.
— C'est un hasard, je suis-
— Sérieusement ? Le scoop est venu chatouiller vos narines et vous a conduit tout naturellement dans cette bijouterie ? Je ne donne aucune interview.
— Je suis un fan de Tom Lacroix... mais je pense que ce qu'on raconte sur votre relation est différent de la réalité.
— Je n'ai pas envie que l'on s'intéresse encore à moi. C'est déjà trop.
— Vous ne voulez pas donner votre version ?
Son discours, je l'ai souvent entendu. Il essaie de me convaincre avec les mêmes arguments que les autres, et j'en suis lasse. Même si je dois avouer qu'il y a dans le ton de sa voix, une conviction différente de celle des autres journalistes.
Il fait un pas prudent vers moi, comme si j'étais un animal enragé, avant de fouiller dans son portefeuille, de sortir une carte et de me la tendre.
« J'habite également à Asheville. Quand vous voudrez me parler de Tom Lacroix, appelez-moi. »
Peut-être est-ce à cause de sa tête de psychopathe, mais j'accepte au cas où pour avoir une preuve à donner à la police, et le regarde quitter la bijouterie en silence.
« B.Hawking – freelance journalist »
Un soupir las s'échappe de ma bouche et je range la carte dans ma poche. La vieille dame revient enfin jusqu'à moi et me confirme qu'elle ne peut pas me racheter ma bague, ni même me la reprendre gratuitement.
Je quitte la boutique avec une boule au ventre, mes souvenirs avec Tom plein la tête et un compte eBay à créer.
⭐⭐⭐
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