XXX. 23 décembre 1940 - l'hommage

Perseus et Cassiopeia entrèrent tous deux dans le Manoir Londubat, venus chercher Harfang et Callidora. Perseus fut surpris par la décoration riche des lieux. Il eut l'impression que les Londubat vivaient plus aisément encore que les Black. Mais peut-être était-ce du fait que l'ancestrale famille aimait l'architecture austère.

Une fois à l'intérieur, Cassiopeia monta directement à l'étage pour y retrouver Callidora. Tous habillés de noir, ils avaient décidé de se rendre ensemble pour la mise en terre de toutes les victimes du massacre de Londres. Un hommage pour les morts inutiles d'un Mortemencien Russe. Il attendit silencieusement dans le vestibule. Des voix d'enfants parvenaient à ses oreilles, certainement les jumeaux qui se plaignaient encore de leur existence et leur gouvernante qui les maudissait. Quelques minutes plus tard, Harfang se manifesta. Dans son costume sobre, il représentait parfaitement l'homme de la maison, grave et autoritaire. Pourtant, Perseus savait que ce n'était qu'une apparence qu'il tentait de porter en société.

-Les femmes, soupira-t-il. Toujours à faire attendre les hommes.

Il sourit à sa remarque. Il ne pouvait pas dire mieux.

La tension entre eux était notable, même s'ils tentaient de ne pas l'exprimer explicitement. Depuis que Perseus avait fouillé dans les affaires d'Asler à l'hôpital, juste après sa mort, Harfang l'avait directement envoyé dans sa liste noir. Le fait qu'il ait sauvé Callidora avait un peu arrangé les choses, mais guère plus. Les deux hommes ne s'aimaient pas et l'acceptaient parfaitement.

Debout à ses côtés, Harfang évita de croiser son regard. Il observait fixement l'escalier, attendant patiemment l'arrivée de sa femme et sa cousine par alliance. Pourtant, les mots qu'il prononça lui furent réservés à lui.

-Les Nott gardaient une jeune fille chez eux. Leur nièce, Blanche Rosenweiss. Elle a été retrouvée morte hier soir, dans le jardin.

-J'en suis désolé, dit-il, même s'il ne comprit pas pourquoi il lui racontait cela.

Peut-être qu'il se sentait peiné et qu'il avait besoin de se confier. Mais la sévérité de son expression le fit douter. Il y avait autre chose.

-Aucune marque de coup n'a été vu. Elizabeth était là, juste dans le salon, elle n'a entendu aucun sort. Tout s'est fait silencieusement. Beaucoup trop silencieusement.

Il insista sur les derniers mots.

-Qui aurait voulu sa mort ? questionna Perseus.

-Blanche faisait des rêves prémonitoires. Grindelwald avait été interressé par un en particulier. Un concernant ta douce Cassiopeia.

Perseus se tourna vers lui, le regard plein de soupçon.

-Où veux-tu en venir ?

-Je veux en venir au fait que Cassiopeia a changé, se tourna-t-il à son tour, ses yeux lançant des éclairs. Tuer est devenu une normalité pour elle.

-Tu l'accuses directement ? s'offusqua-t-il.

Il n'avait aucune preuve contre elle. C'était injuste de sa part. Et il se trompait, parce qu'il n'avait jamais vu Cassiopeia tuer un innocent par pur plaisir.

Des voix résonnèrent dans le couloir de l'étage.

-Je te conseille de ne pas la laisser divaguer trop loin, ou quelqu'un d'autre en subira les conséquences.

-Je ne suis personne pour l'empêcher de bouger.

Il se pinça les lèvres.

-Ce n'est qu'un conseil.

Les deux femmes surgirent du haut de l'escalier, bras dessus bras dessous, un grand sourire plaqué sur le visage. Callidora avait l'air d'aller mieux malgré son accident lors de l'attaque à Londres. À son arrivée, Harfang changea aussitôt d'attitude : ses épaules s'affaissèrent, son regard se remit à briller d'une tendresse infinie. Mais Perseus n'eut pas la même capacité d'adaptation. Ses mots continuaient de résonner à son oreille. "Tuer est devenu une normalité pour elle".

Et si c'était vrai ?

-Où sont les enfants ? demanda Callidora en les cherchant des yeux.

-Madame, les voi...

-Mèèèèère ! s'exclama Asler, coupant la parole à sa gouvernante.

Les jumeaux descendirent des escaliers si vite qu'une chute aurait été fatale. Callidora soupira d'exaspération et passa du bras de sa cousine à celui de son mari. Cassiopeia, elle, adressa son air ravi à Perseus.

Son sourire s'évanouit quand elle le vit si tendu.

-Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-elle plus bas, afin de ne pas rendre audible sa question à tout le monde.

-Rien.

Il posa une main dans le bas de son dos, la poussant vers la sortie. Tuer est devenu une normalité pour elle. Cassiopeia n'aurait jamais fait une chose pareil. Si cette Blanche faisait des rêves prémonitoires, d'autres personnes avaient peut-être voulu étouffer ses paroles. Les prophètes subissaient des sorts terribles dans ce monde, juste pour garder la vérité cachée.

Elle n'insista pas et lui prit la main. Non, c'était impossible qu'elle ait fait ça. Depuis quand n'avait-il plus confiance en elle ?

Le Portoloin qu'ils utilisèrent pour se rendre à Londres fut rapide. Là-bas, toute la famille Black était réunie, et Perseus ne tarda pas à apercevoir son père. Cependant, Cassiopeia resta près de lui. Elle ne se mêla pas à ses frères et soeurs comme elle avait l'habitude de faire.  On aurait presque dit qu'elle les évitait.

L'ambiance solennel s'était déjà imposé comme maître des lieux. Perseus sentit sa gorge se nouer en contemplant les cercueils allignés sur un champs entier. Ils étaient aux abords du Londres magique et les cadavres les attendaient pour un dernier hommage. Des dizaines. Des centaines. Les familles sang-pur occupaient une partie, et de l'autre côté, les familles des victimes pleuraient leurs morts. Des sang-mêlés ou des nés-moldus.

Après tout, la mort ne faisait pas la différence du sang.

Il sentit Cassiopeia se crisper. Elle n'aimait pas les enterrements, il le savait. En fait, elle détestait tout ce qui faisait référence à la mort. Plus ça allait, et plus sa peur s'accentuait. Il se demanda comment elle pourrait vivre correctement sa vieillesse.

Son père se dirigea à grands pas vers lui. Il n'adressa qu'un bref hochement de tête à Cassiopeia puis se mit à regarder les cercueils, une certaine tristesse dans le regard.

-Tu aurais pu être de ceux-là.

Il s'était attendu à cette remarque. Son père n'avait jamais approuvé son choix de partir à la guerre.

-Ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment. Je ne le suis jamais.

-Tu te sentiras chanceux jusqu'au jour où tu ne le seras plus, mon fils. Je ne souhaite pas être là pour voir ta bonne fortune t'abandonner.

Cassiopeia resserra son emprise autour de son bras. À l'évidence, elle n'aimait en rien cette discussion.

-Comment va Mère ? demanda-t-il pour changer de sujet.

-Bien, comme tu peux le voir, elle discute avec les Greengrass. Et ta femme ?

Sa question le refroidit.

-Très bien, répliqua-t-il sèchement.

En vérité, il n'en savait rien. Emma était partie se réfugier en France, dans la campagne profonde afin de se protéger de la guerre. Quand elle lui avait envoyé sa lettre, il l'avait hautement approuvé puis n'avait reçu aucune réponse. Il supposait qu'elle était bien arrivée.

-Nous devrons parler plus tard de l'héritage.

-Tu prévois déjà ta mort ?

-Je me fais vieux. Je dois m'assurer que tout est en ordre. Étant mon seul héritier, j'espère que je n'aurai pas à t'enterrer de si tôt.

S'il ne le connaissait pas assez bien, il pourrait croire que sa vie lui importait seulement pour garder la lignée. Heureusement, il savait que son père l'aimait, à sa manière. Perseus n'avait jamais eu à se plaindre de sa famille.

-Mourir ne fait pas parti de mes souhaits, si ça peut te rassurer, grimaça-t-il, sentant Cassiopeia se tendre à nouveau contre lui.

-J'espère bien. En tout cas, je suis content de te revoir, mon fils. Vivant et heureux.

Il jeta un regard à la dérobée à Cassiopeia. Il ne lui avait jamais rien reproché à propos de ses choix en matière d'amour. S'il désaprouvait son comportement, il le gardait pour lui. Et Perseus le remerciait silencieusement pour cela.

Il repartit rejoindre sa mère après lui avoir offert son plus beau clin d'oeil. Cassiopeia se détendit, ses doigts s'entremêlant aux siens.

-Je hais cette journée, maugréa-t-elle.

-Pense qu'elle ne dure que vingt-quatre heures et que onze sont déjà passées.

Toutes ces conversations lui montaient à la tête. Celle de Harfang et ses accusations injustifiées, celle de son père et ses prévisions pour sa mort prochaine. Cassiopeia et lui s'avancèrent vers le maître de cérémonie et l'hommage commença.

Le silence pesant occupait le champ entier. Face à une surface recouverte de cercueil, les mots manquaient. Même les sang-purs qui n'avaient perdu personne de leurs familles baissaient le regard. C'était la première fois que le monde des sorciers connaissait une guerre aussi sanglante. Personne n'avait connu ça auparavant et tout le monde priait pour que ce cauchemar termine rapidement.

Cassiopeia priait pour que cette cérémonie seule se termine rapidement. Sous le rebord de son chapeau noir, elle ne voyait que la moitié du paysage, mais cela lui suffisait. Ce champ était un cimetière frais. Des corps pourrissaient dans ces cercueils. La mort les survolait.

Une vague de frisson parcourut son échine.

Un coup d'oeil sur le côté lui permit de voir Walburga. Elle paraissait aussi mal à l'aise qu'elle. Cassiopeia trouvait absurbe d'emmener des enfants ici. Ils étaient trop jeunes pour contempler la crauté de ce monde. Trop jeunes pour se rendre compte que le but ultime de la vie était la mort.

La petite fille sentit son regard et tourna la tête dans sa direction. Ses sourcils se levèrent, une interrogation sur les lèvres. Cassiopeia hocha la tête.

-Je reviens, murmura-t-elle à Perseus.

Elle se détacha de lui et se fraya un chemin entre la foule. Des airs mauvais lui furent adressés mais elle les ignora. Il était hors de question qu'elle écoute une minute de plus des paroles si funestes.

Le temps qu'elle se soit enfui de l'assemblée, Walburga avait déjà couru jusqu'à un arbre isolé, quelques mètre plus loin. Un banc l'accompagnait. Elle la rejoignit avec un coeur plus léger, enfin débarrassée de ce sentiment lourd qui lui pesait.

-Marraine ! s'exclama-t-elle quand elle fut assez près pour l'enlacer.

Cassiopeia se baissa et la serra contre elle. Sentir sa poitrine se gonfler et se dégonfler lui avait manqué. Sa voix lui avait manqué. Tout lui manquait. Revoir Walburga était comme récupérer une partie de son âme. Le soulagement accompagnait toujours les retrouvailles.

Malheureusement, elles n'eurent pas l'occasion d'être seules. Alphard et Cygnus en avaient profité pour s'enfuir eux aussi. Visiblement, aucun d'eux trois ne semblaient apprécier la cérémonie.

-Mère va être fâchée, remarqua Walburga en fronçant les sourcils.

Alphard haussa les épaules, comme s'il ne s'agissait que d'un détail sans importance.

-Cygnus aurait fini par fondre en larmes si on s'était pas enfuis avant.

-C'est pas vrai ! rétorqua le concerné.

Cassiopeia s'en amusa.

-Pourquoi ça ?

-Il pleure tout le temps pour rien. La dernière fois, un oiseau a cogné la fenêtre, il est mort, et il a pleuré pendant des heures.

-C'est vous qui êtes des sans coeurs, râla Cygnus.

Se voir entourée d'autant de jeunesse revigorait Cassiopeia. Elle avait l'impression de se revoir elle avec ses frères et soeurs, ou ses cousins et cousines. Le temps était passé si rapidement qu'elle ne s'était pas rendue compte à quel point elle s'était éloignée de l'enfance. Même Poudlard lui paraissait lointain.

-Marraine, tu pourras m'emmener en Autriche avec moi ?

-Et avec moi ! quémanda Cygnus.

-Ce n'est pas un lieu pour des enfants, rit-elle.

-Père dit que vous logez dans un château, dit Alphard.

-Il se dénomine peut-être château mais on dirait plus une prison.

En fait, c'était une prison, elle ne comprenait même pas pourquoi Grindelwald l'appelait "château de Nurmengard". Comme s'il n'assumait pas la nature même de sa construction. Alphard hocha la tête, comme s'il s'agissait d'une information à prendre en compte.

-Ma marraine à moi elle a dit qu'elle m'emmènerait en Italie dans un palace, fit Cygnus, fier de sa déclaration.

Comme Walburga s'était vue attribuée une marraine, ses frères avaient eu droit à la même chose. Ainsi, Callidora s'occupait de Cygnus et Régulus de Alphard. Pour l'instant, ils étaient trop jeunes pour valoriser l'importance d'une telle figure, mais elle était persuadée que Callidora et Régulus allaient devenir très importants pour eux.

-Elle ne pourra pas. C'est la guerre, déclara gravement Alphard.

Dit ainsi, on aurait dit une réplique miniature de Régulus. L'ironie faisait que ce dernier soit justement son parrain. Le hasard faisait bien les choses.

-Elle le fera dès qu'elle en aura l'opportunité, le rassura-t-elle. Et tu seras avec tes cousins.

Même si Asler et Lara pouvaient s'avérer de très mauvaise compagnie parfois.

Leur échange prit fin avec l'arrivée mouvementée de Irma. Sa fureur se lisait clairement sur son visage. Cassiopeia sentit son coeur s'allourdir à nouveau. La mère s'empara avec brusquerie du bras de Walburga, si fort que Cassiopeia hésita à lui reprocher son manque de douceur. Étrangement, elle ne fit cela qu'à Walburga. Les garçons demeurèrent libres.

Les sermons, en revanche, lui revinrent à elle.

-Ne t'approche plus d'eux, cracha-t-elle. Je refuse que tu leur adresse une seule parole.

-Et pourquoi ça ? s'indigna-t-elle, ne comprenant pas la raison de sa réaction disproportionnée.

-Je ne souhaite pas que mes enfants se retrouvent en compagnie d'une...

Elle ne prononça pas le dernier mot. À la place, sa bouche se tordit.

-Nous savons toutes les deux à quoi je fais référence.

L'inceste ou le meurtre, Cassiopeia ne su lequel des deux dominait ses pensées. Son visage se figea dans la haine. Elle lui retirait Walburga parce qu'elle savait qu'il s'agissait du meilleur moyen pour la blesser. Et sa manière de la tenir trahissait son comportemnt ingrat envers elle. Cette fille qu'elle ne considérait même pas comme telle.

-Tu es maudite. Partout où tu poses les pieds, le malheur se répands. Épargne mes enfants, c'est la seule chose que je te demande.

Sa poitrine se bloqua. Elle aurait voulu dire quelque chose. S'indigner. Rétorquer.

Mais elle n'en fit rien, parce qu'Irma avait raison.

Walburga lui jeta un regard désolé avait de gémir quand sa mère la tira loin d'elle. Cygnus commençait déjà à pleurer et Alphard obéissait, tout simplement.

Le monde la fuyait, encore une fois.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top