XXVI. 15 décembre 1940 - l'italien

Deux souffles saccadés brisèrent le silence nocturne de la chambre. Un gémissement suivit, puis un bruit de tissu. Une jupe qu'on remontait. Une main qui s'aventurait au delà de toute limite. La parure de saphirs éclatants s'écrasa au sol dans un bruit sourd.

Elle avait coûté cinq-cent milles tsarins à la princesse Nina Andronikov.

Mais en ce moment, tout ce qu'elle souhaitait, c'était lui. Cet inconnu qu'elle venait de rencontrer. Ses mains caressaient l'intérieur de ses cuisses plus délicieusement que ne l'avait fait n'importe quel homme. Elle ignorait son origine, ni pourquoi il ne parlait pas russe, mais elle n'avait pas eu besoin d'entamer la conversation avec lui pour savoir qu'elle le voulait.

Oui, elle le voulait. Et à présent, il était sien.

Ses mains s'écrasèrent sur son torse et le poussèrent jusqu'au lit. L'inconnu se laissa faire, un demi sourire creusant ses pomettes. Elle le coucha sur les draps, s'assayant sur lui. Elle le contrôlait. Il était à sa merci.

-Comment t'appelles-tu ? demanda-t-elle en russe.

Il fronça les sourcils, ne semblant pas comprendre.

-Quel est ton nom ? répéta-t-elle en anglais.

Ses traits se détendirent. Rien ne lui disait qu'il était anglais, puisqu'elle utilisait une des langues les plus parlées d'Europe, mais ce qui était sûr, c'était qu'il n'était pas d'ici.

-Je m'appelle Marius.

-Marius quoi ?

-Giovatti.

Un italien. Elle avait noté un petit accent dans son parlé. Soulagée qu'il ne soit pas un homme des pays ennemis, elle se cala un peu plus sur lui et déboutonna lentement sa chemise.

-Pourquoi es-tu là ?

-J'ai beaucoup entendu parlé de votre renommée. Je suis venu ici uniquement pour vous rencontrer.

Elle éclata de rire. Son front parti en arrière, sa gorge se déploya. Ce que l'espèce masculine était capable de faire pour des femmes. S'en était presque ridicule.

-Vous êtes venu ici juste pour moi ? voulut-elle s'assurer.

Il ne s'était pas vexé de son rire.

-Bien sûr.

Elle termina de déboutonner le haut et dut reculer un peu pour s'occuper du bas. Ses doigts fin se glissèrent sous le tissu de son pantalon. Avec l'autre, elle défit la boucle de la ceinture. Il reposa sa tête sur les draps et fixa le plafond avec autant de plaisir que si des dieux étaient en train de le toucher.

Sauf que c'était elle, la déesse.

Quand elle le saisit, il échappa un grognement. Voir un homme jouir était presque aussi excitant que le sentir à l'intérieur d'elle. C'était pour cela qu'elle vivait. C'était cela, le vrai plaisir de la vie.

-Tu aimes ça ? demanda-t-elle dans un murmure.

Il ne répondit pas. Elle prit ça pour un oui.

Perseus était en train de passer le moment le plus horrible de sa vie. Parce qu'il n'était pas censé prendre du plaisir avec cette princesse. Il n'était pas censé survoler les cieux. Ni échapper de maudits grognements. Cela, il voulait le réserver à Cassiopeia.

Et à la place, cette Nina lui volait le privilège.

Il avait espéré que la rencontre soit un peu plus douce, mais visiblement, la princesse aimait le contact. Elle n'avait pas attendu qu'il ait prononcé un mot pour le mener vers sa chambre. Il aurait été un tueur à gage qu'elle n'en aurait jamais rien su. Heureusement pour elle, il n'en était pas un. Ce qu'il voulait, c'était juste des informations. Le genre de choses qu'elle ne pouvait pas lui donner si elle le tenait prisonnier entre ses mains.

Perseus se détesta lui-même. Mais il le faisait pour Grindelwald, pour ses idées, pour la victoire. Il le faisait pour Cassiopeia. En pensant à elle, sa rage envers lui-même ne fit qu'enfler. Il allait devoir lui raconter tout ça. Elle allait écouter.

Il allait lui faire du mal alors qu'il s'était promis de la protéger.

Nina baissa en entier son pantalon et se calla sur ses hanches. Son corps commença à se mouver au rythme de sa respiration. Perseus se refusa de la regarder. Il se refusait de ressentir le moindre sentiment de plaisir. Son esprit demeurait indépendant aux réactions de ses membres. Tout ce dont il fut capable de penser fut Cassiopeia.

Ses yeux plus noirs que la nuit. Ses caresses. Ses sourires. Elle était magnifique quand elle souriait, même si ces moments étaient rares. La manière dont ses longs cheveux blonds tombaient en cascade dans son dos. Petit à petit, les mèches brunes de Nina se virent attribuer des mèches dorées. Son visage s'affina, son regard devint plus perçant, avec une lueur de malice à l'intérieur.

Elle était là. Avec lui.

Alors, cette fois-ci, il se permit de ressentir. Il toucha son visage, joignit sa respiration à la sienne. Il l'aima. Profondément. Et quand le sommeil le gagna, il s'endormit dans ses bras.

Parce que c'était le seul endroit où il se sentait réellement chez lui.

Les rayons du soleil matinal lui chatouillèrent le visage seulement quelques heures plus tard. Entre les draps emmêlés, sa main tatonna la place vide à ses côtés. Il tourna la tête dans un grognement.

Personne.

Puis les évènements de la veille lui revinrent. La manière dont Nina Andronikov l'avait mené loin des convives, s'était presque jetée sur lui pour l'embrasser, que dire, le dévorer. La façon dont, pour supporter la soirée, il s'était imaginé Cassiopeia. Oui, juste imaginé. Tout n'avait été que fruit de son imagination.

Et s'en rendre compte lui fit mal. C'était comme un rêve délicieux où notre désir intérieur était réalisé. Puis le jour se levait et, à l'instant où on soulevait les paupières, le rêve s'effritait. Et avec lui, tous nos espoirs. Perseus passa une main sur son visage, à moitié dépité, puis se redressa. Immédiatement, des voix lui parvinrent.

Elles venaient de la pièce d'à côté.

Se souvenant de la raison de sa présence ici, il fit attention à ne pas faire de bruit en se levant et gagna la porte. Les voix se firent plus nettes. L'entrouverture lui permit de passer un oeil. Une femme se tenait au milieu de la pièce en robe de chambre, ses longs cheveux bruns lâchés. Ce devait être Nina. En face, un jeune homme à la carrure imposante tenait un verre de vin dans sa main. Sa veste était brodée d'or et des médailles l'ornait. Ses cheveux plaqués en arrière dévoilaient un visage sévère et froid.

-L'Empereur attends plus de nous que de simples préparations. Il est temps d'agir.

-Mais ne vous rendez-vous pas compte ? s'exclama Nina. Vous avez l'Europe entière contre vous ! C'est impossible de ga...

-Tu ne sais rien de nos plans.

-J'aimerais savoir.

-Pourquoi, si tu es convaincue que l'on va gagner ? Que veux-tu à la fin ?

-Je veux que mon pays gagne, répondit-elle en s'approchant de lui. Je veux voir la Russie briller sous la victoire. La noblesse de ce pays recevoir ses récompenses.

L'homme éclata d'un petit rire.

-L'Empereur ne partagera rien. Il recevra tout l'honneur de la victoire comme si c'était lui qui avait mené la bataille. Tu le sais, nous le savons depuis que nous nous sommes agenouillés devant lui.

Elle se retourna et Perseus réalisa un pas en arrière, de peur d'être vu. Il ne pouvait plus rien observer, à présent. Mais il entendait.

-Où allez-vous attaquer ? demanda-t-elle.

-En premier, en Angleterre. C'est l'ennemi principal d'Igor. Nous attaquerons Londres et prendrons le Ministère.

-Régulus Black vous éjectera aussitôt que vous aurez mis un pieds sur son territoire.

-Qu'il s'y amuse. Je l'attendrai.

-Tu es un idiot, Rédor. Ne vois-tu pas ce que je vois ? Igor se sert de toi pour tester les limites des Black. Il se fiche bien de savoir si tu vas mourir ou non dans la tentative. Tout ce qu'il veut, c'est savoir jusqu'où le Ministre Anglais est capable d'aller en cas d'attaque. Ce qu'il peut faire. Veux-tu mourir lors de la première bataille ?

-Dans ce cas, que proposes-tu ?

-Attaquons les plus petits pays. La Norvège, la Bulgarie. Prenons ces Ministères là, faisons comprendre aux anglais qu'ils perdent leurs alliés.

Un silence passa. Le seul bruit audible fut le son de sa respiration.

-Très bien, déclara enfin la voix de l'homme. L'assemblée approuvera certainement cette décision. Mais si tu veux y participer, tu dois venir avec moi.

-Non. Prendre la Bulgarie et la Norvège sera un jeu d'enfant. Je veux participer à la vraie bataille. Je veux voir l'Angleterre trembler sous mes pieds.

-Je t'offrirai ce plaisir avec joie, petite soeur.

Des pas firent grincer le parquet. Quand Perseus avança sa tête, il entraperçut l'homme déposer un baiser sur le front de Nina. Maintenant qu'il y songeait, la ressemblance sautait aux yeux. La même froideur dans le regard. Le même regard tranchant. Il comprit alors pourquoi la famille Andronikov était la favorite de l'Empereur Igor : elle représentait la Russie même.

-La Bulgarie ne s'attendra pas à une attaque, continua le dénommé Rédor. Rien ne se dressera sur notre chemin.

-Non, rien, sourit Nina. Même pas Régulus Black.

Perseus recula de quelques pas, le coeur gonflé d'une joie incontrôlable. Régulus Black, peut-être pas, mais Cassiopeia Black, très certainement. Il s'empara de sa chemise, la boutonnant dans une précipitation fébrile. Il tenait la plus grosse des informations dans sa main. Finalement, cette nuit de sacrifice aurait porté ses fruits.

-Tu t'en vas déjà ?

Il ne l'avait pas entendu rentrer. Son regard l'interrogeait silencieusement, se posant sur ses jambes nues. Perseus s'empressa de se revêtir de son pantalon.

-Oui. J'ai des choses à faires.

Il fit bien attention à insérer l'accent italien dans ses mots. Toute erreur de sa part pourrait le conduire tout droit vers les oubliettes de l'Empereur Russe. Il se trouvait dans la gueule du loup et ne devait pas l'oublier.

-Très bien.

Elle s'avança puis s'empara tendrement de son menton. Il n'y eut rien de méchant dans ce geste. Mais Perseus souhaitait seulement qu'elle le lâche. Il ne voulait pas qu'elle le touche. Ni qu'elle lui parle. Il ne voulait pas d'elle.

-Tu reviendras, j'espère.

-Bien sûr, se força-t-il à dire.

Le pire était qu'il allait devoir honorer sa promesse. Son espionnage était loin d'être fini. Grindelwald lui demanderait plus d'information. Et Nina, plus de lui.

-Je dois y aller, maintenant, lui rappela-t-il en prenant son menteau. Au revoir, Princesse.

Il lui offrit un léger sourire et sortit de la pièce avec soulagement. C'était terminé. Enfin.

Le trajet du retour se déroula dans le plus grand froid. En ce milieu de décembre, la glace recouvrait les routes, les bancs, les arbres. La neige était devenu le menteau de cristal du monde. Perseus batailla contre le vent glacial qui liu fouettait les joues. Hors du territoire impérial, il put enfin transplaner.

Son entrée dans le château de Nurmengard se fit dans la plus grande discrétion. Seule Vinda le vit arriver, assise sur un des fauteuils du salon. Elle lui adressa un bref regard puis détourna son attention aussi rapidement que possible. Il continua son chemin vers le bureau de Grindelwald. Doucement, il toqua à la porte. Celle-ci s'ouvrit seule.

Il l'attendait. Les mains croisées dans son dos, il fixait le paysage que la fenêtre lui laissait admirer. La luminosité blanche du dehors contrasta avec sa silhouette ombrée. Il parvenait toujours à faire de l'effet. Et ça marchait.

-Ils veulent attaquer en premier la Bulgarie puis la Norvège.

Grindelwald hocha la tête.

-Réveille Cassiopeia. Fais appeler Hyades et Doliona. Vous irez défendre le Ministère Bulgare.

C'était ce que Perseus avait deviné. Si le mage noir était assez intelligent, des sorciers de leurs alliés les auraient déjà rejoints. Des américains, des allemands ou des français. Les Russes se verront bloqués dès leur première attaque.

Il avait hâte de voir ça.

Sorti du bureau, il monta en courant les escaliers et s'engouffra dans la pièce commune puis dans la chambre. Cassiopeia était couchée sur le côté, les paupières lourdement fermées. Grindelwald la savait déjà endormie. Il se demanda comment.

Lentement, il prit place contre elle et se colla contre son dos. Il perçut un léger mouvement de sursaut, mais rien de plus. Un silence chargé de peine régnait. Son bras s'enroula autour de sa taille. Il enfouit son nez dans le creux de son cou.

-Nous devons nous préparer à nous battre, murmura-t-il.

Elle ne dit rien.

Elle savait.

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