XXII. 9 août 1940 - la réunion
Cassiopeia était allée retrouver son père chez lui, en compagnie de Perseus. Régulus et ses deux françaises devaient les retrouver là-bas pour parler de la prochaine marche à suivre. Il lui avait parlé des filles qui désiraient se battre pour Grindelwald, mais elle attendait de les rencontrer en personne. Elle n'avait pas l'habitude de porter les français dans son coeur, mais elle pourrait faire une exception.
Cygnus Black accueillit Perseus Lestrange avec une curieuse bienveillance. Il lui tapa sur l'épaule, le complimenta plusieurs fois sur les valeurs de sa famille et ce qu'il comptait faire de son héritage. Le sujet de sa femme fut soigneusement évité. Quand Perseus s'absenta quelques minutes pour se rendre aux toilettes, son père lui glissa dans l'oreille "Il aurait pu faire un époux formidable."
Elle n'eut pas le temps de lui répondre que jamais elle ne se marierait.
Porter le nom Black était ce qui la définissait. Le perdre dans un mariage signifierait perdre son identité. Et pour autant qu'elle aimait Perseus, elle n'était pas prête à faire ce sacrifice. Ce qui tombait bien puisqu'il était déjà marié.
Même si son père dédia une particulière attention à son amant, il ne fut pas moins heureux d'exprimer sa joie à l'idée de la revoir. Lui et sa mère s'étaient fait un sang d'encre lors de sa disparition. Tout le monde, à vrai dire. Mais la revoir forte et déterminée lui réchauffait le coeur. Cassiopeia n'avait jamais imaginé son père exprimer à haute voix ses sentiments, mais il fallait croire que la vieillesse attendrissait l'âme.
Et elle aimait ça.
-Ton frère était très inquiet aussi, tu sais, continua-t-il. Ne lui as-tu pas rendu visite ?
-Non, pas encore, répondit-elle distraitement. Et Dorea ?
-Ta soeur aussi, même si elle avait surtout peur que tu ne sois pas là pour son mariage.
Le mariage. Elle avait presque oublié. Elle passa outre le fait que sa soeur était plus préoccupée par la cérémonie que par elle et demanda avec panique :
-Quand est-ce, déjà ?
-Dans trois mois. Penses-tu être là ?
Il avait déjà lu dans ses pensées.
-Je n'en sais rien. Tout dépends de ce que Grindelwald a prévu de faire. Mais comme je ne l'ai pas vu depuis longtemps, je ne peux pas te dire.
-Elle serait déçue si tu étais absente.
-Je sais. Et j'essaierai d'être présente, je le promet.
Elle avait contribué à son union, il ne fallait pas qu'elle manque le point final. Et elle souhaitait vraiment voir sa soeur heureuse. Mais ce temps de guerre n'arrangeait pas vraiment les choses.
Régulus fit son apparition une demi-heure plus tard, alors que Cygnus et Perseus étaient en pleine conversation concernant les affaires du Ministère. Perseus ayant cédé sa place en vue de son engagement dans la guerre, il se renseigna auprès du père de famille.
Dès que le regard de son cousin se posa sur elle, son coeur se réchauffa. Il avait l'air... nouveau. Plus rafraîchi, moins fatigué. Il fallait croire que son détour par la France lui avait fait du bien.
-Je suis heureux de te voir vivante.
Il l'enlaça et la tint longtemps contre lui. Régulus était devenu comme un frère avec le temps. S'il n'était pas revenu en urgence en Angleterre à l'annonce de sa disparition, c'était parce que, au fond de son coeur, il savait. Il la connaissait assez pour savoir qu'elle n'avait rien fait d'autres que fuir. Il lui faisait confiance. Et elle lui avait montré qu'il avait raison.
Quand elle se détacha, ses yeux se portèrent automatiquement sur les deux femmes qui se tenaient derrière lui. Les différencier aurait été impossible s'il n'y avait pas la couleur des cheveux. Leur visage était fin, leur regard doux, mais Cassiopeia put nettement voir que c'était un leurre.
Cassiopeia voyait tout. Surtout les choses qu'on essayait de cacher profondément.
-Enchantée, se présenta la brune en tendant sa main. Hyades Duchesses.
-Cassiopeia Black, dit-elle en la serrant.
-Voici ma soeur, Doliona.
La blonde ôta son chapeau melon et la fixa dans les yeux. Celle-ci était plus intéressante. La douceur qu'elle tenait comme un masque cachait un pur démon. Le sang sur ses mains était plus qu'évident. Elle ne sut quoi en déduire. Il suffisait d'être leur ennemi pour craindre d'être assassiné. Du poison, qui plus est. L'arme des lâches.
Des françaises dans toute leur splendeur.
-Ravie de vous connaître, leur sourit-elle.
Mieux valait être leur alliée, dans ce cas.
Tout le monde se rejoignit autour de la table, Régulus à la tête. Cygnus se tenait à ses côtés, observant à la dérobée les deux nouvelles arrivantes. Il ne faisait jamais confiance aux étrangers.
Cependant, avant qu'il ne put ouvrir la bouche, une silhouette se dessina dans l'encadrement de la porte. Ses cheveux blancs dressés sur sa tête et son oeil blanc suffirent à poser un froid dans la salle. Habillé d'un élégant costume décoré, il avait presque l'air des leurs. Presque.
-Voici donc mes futurs soldats.
La dernière fois qu'elle l'avait vu, il lui avait exposé ses plus grands projets pour le monde. Il l'avait convaincue d'apprendre la Mortemencia. En le voyant, toute cette liberté promise la frappa avec force. Elle y crut plus que jamais. Elle se retrouva consuméee par le désir de se battre, le désir de gagner. Il sentit ses émotions la dévorer. Il la regarda. Et il lui sourit.
Sauf que ce n'était pas vraiment un sourire. Plus une promesse. La promesse de lui donner ce qu'elle désirait.
-Monsieur Grindelwald, l'accueillit Régulus en se penchant légèrement. Nous avons enfin l'honneur de votre présence.
Le "enfin" semblait lui avoir échappé. Mais le mage noir ne le prit pas mal. En quelques pas, il rejoint la table et se confondit au groupe. C'était sa techique préférée. Leur donner l'impression d'être comme eux pour mieux les contrôler. Mais voulait-il réellement le contrôle dans leur cas, ou juste une fidélité sans faille ?
-Je suis entièrement à vous à présent, Monsieur Black, s'amusa-t-il à répondre. Pour maintenant et les mois à suivre.
Les jumelles contemplaient le mage avec admiration. Il était l'incarnation même de la noblesse. Une poignée de promesses susurrées, des paroles idylliques, tout pour séduire deux jeunes sorcières en quête de liberté. Voilà ce qu'était réellement Grindelwald.
Une illusion.
Mais même si elle savait cela, Cassiopeia continuait de croire en lui. Parce que peut-être que son but ultime était impossible, mais au moins, il faisait quelque chose pour rendre le tout possible.
-La Confédération Internationale Magique est dans quatre jours, est-ce exact ? commença-t-il, centrant son attention sur Régulus.
-Oui. Tous les Représentants de tous les pays seront présents. Ce sera à ce moment là que l'on saura qui sera notre ennemi.
-David nous a dit qu'il y avait déjà des prédictions, intervint Doliona.
-La royauté magique est naturellement contre mes idées, expliqua Grindelwald. Si mon idéologie se répends, la noblesse qu'ils essaient de maintenir fermement sous leur pieds revendiqueront leurs droits.
-Il existe une royauté magique ? s'étonna Cassiopeia.
Dans les livres d'histoire, elle avait pu lire des choses sur des rois et des reines gouvernant sur la société magique de leur pays, mais elle pensait cela révolu.
-Dans beaucoup de pays de l'Est, répondit-il. Le Danemark, la Hongrie, la Russie.
-Les russes sont coriaces, grimaça Régulus. Certains ont eu vent de leur position. Je tenterai de les convaincre, mais ce ne sera pas chose simple. La Roumanie est déjà notre ennemie et elle entretient des liens importants avec la Russie.
-Nous devons bien avoir des ennemis, soupira Grindelwald. Mais songeons aussi qu'il y a le peuple. Certains sorciers ne sont pas d'accord sur les idées prônées.
-Ceci est une affaire du Ministère, le coupa Régulus. Nous nous occupons de cela.
Il le rassura d'un sourire.
-Bien sûr.
-Et l'Autriche ? demanda Hyades, qui n'avait pas ouvert la bouche jusque là. C'est un pays puissant.
-Un pays qui m'appartient déjà, déclara-t-il avec une certaine fierté. Mes fidèles tiennent le Ministère d'une main de fer. C'est là-bas que nous nous rendrons. Au château de Nurmengard, pour être plus précis. Ils nous attendent déjà.
-Qui ça ? demanda Cassiopeia.
Il tourna la tête vers elle, une lueur dansante dans ses iris bicolores.
-Te sens-tu prête ?
Il n'avait pas répondu à sa question, mais elle n'osa pas insister. Ni lire dans son esprit. Sa barrière était trop épaisse, il s'était déjà préparé à l'affronter.
-Oui.
-Bien.
Ce fut la seule attention à laquelle elle eut droit.
Ils n'eurent pas l'occasion d'approfondir leur discussion puisque le plancher craqua dans leur dos. Pollux se tenait raide dans son costume, les traits tirés par la fatigue. Cassiopeia s'arrêta de respirer. Leur relation était détruite, mais elle ne pouvait pas s'imaginer qu'il était capable de lui jeter de tels reproches au visage. Pas de cette manière, pas devant tout le monde.
-Toi ! s'exclama Régulus, animé par la rage.
-Je veux parler avec ma soeur, articula-t-il, ne détachant pas son regard d'elle.
Son cousin ouvrit la bouche pour répliquer, mais Cassiopeia l'incita silencieusement à laisser passer. Elle avait su la raison de sa colère envers lui dès l'instant ou il l'avait serré contre elle. Sa colère était plus que lisible.
Pollux ne semblait pas s'être aperçu de la présence de Grindelwald. Il était venu pour elle et ne repartirait pas avant d'avoir eu ce qu'il voulait. À contrecoeur, elle s'éloigna de Perseus malgré son regard brûlant dans son dos. Elle lui avait promis qu'il n'y avait plus rien entre eux. Elle tiendrait cette promesses.
Ils se réfugièrent dans le couloir, assez loin pour que personne ne les entendent.
-Qu'est-ce que tu veux ?
-Ce que je veux ? Es-tu sérieuse ?
Elle haussa un sourcil, ne sachant pas vraiment pourquoi il se montrait si consterné. Face à son incompréhension, il ferma les yeux et se pinça l'arrête du nez, comme exaspéré.
-Te rends-tu compte que tu as disparu du jour au lendemain sans laisser de trace, puis que tu reviens deux mois plus tard sans même songer à venir me voir ?
-Pourquoi ferais-je cela ?
-Parce que je suis ton frère ! hurla-t-il.
Les murs répétèrent son cri. Une veine apparut sur son front, prête à exploser à tout moments. Cassiopeia recula de quelques pas, surprise. Elle avait pu voir sa rage, mais elle n'avait pas prévu cette réaction. Toute la maison avait du l'entendre.
-Je comprends que tu veuilles rester avec ton prince-charmant-déjà-marié plutôt que moi, mais je demeure ton frère aîné, Cassiopeia. Et rester ainsi dans l'ignorance est un manque de respect de ta part.
-Depuis quand y a-t-il du respect entre nous ?
-Depuis que tu es parti avec Perseus.
Elle éclata d'un petit rire.
-Tu es vraiment jaloux, hein.
Elle ne le vit pas approcher. Elle n'anticipa pas non plus cette action. Ses émotions l'empêchaient d'y voir clair, elle ne contrôlait plus rien. Son âme était un volcan en fusion.
-Tu veux savoir la vérité ? Oui, je suis jaloux. Jaloux de le voir gagner. Jaloux de te voir pendue à ses bras comme s'il t'avait promis le monde entier.
-Perseus m'aime. Je l'aime aussi. Notre amour est sain.
-Depuis quand entretenir une relation saine est aussi important pour toi ?
-Depuis que je suis devenue une adulte responsable et redevable envers ma famille, lui cracha-t-elle. Ce que tu devrais être aussi.
-Je suis ta famille.
-Tu n'es que mon frère.
Sa bouche atterit sur la sienne dans un mouvement brusque. Cassiopeia sentit ses dents se cogner, ses lèvres s'écraser sous un poids douloureux. Son volcan explosa. Elle employa ses deux mains pour le repousser, à présent révoltée par la simple idée d'embrasser son frère.
Elle le gifla. Sa claque produisit un bruit sec qui se répéta entre les murs du Manoir.
-Ne me touche plus jamais. Si tu veux du respect, alors cela commence par là.
Partir. C'était l'unique chose qu'elle désirait. Mais à peine fit elle deux pas qu'il lui attrapa le bras.
-Cassiopeia, tu...
Elle se dégagea avec une telle véhémence qu'il s'en montra surpris.
-J'ai dit, ne me touche pas.
Puis elle s'enfuit.
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