XX. 27 juillet 1940 - le retour
Les flashs l'aveuglèrent. Une foule immense se poussait entre eux, s'assénait des coups de coudes et s'insultait pour pouvoir s'emparer d'une place prestigieuse. Les plumes à papotes griffonaient les papiers et des voix s'élevaient. Des questions. Des milliers de questions.
David se protégea de la lumière aveuglante d'un appareil photo. On le bousculait de tous les côtés. L'étouffement le saisissait à la gorge et lui comprimait la poitrine. On lui aurait dit qu'il avait atterri en Enfer, il y aurait cru.
-Monsieur Duchesses, que prévoyez-vous de faire maintenant que vous êtes président ? parvint-il à entendre entre le brouaha assourdissant.
-Je ferai ce qui est le mieux pour la France, répondit-il avec une sécurité qui s'envola dès la deuxième question posée.
-Envisagez-vous de suivre Grindelwald ?
Il regarda derrière lui en recherche d'une quelconque aide. Il n'apperçut que les Aurors. Ses soeurs et Régulus devaient se trouver à l'intérieur avec interdiction de s'interposer. Il ne savait même pas ce qu'il faisait ici. Un poids énorme semblait s'être abbatu sur ses épaules.
-Je compte former une alliance avec l'Angleterre.
Il espérait que cette réponse saurait les satisfaire.
-Qu'est-ce que cela fait d'être le premier Président de la France ?
-Je... je ne suis pas vraiment président. Je suis un représentant élu par le Conseil.
-Peut-on dire que l'aristocratie française a pris fin ?
N'avaient-ils rien écouté à ce qu'il venait de dire ?
-Un Représentant est élu dans un état de guerre. L'aristocratie demeurera le système sur lequel notre société magique s'appuira.
-Donc vous affirmez que nous sommes en guerre ?
-Oui.
Ce ne fut plus des milliers, mais des millions de questions qui fusèrent en même temps. Il ne savait pas ce que cela allait donner dans un journal, et honnêtement, il n'avait aucune envie de savoir. Cet interrogatoire était un désastre. Mais que devrait-il répondre ? Il n'était pas un homme politique. Sa famille tenait les rênes du Ministère seulement depuis quelques années et son père ne lui avait jamais enseigné le métier. Pourquoi le Conseil l'avait-il élu lui ?
Il recula sous la grande déception des journalistes. S'en était fait avec la presse. Il ne voulait plus prononcer un mot. Chaque parole lui semblait être une braise prête à enflammer le monde. Les Aurors s'interposèrent entre lui et la foule, lui laissant un peu plus d'espace. David put enfin respirer normalement.
Il se réfugia de nouveau à l'intérieur, sous les verrières bleutées du Ministère de la Magie. Trois membres du Conseil étaient présents ainsi que ses soeurs et Régulus.
Il était épuisé. Tout ce qu'il voulait, c'était retourner au bord de cet étang. Se réfugier dans sa bulle, s'abandonner à ses plaisirs. La guerre, quelle invention. Elle ne tuait pas seulement des soldats, elle anéantissait des vies.
-Alors ? s'enquit Régulus en se postant face à lui.
Avec sa canne de diamant, ses joyaux aux doigts et son costume orné de chaînes d'argent et de corbeaux en métal, il impressionait. Cela ne fit que confirmer son sentiment d'inutilité.
-Je ne suis pas fait pour être Président, confessa-t-il assez bas pour que les membres du Ministère de l'entendent pas.
-Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes ?
-Régulus, regarde-toi. Tu es né pour ça. Tu as l'apparence et le caractère d'un leader, tandis que moi je... la seule responsabilité que j'ai eu dans ma vie a été celle de ma famille.
-Tu n'es pas seul, David. Le Conseil est avec toi. Tes soeurs, tes beaux-frères, moi.
-Tu devras bientôt repartir dans ton pays, réalisa-t-il amèrement, tandis que moi je serai bloqué ici.
Régulus laissa sa canne s'appuyer contre lui et déposa ses deux mains autour de son visage. Le cuir des gants n'ôta rien à la tendresse qu'il transmettait. Tout à coup, il se sentit en sécurité. Protégé.
-On ne se séparera plus, je te le promets. Cette guerre ne nous arrachera pas nos rêves. La France et l'Angleterre se tiendront côte à côte jusqu'à la fin.
-Jusqu'à la fin, répéta David.
Cela sonnait tant idyllique. Il aurait aimé le croire. C'était tentant.
Mais la réalité était souvent bien plus sévère que les promesses de deux amants.
Il agrippa ses poignées et les éloigna de lui. La douleur agita les pupilles de Régulus. Les muscles de son visage se contractèrent en une incompréhension totale.
-Ne me donne pas de faux espoirs.
Puis il partit. Régulus chancela. Ce n'étaient pas des faux espoirs. Il y croyait lui aussi, il ne pouvait pas appeler cela ainsi. Lycoris arriva à sa hauteur, inquiétée. Mais son regard resta accroché à David, analysant le moindre de ses gestes.
-Envoie une lettre à Pollux, ordonna-t-il avec un bref instant de silence.
-Et qu'est-ce que je lui dis ?
David gardait un visage grave face aux membres du Conseil. Ceux-ci déblatéraient leurs indications sans songer qu'ils parlaient dans le vide.
-Un grand poste l'attends ici.
***
-Promets-moi qu'il s'agit de la dernière réception à laquelle on assiste, grommela Perseus en entrant dans le vestibule des Greengrass.
-Maria m'a priée de venir, c'est une grande amie, se justifia Emma.
-J'espère que votre amitié ne se prouve pas dans un lit.
La jeune femme se pétrifia. Si elle croyait qu'il allait oublier cette après-midi là, elle se mettait le doigt dans l'oeil. Rien ne le hantait autant. Et depuis la disparition de Cassiopeia, leur relation s'était considérablement refroidie. Emma avait plusieurs fois tenté de le séduire, mais rien ne faisait céder Perseus. La rancune le consumait.
Il déposa son menteau à l'entrée et entra dans la salle de réception sans un mot de plus pour sa femme. Arthur Rowle lui adressa en premier la parole et la conversation débuta. Autour, les invités échangeaient. Une silhouette attira l'attention de Perseus. Son dos nu plongeaient jusqu'à la fin de sa colonne vertébrale. Des chaînes d'argent tressaient de belles formes sur la peau nue. Ses cheveux rassemblés en chignons bas étaient presque blancs, avec des reflets dorés.
La silhouette se retourna.
Deux yeux aussi noirs le détaillièrent.
Perseus mourut de l'intérieur.
La voix d'Arthur lui semblait à présent être un souvenirs lointain. Toute cette réception s'envola dans un souffle. Il ne restait qu'elle. Sa beauté. Elle était revenue. Elle était vivante.
Quand elle disparut derrière un groupe de sang-pur, il abandonna son ami et se fraya un chemin entre les convives. Un aimant invisible le poussait à avancer, la rejoindre, la serrer contre lui et ne jamais la lâcher. Elle venait de s'échapper mais il la rattraperait. Il ne pouvait plus la laisser partir, plus maintenant.
Il vit sa silhouette se faufiler dans une autre salle. Un coup d'oeil dans son dos lui permit de vérifier que personne ne le suivait, puis il entreprit le même chemin.
Seules quelques bougies éclairaient la pièce. Les recoins étaient plongés dans l'obscurité malgré la pleine lune qui laissaient ses rayons blancs traverser les fenêtres. Cassiopeia se retourna quand il entra, droite dans sa robe fluide.
Il n'avait donc pas rêvé. Elle était bien là.
-Par la barbe de Merlin, jura-t-il.
Il fondit dans ses bras. La toucher fut comme redécouvrir les beautés de ce monde. Sa peau était plus douce qu'une pétale, son odeur emplit ses narines et le grisa. Il enfouit son visage dans le creux de son cou comme si elle était la drogue qu'il quémandait depuis des années. Les mains de la jeune femme caressèrent ses cheveux avec une tendresse infinie. Elle était là, dans ses bras. Enfin. Il aurait voulu lui exprimer tout ce qu'il ressentait : soulagement, joie, amour, espoir, mais les mots se bloquèrent dans sa gorge. Elle le savait. Il était inutile de répétait ce que leurs coeurs connaissaient déjà.
-Je suis là, murmura-t-elle.
Il avait tant peur de la perdre. Oui elle était là, mais pour combien de temps encore ?
-Pour toujours, Perseus.
Il se détacha à contrecoeur, les sourcils froncés. Un faible sourire fit trembler ses lèvres. Sa main vint caresser sa joue ; il frissona sous ce contact.
Cassiopeia paraissait... différente. Son expression portait une paroi de glace qu'il n'arrivait pas à percer, même si se trouver dans ses bras était la sensation la plus extraordinaire qu'il n'ait jamais connu. Elle respirait la fraîcheur, la nouveauté. Et elle se tenait droite, plus digne que jamais, plus belle qu'un diamant.
-J'ai cru que tu étais morte.
-Moi aussi, souffla-t-elle. Je l'ai pensé un moment.
-Où étais-tu passée ?
Elle laissa retomber sa main dans un soupir. Mais Perseus ne voulait briser aucun contact. Il enroula son bras autour de sa taille, l'attirant fermement contre lui. Elle ne résista pas et déposa ses doigts sur son torse.
-Après avoir tué des sorciers devant le Square Grimmaud, j'ai pris peur. Je ne contrôlais plus rien. Alors je me suis réfugiée dans la forêt, là où je ne pouvais plus faire de mal à personne. Je suis tombée sur un château abandonné, perdu dans les collines. Et l'Ancienne est venue me retrouver.
Il laissa échapper un "oh" inaudible. Elle avait passé toutes ces semaines à s'entraîner, isolée du monde. Si elle revenait maintenant, cela voulait dire qu'elle était prête. La guerre attendait son arrivée.
-J'ai appris à me battre, reprit-elle. Maîtriser toutes ces pensées qui me détruisaient. J'ai souffert mais j'y suis arrivée.
-J'aurais pu être là pour t'aider.
-Non, répondit-elle précipitemment. J'aurais eu trop peur de te blesser. Seule, isolée, je ne me faisais du mal qu'à moi-même. Aucune distraction pour dévier mon chemin. Personne qui... qui incitait ma rage à éclater. Regarde, je suis là maintenant.
-Mais je te pensais morte, Cassiopeia, insista-t-elle plus sévèrement. Tu aurais pu me donner un signe de vie, m'écrire, quelque chose. J'ai passé des semaines à me demander si j'allais te revoir ou non !
Les traits de son visage se contractèrent. La tristesse se déversa dans ses iris tel un poison que l'on verserait dans une boisson.
-Je suis désolée.
-Ne me refais plus jamais ça.
-Promis.
Leurs lèvres s'approchèrent tel un aimant. Il avait tant rêvé de ce moment durant son absence. La toucher, l'embrasser, la contempler pendant des heures. Sa langue se glissa en elle, ce qu'elle accueillit avec bienveillance. Ses doigts plongèrent dans la racine de ses cheveux qu'elle agrippa alors qu'il s'aventurait plus profondément. Perseus ne pouvait plus respirer ; définitivement prêt à mourir dans ses bras. Mourir pour elle. Mourir dans un baiser.
-Mon amour, hoqueta-t-elle alors qu'il l'allongeait au sol.
Elle entendait toutes les pensées qui lui traversaient l'esprit. Savoir cela le contenta grandement. Il n'avait rien à lui cacher, tout à lui donner. Il était sien et elle était sienne. Rien ne pourrait renverser cette évidence.
-Où loges-tu ? demanda-t-il entre deux baisers.
-Dans notre appartement, laissa-t-elle échapper dans un souffle.
Elle avait dit "notre" avec un sourire.
Il redressa sa tête, la dévisageant avec ses grands yeux verts.
-Et si je t'y rejoins ?
-Avec plaisir, gloussa-t-elle.
Il enfouit son visage dans son cou, étouffant ses larmes de joie.
Ce soir-là, Perseus Lestrange et Cassiopeia Black désertèrent la réception des Greengrass. Le jeune homme laissa une note à sa femme l'informant qu'il ne rentrerait pas au Manoir ce soir, ni aucun des autres soirs. Il en avait fini avec son mariage désastreux. Qu'elle vive sa vie, qu'il vive la sienne et ils seraient les plus heureux du monde. Lui et Cassiopeia transplanèrent jusqu'au centre de Londres.
Ils ne mirent pas longtemps avant d'occuper le lit. Sous la lune ronde, Cassiopeia ôta délicatement sa robe, sous le regard dévoreur de son amant. Sa peau reluisait dans la nuit. Pourquoi cela l'étonnait-il, après tout ? Elle était une étoile, elle brillait de mille feux dans l'obscurité. Et ce soir, elle partageait son éclat avec lui.
Elle retira elle-même sa chemise, puis son pantalon, et ils ne furent bientôt que deux corps nus consumés par la rage d'aimer. Perseus ne compta plus le nombre de fois qu'il la toucha, ou qu'il l'embrassa. Quand il s'introduisit en elle, ses gémissements devinrent la mélodie du Paradis. Ses lèvres le fruit sacré, son corps le trésor caché. Une mine d'or rien qu'à lui.
Ce soir-là, il l'aima plus qu'il n'aima personne. Elle lui murmura mille promesses, des mots perdus dans les étoiles, et il y répondit par des baisers et des "je t'aime" susurrés.
La nuit les couvrait et le ciel écoutait.
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