VIII. 3 mai 1940 - le fantôme

Désolée, j'ai zappé la publication d'hier

Perseus avait laissé une salle entière à Cassiopeia pour ses entraînements. La jeune femme s'y sentait petite à l'intérieur. Les colonnes grecques s'élevaient contre les murs, offrant des motifs gravés dans la pierre. Le plafond était haut, donnant l'impression de se trouver dans un espace extérieur. La lumière innondait la pièce à travers de hautes fenêtre innaccessibles due à leur hauteur. Cassiopeia se trouvait au centre de la pièce avec l'impression de se trouver dans un temple divin. Chaque mot qu'elle prononçait était répété par les larges murs de pierre.

La porte couina quand quelqu'un l'ouvrit. Un homme passa sa tête dans l'ouverture, balaya la pièce du regard puis s'arrêta sur elle. Un grand sourire étira ses lèvres.

-Miss Black !

Il s'engouffra à l'intérieur et referma la porte. Il portait deux grands bâtons de bois dans sa main, et Cassiopeia se demanda à quoi ils pourraient servir dans des entraînements de magie. Mais la question principale était : qui était-il ? Elle s'était attendue à voir l'Ancienne, pas cet homme.

-Je me présente, Thomas Muller, fit-il en tendant sa main avec un accent allemand notable.

Ses cheveux mi-longs étaient rassemblés en une queue de cheval et une barbe brune noircissait sa mâchoire. Il n'était pas aussi jeune qu'elle mais pas plus vieux que son père. La trentaine, plus ou moins. Elle serra sa main avec soupçon.

-Cassiopeia Black, se présenta-t-elle finalement.

-Je serai ton nouvel entraîneur, annonça-t-il d'un air joyeux.

-Je... je pensais que l'Ancienne allait m'entraîner.

-L'Ancienne maîtrise l'art de la Mortemencie. Pas moi.

-Alors que faites-vous ici ?

-Je suis là pour apprendre à te battre.

-Je maîtrise l'art du duel, merci bien.

-Je parle du véritable art du combat.

Soit il se moquait d'elle, soit elle s'était mal réveillée, mais le résultat restait le même : elle n'y comprenait rien. Elle était censée avoir des entraînements pour maîtriser son pouvoir, pas pour jouer avec des bâtons en bois.

-Pose cette baguette, ordonna-t-il en désignant du menton l'arme qu'elle tenait dans la main.

Avant qu'elle n'ait plus répliquer quelque chose, il dégaina la sienne et l'envoya valser à plusieurs mètres de distance.

-Les Mortemenciens ont la capacité d'être très puissants. Comme tu dois déjà le savoir, leur esprit est leur outil principal. Ils peuvent manipuler, tuer, torturer à leur guise, agissant dans l'ombre et toujours silencieusement. Mais ils ont une faiblesse : à partir du moment où ils commencent à exercer leur pouvoir, ils ne sont plus capables d'utiliser leur baguette. C'est une alchimie de la magie qui se concentre dans l'esprit et non dans le corps, un peu trop compliqué à expliquer, mais si tu veux en savoir plus tu peux toujours chercher dans les vieux grimoires de ta famille.

Il avait parlé tellement vite qu'elle eut du mal à suivre. Mais l'information qu'elle avait retenu avait suffi pour la faire paniquer. Sa baguette ne servait donc à rien. Et sans baguette, un sorcier n'en était pas vraiment un.

-Je sais ce que tu penses mais tu te trompes. Il s'agit d'une vieille magie découverte au XIVème siècle et la baguette n'a été inventée qu'au XVIème pour concentrer plus facilement la magie des sorciers. Pour maîtriser la Mortemencie il est primordial d'user des techniques ancestrales.

-Vous lisez dans les esprits ?

-Non, j'anticipe. Quelque chose d'important à faire dans l'art du combat.

Il lui lança un bâton. Sa capacité de réaction lui permit de le rattraper, mais de justesse.

-Mais si je suis capable d'utiliser mon esprit pour tout, pourquoi devrais-je apprendre à me battre ? demanda-t-elle.

-C'est recommandé.

-Pourquoi ?

-Tu poses beaucoup de questions.

-Vous ne répondez pas aux miennes.

Il eut un petit rire et fit tourner le bâton dans ses mains.

-Grindelwald a insisté.

À l'écoute de ce nom, Cassiopeia se raidit. Grindelwald ne faisait jamais les choses sans raisons. S'il voulait qu'elle apprenne à se battre, c'était parce qu'il avait d'autres desseins pour elle. Elle en avait juste assez d'être maintenue dans l'ignorance pour des choses qui la concernaient.

-Allons, assez parlé, la coupa-t-il alors qu'elle s'apprêtait à parler. Regarde comment je tiens l'arme et fait la même chose.

Les deux mains sur le bois, elle essaya de l'aggriper de la même manière. Mais Cassiopeia n'avait jamais touché autre chose que sa baguette. Sans qu'elle n'ait rien vu venir, Thomas réalisa deux pas et frappa. L'objet lui échappa des mains et un juron franchit ses lèvres.

-Ça glisse, râla-t-elle.

Au moment où elle se baissa pour le reprendre, un coup s'enfonça dans son abdomen. Son souffle se coupa et ses genoux cognèrent le sol.

-On ne descends jamais sa garde.

Il l'agaçait grandement. Avec hargne, elle se releva, le bâton dans les mains. Cette fois-ci, elle le tenait fermement. Quand Thomas abattit son arme pour la deuxième fois, Cassiopia réussi à le parer. Fière de sa technique, elle s'encouragea elle-même. D'un geste vif, elle visa le flanc de l'homme, mais il bloqua le coup à temps.

-Tu apprends vite, commenta-t-il avec un demi-sourire.

Leur jeu continua pendant plus d'une heure, enchaînant défense, attaque et contre-attaque. Cassiopea se sentait prendre de l'assurance à mesure que les minutes passaient. Ses mouvements étaient plus fluides, ses réactions plus rapides. Elle prenait cela sérieusement et était déterminée à gagner. Plusieurs fois, elle usa de ruses auxquelles même Thomas ne s'attendait pas. Se tourner d'un côté pour frapper de l'autre, paraître distraite quand sa concentration était à son maximum. L'homme lui donnait des conseils, rectifiait des positions, et peu à peu, Cassiopeia apprenait à se battre.

-C'est bien, déclara-t-il à la fin de leur entraînement. À ce rythme, on aura terminé rapidement.

Fière d'elle, elle fit tourner plusieurs fois son arme entre ses doigts. Pour cela, elle chercha l'équilibre qu'il lui avait expliqué et la rotation exacte pour ne rien faire tomber. Absorbée par son exercice, elle ne vit pas que Thomas avait disparu. Ce ne fut que quand elle releva la tête qu'elle s'en rendit compte. Seule dans la pièce, elle se demanda si la politesse faisait parti de ses habitudes. Il aurait pu prendre congé d'elle au lieu de fuir comme un voleur.

-Tu as vu ce que je voulais que tu vois, résonna une voix dans son dos.

Cassiopeia fit volte face. L'Ancienne. Ses cheveux gris tombaient de chaque côté de son visage et ses yeux brillaient d'une lueur malfaisante. Elle ressentit un picotement entre ses doigts. Avec horreur, elle contempla le bâton se réduire lentement en cendres. Puis elle regarda de nouveau la vieille femme et fut prise d'un hoquet de surprise. L'apparence de l'homme se mêlait à la sienne, apparaissant tel des éclairs furtifs. Rien n'était réel. Ele s'était imaginé l'entraînement, soumise aux visions que l'Ancienne avait crée.

Ce qu'elle avait été idiote.

-Je n'aime pas qu'on se joue de moi, cracha-t-elle en essuyant ses mains couvertes de cendres.

-C'est ainsi que fonctionne la Mortemencie, ma chère. On fait croire. On manipule. Et on resserre peu à peu sa prise.

Les profondes rires de la vieille se transformèrent en une peau lisse, parfaite. La chevelure rêche se convertit en de longues mèches châtains clairs. Des iris claires se plantèrent dans son regard. Cassiopeia recula, mortifiée.

Cedrella.

C'était comme revoir un fantôme. Ses yeux lui jetèrent tous les reproches possibles. Cassiopeia se confrontait au fruit de ses erreurs pour la première fois. Cedrella était morte par sa faute. Et la vieille avait été assez intelligente pour savoir qu'elle était devenue une de ses faiblesses.

-Arrêtez ça tout de suite, ordonna-t-elle.

Ce n'était pas elle. Ce n'était pas elle. Ce n'était pas elle.

-Tu m'as tuée.

Ce n'était pas elle. Ce n'était pas elle. C'était l'Ancienne qui se jouait d'elle, juste ça. Le corps de Cedrella reposait sous terre, son âme était partie depuis longtemps, ce n'était pas elle.

-J'ai dit arrêtez !

Elle ne comprenait rien à ce qui se passait. Quelques minutes auparavant, elle apprenait à se battre, et voilà qu'elle se confrontait à un fantôme.

-Bats-toi contre moi. Tue moi de manière juste et noble.

-Non, souffla-t-elle.

Même si elle savait cette vision fausse, elle refusait de reproduire une erreur qu'elle aurait préféré oublier. Mais visiblement, son avis importait peu. Le bâton réapparut dans ses mains, l'obligeant à l'empoigner comme elle avait appris à le faire. Cedrella avançait vers elle, l'arme en main.

-Bats-toi !

Son cri résonna mille fois et cogna sa boîte crânienne avec acharnement. Cassiopeia para un coup avec justesse. Le visage de Cedrella se tordit en une grimace de rage. Ce n'était plus un simple combat. C'était un duel entre le passé et le futur, des fautes qui tendaient leur main et cherchaient à la tirer dans l'obscurité.

-Meurtrière !

Elle riposta et atteignit ses genoux. Mais Cedrella fit un bon et esquiva le coup avec agileté. Elle revint à la charge avec plus de haine, une envie destructrice prenant naissance dans le profond de ses iris. Cassiopeia reculait à mesure qu'elle bloquait les attaques, n'osant retourner sa violence. Elle lui avait déjà assez fait de mal ainsi. Elle voulait arrêter, maintenant.

-Je t'en supplie, pardonne-moi.

-Te pardonner ?

Son rire s'infiltra à travers les blessures de son coeur.

-Tout ce dont tu mérites, c'est un allé sans retour dans les enfers.

Cassiopeia hurla quand la pointe du bâton déboîta son épaule. Sous la douleur, elle lâcha son arme et s'effondra au sol. Des centaines de piques s'enfonçaient sous sa chair. Bouger son bras devint un calvaire. Elle tendit son autre main vers le bâton. Le pied de Cedrella surgit alors de nul part et écrasa ses doigts avec force. Un cri inhumain franchit ses lèvres.

-Tu es faible.

La pression se fit plus forte. Les os de sa main craquèrent. Cassiopeia n'arrivait plus à respirer. Son épaule lui lançait, la souffrance qui émanait de ses doigts était insoutenables. Elle chercha à les retirer mais tout ce qu'elle obtint fut un nouveau hurlement de douleur.

-Arrête, par pitié !

-Regarde toi me supplier. Tu es pathétique.

-Je suis désolée, lâcha-t-elle avant d'éclater en sanglot. Je suis vraiment désolée, je ne voulais pas ça, crois-moi.

-Tu es une meurtrière. Un monstre. Demander à être pardonnée ne changera rien à ta vraie nature.

Cassiopeia hoqueta. Au final, ce qui lui fit le plus mal ne fut pas sa main, mais la brèche qui s'ouvrait dans sa poitrine. Les larmes dévalaient ses joues telles une cascade de peines, de regrets et de pardons silencieux. Elle se sentit vidée, meurtrie, terrassée par le passé.

Pour la première fois, Cassiopeia Black s'avouait vaincue.

Cedrella appuya sur sa main de la pointe de son pieds et les craquements prirent la forme d'une vague immense de douleur. Dans le hurlement qu'elle poussa, une fissure se créa. Puis Cassiopeia vit le sourire cruel de sa cousine, et alors, la fissure se craquela de tous les côtés.

Puis son âme se brisa.

Ce fut comme souffler sur de la poussière. Les particules virevoltaient doucement dans l'air, tombaient tragiquement aussi sol. Cassiopeia n'était pas ces particules. Elle était le vide qu'il y avait autour. C'était ça oui.

Elle était vide.

Quand elle ouvrit les paupières, la vieille était appuyée contre le mur et respirait avec peine. Cedrella avait disparu.

Non.

Cedrella n'avait jamais existée.

-Première leçon apprise, articula l'Ancienne de sa voix chevrotante. Infliger la douleur par la volonté.

Elle lui avait fait mal sans le vouloir. En cherchant à arrêter sa souffrance, elle l'avait infligée à quelqu'un d'autres. C'était donc ainsi que ça fonctionnait. Faire du mal pour ne pas avoir mal soi même. Tuer pour extérioriser la haine. La Mortemencie s'alimentait des peines pour créer une magie destructrice.

Cassiopeia n'était que la nourriture de son propre pouvoir, et la vieille était en train de la cuisiner.

La porte s'ouvrit à la volée et Perseus se précipita vers elle.

-Eh ! Ça va ?

Cassiopeia fondit en larmes dans ses bras. Sa main et son épaule lui lançaient, mais c'était surtout à l'intérieur qu'elle sentait la brûlure. Un manque. Un vide. Quelque chose qu'on lui avait arraché. Perseus la serra fort contre elle. Elle crut qu'elle n'allait jamais pouvoir s'arrêter de pleurer. Plus elle extériorisait sa peine, et plus elle accumulait son chagrin. C'était comme chuter du haut d'une montagne. Le plus haut, le plus vite ça allait.

-Qu'est-ce qui m'arrive ? étouffa-t-elle contre le torse de Perseus.

Sa question demeura sans réponse.

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