VI. 23 avril 1940 (2/2) - l'esprit

Ses sens lui revinrent. Le toucher atteignit de nouveau ses doigts, l'oxygène gonfla ses poumons, sa vue se réajusta. Un rayon de soleil l'aveuglait. Elle posa une main devant ses yeux puis observa les alentours.

Où était passé la boutique de Monsieur Guipure ? Qu'était devenue Emma ?

Des piles de livres s'amoncelaient sur les côtés. La poussière était posée sur la pièce telle une couche de neigne sur les montagnes boisées. Il y régnait un désordre immense, mais Cassiopeia reconnaissait le lieu. C'était la maison dans leur grand-père, Phineus Nigellus Black. Ancien directeur de Poudlard, il passait son temps libre dans ses livres et ses recherches. Cela faisait des années qu'elle n'était pas retournée chez lui, même si l'état de la demeure avec le temps avait du se dégrader. Pourquoi s'était-elle retrouvée ici ?

-Parce que c'était le lieu le plus net que tu avais en tête.

Elle fit volte-face, le coeur douloureux. Un homme se tenait devant elle. Un oeil blanc la dévisageait, tandis que le noir semblait plongé dans une intense réflexion. Des cheveux blancs se dressaient sur sa tête. Sous la lumière entrante des fenêtres, ses traits nobles qui ressortaient.

Grindelwald.

Cassiopeia se raidit. Elle n'avait aucune idée de comment elle avait atteri ici, ni la raison pour laquelle il avait réussi à lire dans ses pensées s'il n'avait jamais été connu pour ses dons de Légilimencie.

-Parce qu'ici, tout s'entends, expliqua-t-il patiemment. Nous nous trouvons dans une réalité spirituelle, créée uniquement à partir tes souvenirs et faite par tes pensées. N'est-ce pas merveilleux ?

En voyant qu'elle ne réagissait pas, il fit retomber son sourire. Cassiopeia avait lu dans des vieux grimoires qu'il était possible de faire cela, mais la magie demandée pour ce genre d'exploit était celle d'une dizaine de sorciers ; en résumé, impossible à réaliser pour une personne normale.

Puis elle se souvint d'une petite note écrite dans le bas d'une page.

Sauf en cas de maîtrise de la Mortemencie.

À l'époque, elle ne savait pas ce que cela signifiait, alors elle était simplement passée à un autre sujet sans se préoccuper de l'exception. Mais aujourd'hui, elle savait. Et tout prenait sens.

-Comment avez-vous réussi à faire ça vous-même ?

-Ce n'est pas moi. C'est la gentille dame que tu as rencontré il y a deux mois. Elle me sert de connexion.

La maudite vieille s'était encore faufilée dans son esprit. Cassiopeia en trembla de rage. Elle avait du se trouver près de la boutique et avait attendu pour pouvoir la tordre selon son désir.

-Exact, affirma Grindelwald.

-Arrêtez ça ! s'exclama-t-elle en posant ses mains sur ses oreilles.

-Je ne fais rien, Cassiopeia. Nous nous trouvons dans tes souvenirs, tes pensées, tout est fait à partir de cela. Je ne fais qu'écouter.

-Contentez-vous d'entendre, alors, s'irrita-t-elle.

Il eut un petit rire discret et joignit les mains dans son dos.

-Et si nous nous présentions, d'abord ?

-Je pense que nous nous connaissons déjà, déclara-t-elle d'une voix froide.

-Nous ne sommes pas partis sur de bonnes bases. Et si nous recommencions depuis le début ?

-Que voulez-vous ?

Il inspira une grande gorgée d'air, exaspéré face à son désir de mener une conversation rapide.

-Très bien, souffla-t-il. Abordons donc ce sujet. Ce que je veux, Cassiopeia, c'est toi. Tout simplement.

-C'est-à-dire ?

-Ton pouvoir. Ton esprit. Tes mots. J'ai besoin du meilleur soldat de toute la société sorcière. Pour gagner cette guerre, je dois ramener toutes les chances de mon côté.

-Pourquoi voulez-vous une guerre ?

-Oh, très bonne question. Parce que nous avons vécu dans l'ombre pendant trop longtemps. Parce que nous devons nous cacher alors que la nature nous a doté d'un don que le commun des mortels ne peut que rêver d'avoir. Nous dissimulons la magie pour prétendre une paix, alors que tout ce que nous faisons, c'est enfouir la rage au plus profond de ce monde.

-Magnifique discours, vraiment. Mais qui dit que veux la même chose que vous ?

Il avala les quelques mètres qui les séparaient et posa ses mains sur ses épaules. Cassiopeia frissonna. Son contact avec quelque chose d'inhumain. Tout n'était qu'illusion. Tout était dans sa tête.

-Tu ne vises pas les mêmes choses, certes. Mais il y a une chose que tu cherches, et que tu as toujours cherché.

Il approcha son visage du sien. Cassiopeia sentit son souffle caresser sa joue, sa moustache frôler le lobe de son oreille. Dans un murmure, il échappa :

-La liberté d'aimer.

Puis il recula, un sourire satisfait sur les lèvres. Elle eut l'impression de plonger dans un bain glacé. Il ne pouvait pas savoir. Personne ne savait. Pollux et Walburga étaient son secret, un secret parfaitement... Non. Mieux valait ne pas y penser. Il entends tout.

-Je ne sais pas de quoi vous parlez, dit-elle en se dégageant. Et puis, je n'ai jamais voulu user de mes pouvoirs pour tuer. J'ai fait du mal autour de moi, je le sais, mais je n'ai jamais commis de meurtre. Et je n'ai pas l'intention de commencer maintenant.

-Tuer est un méchanisme. Une fois la première roue enclanchée, le reste suit. Ton esprit cherche à se libérer, Cassiopeia. Et si tu ne fais rien pour lui permettre de respirer, ce n'est pas des gens qu'il va tuer, mais toi.

Il osait l'appeler par son prénom. Il ne la connaissait pas, s'imisçait dans sa tête, cherchait à la transformer en meurtrière et il l'appelait par son prénom.

-Je n'ai pas peur de la Mort.

-Tu mens. C'est ce qui te terrifies le plus. Et c'est ce qui te retient.

Elle se dégagea de son contact avec un mouvement d'épaules sec. Sa faiblesse n'était un secret pour personne, néanmoins, elle n'aimait pas qu'on la pointe.

-Je ne vois pas d'intérêt à m'engager dans cette guerre, voilà tout.

-Tu es faite pour la guerre.

-Qu'en savez-vous ?

-La Mortemencie n'a sa place que dans le chaos.

-Peut-être suis-je mon propre chaos.

Cette remarque sembla l'amuser.

-Je n'en doute pas un seul instant. Néanmoins, tu as besoin de plus que ta propre tête pour dégager l'énergie que tu as en toi.

-Une énergie meurtrière, cracha-t-elle. C'est en cela que vous voulez me transformer, n'est-ce pas ? En un monstre.

-Je ne veux pas te transformer. Je veux te dévoiler.

Ce fut à son tour d'avoir un petit rire. Celui-ci était ironique.

-Quelle bonté.

-Ton nom sera inscrit en lettre d'or si nous gagnons. Tu seras une héroïne. Personne ne retiendra les massacres que tu auras causé.

-Et si nous perdons ? Que retiendrons-nous ?

Les morts, lui souffla une petite voix. Toujours les morts.

-Cette question n'a pas à être posé. On ne s'avoue pas vaincus avant d'avoir commencé la bataille.

-J'envisage le pire.

-C'est peut-être cela, le problème. Tu crains la Mort dans la vie, le rejet te terrifie alors que tu es aimée. La peur te consumme.

Cassiopeia recula d'un pas. Il lui révélait des choses sur elle et elle n'aimait pas ça. Pas du tout.

-Depuis combien de temps m'observez-vous ?

-Plus longtemps que tu ne le crois.

-Quatre ans ?

-Bien plus.

Plus. Peut-être dix ans. Peut-être depuis sa naissance. Il avait planifié de l'arracher à une vie tranquille depuis qu'elle était née.

-Une vie tranquille ? C'est ainsi que tu veux vivre ?

-Vous écoutez une nouvelle fois mes pensées et je vous étrangle.

-J'ai hâte de voir ça.

S'il continuait sur cette voix, sa Mortemencie pourrait se révéler surprenante.

-Si j'accepte, qu'obtiendrai-je ?

Il fit marche arrière avec une lueur d'amusement dans les yeux. Puis il tendit son bras et une fumée blanche s'éleva de sa paume de main. La boule opaque s'éleva dans les airs, gonfla, gonfla jusqu'à prendre une grande partie de l'espace. Un éclair parut transpercer l'épaisse couche de vapeur. Alors, une vision la frappa.

En quelques minutes seulement, elle vit défiler une Angleterre dominée par la magie. Des créatures volant dans le ciel, rampant au sol, des sorciers protégés par de longues capes, des maisons moldues détruites, réduites à néant. Plus aucune loi du Pacte Magique n'était en vigueur. Ils étaient libres. Libres d'être qui ils étaient, libres d'exercer leur magie partout où ils se rendaient. Libres d'être sorciers et fiers de l'être. Cassiopeia eut les yeux qui brillaient. Ce monde était une utopie.

-Il pourrait devenir autre chose si nous gagnons cette guerre.

Elle dériva son regard sur lui.

-Et comment comptez-vous vous y prendre ?

-L'Angleterre est déjà sous mes pieds. Ton cousin fera tout ce que je lui dirai de faire, parce qu'il a compris le but ultime de cette bataille. La France cédera quand les Duchesses obtiendront le pouvoir, et actuellement, ils sont à deux doigts de l'obtenir. Puis ce sera le tour de l'Allemagne. L'Italie. La Russie. Les États-Unis. Puis le monde entier.

-Les Gouvernements ne se laisseront pas faire.

-Voilà pourquoi nous attaquerons. Et toi, Cassiopeia, tu seras la flamme qui brûlera le monde.

-Je ne serai qu'une arme.

-Nous sommes tous des armes quand nous nous trouvons au milieu d'un champ de bataille. La victoire appartient à ceux qui frappent le plus fort.

Elle fixa de nouveau la boule de fumée. Dans ce monde, elle obtiendrait le contrôle. Elle serait crainte. Et alors, personne ne pourrait l'empêcher de faire quoi que ce soit. Ni d'aimer son frère. Ni d'être la mère de sa fille. Tout deviendrait accessible, elle deviendrait... intouchable.

Et alors, un sentiment puissant s'empara d'elle. C'était ce qu'elle désirait. Ce à quoi elle avait toujours aspiré. Elle avait tenté de le cacher pendant des années, mais voilà qu'il lui faisait voir l'exact objet de ses ambitions. Tout ce qu'elle était en train de faire, c'était cacher sa vraie nature.

Cassiopeia était née pour le pouvoir. Et cette guerre était tout ce dont elle avait besoin pour l'obtenir.

-Es-tu prête à t'engager dans cette bataille ?

Auparavant, elle aurait dit non. Mais elle s'était redécouverte elle-même. Elle écoutait enfin son coeur, et son coeur lui hurlait d'accepter.

-Oui.

Un grand sourire lui barra le visage. Elle avait cédé et il avait gagné. Cassiopeia s'en rendait parfaitement compte, mais le prix qu'elle obtiendrait à ses côtés était plus grand que tout ce qu'on lui avait déjà promis.

-Tu ne seras pas seule. Lestrange est déjà des nôtres.

-Perseus ?

-Il est très bon espion.

Savoir qu'elle ne traverserait pas cela seule la rassura. Elle aurait quelqu'un à qui se raccrocher. Le perdre faisait parti de ses craintes, mais Grindelwald avait vu juste quand il disait que la peur la consummait. Il fallait qu'elle se redresse et qu'elle affronte la Mort la tête haute, sans penser à ce qu'elle pourrait lui arracher.

-Qui d'autre ?

-Régulus Black est déjà sous mes commandements. Les Nott sont de notre côté ainsi que la majorité des familles sang-purs.

-N'avez-vous pas peur de Dumbledore ?

Son sourire disparut. S'il avait réussi à toucher son point faible, elle venait de découvrir le sien.

-Je gère cet aspect là. Personne ne s'en mêlera.

La satisfaction d'avoir pu lui ôter son réjouissiment la rendit fébrile. Une froideur recouvrit ses traits et il fit disparaître la boule de fumée dans un claquement de doigt.

-L'Ancienne se chargera de ton entraînement. Puis dans quelques mois, nous partirons.

-Où ça ?

Il laissa passer quelques secondes de silence avant d'annoncer :

-L'Autriche.





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