V. 23 avril 1940 (1/2) - la femme
Cassiopeia était nerveuse. Emma Lestrange lui avait donné rendez-vous devant la boutique de Monsieur Guipure, et elle ne savait pas si c'était pour la découper en morceaux ou simplement pour faire connaissance avec l'amante de son mari. Dans tous les cas, Cassiopeia trouvait cela tellement gênant qu'elle avait l'impression de faire tomber sa dignité au sol. Elle s'était promis plus jeune de n'être maîtresse de personne, parce que manquer de respect à une autre femme était une chose qu'elle détestait. Elle avait été responsable de la destruction du mariage de son frère parce qu'elle avait été jeune, égocentrique et idiote. Mais à présent, elle voyait d'un œil plus critique ces unions et ne désirait pas détruire un autre ménage. Si elle était devenue l'amante de Perseus, c'était parce que faire comme s'il n'existait pas aurait été impossible. Elle avait besoin de lui.
Elle balaya du regard la rue. Des sorciers allaient et venaient des magasins de la Traverse, des chaudrons dans les mains, ou des livres ou des cages à hiboux. Cassiopeia se tenait collée contre le mur. Elle détestait la foule. Le sentiment d'être insignifiante la perturbait.
Une tête blonde transperça la rivière d'humains et se dirigea vers elle. Cassiopeia se redressa, tentant de paraître le plus digne dans son menteau de fourrure. Mais aussitôt, la surprise lui ôta l'envie de paraître froide et hautaine. Perseus était de la partie.
Elle força un sourire quand ils arrivèrent à sa hauteur.
-Cassiopeia, c'est ça ? se réjouit Emma.
L'intéressée papillona plusieurs fois des yeux. Elle s'était attendue à tout sauf à cela. Elle aurait pu la détester. Lui parler d'un ton sec, pareille à une femme qui se confronte à la tromperie même. Mais non. Au lieu de ça, elle lui jetait un regard pétillant et un sourire à attendrir un Détraqueur. Cassiopeia n'y comprenait absolument rien. Elle regarda Perseus qui semblait se délecter de la scène. Le traître.
-Oui, c'est ça, lui répondit-elle avec un ton plus doux qu'elle n'avait prévu. Je pensais que nous allions être seules.
Elle ne voulait pas rejeter Perseus, mais elles s'apprêtaient à avoir une discussion de femmes. Cependant, il hocha la tête.
-Je l'ai juste accompagnée, j'en profite pour faire les magasins. Si vous avez besoin de moi, vous...
-Merci, le coupa-t-elle en prenant Emma par le bras.
La dernière chose dont elle avait besoin était d'un chevalier galant. Elle détestait quand il faisait ça. S'il y avait un danger, elle était elle-même capable de se protéger. Dans une dispute récente, Perseus avait répliqué que l'ancienne pourrait arriver à tout moment pour réduire son cerveau en bouillie et qu'elle ne pourrait rien faire contre, mais Cassiopeia était contre cette idée. Personne ne pourrait la sortir de son propre esprit. Si l'ancienne décidait de lui faire du mal de l'intérieur, personne n'aurait l'occasion de la sauver parce que personne ne saurait comment s'y prendre, pas même elle.
Perseus ne prit pas son agissement comme une insulte et partit simplement. La rencontre des deux femmes semblait l'amuser. Celles-ci s'engouffrèrent dans la boutique, alors vide. Monsieur Guipure devait certainement se trouver à l'arrière de la boutique, à confeccioner une de ses grandes robes.
-Merci d'avoir accepté à me voir, commença Emma.
-Je... je crois que c'est important que nous parlions.
Elle hocha la tête. Cassiopeia, en l'observant attentivement, put reconnaître les traits caractérisiques des Rosier. Des lèvres charnues, un nez retroussé, des yeux clairs. Mais elle possédait sa propre douceur. Ses cheveux blonds étaient ramenés en un chignon bas, simple, qui s'accordait avec la modestie de sa tenue. Emma se mit à observer les toilettes qui s'alignaient face à elle tout en gardant un peu de son attention pour Cassiopeia. Celle-ci préférait ne pas bouger et la laisser faire.
-Je sais que Perseus vous aime. Beaucoup. Au début, je l'ai pris comme une offense, parce qu'en plus de me tromper, il le faisait avec une Black. Mais j'ai arrêté d'écouter ma soeur et j'ai décidé d'entendre sa propre version des faits.
Elle planta ses iris bleues sur elle.
-Vous avez tenté d'arrêter de vous voir après notre mariage. Mais à l'évidence, vos passions vous ont rattrapé.
Cassiopeia se racla la gorge, mal à l'aise.
-C'est exact.
-Je devrais vous en vouloir.
À l'évidence, elle n'agissait pas comme quelqu'un qui lui en voulait beaucoup.
-Mais j'aimerais presque vous remercier.
C'était innatendu, mais elle commençait à s'habituer à ce genre de surprise agréable.
-Pour quoi donc ?
-Parce qu'il est heureux.
Elle aurait pu se réjouir. Penser qu'elle avait enfin Perseus pour elle et que ce ne serait pas sa femme qui s'imposerait dans leur relation. Mais l'entendre dire une telle chose lui brisa le coeur. Cette femme était aussi tendre qu'une fleur d'été, elle faisait passait le bonheur de son mari avant le sien. Elle lui pardonnait ses torts au nom de la félicité. Quelle genre de personne faisait cela si aisément ?
-Je ne vous pensais pas comme ça, avoua-t-elle après quelques minutes de silence.
-Comme quoi ?
-Comme quelqu'un qui voit le meilleur dans tout. Même dans les choses qui lui font mal.
-L'habitude d'avoir mal, justement.
Elle eut un petit sourire et se reporta une nouvelle fois sur les robes. La bleue semblait l'intéresser tout particulièrement.
-Perseus vous fait du mal ? demanda-t-elle en fronçant les sourcils.
-Perseus ? Ce serait bien le dernier à me malmener. Non, vous savez, quand on naît dans une famille telle que les Rosier, même une guerre ressemble à une rigolade.
-Vous êtes si différente d'eux, pourtant.
-Dans chaque famille il doit y avoir un rebelle.
Cassiopeia pensa alors à Cedrella et sa poitrine se comprima.
-Les rebelles ne survivent jamais longtemps.
-Sauf s'ils ont appris comment se fondre dans la masse.
Elle inspecta le tissu, médita sur son choix. Cassiopeia n'avait toujours pas bougé. Une question venait de lui traverser l'esprit.
-Vous laisse-t-il avoir un amant ?
Elle s'arrêta dans son geste, le regard perdu dans le vide. Ce moment ne dura que quelques secondes, mais ce fut comme si son corps entier s'était plongé dans de la glace. Puis elle reprit son activité d'un air tranquille.
-Oui, répondit-elle simplement.
-En avez-vous un ?
Elle se redressa puis la dévisagea. Alors, pour la première fois, Cassiopeia vit la jalousie qu'elle cachait derrière son sourire attendri. Elle aperçut cette lueur, cette petite grimage qui déformait le coin de ses lèvres. Elle fut tenté de lire dans son esprit, mais par respect, se retint.
-Non.
-Pourquoi ? osa-t-elle questionner.
-Parce que je suis amoureuse de lui.
Cette phrase contint plus de reproche que dans une dispute entière.
-Je suis désolée, articula-t-elle.
-Je sais ce que c'est d'aimer contre son gré. On peut commander le monde, mais pas le coeur.
Ses yeux reprirent leur teinte chaleureuse. Toute trace de mauvais sentiment s'était évanoui. Emma était assez intelligente pour cacher ses sentiment au plus profond et les contenir des années. Elle choisissait la sagesse à sa haine, et pour cela, Cassiopeia se prit d'un grand respect.
-Vous avez de belles paroles.
-Mais contrairement aux vôtres, elles ne plient pas le monde à mes pieds.
Les deux femmes sourirent. Cassiopeia était satisfaite de la confiance qui s'installait. Elle pourrait être plus tranquille à l'avenir, sachant qu'elle avait le conscentement d'Emma. C'était peut-être idiot, mais elle y tenait.
-Au fait, comment vous êtes-vous rencontré ? demanda-t-elle en passant un doigt sur les motifs brodés du tissu.
-Je le connaissais depuis longtemps, mais nous avons commencé seulement en dernière année, après une soirée Serpentard.
Leur début avait été quelque peu passioné et intense, mais cela rajoutait une touche d'originalité à leur relation. Emma fronça les sourcils.
-Serpentard ?
-De la maison Serpentard, à Poudlard, répéta-t-elle en plissant les yeux de manière suspicieuse.
-Je ne connais pas le fonctionnement de cette école, toutes mes excuses. J'ai été à Beauxbâtons plus jeune.
-Oh, c'est vrai.
C'était logique en même temps. Elle avait son âge, elle l'aurait connu si elle avait été à l'école magique anglaise. Elle parlait tellement bien l'anglais qu'elle en oubliait son pays d'origine.
-Il y a quatre maisons, se mit-elle à expliquer. Gryffondor, Poufsouffle, Serdaigle et Serpentard. Chacune d'elle a ses qualités, même si la plus noble reste Serpentard. La majorité des sang-purs y ont été.
-Je crois que Perseus l'a mentionné une fois, en effet, dit-elle d'un air songeur. Dans votre école, les garçons et les filles sont-ils ensemble ?
-À part dans les dortoirs, oui.
-Quelle chance. A Beauxbâtons, nous sommes séparés. Je n'ai jamais eu... d'expérience.
Elle la regarda avec insistance comme pour savoir si elle avait compris son sous-entendu. Cassiopeia ouvrit la bouche puis la referma aussitôt.
-Oh.
Ce fut la seule chose qu'elle réussit à prononcer. En théorie, aucune fille ne devait avoir de relations avant son mariage, mais tout le monde savait que, à Poudlard, personne ne résistait à la tentation. La plupart des couples se rencontraient là-bas et se mariaient en suite, tels que Callidora et Harfang. L'amour faisait partie de l'aventure scolaire.
Se retrouver dans un mariage sans avoir aucune expérience dans ce domaine devait être terrifiant.
-Mais je suppose que Perseus respecte cela, non ? s'assura-t-elle.
-Oui, bien sûr. Mais le problème n'est pas là. Je...
Elle se mordit la lèvre. Une rougeur s'était étendu sur ses joues.
-Quel est-il ?
-J'aimerais lui donner du plaisir mais je ne sais pas comment m'y prendre, lâcha-t-elle dans un souffle.
Elle l'avait prononcé si bas, comme s'il s'agissait d'un secret terrifiant. Cassiopeia en fut presque attenrie. Elle aurait du se sentir jalouse, parce que si Emma arrivait à plaire à Perseus, elle le perdrait peut-être, mais au fond, elle savait qu'il ne l'abandonnerait pas. Le plaisir était une chose, les sentiments en étaient une autre.
-La clef n'est pas de lui donner ce qu'il veut. C'est justement l'inverse.
Elle l'observa sans comprendre, muée dans un silence gêné. Cassiopeia vérifia que Monsieur Guipure ne soit pas sorti pour écouter leur conversation puis elle s'approcha d'un pas.
-Une femme n'est pas un outil pour procurer du plaisir. Elles ont leur propre plaisir. Et d'un autre côté, les hommes aiment les forts caractères. Obtenir les choses avec facilité n'est jamais amusant.
-Alors que devrais-je faire ?
-Disons que c'est... délicat à expliquer.
-Peut-être serait-il mieux que vous me montriez ?
La surprise lui ôta les mots de la bouche. Lui montrer ? Était-ce elle qui interprétait mal ou Emma qui lui faisait passer implicitement un message ? Un demi-sourire orna les lèvres de Cassiopeia. Elle était surprenante. Très surprenante. Et la jeune Black aimait les gens comme ça.
-Ce serait un plaisir.
Soudain, un son aigu s'enfonça dans son oreille. Emma ouvrit la bouche pour parler mais Cassiopeia n'entendit rien. Une lame semblait s'enfoncer sous sa boîte crânienne. Son souffle se coupa sous la douleur et le monde tangua. Elle tituba, tomba, toucha un sol dur et froid en ayant encore l'impression de chuter. Ses mains se plaquèrent contre ses oreilles dans l'espoir d'arrêter sa souffrance.
Stop. Stop. Stop.
Mais la douleur ne fit qu'augmenter. Elle voyait noir, respirait noir, entendait noir. Ses sensations l'avaient quittée. Elle ne devint qu'une particule insignifiante, un morceau de verre qui se brise et glisse sur le sol.
Puis son coeur explosa et elle tomba dans le vide.
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