LV. 18 juin 1943 - l'exil

Régulus jeta d'un air dégoûté le parchemin sur son bureau. Son autre main se transforma en un poing violemment contracté, réprimant par ce geste la colère qui le traversait.

-Explique-moi, demanda-t-il d'une voix dure.

David, appuyé contre la cheminée, haussa un sourcil.

-Expliquer quoi ?

-Pourquoi dix français ont aidé Perseus Lestrange à libérer ma cousine de Nielsen. Non, pardon : déjà, pourquoi ma cousine se trouvait au Danemark.

Le silence qui se posa releva la tension présente. David pesait chaque moi qui lui passait par l'esprit, évitant au maximum la phrase qui pourrait faire bondir Régulus de sa chaise. Pourtant, il brûlait de lui cracher la vérité. Cela faisait des mois qu'il s'empêchait de le prendre par les épaules et le secouer. L'homme qui était assis face à lui n'était pas l'homme dont il était tombé amoureux.

-Carl Nielsen l'a enlevée au milieu de la bataille. Il demandait la couronne en retour de sa libération.

-Et pourquoi ne m'en as-tu pas parlé ?

-Parce que tu aurais fais en sorte qu'elle reste là-bas.

Il ferma les yeux et prit une grande inspiration. Le connaissant, c'était mauvais signe.

-Tu n'as aucun droit d'agir sur une hypothèse infondée.

-Mon hypothèse est très bien fondée.

-Ah oui ? Et sur quoi ?

-Sur comment tu te comportes ces derniers temps.

Il éclata d'un rire sans joie. ll pouvait bien réfuter sa parole, David savait très bien ce qu'il disait. Et même si Lycoris n'osait pas s'élever contre son frère, elle pensait la même chose. Son changement était devenu évident.

-Dis-moi la vérité, reprit-il. Aurais-tu vraiment donné la couronne à Carl pour obtenir la libération de Cassiopeia ?

-En tout honnêteté, je n'en sais rien, répondit-il avec un air presque mauvais. Donner la couronne à Carl signifierait déclencher une autre guerre contre sa mère et nos hommes sont épuisés. Si on ne menaçait pas la vie de Cassiopeia, non, je ne l'aurais pas fait.

-Voilà pourquoi j'ai envoyé Perseus la libérer. Pas de guerre et sa liberté en prime.

-Ce n'était pas à toi de prendre cette décision ! cria-t-il en frappant la table de sa main.

Le volcan entrait en éruption. Mais David n'avait pas peur. Il l'avait déjà vu en colère, il le connaissait parfaitement, lui et ses points faibles. Il saurait le maîtriser.

-Ce sont mes hommes que j'ai envoyé. Pas les tiens.

-Et c'est de ma cousine dont il est question !

-Elle ne t'appartient pas, Régulus.

-Elle est une Black ! Sa position, ses paroles, sa condition, tout cela a des conséquences sur notre famille et je ne laisserai pas une action de plus détruire notre réputation !

-C'est toi qui a annoncé qu'elle était la traîtresse ! cria-t-il à son tour. Et sais-tu pourquoi tu as fait ça ? Parce que ça t'horripile de savoir qu'on te craint seulement à cause d'elle !

-Oh s'il te plaît, ne crois pas que j'agis ainsi parce que je suis jaloux. Cassiopeia est la traîtresse, il y a assez de preuves pour...

-Non. Il n'y a aucune preuve. Mais peu importe, hein ? Les gens prendront ce que tu leur lances.

-Et les cinq milles morts aux Ardennes ne sont pas une preuve suffisante pour toi ?

-N'importe qui aurait pu la déconcentrer. On a retrouvé les Aurors qui gardaient l'entrée de la tour morts. C'était si facile pour le traître de la prendre par surprise et conduire notre plan au désastre.

L'expression de Régulus se ferma. Il se rendait compte avec agacement que les preuves que lui dévoilaient David fonctionnaient.

-Elle a tué son propre père, finit-il par lâcher.

-Par accident, Régulus. Ton oncle était sur le champ de bataille avec nous tous, il était aussi exposé que n'importe qui.

-Elle a tué tes soeurs et tu la défends ?

David baissa la tête et soupira.

-Qu'essaies-tu de faire, dis-moi ?

-T'ouvrir les yeux !

-Mais c'est toi qui a besoin d'avoir les yeux ouverts ! éclata-t-il. C'est toi qui, pour une raison que j'ignore, essaie de la condamner ! Tu te fiches bien de la réputation de ta famille, ce que tu regardes c'est ta propre réputation et le fait qu'on te considérera comme un héros si tu prononces sa sentence de mort !

-Assez !

-Oh non, Régulus, je ne suis pas un de tes chiens qui ferme la bouche chaque fois que tu l'ordonnes. Je suis le Président Français et je prends mes propres décisions, tu n'as rien à dire là-dessus !

-Et tu vis sous mon toit alors j'ai le droit de t'imposer le silence !

-Très bien, dit-il amèrement. Réglons ça maintenant, dans ce cas.

-Quoi ?

David passa la porte du bureau et s'élança dans le couloir, la rage lui tordant le visage. Le manque de respect était bien la dernière chose qu'il allait endurer.

-Tu ne peux pas faire ça ! s'exclama Régulus le suivant à la trace. Tu m'as promis de rester !

-Et je suis resté bien trop longtemps !

Il monta les escaliers, esquivant la main de son amant qui tentait de le retenir.

-David, je suis désolé ok, je me suis emporté, s'il te plaît écoute moi !

Mais il en avait assez de ses supplications. Il s'emportait beaucoup trop de fois ces temps ci, et David en avait marre de pardonner. La pression de la guerre n'excusait rien.

-David, pour l'amour du ciel !

Il se retourna si soudainement que Régulus faillit le percuter. David ne lui laissa pas le temps de se remettre qu'il s'avança, menaçant, récoltant toute la colère qu'il avait ravalé pendant des mois. Qu'il voit son vrai visage, qu'il contemple la boule de rage qu'il avait crée. David ne la cacherait plus.

-Pourquoi est-ce que je devrais prendre le temps de t'écouter quand toi-même était trop occupé avec ta diplomatie pour m'accorder une heure de ta journée ?

-J'ai merdé, je sais, mais je t'en supplie mon amour, accorde moi une autre chan...

-Je t'en ai trop accordé.

Il lui tourna le dos pour se diriger vers sa chambre, prévoyant de faire ses valises le jour-même.

-Tu te trouveras un autre amant, lança-t-il derrière son épaule, comme tu as fait la dernière fois !

Régulus ne le suivit pas, pas cette fois.

***

-Je ne suis pas sûre qu'ils m'accorderont la protection.

-Ne doute pas de toi.

Cassiopeia arrangea pour la dernière fois les plis de sa robe tandis que Perseus replaçait une mèche derrière son oreille. Son angoisse était à son paroxysme. Si elle ne convainquait pas le Conseil Français de lui offrir l'asile, elle ne savait pas ce qu'elle ferait. Les États-Unis étaient encore aux mains des Russes et tous les autres pays étaient contrôlés par Régulus. Le seul à demeurer indépendant était la France, et encore, elle ne savait pas si elle allait se retrouver face à Pollux ou David Duchesses. Elle pria pour la seconde option.

-Je t'attends dehors, lui glissa-t-il à l'oreille.

Elle hocha doucement la tête avant de coller sa bouche contre la sienne. Sa langue caressa sa lèvre avec douceur puis elle se détacha, prenant une grande goulée d'air.

-J'espère qu'après ça, j'aurais enfin l'occasion de m'apitoyer sur mon sort.

Un fonctionnaire l'appela. Perseus lui offrit un dernier sourire d'enrougement avant qu'elle ne se voit entraînée dans le dédale de couloir du Ministère Français. Les verrières en guise de toit laissaient la lumière du soleil innonder le bâtiment. Comme pour s'accorder à l'esthétique du lieu, elle s'était vêtue d'une robe bleue en soie qu'elle avait acheté à Paris. Ou plutôt, que Perseus lui avait acheté parce que si elle mettait les pieds dans Gringotts pour récupérer de l'or, elle pouvait dire adieu à sa liberté.

Le fonctionnaire l'introduisit dans la salle du conseil. C'était une immense pièce où des fresques recouvraient les murs, peignant les faits historiques les plus remarquables du pays. Des tables prenaient place en forme de U où chaque conseiller siégeait. On lui ordonna de se positionner au milieu, à la vue de tous. Les mains derrière le dos, son regard tomba sur le Président du Conseil.

Un frisson de soulagement la parcourut.

David.

-Miss Cassiopeia Black, la présenta un homme à sa droite, de nationalité anglaise, sang-pur, appartenant à la liste des Vingt-Huit Sacrés et cinquième héritière de la Maison Black. Née le 7 mars 1915 au Wiltshire, fille de Cygnus Black et Violetta Black Bulstrode. Est-ce correct ?

-Oui, confirma-t-elle d'une voix posée.

Elle cacha habilement le tremblement de ses mains. David, avachi sur son siège, la scrutait de haut en bas. Son teint était pâle et son regard semblait éteint. Il était là, et pas avec Régulus. S'il avait l'intention de la protéger, alors une dispute avait dû éclater entre eux.

-Pourquoi portez-vous ce bracelet ? demanda-t-il en désignant son poignée.

-On me l'a mis au cours de la bataille.

Chaque conseiller se lancèrent des coups d'œil entre eux. Cassiopeia ne s'en était pas rendue compte, mais cela constituait peut-être une preuve de son innocence.

-Juste après ce Conseil, on vous l'enlèvera, l'informa-t-il.

-Merci, souffla-t-elle.

-Qui vous l'a mis ? s'enquit un conseiller de gauche.

-Adonis Rosier.

Les yeux de David brillèrent d'une lueur étrange. Autour de lui, les murmures se répendaient comme de la poudre.

-Rosier ? répéta-t-il comme s'il ne la croyait pas.

-Oui.

-N'était-il pas censé être mort ? demanda un autre homme.

-Je lui ai arraché sa main mais son corps n'a jamais été retrouvé.

À ses mots, des sourcils se haussèrent, certains hommes cherchèrent même à dénouer leur cravate. Cassiopeia aurait pu rire de leur réaction si elle avait eu le cœur pour cela. Mais son âme était dévoré par les trahisons.

-Si Adonis a conduit les dragons à se libérer de votre emprise et brûler le village, continua David, alors vous supposez qu'il était le traître ?

-En partie. Sa soeur, Vinda, était bien placée pour lui livrer toutes les informations.

Les muscles de son visage se contractèrent dans de la rage à l'état pure. Les Duchesses et les Rosier avaient une histoire en commun pas très glorieuse à raconter. Si les Black avaient leur raison pour détester cette famille, les Duchesses en possédaient plus encore.

-Les preuves de votre innocence sont plus qu'évidentes, trancha-t-il.

-Comment pouvons-nous être sûrs qu'elle n'invente pas toute l'histoire ? rétorqua un des hommes du conseil.

-Lepuis, pensez-vous que son bracelet sert uniquement à décorer son poignée ?

-Non, Monsieur le Président.

-Bien.

-Nous devrions informer Grindelwald de la véritable nature de Vinda Rosier, lança un autre.

David s'enfonça une autre fois dans son siège, jouant avec les bagues qui décoraient ses doigts. Ses yeux plongèrent dans le vide, et pendant un court instant, on n'entendit que le tic tac d'une horloge trop bruyante.

-Non, décida-t-il finalement. Laissons-le se vautrer lamantablement. Pour l'instant, il savoure une supposée victoire, il restera dans le déni. S'il découvre lui-même la trahison qui le suit, il acceptera sa défaite avec plus de facilité.

Cassiopeia trouva sa décision sage. À vrai dire, le sort de Grindelwald lui importait peu à présent. Les Russes semblaient s'être retranchés sur leur positions, les Anglais envahissaient ce qui restait à envahir de l'Europe et le mage noir étendant son idéologie dans la population. Depuis la bataille des Ardennes, plusieurs débordements avaient été faits. Le grand objectif de Grindelwald était intégrer la Confédération, mais les gouverneurs des pays ne semblaient pas enclins à le laisser faire.

Ils avaient compris qu'avec un mage noir dans l'assamblée, le monde plongerait dans le chaos.

-Miss Black, reprit-il, une demeure vous est assignée à vous et Monsieur Lestrange dans la région de Provence. Il s'agit d'un résidence des Duchesses mais elle est inhabitée depuis des années. En cas de déplacement, vous devrez être suivie d'un minimum de trois Aurors, quatre si vous vous rendez dans des grosses villes comme Bordeaux ou Paris, ce que nous vous conseillons guère. En cas d'attaque envers votre personne, les agresseurs devront répondre de leurs actes devant ce Conseil. Vous bénéficiez de notre entière protection.

Sur ces mots, les conseillers se levèrent un à un, regardant leur montre et échangeant quelques mots avec leurs collègues. David l'incita silencieusement à rester. Quand tout le monde fut parti et que les portes se refermèrent, il plaça ses mains sur son ventre et inclina sa tête dans sa direction.

-On peut se tutoyer maintenant.

-Merci infiniment, dit-elle, pour ta protection. Je ne sais pas ce que je ferais sans ça.

-Je suis Président, mon rôle est de rendre la justice. De plus, maintenant, on sait que les Rosier ont refait surface et qu'ils n'ont certainement pas terminé de causer des dégâts.

-Que pense Régulus de ta position ?

Elle dut toucher le point sensible parce qu'il esquissa une grimace douloureuse.

-Je l'ai quitté.

-Je suis désolée.

Mais au fond, elle songea qu'il avait fait le bon choix. David ne méritait pas un homme comme Régulus. Pas quand ce dernier avait autant de sang sur les mains. Peut-être que, dans le futur, il se rachèterait, mais pour l'instant, vivre seul et triste était la seule chose qu'elle lui souhaitait.

-Quand j'ai envoyé Perseus aller te chercher au Danemark, il n'a pas hésité un seul instant, lui confia-t-il. Tu as de la chance d'avoir quelqu'un d'aussi dévoué à tes côtés. Sache-le.

-Je le sais, répondit-elle en réprimant un sourire.

David poussa un long soupir avant de se redresser sur sa chaise.

-Ta résidence est proche de celle de ma famille. Les Duchesses sont de ton côté. J'espère que tu sais un peu parler français, parce que tu seras peut-être invitée à des réceptions.

-J'ai... j'ai envie de rester seule un bon moment, refusa-t-elle polimment. Avec tout ce que j'ai sur le dos...

-Je comprends.

Il lui jeta un regard désolé.

-Je suis navré pour ton père.

Son père ? Pourquoi parlait-il de lui ainsi ? Son incompréhension dut se lire sur son visage parce qu'il fronça les sourcils.

-Perseus ne t'a pas dit ?

-Dire quoi ?

-Les funérailles ont été fait il y a une semaine.

Il n'y eut plus d'air. Plus de vie. Tout à coup, elle eut mal. Elle ne sut pas d'où venait la douleur, ni pourquoi c'était si puissant, mais elle était là, détruisait ce qui restait à détruire de son cœur.

-Je... j'ai besoin de prendre l'air... annonça-t-elle avec une respiration laborieuse.

-Je pensais que tu savais... attends ! Cassiopeia !

Elle se rua sur la porte, l'ouvrant à pleine volée et se précipitant à l'extérieur. Mais cela ne fit aucun effet. Était-ce elle qui l'avait tué ? Si les funérailles avaient été fait une semaine auparavant, alors sa date de mort remontait aux Ardennes. C'était elle. Elle avait été responsable de sa mort. Et on ne l'avait pas attendu pour l'enterrement. Elle. Sa propre fille. Celle dont il était si fier.

Elle se retourna, faisant face à David qui l'avait suivie.

-Je suppose que je ne peux pas visiter sa tombe ?

-Ton entrée est interdite sur le sol anglais, l'informa-t-il avec un air de pitié.

-Ouais. Bien sûr.

Elle porta une main sous son nez. Si elle vomissait ici, elle pouvait dire adieu à sa dignité. Pourtant, ce n'était pas l'envie qui lui manquait. Quand est-ce que le cauchemar allait prendre fin ?

La silhouette de Perseus se dessina devant ses yeux, mais tout devint subitement flou. Aucune larme. Aucun cri. Juste... juste cette douleur qui compressait sa poitrine. Elle n'avait plus d'air dans les poumons. Tout avait été avalé par les flammes.

David prononça des mots en rapport avec son bracelet et la résidence sans qu'elle n'y fasse très attention. L'instant d'après, le bras de Perseus entourait sa taille et la conduisait à travers les couloirs du Ministère Français.

-C'est bientôt fini Trésor, je suis là.

Elle attrapa sa main et la serra fort. Elle ne le lâcherait pas. Jamais.

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