LIX. 25 mai 1945 - la vengeance
-Tu es un fou d'autoriser cela !
La voix de Cassiopeia résonnait tellement fort entre les murs du Ministère que plusieurs employés s'arrêtaient par curiosité, cherchant à connaître la raison d'une telle colère.
-Je ne l'ai pas autorisé, je l'ai proposé.
-Mais qu'est-ce qui t'es passé par la tête !
En lisant le journal le matin-même, elle était devenue hystérique. Le retour des Rosiers en Angleterre posait une menace sur leurs épaules. Vinda était morte et rien n'arrêterait Adonis face à sa soif de vengeance. Régulus était un idiot, c'était la seule explication qu'elle avait trouvé à cela.
-Maintenant, si tu veux bien, j'ai du travail, grimaça-t-il en s'assayant face à son bureau.
-Non ! s'exclama-t-elle en frappant la surface d'une main plate. Renvoie-le loin d'ici ! Exile-le ! Tue-le, par Merlin, fais quelque chose !
-Cassiopeia, ma décision est déjà prise.
-Mais as-tu au moins réfléchi aux conséquences de tes actes ! Pendant un an tu m'as cru coupable du plus grand massacre de l'histoire, puis quand tu acceptes le fait que la cause de ces morts n'est personne d'autre qu'Adonis Rosier, tu l'autorises à revenir ici !
-Tu n'as rien à dire sur mes décisions, maintenant, s'il te plaît, tu peux part...
-Il m'a humilié ! s'époumonna-t-elle.
-Je m'en contrefiche ! éclata-t-il en retour.
Son teint avait soudainement rougi de colère. Une veine palpita au dessus de ses sourcils. Cassiopeia recula d'un pas, le souffle coupé. Il s'en contrefichait. Sa dignité était le dernier de ses soucis, tout ce qu'il voulait, c'était maintenir son maudit empire sur pied. Sa logique d'accepter le retour des Rosiers sur son territoire lui échappait, mais peut-être qu'il préparait encore un coup. Régulus ne faisait que cela, de toute façon. Passer des marchés, piéger puis s'élever.
-Aurais-tu oublié, grinça-t-elle, tout ce que leur famille nous a infligé ? Aurais-tu oublié tout ce qu'a souffert Callidora ? Ou même de cela, tu t'en contrefiches ?
-Laisse-moi. Gérer. La situation.
-Tu appelles ça gérer ?
-Que se passe-t-il ici ?
Arcturus venait d'entrer dans la pièce, un regard intrigué porté sur son frère et sa cousine.
-Sors-la d'ici, lui ordonna Régulus. Elle m'agace.
-Oh, moi je t'agace ! Sais-tu ce que tu me fais, à moi ? Tu m'horripiles !
Arcturus saisit ses bras et la tira en arrière, ignorant ses cris de protestations.
-Je te souhaite une chute aussi monumentale que Grindelwald ! cria-t-elle alors qu'elle était traînée vers la sortie. Que la mort te suive sur chacun de tes pas et crois-moi, quand elle t'attrapera, je serai la première à danser de joie le jour de ton enterre...
La porte claqua et Arcturus la poussa sur le côté. Elle tituba sur quelques mètres, s'efforçant de reprendre une respiration normale. Elle aurait pu continuer encore longtemps ses menaces. Régulus n'avait pas semblé y prêter attention, mais elle était sûre qu'au fond, il n'aimait pas entendre ça. Les employés qui s'étaient arrêtés pour regarder reprirent leur chemin sous le regard assassin de Arcturus.
-Tu laisses passer une telle chose ? lâcha-t-elle enfin, lissant les manches de sa veste.
-Il est notre Ministre. Tout ce que tu as à faire, c'est lui obéir.
Elle se demanda combien de chiens avait Régulus pour lui lécher les pieds. David et Lycoris à coup sûr, mais elle devait ajouter Arcturus à la liste.
-Tu es pathétique.
Son visage se ferma. Elle releva fièrement le menton, décidée à ne pas se laisser écraser. Si Adonis osait se présenter face à elle, elle ôterait son bracelet et lui tordrait la cervelle. Avec ou sans l'autorisation de Régulus.
À peine réalisa-t-elle un pas en direction de la sortie qu'il l'appela par son nom. Dans une inspiration profonde, elle se retourna à nouveau pour lui faire face. Il était déchiré entre eux décisions : retourner auprès de Régulus la queue entre les jambes, ou le défier.
-Oui ?
Il serra sa mâchoire, jeta un dernier coup d'oeil à la porte du bureau. Puis, finalement, il glissa sa main sous sa veste et en tira un parchemin. Elle s'en empara, à présent emplie d'une curiosité maladive.
-L'adresse des Rosier, dit-il précipitemment.
Puis il s'enfuit avant qu'elle n'ait pu dire merci.
***
Adonis glissa une main dans le bas du dos de sa femme pour l'attirer contre lui. Avec un sourire, Marianne déposa ses mains sur son torse, contemplant le visage qu'elle n'avait pas revu depuis des mois. La dernière fois qu'ils s'étaient parlés était lors de sa fuite après avoir empoisonné Régulus Black. Il l'avait prise par la main et ne l'avait pas lâchée jusqu'à ce qu'ils aient atteint une maison gardée secrète par des sortilèges. Ce temps semblait bien loin, à présent. Il était revenu d'Autriche avec le corps de sa soeur dans ses bras, mais les funérailles avaient été faits et le poids du chagrin glissait lentement de ses épaules.
-Je ne veux plus que tu partes, murmura-t-elle contre lui.
-Je n'en ai pas pour longtemps. Régulus veut me voir.
Un sourire mesquin étira ses lèvres.
-Il est idiot.
-Qu'il le reste, ça m'arrange.
Elle déposa ses lèvres sur les siennes, goûtant à sa langue, à sa bouche tout entière, s'abandonnant dans ses bras. Il l'emprisonna contre son torse. Sa main en fer se posa sur sa hanche sans qu'elle ne ressentent la froideur du métal fluide. Elle s'y était habituée avec le temps.
-Je t'aime, souffla-t-elle.
Il colla son front contre le sien, laissant leur souffle s'entremêler.
-Moi aussi.
Elle esquissa un sourire et se détacha de son contact. Elle prit son menteau, l'aidant à le revêtir.
-Si nous pouvons réellement retourner vivre ici, ce ne sera plus la peine d'envoyer les enfants à Dumstrang, non ?
-On en parlera plus tard, soupira-t-il.
Adonis préférait Tristan, Gabrielle et Druella à l'école de l'Est. Le directeur leur avait promis protection quoi qu'il arrive sous l'insistance Russe. De plus, l'enseignement en magie noir lui plaisait. Poudlard était trop doux à son goût, et il voulait que son fils et ses nièces suivent la tradition des Rosier et deviennent des sorciers au coeur froid. C'était l'unique moyen pour eux de survivre. Cependant, Marianne n'aimait pas se trouver si loin d'eux. Deux fois ils avaient abordé le sujet, et deux fois cela avait fini en dispute.
-Réfléchis-y, insista-t-elle.
Il l'embrassa une dernière fois puis claqua la porte derrière lui. Seule dans le vestibule, Marianne s'immobilisa, droite dans sa robe de soie, se pinçant la peau des mains. Il allait revenir. Régulus n'oserait pas lui faire du mal, pas en place publique. Et s'il ne réaparaissait pas, elle irait le chercher elle-même.
Rassurée par ses propres pensées, elle retourna dans le salon où elle rangea les papiers qu'Adonis avait sorti. Il n'y eut pas une minute qui passa avant qu'un grand bruit retentisse depuis l'entrée. Elle sursauta, le regard tourné vers l'origine du bruit.
-Adonis ?
Trois Aurors entrèrent dans la pièce, la baguette pointée dans sa direction. Elle se tint à la table pour ne pas tomber à la renverse par la surprise. Sa propre baguette se trouvait dans sa chambre. Maudite soit-elle.
Harfang Londubat surgit de l'ombre du couloir, un éclat de satisfaction animant ses pupilles. Elle laissa échapper un hoquet d'horreur. Face à elle, il joignit ses mains derrière son long menteau beige et l'observa en souriant. Elle savait exactement pourquoi il était venu. En fait, ce n'était pas pour Adonis qu'elle aurait du s'inquiéter, mais pour elle.
-Que voulez-vous ?
Il pencha la tête sur le côté, comme si toute cette situation l'amusait. Probablement.
-Ma femme a été la plus heureuse du monde quand elle a appris votre retour. Plus heureuse encore quand sa cousine lui a rapporté, en guise de cadeau, l'emplacement de cette magnifique résidence.
-Partez, siffla-t-elle. Vous n'avez pas le droit d'être là. Régulus Black nous a...
-Je n'en ai rien à faire de ce qu'a dit ou décidé Régulus Black. Moi, je fais ce que ma femme me dit de faire. Et en l'occurence, ce matin, quand elle était encore dans sa robe de chambre, elle m'a dit "va me chercher cette horreur de Rosier que je lui arrache la peau". Alors me voici !
Il mimait le bonheur avec talent. Marianne déglutit malgré la boule dans la gorge qui l'empêchait de respirer. Un Auror murmura un sort, sa poitrine se bloqua. Elle cligna plusieurs fois des yeux. Sa bouche s'ouvrit sur un cri silencieux.
Puis elle s'effondra.
Ce fut un contact froid qui la réveilla. Une caresse tranchante glissant sur son avant-bras. Un fredonnement tout bas qui l'apaisa involontairement. Marianne ouvrit ses paupières lourdes. Ses poumons se gonflèrent d'air. Ce ne fut pas la lumière du soleil qui l'aveugla mais celle des bougies. Allignées le long des murs, leurs flammes dansaient gaiement dans l'humidité ambiante.
-Enfin réveillée.
Son coeur accéléra sa cadence à l'écoute de la voix. Son regard se posa sur la figure agenouillée face à elle, la langue mouillant ses lèvres étirées en une espèce de plaisir sadique et ses doigts soulevant un couteau qui lui striaient doucement la peau de petites marques rouges. Elle voulut retirer son bras mais des cordes maintenaient ses poignées fixes aux accoudoirs de la chaise. Elle regarda au loin pour y voir Harfang, l'épaule appuyé contre le mur de pierre, affichant un air ravi.
-Callidora, échappa-t-elle avec un soupir douloureux.
-C'est moi très chère. Je t'ai manquée ?
Son affolement dut se lire dans ses yeux parce que Callidora éclata de rire. Par Merlin, elle avait changé. Et elle se demanda si c'était elle qui avait créé ce monstre assoiffé de sang. Oui, c'était elle. La jeune fille soumise à sa famille et perdue dans ses choix s'était convertie en une femme qui se nourrissait de la peur qu'elle inspirait. Elle n'hésiterait pas à planter ce couteau dans sa poitrine, cela, elle en était certaine.
-Non, murmura-t-elle.
-Oh, vraiment ? Parce que moi si. J'ai attendu ton retour avec tellement d'impatience.
Marianne esquissa une grimace gênée. Les cordes étaient ensorcelées. Plus elle sentaient sa crainte, et plus elles refermaient leur emprise. Leur contact brûla sa peau tellement elles étaient serré.
-J'ai une petite surprise pour toi.
Elle se leva, laissant enfin en paix son avant-bras. Mais ce détail ne fut rien face à ce qu'elle lui présenta. Dans le fond se trouvait un coffre. Un coffre dont le couvercle était incessemment poussé par une pression intérieure. De petites traces de fumée noire s'échappaient des jointures. Non. Oh non.
-Contente ? Tu vas pouvoir tester ta propre création.
Ses yeux s'arrondirent, elle tira encore plus sur ses liens qui se resserrèrent. Elle l'avait entendu l'appeler "le monstre". Sur le coup, elle avait été fière de sa créature, sa torture vivante. Entendre ses hurlements à travers le Manoir l'avait satisfaite du plus haut point.
Et Callidora le savait.
-Par pitié, tenta-t-elle, surveillant attentivement le couvercle du coffre.
-Trop facile, sourit-elle. Mon amour ?
Harfang se redressa et sortit sa baguette de sous sa veste. Marianne s'agita. Les battements de son coeur cognaient à coups de marteau dans ses tympans. Elle connaissait dans les moindres détails les caractéristiques de cette créature. Elle ne voulait pas. Non. Adonis la retrouverait. Il la sortirait de là. Et puis, peut-être que la fumée ne s'intéresserait pas à elle.
Londubat pointa sa baguette sur le coffre. Le cliquetis des verrous résonna contre les murs humides. Le couvercle se libéra.
-Non, non, par pitié ! Callidora je t'en supplie, je suis désolée, Cassiopeia venait de me prendre mon mari je devais agir !
-Et moi, qu'ai-je fais pour mériter cela, hein ?
-Tu étais une Black, rien de plus, s'il te plaît ! Je l'ai fait pour retrouver Adonis !
-Tu l'as fait pour ton propre plaisir, admet-le. Ça te faisait du bien de m'entendre te supplier. Maintenant je te comprends. Ça fait terriblement de bien.
Un sanglot lui arracha les mots. Elle se colla contre le dossier de la chaise tandis que les volutes noires de fumée rampaient vers elle. Les cordes serrèrent tellement leur prise qu'elle lui coupèrent la circulation du sang.
-Vous ferez connaissance comme ça, déclara Callidora d'un air gaie.
-S'il te plaît ! Callidora !
La jeune femme esquissa un dernier sourire puis gagna la sortie des sous-sol. Son mari lui emboîta le pas. La fumée s'enroula autour des chevilles de Marianne puis remonta le long de ses jambes, frôlant doucement sa peau.
-Non ! Noooon !
Ses hurlements emplirent le Manoir mais Callidora ne se retourna pas.
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