L. 1 juin 1943 - la stèle

Un grand désolée pour ce retard, avec la rentrée (qui pour moi était jeudi) je n'y ai plus pensé... Pour me faire pardonner, voici deux chapitres pour vous :)
Bonne lecture ❤️

Grindelwald avait accepté de retourner en Angleterre afin de préparer la bataille à venir. Cet imprévu déstabilisait certainement ses plans, mais Régulus avait accepté et il n'y avait plus de marche arrière possible. Cassiopeia lui avait proposé de planifier l'attaque dans le Manoir de son frère. Rester chez Régulus lui donnait la nausée. Rien que se trouver près de lui lui rappelait toutes les horreurs qu'il avait ordonné de comettre, et l'utilisation qu'il avait fait d'elle. Même si Irma lui avait immédiatement fait comprendre qu'elle n'était pas la bienvenue chez elle, Cassiopeia l'avait ignorée de son mieux. Perseus ne donnait toujours pas de signe de vie depuis son retour.

Sur la table de la salle à manger, elle déplia une carte jaunie par le temps du lieu où allait se dérouler la bataille. Les Ardennes en France avaient été choisis pour leurs grandes plaines et leurs forêts, Cassiopeia étudiait donc le relief pour leur donner une chance de gagner. David et ses soeurs se trouvaient déjà là-bas et les avait informés sur leurs positions.

-On fait un peu de géographie ?

Cassiopeia offrit un sourire bref à son frère avant de recentrer son attention sur la carte. Il y avait des forêts non loin où les dragons pouvaient être cachés. Elle devait envoyer avant le lendemain une lettre à Carl pour lui donner des instructions.

Pollux déposa un baiser sur sa tempe et s'assit sur la chaise d'à côté, même si elle ne savait pas très bien ce qu'il pouvait apporter d'utile à l'organisation. ll l'observa étudier la carte, annoter des lieux clés et relire les descriptions de David. Rapidement, elle réussit à faire abstraction de sa présence. Cependant, quand elle réussit enfin à optimiser sa concentration, l'elfe de maison annonça l'entrée de leur invité et Grindelwald apparut dans le salon, flanqué de deux Aurors. Il faisait bien de se protéger. Elle ne se fiait ni des espions russes, ni de Régulus.

-Monsieur, le salua-t-elle en se redressant.

Vêtu de son éternelle cape noir sertie de chaînes d'argent, il hocha doucement la tête avant de dévier son regard sur Pollux. Une lueur d'amusement s'agita dans ses pupilles. Pollux ne s'était même pas dérangé à l'accueillir, se contentant de rester affalé sur sa chaise, un bras posé sur le dossier de la sienne.

-Mon frère, Pollux, présenta-t-elle à Grindelwald, même si vous vous êtes déjà vu auparavant.

-Que très brièvement, sourit-il.

Il ne souligna pas son impolitesse et s'approcha de la table sans lui faire grand cas. Les Aurors demeurèrent à l'entrée, la baguette à la main.

-Voulez-vous quelque chose ? proposa-t-elle, puisque Pollux gardait le silence.

-Ça ira, merci.

Il posa son index sur la carte, analysant les reliefs et les notes qu'elle avait fait.

-David nous a fait parvenir la présence d'un ancien château qui n'est pas sur la carte, expliqua-t-elle en pointant du doigt la croix qu'elle avait faite. Il se trouve juste en face du village, dont la partie moldue a été détruite par la guerre. Je pourrais contrôler les dragons de là.

-Parfait, dit-il simplement.

Ses yeux glissèrent sur les ronds rouges du parchemin.

-Et ça ? Qu'est-ce que c'est ?

-D'autres villages. Les Français sont en train d'évacuer ceux qui sont encore habités. Sans civils, je pourrais déchaîner les dragons sur ces points là, reprit-elle.

L'idée parut lui plaire.

-Si nous gagnons, rien ne pourra plus m'empêcher de briser le Pacte Magique, murmura-t-il.

Sa gorge se noua. Si seulement il savait. Régulus n'avait aucune intention de le laisser faire une telle chose, cela nuirait à son "empire". L'objectif de Grindelwald était de se débarrasser de ses ennemis pour obtenir le contrôle de la Confédération Magique et faire tout ce qui lui plaisait, mais il ne savait pas qu'il possédait plus d'ennemis que prévu. Cette guerre ne se terminerait jamais, bataille ou pas.

-Nous gagnerons, affirma-t-elle.

La victoire n'était pas le problème. C'était après la victoire, le problème. L'elfe de maison les coupa pour annoncer l'arrivée d'une nouvelle personne. Elle espérait que ce ne soit pas Régulus venu lui demander pourquoi elle avait déserté son Manoir si brusquement. S'il osait lui poser cette question, elle l'étranglerait.

À la grande surprise de tous, Perseus débarqua dans le salon. Immédiatement, elle sut que quelque chose n'allait pas. Son regard était éteint, ses cheveux mal coiffés et des cernes noires décoraient le contour de ses yeux. Grindelwald le salua d'un bref hochement de tête.

-Je l'ai fait venir, dit-il simplement.

Cassiopeia voulut s'enquérir sur son état, lui demander où il était passé toutes ces journées mais il ne la regarda même pas. À la place, il dévisageait Pollux avec haine, comme s'il prévoyait de lui écorcher la peau.

-Qu'est-ce qu'il fait là ? cracha-t-il.

-C'est chez moi ici, rétorqua son frère sans empêcher un sourire provocateur.

C'est alors qu'il tourna la tête dans sa direction.

-Je suis passé chez ton cousin, tu n'y étais plus.

Il n'eut pas besoin d'en dire plus. La jalousie l'avait frappé avec force alors même qu'il n'était pas en état pour encaisser une seule chose de plus. À son attitude, elle eut l'impression de l'avoir trahi. Mais qu'aurait-elle pu faire ? Retourner chez son père ? C'était une pure humilliation de retourner vivre chez soi à vingt-cinq ans passé. Pollux aurait été le seul à pouvoir l'accueillir, leur appartement à Londres avait été détruit par les attaques de 1941. Leur quartier n'était que ruines. Et pour ce qui était de son Manoir, Emma était revenue de France et elle ne voulait pas s'imposer dans leur ménage. Elle avait fait assez de dégâts comme ça.

-Un problème, Lestrange ? insista Pollux.

-Je peux te parler ? demanda celui-ci sans dédier la moindre attention à son frère.

-Bien sûr.

Elle le mena jusqu'aux jardins où une douce chaleur régnait. Les buissons étaient en fleur, des papillons sautaient d'une pistille à une autre par des bonds joyeux. Plus loin, le clapotis d'une fontaine imposait le rythme de la nature. Perseus s'approcha d'un rosier et coupa une tige tout en faisant attention de ne pas se piquer. Il la lui tendit. Un sourire niais prit naissance sur les lèvres de Cassiopeia alors qu'elle la saisissait. Son encens titilla ses narines.

-Je suis désolé. Je ne t'ai pas donné de nouvelles depuis des jours.

-Que s'est-il passé ?

Elle fut heureuse qu'il ne l'interroge pas directement sur Pollux.

-Je... je me suis disputé avec Emma, avoua-t-il.

Heureusement qu'elle ne s'était pas réfugiée chez lui, elle serait arrivée au mauvais moment. Perseus était d'un naturel calme et compréhensif, mais la colère emportait beaucoup de sa raison. Elle n'avait jamais eu l'opportunité de le voir dans cet état et ne voulait pas savoir.

-Pourquoi ? demanda-t-elle doucement.

Son regard plongea dans les graviers blancs.

-Elle était enceinte.

Impossible. Cela faisait deux ans qu'il ne l'avait pas vu. Et elle se doutait qu'ils n'aient couchés plus d'une fois après le mariage. Ou pas. En fait, elle n'avait aucune idée de leur relation à part celle qu'ils apparentaient et ne souhaitait pas savoir ce qui se passait quand les portes étaient fermées.

-D'un autre homme ?

-Non. De moi.

Elle eut du mal à avaler la nouvelle. De lui ? Comment ? Pourquoi n'avait-il jamais été au courant ?

-Elle a eu l'enfant sept mois après qu'on soit partis en Autriche, expliqua-t-il, n'osant toujours pas la regarder en face. Elle n'a rien dit, prétextant que j'étais trop occupé avec mes activités d'espion et... et toi.

-Mais où est cet enfant ?

Un nuage passa devant le soleil. Tout devint plus sombre. La couleur des fleurs déclina, les reflets de l'eau de la fontaine s'évanouirent.

-Il est mort.

À ces mots, il ferma les yeux et ses épaules s'affaissèrent. Il était brisé. Cassiopeia ne sut comment lui redonner la force de se relever, alors elle l'attira simplement contre lui, la rose toujours dans la main. Il appuya son front contre son épaule, laissant le chagrin l'emporter. Il savait qu'il pouvait craquer avec elle. Elle ne le jugerait pas, elle savait ce que cela faisait d'avoir le cœur fissuré.

-C'était un petit garçon, étouffa-t-il contre sa robe.

Il s'accrocha désespéremment au tissu de son vêtement, luttant pour garder ses jambes droites. Elle ne dit rien. Il n'y avait rien à dire. La dernière chose qu'elle pouvait lui offrir, c'était sa présence et l'assurance qu'il ne traverserait pas ça seul.

-Je suis là, chuchota-t-elle doucement en caressant ses cheveux.

Elle l'entendit renifler et en eut les larmes aux yeux. Voir un homme pleurer était comme contempler la destruction d'un monde parfait. La faiblesse de la nature humaine ressortait, et tout semblait perdu d'avance. Elle le serra contre lui, fort, si fort qu'il fit presque partie d'elle. Elle était là. Elle ne le lâcherait pas. Peu importe les obstacles qu'ils affronteraient.

Son torse se souleva compulsivement. Il étouffa un cri contre son épaule. Elle le tenait. Elle ne le lâcherait pas.

-Elle m'a envoyé des lettres, continua-t-il, luttant contre le désespoir. Mais les autorités françaises avaient bloqué tous les messages partant... partant pour l'étranger et elle... elle pensait que je l'avais abandonnée...

Deux ans. Emma avait attendu deux ans son retour, pensant qu'il savait. Elle avait enduré la mort de son fils sans son mari à ses côtés, sans personne pour la soutenir. Et pendant tout ce temps, Perseus n'avait pas eu connaissance d'un enfant. De son enfant.

-S'il n'y avait pas eu cette guerre, j'aurais pu le sauver...

-Elle se terminera bientôt, murmura-t-elle.

-Je veux qu'elle n'ait jamais existé.

Ils n'avaient pas vu les morts s'amonceler. Ils ne s'étaient pas rendus compte du manque de communication des pays, ils n'avaient pas réalisé à quel point cette guerre avait détruit des personnes, des familles. Eux les premiers.

-Je suis désolée.

Ils restèrent longtemps enlacés au milieu des fleurs, ignorant le soleil qui leur brûlait la peau. Cassiopeia ne le lâcha pas jusqu'à ce qu'il se détache par sa propre volonté. Ses yeux étaient tout aussi brisés, mais le poids qu'ils portaient en arrivant semblait s'être détaché. Elle lui avait pris une part. Son chagrin était devenu sien.

Par la suite, il ne lui parla pas de Pollux mais lui ordonna de prendre ses affaires de le suivre. Emma n'était pas dans son Manoir. Elle n'eut pas le courage de demander où elle se trouvait. Elle eut la sensation qu'après sa confession, le sujet ne devait plus être abordé.

Mais quand elle fit un détour par le jardin, une pierre verticale attira son attention. Près d'un vieux chêne, plantée entre deux racines se tenait une stèle. Un amas de terre recouvrait la surface de devant. Une tombe. Creusée à la main. Recouverte à la main. Quand elle posa son regard sur le nom, son coeur éclata en morceaux.

THESEUS LESTRANGE
1940 - 1942

***

Le cheval hennit. Les pans de la cape d'Hyades s'envolèrent dans le vent, les différents morceaux de tissus frappant entre eux. Les pupilles bleues de la jeune fille parcoururent le paysage désolé. Des plaines à perte de vue, des villages silencieux formant une tâche grise au loin. Derrière elle, des forêts vierges. Des bruits de sabots retentirent dans son dos. David arriva à sa gauche, Doliona à sa droite. Les trois Duchesses se tenaient devant le futur cimetière de l'Europe.

-Il y a des Russes campés à plusieurs kilomètres, les informa leur frère.

-Et si nous les tuons maintenant ? proposa Doliona.

-Si seulement nous pouvions.

Un long cri aigu s'éleva des grands arbres. Le bruit d'une bête en colère. Aussitôt, une fumée noire fusa dans les airs, perçant l'atmosphère grise. Les dragons. Carl venait tout juste de les emmener. Ils étaient la clé de cette bataille, leur unique chance de vaincre l'immense armée Russe. Ceux-ci n'auraient aucun moyen de ce défendre face à de tels monstres. Surtout quand ils obéissaient sous les ordres d'une Mortemencienne.

-C'est là que nous allons peut-être mourir, réalisa Doliona.

-Allons petite soeur, répliqua David, ne soyons pas si pessimistes.

Mais lui-même ne semblait pas très convaincu. Ces jours-ci, il était sur les nerfs, occupé à tourner en rond dans son bureau ou à signer des documents officiels du Ministère. Elle avait déjà surpris des papiers d'héritage entre les mains des fonctionnaires du Ministères, des papiers portant le sceau de la maison Duchesses. Il préparait sa mort.

-Si tu meures, prononça Hyades, je meure.

-Nous sommes nées ensemble, nous trépasserons ensemble, sourit sa soeur.

Leur frère leur jeta un coup d'oeil inquiet mais ne fit aucun commentaire. Son cheval hennit, se montrant nerveux. Il tira sur les rênes, recula et frappa sur ses flans.

David fuyait la plaine, parce qu'il savait que là-bas, la Mort les attendait déjà.

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