8- "Quel duo de choc on fait, Yerón et moi !" 1/2
"Quel duo de choc on fait, Yerón et moi ! Personne
ne mène l'enquête comme nous !"
Saï Kaneda, méchant flic.
– C'est pour ce soir..., je déteste ces jours-là, gémit Saï, à demi vautrée sur la table qu'elle partageait avec Yerón dans la grande salle commune à l'atmosphère enfumée.
– Comme tout le monde ici, assura patiemment le jeune homme en une conversation cent fois répétée.
– Tu sais ce qui est prévu, cette fois ?
– Non, ils en disent le moins possible, seuls les participants à l'opération sont au courant.
– Je ne comprends pas pourquoi ils persistent, il y aura des représailles ! Il y en a à chaque fois, maintenant, soupira Saï.
– J'ai entendu dire que les Sulnites avaient monté une unité d'élite rien que pour ça. Les Loups de Sulnya. Ses membres sont, paraît-il, cruels et sans merci.
– Je l'ai entendu aussi. Et quand j'y pense, ça me fait peur... Il suffirait d'un traître ici, et on les verrait débarquer pour tous nous passer au fil de l'épée, dit Saï en frissonnant.
– Ne penses pas à ça ! protesta Yerón qui sentit la chair de poule hérisser ses bras. Pourquoi voudrais-tu qu'il y ait un traître parmi nous ?
– On s'est bien fait avoir une fois par Razilda, on serait fou de ne pas se méfier, maintenant ! s'emporta Saï en tapant sur la table. Je te garantis que je ne me laisserai pas berner une deuxième fois !
Le visage de la jeune fille s'illumina soudain.
– J'ai une idée ! Et si on allait interroger tout le monde ici, pour évaluer la loyauté de chacun ?
Yerón haussa un sourcil, surpris.
– De quel droit ferait-on cela ? demanda-t-il.
– Du droit de ne pas avoir envie de mourir pris au piège dans ces grottes, comme des lapins !
– Tu veux aller voir tout le monde et leur faire passer un interrogatoire, alors ? En commençant par le capitaine Johann ?
– Mais non, voyons, pas lui ! C'est évident qu'il est loyal à une cause qu'il a lui-même fondée ! Tout le monde lui fait confiance. Eliz lui fait confiance !
– Eliz faisait confiance à Razilda, rappela Yerón, provocateur.
– Tch, ce n'est pas comparable ! se défendit Saï. Ce qu'il y a entre eux, c'est plus solide. Je dirais même... que c'est plus que de la confiance, non ? Tu n'as pas remarqué ? Ils sont toujours fourrés ensemble. Crois-moi, il y a anguille sous roche.
Saï avait soudain baissé la voix, avec une mine conspiratrice. Yerón eut un petit rire incrédule.
– Tu vas un peu vite en besogne, il me semble. Nous ne savons absolument rien de lui. Si ça se trouve, il n'est peut-être même pas célibataire.
– Qui n'est pas célibataire ? les interrompit une voix intéressée.
La princesse Hermeline se saisit d'une chaise sur laquelle elle s'assit à cheval en face des deux amis.
– Le capitaine Johann, l'informa Yerón, un peu embarrassé d'être pris en flagrant délit de commérage.
– Puisque cela vous intéresse, le capitaine est veuf, leur apprit la princesse. Sa femme est morte lors de la Grande Épidémie, il y a huit ans.
Saï fronça les sourcils mais Yerón devint soudain pensif.
– L'épidémie, oui, je m'en souviens, dit-il alors. Je me rappelle que tout le monde avait peur. Les bateaux étaient mis en quarantaine et il était devenu quasiment impossible d'accéder aux ports. Pourtant sur Pwynyth', nous n'avons eu que très peu de malades.
– Ici, cela a été une grande tragédie, ajouta tristement la princesse. Peu d'entre nous n'ont pas perdu de proches cette année-là. Ma mère... les parents de la capitaine Eliz aussi, me semble-t-il. Cela a été très dur.
Voyant les visages soudains graves de ses compagnons, elle s'empressa d'ajouter :
– Mais ce n'est pas le sujet ! Si je suis venue vous rejoindre c'était pour me changer les idées ! Alors, dites-moi tout. Pourquoi vous interroger sur la situation matrimoniale du capitaine Feuerbach ? Quelqu'un est-il intéressé ? J'espère que ce n'est pas toi, Saï, il est vraiment trop vieux pour toi.
– Pas du tout ! se récria Saï en rougissant. Il ne m'intéresse pas, je pensais plutôt à Eliz.
Hermeline eut une moue dubitative.
– Vraiment ? dit-elle en se tapotant la bouche de ses doigts. Ils se connaissent depuis longtemps, si quelque chose avait dû se passer entre eux, ce serait déjà fait.
Yerón lança un « ah ! » satisfait, indiquant qu'il partageait le point de vue de la princesse.
– La situation actuelle est inédite, elle peut créer des rapprochements inattendus, s'entêta Saï. Vous verrez !
Yerón sourit avec indulgence. Puis son visage reprit brusquement tout son sérieux.
– Mais ce n'était pas le sujet non plus ! s'exclama-t-il. Nous avons complètement dévié ! Saï voulait évaluer la loyauté de tous les résistants présents ici.
L'expression d'Hermeline s'assombrit.
– Tu as des raisons de croire qu'il y a un traître parmi nous ? demanda-t-elle. As-tu des soupçons sur quelqu'un ?
Saï secoua la tête.
– Non, mais ça me semble être la plus élémentaire des prudences que de ne plus faire aveuglément confiance à n'importe qui, dit-elle du ton désabusé de celle qui a vu de près toute la noirceur de l'âme humaine.
Deux jours plus tard, avec la permission du capitaine Johann et munie d'une liste de tous les habitants de la carrière, Saï commença son enquête, secondée par Yerón.
– Bonjour, Monsieur Emil ! lança joyeusement la jeune fille à l'ancien intendant du château qu'ils venaient de coincer dans la réserve de matériel.
Âgé d'une soixantaine d'années, Emil Strauss, alias Grand Hiver, était l'ancien intendant du palais royal. Grand et mince, toujours tiré à quatre épingles même en ces temps difficiles, il regardait les compagnons de la capitaine Drabenaugen s'approcher de lui avec circonspection. Sous ses sourcils broussailleux, son regard était perçant.
– Que puis-je faire pour vous, jeunes gens ? leur demanda-t-il en refermant le couvercle d'une caisse qui semblait pleine d'outils divers.
– Nous aimerions savoir quelles ont été vos motivations pour rejoindre la Résistance, dit Saï d'un ton affecté qui ne lui était pas habituel. S'il vous plaît.
L'homme parut surpris.
– Eh bien, c'est tout simple, vraiment, dit-il. Lorsque j'ai vu les Sulnites s'installer au palais royal après avoir annoncé la mort de Sa Majesté, et se comporter comme s'ils étaient chez eux, je ne l'ai pas supporté.
Emil se redressa de toute sa taille, frémissant d'indignation à ce souvenir.
– Cela faisait plus de vingt ans que je servais les Soltanhart ! J'aurais préféré mourir plutôt que d'obéir à leurs assassins ! Alors je suis parti, avec Gerda, la cuisinière qui était du même avis que moi. Des gardes nous avaient parlé du capitaine Feuerbach et du petit noyau de résistants qui se formaient autour de lui. Alors nous l'avons rejoint pour proposer nos services. Il n'y a pas grand-chose d'autre à raconter.
– Vous avez travaillé plus de vingt ans au palais, répéta Saï. Alors vous devez bien connaître la princesse Hermeline.
Le visage de l'intendant s'adoucit.
– Bien sûr, dit-il avec tendresse. Elle et son frère, je les ai vu naître, et grandir. Cela n'a pas toujours été facile pour eux, surtout à la mort de leur mère. Ils étaient encore si jeunes ! Mais la princesse Hermeline est devenue une jeune femme forte et intelligente, un futur souverain dont nous pourrions être fiers. Quant au prince Hermann, il est sérieux et empreint de son devoir, il sera sans aucun doute un appui sur lequel sa sœur pourra compter. Tous les deux sont notre espoir et notre avenir. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour les protéger.
Saï et Yerón acquiescèrent gravement.
– Ai-je satisfait votre curiosité ? s'enquit l'ancien intendant.
– Oui, merci, nous n'allons pas vous déranger plus longtemps, le remercia Yerón.
Et les deux amis prirent congés.
Gerda, la cuisinière, une petite bonne femme ronde et joviale, mais intransigeante dès qu'elle était aux fourneaux, leur tint à peu près le même discours que l'intendant.
– Jamais je n'aurais nourri ces sauvages de Sulnites ! clama-t-elle en leur brandissant une louche sous le nez. Dans ma famille, on sait ce que c'est que la loyauté ! Et toi, jeune fille, tu vas laisser tomber ton galant et ramener tes fesses dans la cuisine. Le repas de midi ne va pas se faire tout seul !
Après le repas, lorsque Saï fut enfin libérée pour continuer son enquête, elle et Yerón purent constater que les quelques anciens serviteurs du palais qui avaient suivi Emil et Gerda avaient tous à peu près les mêmes arguments. Ils semblaient très attachés à la famille royale et avaient refusé de travailler pour les envahisseurs.
– Nous n'avons eu que des preuves de loyauté de leur part, constata Yerón tandis que Saï ajoutait des commentaires sur sa liste et cochait des noms.
– En apparence, tout au moins, répondit celle-ci prudemment. Peut-être sont-ils de très bons comédiens. Allez, continuons.
Saï et Yerón trouvèrent Jarvis, le jeune palefrenier, attelé à sa tâche aux écuries. Il sursauta lorsque les deux compagnons l'interpellèrent.
– Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce que vous m'voulez ? demanda-t-il nerveusement en tripotant la brosse dont il était en train de se servir.
– Tu m'as l'air bien tendu, aurais-tu quelque chose à te reprocher ? demanda Yerón aimablement.
– Absolument pas ! protesta le jeune homme sur la défensive. J'ai bien le droit de dire ce que je pense, quand même ! C'est pas vous qui allez m'en empêcher !
– Au contraire, dit Saï onctueusement. Ce que tu penses nous intéresse particulièrement. Nous sommes même venus pour t'écouter.
– Écouter quoi ? balbutia le jeune homme décontenancé.
– Ben... ce que tu penses et qu'on n'a pas le droit de t'empêcher de penser, évidemment, répéta la jeune fille.
Jarvis se campa sur ses jambes et mit ses mains sur les hanches, prenant soudain un air provocateur.
– Très bien, puisque vous voulez connaître mon opinion, la voici ! Je pense que c'est une honte que quelqu'un qui a fait preuve de lâcheté en abandonnant ses troupes et en fuyant le combat cherche à devenir notre chef, je ne l'accepterai jamais !
– Hein ? Mais de qui tu parles ? s'étonna Saï, avant que ses yeux ne s'arrondissent soudain sous l'effet de la compréhension.
Sa colère s'enflamma brusquement, balayant toute retenue.
– Retire ce que tu as dit ! hurla-t-elle en bondissant sur lui, poings serrés. Eliz n'est pas lâche ! Elle n'a pas fui ! Elle obéissait aux ordres !
– Du calme Saï, intervint Yerón en la retenant par les épaules.
Sa voix raisonnable fut à peine entendue au milieu des vociférations des deux autres.
– Elle a fui ! tempêta Jarvis sur le même ton. Elle a laissé mon père seul, s'occuper de la défense ! Et il est mort ! Elle l'a sacrifié pour sauver sa vie !
– C'est pas vrai ! Tu n'es qu'un idiot qui répète bêtement ce que disent des gens qui ne comprennent rien !
Saï était écarlate et tendait ses mains en avant comme pour étrangler Jarvis.
– Bon, ça suffit comme ça ! coupa Yerón qui commença à tirer Saï en arrière pour lui faire quitter les lieux.
– Jamais je ne la reconnaîtrai comme chef, jamais je ne lui accorderai ma confiance ! clama encore le jeune palefrenier.
– Parce que tu es à côté de tes chausses, pauvre abruti, hurla encore Saï depuis le seuil de la grotte. Elle n'en a rien à faire d'être chef ! Tu n'as aucune idée de tout ce qu'elle a traversé pour revenir vous aider !
Avec un dernier effort, Yerón sortit la jeune Derujin de l'écurie. L'objet de sa colère soudain hors de sa vue, elle se tut brusquement. Yerón eut néanmoins le plus grand mal à la calmer suffisamment pour qu'ils puissent continuer leurs interrogatoires. Le pwynys prit l'initiative d'interroger les suivants sur leur liste, tous des rescapés des Gardes Saphir et Céruléennes. Leurs avis sur la question de l'hypothétique lâcheté d'Eliz à Schelligen étaient très variés et deux camps se détachaient clairement. Yerón trouva cela inquiétant pour la cohésion du groupe. Il devrait certainement en parler sérieusement au capitaine Johann.
Ce ne fut que lorsqu'arriva le tour de Faucon et d'Orage que Saï se calma complètement. Elle appréciait la bonne humeur du jeune couple et était ravie d'en apprendre plus sur eux. Tous deux faisaient partie de la Garde Azur, la garde la plus nombreuse, celle qui avait en charge le maintien de l'ordre dans la ville de Riven. C'était là qu'ils s'étaient rencontrés et que, après un coup de foudre mutuel, ils filaient le parfait amour depuis deux ans. Leurs motivations étaient les mêmes que la plupart des combattants qui avaient rejoint les rangs de la Résistance. Le refus de se soumettre à l'occupant et l'espoir de libérer leur île. Leur soutien tout acquis à Eliz finit de mettre du baume au cœur de Saï, plus blessée qu'elle aurait cru par les doutes répétés sur le comportement de la capitaine de la Garde Céruléenne au cours de la bataille de Schelligen.
Ils croisèrent leur victime suivante dans l'un des tunnels qui menaient vers l'extérieur, là où l'air commençait à devenir plus frais. Elle s'appelait Jill, c'était une des dernières arrivées et elle revenait de son quart de garde aux abords de la carrière.
– Je... je peux vous aider ? se troubla-t-elle en comprenant que les deux amis la visaient directement.
– Nous voulons juste parler un peu avec toi, faire connaissance, c'est tout, annonça Saï. Savoir pourquoi tu as rejoint la Résistance, par exemple.
Le visage de la jeune femme se crispa.
– Ah... Mon village a été incendié, sur des suspicions de sympathie avec la Résistance. Et c'était vrai que plusieurs d'entre nous vous fournissaient des vivres et des informations. Si je suis là, c'est pour me venger des Sulnites ! Je n'attends qu'une chose, c'est d'être choisie pour une opération et d'en transpercer le plus possible de mes flèches !
Malgré l'air farouche qu'elle arborait, des larmes brillaient dans les yeux de la jeune femme.
– C'est bien pour ça que vous êtes là, vous aussi, non ? demanda-t-elle alors.
– Nous ne sommes pas Rivenz, nous ne cherchons pas la vengeance, expliqua Yerón. Nous avons accompagné Eliz lors de son retour.
– Ah oui, c'est vrai, vous êtes les compagnons de la capitaine Drabenaugen... réalisa Jill.
Sa voix devint distante et elle se mit à tripoter nerveusement une des multiples tresses brunes qui composaient sa coiffure. Saï se tendit.
– Pourquoi ? Toi aussi, tu as un problème avec elle ? demanda-t-elle vivement.
– Non, non, se récria Jill, moi je n'étais pas à Schelligen, mais les gens parlent. Ils disent des choses et ça a l'air vrai. Je ne sais pas vraiment qui croire.
– Eh bien, ne crois pas ceux qui disent qu'elle a fui lâchement. Eliz donnerait sa vie sans hésiter pour son île, rétorqua Saï un peu trop sèchement.
Jill ne sembla pas s'en formaliser, son visage s'éclaira.
– C'est bien vrai ? C'est ce que dit Kaolan aussi, dit-elle, semblant soulagée.
– Kaolan défend Eliz ? s'étonna Saï.
– Oui, bien sûr ! La première fois que je l'ai entendu, j'ai été très surprise. Je ne l'avais jamais entendu parler, je pensais qu'il ne comprenait pas notre langue. Mais vous devez bien le connaître aussi, du coup ! D'où vient-il ? Vous ne le trouvez pas extraordinaire quand il tire à l'arc ?
La conversation avait soudain complètement glissé hors du contrôle de Saï et Yerón. Ils firent de leur mieux pour satisfaire la curiosité de Jill sur leur compagnon homme-félin, mais se rendirent compte qu'ils en savaient bien peu à son sujet. Cependant, la jeune femme était ravie de la moindre bribe d'informations qu'ils lui communiquèrent et ils eurent le plus grand mal à mettre fin à la conversation.
– Tout de même, marmonna Saï quand ils parvinrent enfin à la quitter, c'est un peu malsain cette obsession pour Kaolan... C'est juste une homme-félin, y'a pas de quoi avoir les yeux qui brillent comme ça, chaque fois qu'on mentionne son nom...
Yerón lui jeta un regard amusé, mais n'eut pas le loisir de lui répondre.
Une voix les interpella. Ils se retournèrent pour voir Messire Lancewald se hâter vers eux à grande enjambée.
– Alors, qu'est-ce que j'entends ? leur dit-il d'un ton faussement fâché. Vous interrogez tout le monde ici, et vous n'êtes pas encore venu me voir ?
Le jeune homme souriait de toutes ses dents. Il était vêtu d'une simple tunique et de chausses, assortis d'une bonne paire de bottes. C'était inhabituel. D'ordinaire, il aimait à porter quelques pièces d'armure pour rappeler à tout le monde sa qualité de chevalier autoproclamé.
– Nous allions justement le faire, mentit Saï en faisant disparaître sa liste de noms derrière son dos.
– A la bonne heure ! Venez par ici !
Et il les poussa vers la pièce la plus proche. Anciennement dédiée aux tours de garde, elle était simplement meublée d'un banc et d'une table. Ils y prirent place. Les deux jeunes gens regardèrent le chevalier avec appréhension. Ils avaient déjà une assez bonne idée du personnage et n'avaient nulle envie de s'éterniser en sa compagnie. Beau parleur et sûr de son charme, Lancewald aimait attirer l'attention et ils avaient déjà eu plusieurs fois l'occasion de l'entendre narrer des péripéties (réelles ou imaginaires, ils l'ignoraient) dont il était le héros.
– Alors ? Que voulez-vous savoir ? leur demanda-t-il avec empressement.
– Nous nous demandions ce qui vous a poussé à rejoindre la Résistance, expliqua Yerón simplement.
Le jeune homme parut stupéfait.
– Vraiment ? Vous vous posiez la question ? C'est évident pourtant, non ? Quel homme d'honneur resterait les bras croisés lorsque sa patrie est ainsi menacée ? Un chevalier doit être prêt à verser jusqu'à la dernière goutte de son sang pour son pays, et faire ce qui est juste !
– Mais quel est le rôle exact des chevaliers sur Riven'th ? hasarda Saï. N'y a-t-il pas déjà les différentes Gardes pour protéger ce qui doit l'être ?
La jeune fille avait posé la question qu'il ne fallait pas et Lancewald commença aussitôt à dérouler sa biographie. Cinquième enfant d'une famille de la petite noblesse, il n'avait jamais eu une voie toute tracée devant lui. Aussi, profitant du confort matériel assuré par sa famille, il avait fait sa raison d'être de sa passion pour l'ancienne chevalerie, et s'était proclamé chevalier errant redresseur de tort. La rumeur de ses prouesses sur quelques groupes de brigands avait amené une poignée de jeunes nobles oisifs à suivre ses traces. C'était ainsi qu'il avait été à la base de la renaissance de la chevalerie sur Riven'th. Ce dont il n'était pas peu fier.
Négligemment adossé à la paroi de pierre, le jeune homme fourragea dans ses boucles blondes, attendant visiblement des exclamations d'admiration. Celles-ci furent loin d'être aussi enthousiastes qu'il l'espérait mais il dut s'en contenter. Sentant que son auditoire n'était pas totalement conquis, il se releva, puis il s'inclina élégamment devant Saï.
– Dans tous les cas, si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à me le demander. C'est toujours un plaisir de venir en aide aux belles demoiselles, dit-il avec un sourire charmeur.
Puis il prit congé des deux amis avec un petit signe de main.
– Non, mais quel culot il a ! souffla Saï indignée mais néanmoins écarlate lorsque le chevalier autoproclamé fut hors de vue.
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